Complications des gastrectomies Cours de Chirurgie
Introduction
:
Le nombre des gastrectomies réalisées pour le traitement des cancers
diminue, en raison de la baisse de l’incidence observée des cancers
de l’estomac.
La prise en charge médicale de la pathologie ulcéreuse
et l’éradication d’Helicobacter pylori ont quasiment fait disparaître
les indications de gastrectomie pour complications de la maladie
ulcéreuse dans les pays occidentaux.
L’incidence de la chirurgie
pour ulcère est estimée entre 45 et 60 pour 100 000 habitants dans
les pays occidentaux.
Lorsqu’elles sont pratiquées, les
gastrectomies bénéficient d’une technique rigoureuse et de l’apport
de nouvelles technologies facilitant la réalisation du geste
chirurgical.
Les complications opératoires des gastrectomies peuvent
être liées à des conditions locales défavorables (envahissement
tumoral ou inflammatoire imprévu, séquelles d’interventions
précédentes, cancer) ou à un incident opératoire.
Les complications
postopératoires, en dehors des complications chirurgicales, sont
surtout fonctionnelles.
Moins fréquemment, on peut observer la
survenue d’ulcères ou de cancers.
La prise en charge de ces
complications doit alors être adaptée et rapide pour éviter, par des
manoeuvres inappropriées, une aggravation du problème rencontré.
Accidents peropératoires
:
A -
HÉMORRAGIE PEROPÉRATOIRE :
1- Hémorragies par lâchage de suture vasculaire
:
Une hémorragie peut survenir à l’occasion du simple « lâchage »
d’une suture vasculaire.
Elle est d’abord contrôlée par compression
locale, puis par identification précise du mécanisme lésionnel et du
vaisseau atteint.
Habituellement, la plaie est réparée par suture
élective en utilisant un fil résorbable, non résorbable en cas
d’hémorragie artérielle (type Prolènet 3/0 ou 4/0), ou par
coagulation bipolaire.
Dans tous les cas, on s’assure que la mise en
place de la suture n’est pas responsable de l’oblitération d’un tronc
vasculaire majeur, laquelle implique une réparation artérielle
préservant le flux sanguin.
Ce risque existe en cas de lâchage de la
suture à l’origine de l’artère gastrique gauche.
Le saignement est
responsable d’un hématome diffusant dans les mésos, rendant le
contrôle de l’hémorragie laborieux.
L’application d’un point à
l’aveugle peut prendre l’artère hépatique commune, l’artère
splénique ou le tronc coeliaque.
La palpation de ces pédicules
s’assure de leur perméabilité.
Cette suture hémostatique peut
également inclure la voie biliaire principale, entraînant une
obstruction biliaire.
Une plaie des troncs vasculaires majeurs (artère hépatique, tronc
coeliaque) doit impérativement être réparée par une suture microvasculaire (Prolènet 6/0, 7/0 ou 8/0 selon son diamètre), si
possible sous contrôle de lunettes grossissantes.
Une plaie de l’artère
splénique impose en général une splénectomie de nécessité.
Des saignements mineurs sont facilement contrôlés par une
coagulation monopolaire ou au mieux de façon élective par une
coagulation bipolaire.
Les plaies veineuses sont souvent plus difficiles à contrôler et
imposent la mise en place de suture « en masse » au sein des tissus.
La survenue d’une plaie veineuse lors de la dissection du confluent gastrocolique (tronc de Henlé) est difficile à contrôler.
L’application
à l’aveugle d’une pince hémostatique doit être évitée, afin de ne pas
provoquer de plaie latérale de la veine porte.
La lésion doit être
identifiée avec certitude et la plaie suturée au fil fin (Prolènet 4/0,
5/0 ou 6/0). Lorsque la plaie est contrôlée, il faut aborder la veine
mésentérique et la veine porte pour s’assurer de leur perméabilité.
La prévention de ces lésions passe par une parfaite connaissance de
l’anatomie locale, par la recherche systématique des éléments
vasculaires, et nous recommandons le « doublage » des ligatures
vasculaires par des clips ou des points appuyés en cas de doutes ou
de difficultés de réalisation.
2- Hémorragies parenchymateuses
:
Les manoeuvres de dissection de l’estomac imposent l’écartement
de la rate et du foie.
Ces procédures sont parfois responsables de
plaies parenchymateuses à l’origine de saignements pouvant être
importants.
* Plaies hépatiques
:
Une plaie hépatique est habituellement bénigne.
Elle est traitée par
tamponnement.
En cas d’échec, il est possible d’avoir recours aux
divers procédés d’hémostase des parenchymes solides disponibles :
coagulation à l’argon, coagulation bipolaire, colle biologique et
compresses hémostatiques à base de collagène.
À l’inverse, il faut
s’abstenir d’écarter les berges de la plaie pour chercher à obtenir
une coagulation en profondeur, ce geste risquant d’aggraver la
situation.
* Plaies spléniques
:
Une plaie du parenchyme splénique implique une splénectomie de
nécessité si elle ne peut être contrôlée par tamponnement, au besoin
associé à des compresses hémostatiques et à de la colle biologique.
Le traitement conservateur est réservé à des érosions superficielles
de la capsule splénique.
Il existe dans ce cas un risque significatif
d’hématome sous-capsulaire et de rupture secondaire de la rate.
Le
placement de drains de surveillance est inefficace et la surveillance
échographique ne constitue pas une sécurité satisfaisante dans le
contexte de la période postopératoire immédiate.
Il faut connaître le
risque de dévascularisation du moignon gastrique après
gastrectomie subtotale.
La ligature des vaisseaux spléniques est
responsable de la suppression de la vascularisation de suppléance
de l’estomac.
La totalisation de la gastrectomie s’impose dans ce cas.
3- Hémorragies de la tranche de résection
ou de l’anastomose :
Cette complication est le plus souvent liée à l’importante
vascularisation de la paroi gastrique.
Il est de ce fait impératif de
compléter la section de l’estomac par la réalisation d’un surjet
hémostatique sur la tranche.
Cette complication est également une
particularité des anastomoses mécaniques.
Les pinces de sectionagrafage
linéaire appliquent des agrafes réalisant parfois une
compression insuffisante de la paroi de l’estomac ou de l’intestin
grêle.
Il peut en résulter une hémorragie de la tranche d’anastomose.
Il convient de ce fait de réaliser systématiquement une éversion de
toute suture mécanique par agrafage, afin de s’assurer de la parfaite
hémostase de la tranche d’anastomose et, au besoin, de compléter
l’hémostase par électrocoagulation ou par application d’une suture
hémostatique au fil résorbable 3/0 ou 4/0.
B - LÉSIONS BILIAIRES ET PANCRÉATIQUES
:
Une plaie de la vésicule biliaire ou la ligature de l’artère cystique,
qui est impérative au cours d’un curage du pédicule hépatique, sont
traitées par une cholécystectomie.
La dissection laborieuse du pédicule hépatique ou du premier
duodénum lors de la prise en charge d’ulcères chroniques ou lors
de la réalisation de curages peut être à l’origine de plaies de la voie
biliaire principale ou des canaux pancréatiques.
Une plaie biliaire
peut être constituée par une plaie latérale, une section complète ou
une résection segmentaire de la voie biliaire principale.
La lésion
des canaux pancréatiques peut consister en un arrachement de la
papille ou un arrachement du canal de Santorini.
Souvent, la plaie
est liée à des conditions de dissection difficiles et est ignorée.
Elle
survient lors d’une manoeuvre de mobilisation du duodénopancréas
à l’aveugle, par traction excessive sur des tissus fragilisés par une
tumeur ou par une inflammation locale réactionnelle.
L’opérateur
est alors confronté à une fistule postopératoire, plus grave qu’une
simple désinsertion de la papille, dont l’origine est difficile à mettre
en évidence dans ce contexte.
Pour cette raison, il faut toujours
s’attacher à identifier l’origine de tout suintement souillant le champ
opératoire en fin d’intervention.
Au moindre doute, un test au bleu,
une cholangiographie peropératoire ou une wirsungographie
s’imposent, à la recherche d’une lésion biliaire ou pancréatique.
Test au bleu : le canal cystique est disséqué, et lié au contact de la
vésicule.
Il est cathétérisé, et, après assèchement par une compresse
du champ opératoire, l’opérateur y injecte une solution de bleu de
méthylène dilué à 50 %.
Pendant cette injection, l’opérateur
recherche un écoulement du bleu dans le champ opératoire.
Cholangiographie peropératoire : le canal cystique est disséqué, et lié
au contact de la vésicule.
Il est cathétérisé.
Sous contrôle d’un
amplificateur de brillance, du liquide radio-opaque est lentement
instillé dans les voies biliaires, à la recherche d’un écoulement
anormal, d’un obstacle ou d’une désinsertion de la papille.
1- Traitement d’une plaie de la voie biliaire principale
:
Une plaie latérale et peu importante du cholédoque peut être traitée
par suture directe, faite au fil fin résorbable (5/0), sous couvert d’un
drainage biliaire par le biais d’un drain transcystique.
Une plaie
latérale plus importante, ou exceptionnellement une section
complète d’un cholédoque de bonne qualité, dans un contexte non
inflammatoire et sans perte de substance, peuvent être traitées par
une suture terminoterminale transversale sous couvert d’un drain
tuteur en T (drain de Kehr).
Le drain est alors extériorisé par
un trajet aussi court que possible. Il est conservé pendant une durée
minimale de 15 jours pour une plaie latérale, de 1 à 2 mois pour une
section, et une cholangiographie est effectuée avant son retrait.
Dans
tous les autres cas, il est impératif d’avoir recours à une dérivation biliodigestive, qui est idéalement une suture biliodigestive sur anse
en Y.
2- Traitement d’une désinsertion de la papille
duodénale :
Cet accident survient après une dissection duodénale poussée loin
sur le deuxième duodénum, lorsque la position de la papille a été
mal évaluée.
Pour la réparation, il est possible d’utiliser, comme
pour la voie biliaire, le duodénum ou une anse en Y.
Le principe de
la réparation consiste en la réalisation d’un « ventousage » digestif
sur le moignon distal du pancréas.
Le montage peut utiliser le moignon duodénal. Il est mobilisé plus
en aval pour pouvoir couvrir totalement la tête du pancréas,
englobant la jonction biliopancréatique.
Une suture latéroterminale
est effectuée entre le duodénum libéré et le moignon pancréatique.
Le premier plan de cette suture est réalisé à la face postérieure du
pancréas, le second à sa face antérieure, par des points séparés de fil
résorbable 4/0 ou 5/0.
L’intérêt de l’utilisation du duodénum est de
rétablir un circuit digestif physiologique, pouvant prévenir la
survenue d’ulcères anastomotiques.
Son inconvénient est d’être
réalisée sur un duodénum souvent de mauvaise qualité, parfois ischémié par une dissection prolongée, exposant dans ces conditions
à la fistule pancréatique postopératoire.
Nous préférons l’utilisation d’une anse en Y montée au niveau de la
tête du pancréas.
Une anse en Y est prélevée.
Le duodénum est
libéré de ses attaches pancréatiques et est refermé par une suture
longitudinale ou transversale en fonction de l’état local.
L’anse
montée est ouverte au contact du moignon pancréatique sur sa face
latérale, et un ventousage utilisant des points séparés est effectué
entre le bord latéral de l’anse montée et le moignon pancréatique.
Cette solution a comme inconvénient d’exposer à un ulcère
peptique.
Ce risque est prévenu par une vagotomie concomitante
ou par un traitement médical adapté. Son avantage est d’utiliser une
anse grêle de bonne qualité et cette anastomose est toujours
réalisable.
L’anastomose au pied de l’anse est effectuée à 60 cm en
aval de la suture pancréatique.
Dans tous les cas de figure de lésions biliopancréatiques, il convient
de court-circuiter la zone lésée par une dérivation du circuit digestif.
Ceci est réalisé par une antrectomie ou par une exclusion duodénale,
temporaire ou définitive.
Le rétablissement de la continuité digestive
se fait par une gastrojéjunostomie.
Le moignon duodénal est soit
refermé avec un drainage à son contact s’il est de qualité
satisfaisante, soit drainé en fistule dirigée s’il est de mauvaise
qualité.
C - NÉCROSES DIGESTIVES
:
1- Nécrose gastrique après gastrectomie subtotale
pour cancer :
Cet accident peu fréquent se rencontre après réalisation d’une
gastrectomie des deux tiers ou des quatre cinquièmes.
Il est dû à la
ligature simultanée du tronc de l’artère gastrique gauche, puis de la
plupart des vaisseaux courts, voire de l’artère cardiotubérositaire
rejoignant la partie haute de la grande courbure à partir de l’artère
splénique.
Cette dévascularisation peut également être la
conséquence d’une splénectomie « de nécessité ».
La vascularisation
de suppléance est alors insuffisante et provoque une nécrose du
moignon gastrique restant.
Le diagnostic en est toutefois aisé au
cours de l’intervention, l’aspect de l’estomac prêtant rarement à
confusion.
Le geste à réaliser est une totalisation de la gastrectomie,
avec rétablissement de la continuité par une anse montée en Y selon
Roux avec anastomose oesojéjunale.
2- Nécrose du côlon transverse
:
Elle est due à la ligature accidentelle ou de nécessité de l’artère
colique moyenne, chez un patient qui a une mauvaise suppléance
artérielle par absence de l’arcade bordante (arcade de Riolan).
Elle se manifeste par une pâleur segmentaire et un spasme colique.
L’exploration de la vascularisation colique confirme rapidement
l’absence de suppléance vasculaire.
Le traitement consiste en la
résection du segment colique ischémié, avec rétablissement
immédiat de la continuité digestive par une anastomose colocolique.
3- Nécrose de l’anse grêle montée
:
La nécrose d’une anse montée en Y peut s’observer chez certains
patients.
Son diagnostic est habituellement immédiat, marqué par
l’aspect atone et pâle du segment intestinal.
Elle nécessite le sacrifice
de la zone nécrosée et l’utilisation du grêle d’aval pour la réalisation
d’une nouvelle anse en Y.
Complications postopératoires
précoces
:
Les complications postopératoires précoces après gastrectomie
surviennent dans la période périopératoire allant jusqu’aux
trentième ou soixantième jours postopératoires, selon les auteurs.
Elles touchent de 10 à 30 % des patients.
Rarement anodines,
elles sont responsables d’hospitalisations prolongées, d’une
importante mortalité postopératoire et d’un surcoût.
Elles sont
dominées par les hémorragies, les fistules et les abcès
postopératoires.
Une meilleure connaissance de la
physiopathologie de ces lésions, la gravité des reprises chirurgicales
et les possibilités de l’imagerie et de la radiologie interventionnelles
ont profondément modifié leur prise en charge.
Si leur traitement
est devenu souvent conservateur, il faut toutefois savoir ne pas
manquer le moment où un geste chirurgical simple permet de régler
rapidement des problèmes aigus.
Les pancréatites postopératoires,
les troubles du transit et les écoulements lymphatiques abondants
peuvent également compliquer la chirurgie de l’estomac.
1- Hémorragies intrapéritonéales
:
Une hémorragie peut survenir à l’occasion du simple « lâchage »
tardif d’une suture vasculaire, parfois par la récidive d’une
hémorragie d’un ulcère duodénal ou par rupture en deux temps
d’une décapsulation splénique.
Le diagnostic en est parfois difficile.
Les drains ne sont qu’une fausse sécurité et souvent ne ramènent
pas un sang qui coagule rapidement.
Il faut alors s’attacher à
reconnaître très vite les signes indirects de l’hémorragie, marqués
par une anémie biologique, une chute tensionnelle ou un
météorisme abdominal accompagné de douleurs.
Précoce, une hémorragie impose une reprise chirurgicale.
Celle-ci
permet d’identifier la cause du saignement, d’en réaliser le
traitement étiologique (reprise de ligature, splénectomie) et de
réaliser un décaillotage complet de l’abdomen.
Des hémorragies peuvent toutefois survenir plus tardivement,
5 jours, voire 10 à 12 jours après le geste opératoire.
Les adhérences
postopératoires précoces évitent parfois une diffusion de
l’hémorragie dans l’ensemble de l’abdomen.
Il est alors préférable
de réaliser dans un premier temps une artériographie qui confirme
la localisation de l’hémorragie et peut éventuellement la traiter par
une embolisation sélective des artères en cause.
2- Hémorragies digestives
:
Les hémorragies digestives après gastrectomie surviennent dans 1 à
2,5 % des cas.
Elles sont le plus souvent dues à la récidive d’un
ulcère ou à une hémorragie sur le moignon gastrique.
La récidive hémorragique, complication classique du traitement de
l’ulcère hémorragique, peut survenir à tout moment au cours de la
période postopératoire.
Le plus souvent, elle impose une reprise
chirurgicale, habituellement réalisable.
Elle est plus rare depuis
l’avènement des thérapeutiques efficaces de la maladie ulcéreuse.
Il
est démontré que l’éradication d’Helicobacter pylori diminue
significativement les risques de récidive hémorragique de l’ulcère
duodénal.
Une récidive hémorragique implique dans un premier
temps la mise en oeuvre d’un traitement médical comprenant une
aspiration nasogastrique, l’administration d’inhibiteurs de la pompe
à protons par voie intraveineuse et une correction de la volémie.
En
cas de persistance ou d’aggravation de l’hémorragie, il faut réintervenir afin de contrôler chirurgicalement de façon plus efficace
l’artère gastroduodénale.
Dans les cas exceptionnels où la réintervention présente un risque majeur ou n’est pas possible, on
peut tenter un contrôle de l’hémorragie par voie endoscopique, qui
a l’inconvénient d’exposer à un risque de fistule digestive, ou par
une embolisation artérielle, qui expose au risque majeur de nécrose
d’un segment digestif dans ce contexte.
Le contrôle de l’hémorragie
par voie endoscopique est effectué à l’aide d’injections locales
d’adrénaline ou de colle (colle biologique ou cyanoacrylates).
Le
contrôle de l’hémorragie par un geste de radiologie interventionnelle
implique une embolisation sélective de l’artère gastroduodénale en
sus- et en sous-duodénal.
L’hémostase temporaire permet au
traitement médical d’agir et évite une intervention en urgence chez
un malade instable.
Cette approche reste exclue en période
postopératoire immédiate, en raison du risque de lésion des
anastomoses digestives.
La seconde étiologie des hémorragies digestives postopératoires est
un saignement sur une des tranches de section de l’estomac ou
parfois sur l’anastomose digestive.
L’hémorragie peut être précoce
et survenir dans les premières heures suivant le geste chirurgical.
Elle peut être plus tardive, due à une chute d’escarre survenant entre
les septième et dixième jours postopératoires.
Elle n’est pas
spécifique du type d’anastomose réalisée (manuelle ou mécanique).
Elle est diagnostiquée par l’apparition d’un méléna ou par
l’aspiration de sang rouge par la sonde nasogastrique chez un
malade gastrectomisé.
Le traitement est dans un premier temps
conservateur avec maintien d’une aspiration gastrique et
réanimation hydroélectrolytique.
Cette hémorragie reste le plus
souvent modérée et ne nécessite pas de geste chirurgical.
Un geste
endoscopique n’est pas indiqué en période postopératoire précoce,
l’insufflation requise pour effectuer l’exploration risquant d’entraîner
une désunion anastomotique.
En cas de persistance ou d’aggravation, une hémorragie sur tranche
de section gastrique doit être contrôlée par voie chirurgicale.
Le
geste consiste en une reprise de l’incision chirurgicale.
La face
antérieure de l’estomac est exposée.
Une gastrotomie verticale est
réalisée au-dessus de l’anastomose.
L’estomac est décaillotté et lavé.
Un surjet hémostatique est mis en place sur la zone hémorragique.
Il est conseillé à ce moment de doubler l’ensemble de l’anastomose
par un surjet.
L’estomac est ensuite refermé en double plan et
drainé.
Exceptionnellement, une hémorragie peut être due à l’apparition
précoce d’un ulcère peptique anastomotique.
Le traitement en est
médical, avant d’envisager une dégastrogastrectomie en cas de
résistance au traitement médical.
A - FISTULES DIGESTIVES
:
1- Facteurs de risque des fistules digestives
:
La principale étiologie des fistules digestives est la désunion
anastomotique.
Rare pour les anastomoses gastrojéjunales, elle est
plus fréquente pour les anastomoses oesojéjunales (4 %) ou sur les
fermetures du moignon duodénal (0,1 à 2 %).
Une faute
technique peut avoir diverses origines qui sont : la réalisation d’une
anastomose en tension, l’existence d’une vascularisation insuffisante
ou une mauvaise préparation des berges anastomotiques.
Il peut
s’agir du résultat d’une agression viscérale peropératoire telle
qu’une dépéritonisation ou une dilacération musculaire.
Certains facteurs favorisent la survenue d’une fistule postopératoire :
le plus fréquent est la réalisation d’une anastomose sur un tube
digestif pathologique.
Les fistules postopératoires surviennent
volontiers dans un contexte de réintervention et donc d’adhérences
cicatricielles, sur maladies inflammatoires de l’intestin, sur affections
tumorales ou sur lésions radiques.
L’infection péritonéale et la
distension intestinale par une occlusion altèrent la qualité de la
cicatrisation.
Enfin, l’état général et les tares associées, telles que
l’âge, la dénutrition, l’hypoprotéinémie, l’hypovitaminose C,
l’anémie, les pathologies vasculaires, certains médicaments comme
les corticoïdes, sont autant de raisons fréquemment invoquées,
même si elles sont rarement démontrées.
2- Clinique des fistules digestives
:
La fistule digestive se définit par l’écoulement de liquide digestif
hors du tube digestif.
Elle peut concerner du liquide « intestinal »,
de la bile ou du suc pancréatique.
Les fistules digestives sont
caractérisées par le débit fistuleux, par la toxicité du produit
fistuleux et par sa septicité.
Le débit de la fistule a une valeur
pronostique certaine.
Un débit important entraîne une déperdition
majeure en liquides, électrolytes, protéines, vitamines, lipides, qui
contribue à l’altération de l’état général du patient.
À ces facteurs
s’ajoutent une maldigestion par défaut en enzymes pancréatiques,
une malabsorption et une anorexie.
Le produit fistuleux est septique,
ce qui accroît son caractère délétère et augmente les besoins
énergétiques du patient, aggravant de ce fait la dénutrition par
malabsorption.
3- Bilan des fistules digestives
:
La gravité d’une fistule dépend de son évolution clinique.
Une fuite
minime, colmatée au plus près de l’organe, reste souvent
asymptomatique.
L’anastomose peut parfois évoluer vers une
sténose secondaire.
La fistule est le plus souvent mise en évidence
par des examens complémentaires (transit ou lavement opaques,
tomodensitométrie).
Une fuite peut être cloisonnée par une
réaction inflammatoire réactionnelle locale (péritoine ou organes de
voisinage).
Dans ce cas, le contenu intestinal se draine vers la peau,
cas le plus fréquent, ou vers un autre viscère.
Il constitue une fistule
postopératoire, interne ou externe.
Le taux de fistule observé en
chirurgie gastrique est de 4 % pour les sutures oesophagiennes intrathoraciques et de 2,7 % pour les sutures gastriques. Enfin, une
fuite abondante et précoce aboutit à la constitution d’une péritonite
généralisée ou multifocale.
Cette péritonite postopératoire précoce
constitue une véritable catastrophe, responsable à ce jour d’une
mortalité globale de 50 %.
Les fistules sont mises en évidence par la surveillance clinique des
drainages, éventuellement complétée par des examens d’imagerie :
échographie pour mettre en évidence un abcès, transit oesogastrique
aux hydrosolubles pour visualiser un trajet fistuleux, épreuve au
bleu de méthylène.
À terme, le bon sens détermine le plus souvent
l’urgence d’un geste de réintervention.
4- Traitement des fistules digestives
:
* Traitement médical des fistules digestives
:
Les fistules correctement et totalement drainées, qui ne
s’accompagnent pas d’un retentissement clinique ou septique
important, peuvent être traitées par une simple prolongation de la
durée du drainage.
De nombreux produits et techniques ont été proposés pour tenter
de favoriser le tarissement et la cicatrisation des fistules.
Aucun
produit n’a, à ce jour, fait la preuve de son efficacité.
Seule
l’administration de somatostatine (6 mg/j par voie intraveineuse
continue) accompagnée d’une mise au repos totale du tube digestif
(aspiration nasogastrique, alimentation parentérale totale) peut
significativement tarir les sécrétions digestives, entraînant une
fermeture précoce de la fistule.
Il faut noter que ce traitement
n’augmente pas le taux de guérison des fistules.
Ce traitement est
complété par une antibiothérapie à large spectre.
Enfin, la paroi autour de l’orifice fistuleux fait l’objet de tous les soins.
Un
appareillage rigoureux, protégeant la surface cutanée de l’action
délétère des sucs digestifs, est réalisé.
On utilise de la pâte de karaya,
avec un appareillage des poches au plus près des orifices.
* Traitement chirurgical des fistules digestives
:
La reprise chirurgicale d’une fistule digestive, quelle que soit sa
localisation, reste toujours un exercice périlleux.
L’opérateur se
trouve confronté à une situation difficile.
Les tissus sont fragiles au
cours de la phase précoce de la cicatrisation, avec des adhérences
diffuses et une infection localisée rendant toute suture illusoire.
Le
risque d’aggraver les lésions est réel, avec parfois la nécessité de
totaliser une résection dans des conditions dramatiques.
Le plus
souvent, l’objectif est de réaliser un geste de sauvetage.
Il a pour but
de limiter les gestes réalisés en effectuant un drainage externe de
toutes les fuites et une exclusion temporaire ou définitive des
segments digestifs pathologiques.
* Traitement d’une fistule sur moignon duodénal
:
Il s’agit d’une fistule latérale ou terminale sur un duodénum exclu.
Il est « urgent d’attendre » : si la vidange intestinale est correcte en
aval, la fistule va se tarir spontanément en 1 à 3 semaines.
Si la
fistule ne se referme pas dans des délais normaux, il faut réintervenir.
L’intervention est menée par laparotomie médiane
itérative si la peau est en bon état ou par une incision sous-costale
ou pararectale droite si ce n’est pas le cas.
La révision abdominale
doit être complète : il faut s’assurer de l’absence de cause mécanique
à cette fistule (occlusion du grêle passée inaperçue, bride de la
première anse ou incarcération dans une brèche mésocolique).
Ensuite, il faut réaborder la région duodénale et disséquer le
moignon.
Si la brèche est minime, on peut tenter une nouvelle
suture.
S’il s’agit d’un lâchage complet du moignon duodénal, il faut
réaliser une « fistulisation dirigée » par un drainage au contact
, une duodénostomie sur sonde de Foley ou de Pezzer ou, au
stade chronique de la fistule, une duodénojéjunostomie sur anse en
Y qui réalise un « patch ouvert ».
La jéjunostomie d’alimentation
représente, dans ce cas de figure, un complément très utile.
* Traitement d’une désunion ou d’une fistule sur une anastomose gastroduodénale
:
La réintervention est immédiate si la fistule n’est pas extériorisée ou
paraît mal drainée : il s’agit d’une péritonite et la reprise ne se
discute pas.
Si la fistule s’est extériorisée progressivement sans
signes généraux, l’intervention est décidée en cas d’échec du
traitement médical.
La reprise est toutefois rapide, car il s’agit d’une
fistule en prise directe sur le circuit digestif, entraînant une
déperdition hydroélectrolytique majeure et des lésions cutanées
extensives.
La réintervention consiste en une révision abdominale
systématique, suivie le plus souvent du démontage de l’anastomose
déhiscente, d’une fermeture du moignon duodénal, d’une
gastrectomie itérative la plus économique possible et d’une
anastomose gastrojéjunale en tissus sains.
La suture simple
de la zone désunie est à proscrire, car elle expose à la récidive
fistuleuse rapide, la suture n’ayant pas plus de chances de cicatriser
que la première fois…
Cette attitude n’est envisageable que devant
une fuite minime, si la reprise est effectuée rapidement (moins de
24 heures), sur un malade non infecté.
On a intérêt à protéger la
suture par une gastrostomie de décharge ; la jéjunostomie
d’alimentation apparaît essentielle pour accélérer la cicatrisation.
* Traitement d’une désunion ou d’une fistule sur une anastomose gastrojéjunale
:
Cette fistule est exceptionnelle.
Comme dans le cas précédent, le
lâchage postopératoire précoce et bruyant impose une reprise
d’urgence pour traiter la péritonite.
Devant une fistule chronicisée, il faut retarder le plus possible
l’heure chirurgicale en mettant en oeuvre tous les moyens médicaux
possibles.
En effet, la reprise chirurgicale débouche souvent sur une dégastrogastrectomie difficile dans des tissus infectés, sur un
estomac déjà réduit des deux tiers.
La nouvelle anastomose gastrojéjunale doit être faite sur une collerette de grosse tubérosité.
Elle est difficile, de mauvaise qualité et parfois irréalisable.
Il vaut
mieux réaliser d’emblée une totalisation de la gastrectomie, avec une
anastomose oesojéjunale sur anse montée en Y « à la Roux ».
La fistule peut siéger sur la queue de la raquette après une
intervention selon Finsterer et doit être traitée médicalement,
souvent avec succès (aspiration gastrique ; nutrition parentérale
exclusive pendant quelques jours).
* Traitement d’une fistule biliaire par plaie ignorée de la voie biliaire
principale
:
Cette complication est grave car souvent associée à un état septique
sévère.
Le traitement chirurgical est difficile, nécessitant une
anastomose biliodigestive sur une voie biliaire fine. En milieu
infecté, nous préconisons la réalisation en urgence d’une fistule
biliaire dirigée externe.
La réparation de cette fistule biliaire sera
effectuée à distance par une cholédocojéjunostomie sur une anse
en Y.
* Traitement d’une désinsertion papillaire ignorée
:
C’est hélas souvent un tableau de pancréatite suraiguë et gravissime
qui s’installe, avec écoulement biliopancréatique par les drains
(dosage des amylases du liquide).
Le traitement chirurgical est
complexe et aléatoire : le ventousage de la papille par une anse en Y
montée comme nous l’avons décrit plus haut est logique, mais
parfois irréalisable : une pancréatectomie plus ou moins étendue
peut devenir la seule solution.
Le pronostic est très sombre.
* Traitement d’une fistule ou d’une désunion après gastrectomie
totale
:
Si l’anastomose est sous-diaphragmatique, une fistulisation dirigée
associée à une jéjunostomie d’alimentation peut suffire.
L’exclusion
oesophagienne est à réserver aux grandes désunions dans l’attente
d’une coloplastie secondaire.
Si l’anastomose est sus-diaphragmatique, le drainage thoracique
large avec ou sans thoracotomie est le premier temps du traitement.
Si l’évolution n’est pas favorable, l’exclusion bipolaire de l’oesophage
peut devenir le seul recours.
Il ne faut pas hésiter à réaliser
cette procédure, qui peut sauver le patient lorsqu’elle est réalisée
précocement, avant l’installation d’une médiastinite gravissime.
Dans tous les cas de fistules postopératoires, il est associé au
drainage une alimentation hypercalorique par voie entérale si une
jéjunostomie d’alimentation a été mise en place ou le cas échéant
une alimentation parentérale, ainsi qu’une antibiothérapie à large
spectre s’il existe des signes de sepsis.
B - ABCÈS POSTOPÉRATOIRE
:
Un abcès postopératoire est suspecté de principe devant l’apparition
d’une fièvre au décours de la réalisation d’une suture digestive.
Les
moyens d’imagerie moderne, le recours facile au scanner, permettent
d’identifier rapidement les abcès.
Ceux-ci sont si possible
ponctionnés et drainés sous contrôle radiologique.
C - PÉRITONITE AIGUË POSTOPÉRATOIRE
:
Une désunion anastomotique importante, responsable précocement
d’un tableau clinique bruyant, impose une reprise chirurgicale.
L’objectif est alors un geste de sauvetage.
D - PANCRÉATITES POSTOPÉRATOIRES
:
Elles sont souvent déclenchées par un traumatisme peropératoire
du pancréas, qu’il s’agisse de lésions méconnues des canaux
pancréatiques (en particulier de l’effraction du canal de Santorini)
ou de blessures des vaisseaux pancréatiques avec nécrose
pancréatique localisée.
Mais l’obstruction aiguë de l’anse afférente
et le reflux dans le canal de Wirsung qu’elle provoque peuvent
également déclencher une poussée aiguë de pancréatite, volontiers
suppurée et nécrosante.
Le traitement est celui de la pancréatite aiguë.
Le pronostic est
sombre.
E - ÉCOULEMENTS LYMPHATIQUES
:
Les curages lymphatiques étendus, tels qu’ils sont réalisés dans les
gastrectomies D2 ou D3, sont souvent à l’origine d’écoulements
prolongés.
Une fistule pancréatique est éliminée par le dosage des
amylases dans le liquide de drainage.
Le traitement consiste en un
drainage prolongé de l’écoulement.
F - ISCHÉMIES POSTOPÉRATOIRES
:
Les lésions ischémiques postopératoires sont exceptionnelles mais
graves.
Elles impliquent toujours une reprise chirurgicale dans des
conditions difficiles.
L’organe nécrosé doit être réséqué et son
remplacement par un élément anatomique de substitution envisagé
dans des conditions opératoires défavorables, chez un malade en
mauvais état général.
Leur pronostic est redoutable.
De ce fait, seul
un geste de sauvetage avec résection des éléments nécrosés sans
reconstruction immédiate doit être effectué en urgence.
La meilleure
prévention des ischémies postopératoires est l’abstention de tout
montage ou résection excessive sans test de clampage peropératoire.
Il faut aussi s’assurer de la viabilité du segment digestif suturé, en
évitant tant le serrage ischémique d’une suture qu’une dissection
excessive des pédicules vasculaires.
1- Nécrose duodénale
:
Elle peut survenir après une dissection excessive du moignon
duodénal ou parfois après ligature sus- et sous-duodénale de l’artère
gastroduodénale.
Proximale et limitée, elle est responsable d’une
fistule duodénale.
Bien drainée, elle peut être traitée de façon
conservatrice, avec un drainage prolongé.
En cas de reprise
chirurgicale, la partie proximale du moignon duodénal est réséquée,
puis drainée en fistule dirigée.
Une exceptionnelle nécrose étendue
du duodénum qui survient sur un terrain débilité (patient
présentant une insuffisance vasculaire) impose une duodénectomie
avec réimplantation de la papille ou une duodénopancréatectomie
céphalique de sauvetage.
Le pronostic est sombre.
2- Nécroses gastrique, colique ou grêle
:
Ces complications sont dues aux ligatures des artères gastriques
gauches et de la plupart des vaisseaux courts pour l’estomac, des
artères coliques de suppléance en l’absence de l’arcade bordante
pour le côlon ou des pédicules vascularisant l’anse montée pour
l’intestin grêle.
Si le diagnostic en est toutefois souvent réalisé au
cours de l’intervention, il peut être retardé et mis en
évidence tardivement, en particulier chez un malade nécessitant une
réanimation difficile impliquant l’utilisation de drogues vasopressives au cours de la période postopératoire.
Elles se
manifestent par des douleurs abdominales et un état de choc,
rapidement complétés par une fistule digestive par lâchage des
anastomoses des segments en cause.
Elles impliquent une reprise
chirurgicale urgente avec réalisation d’une nouvelle anastomose ou
le plus souvent un drainage de sauvetage.
Troubles fonctionnels
:
A - TROUBLES DU TRANSIT
:
Les vomissements postopératoires précoces sont fréquents et bénins.
Ils sont liés à un oedème de l’anastomose et sont traités par le
maintien d’une aspiration digestive pendant quelques jours.
Les troubles tardifs de la vidange gastrique sont plus rares.
Ils sont
explorés par une scintigraphie gastrique.
Dans certains cas, ils
peuvent être liés à la vagotomie associée à l’antrectomie lors du
traitement d’un ulcère.
Les vomissements tardifs peuvent avoir
de nombreuses étiologies.
Certaines sont chirurgicales, d’autres
uniquement médicales.
Dans ce cas, de nombreux auteurs ont
proposé différents produits pour améliorer le transit et l’évacuation
gastrique : ce sont les agents prokinétiques (métoclopramide,
cisapride, renzapride) ou l’érythromycine pour son effet agoniste de
la motiline.
Aucun n’a confirmé son efficacité.
Une dégastrogastrectomie avec anastomose oesojéjunale n’améliore que
deux tiers des patients, confirmant l’origine non mécanique de ces
troubles.
Les causes « chirurgicales » de troubles du transit sont
détaillées ci-après.
B - STÉNOSES ANASTOMOTIQUES
:
Les sténoses anastomotiques après gastrectomie sont peu fréquentes.
Au cours de la période postopératoire précoce, on peut observer,
après gastrectomie partielle, des sténoses anastomotiques modérées
liées à un oedème opératoire.
Elles peuvent être mises en évidence
par la réalisation d’un transit opaque aux hydrosolubles.
Elles se
traitent par une aspiration digestive de quelques jours et cèdent
spontanément.
Après gastrectomie totale, les sténoses sont peu fréquentes,
habituellement inférieures à 1 %, et quasi inexistantes lorsque le
diamètre des anastomoses effectuées à l’aide d’une pince mécanique
est supérieur à 28 mm.
Ces sténoses, qui sont présentes pendant
les 3 premiers mois, s’amendent spontanément dans la majorité des
cas.
Le diagnostic, porté par la clinique, nécessite d’abord la
réalisation d’une dilatation endoscopique, à même de venir à bout
des sténoses peu symptomatiques.
Les reprises chirurgicales pour
réfection de l’anastomose sont exceptionnelles.
C - TROUBLES DU TRANSIT APRÈS ANASTOMOSE GASTROJÉJUNALE (POLYA/FINSTERER)
:
1- Obstruction aiguë de l’anse afférente
:
L’anse afférente comprend le duodénum et le segment jéjunal allant
du duodénum à l’anastomose gastrique.
L’obstruction de cette anse,
par laquelle s’écoulent toutes les sécrétions biliaires et pancréatiques,
aboutit rapidement à une gêne fonctionnelle importante.
L’obstruction survient parce que l’anse est trop courte et qu’elle est
étirée sur le chevalet colique après un montage précolique, ou parce
qu’elle est trop longue et qu’elle se volvule au remplissage.
Cliniquement, on peut palper une masse dans l’hypocondre droit.
On observe un tableau d’occlusion haute avec vomissements non
bilieux.
À la radiographie abdominale sans préparation, on constate
un seul niveau liquide.
La distension de l’anse peut être responsable
d’une fistule anastomotique ou d’une nécrose de l’anse.
Le
traitement consiste en une dérivation de l’anse sténosée par une
anastomose latérolatérale au pied de l’anse ou en la réduction
et la fixation de l’anse volvulée.
Le suc biliopancréatique ne circulant
plus au contact de l’anastomose gastrojéjunale, il faut essayer de
prévenir l’apparition d’un ulcère peptique en réalisant une
vagotomie complémentaire.
2- Obstructions chroniques
:
Elles réalisent ce qui a été dénommé le « syndrome de l’anse
afférente ».
Ce syndrome est en rapport avec une gêne à l’évacuation
des liquides biliopancréatiques, entraînant une distension
duodénale.
La gêne à l’évacuation de l’anse afférente a de
nombreuses causes, souvent mécaniques, parfois fonctionnelles :
angulation d’une anse courte ; torsion de l’anse afférente ;
adhérence ; coudure par le mésocôlon transverse ; invagination de
l’anse afférente dans la bouche anastomotique.
Le signe caractéristique est marqué par des vomissements qui
surviennent 10 à 20 minutes après le repas.
Le malade ressent une
gêne abdominale avec état nauséeux qui peut durer de quelques
minutes à une heure.
Le soulagement est obtenu par un
vomissement de nourriture et de bile.
Ce tableau évocateur se
reproduit au repas suivant, après une période d’accalmie complète.
Le transit ou le scanner montrent une anse afférente distendue ; le
tubage met en évidence l’apparition très retardée de bile dans l’anse
efférente.
Le traitement du syndrome de l’anse afférente n’est pas univoque.
Il
existe parfois une cause évidente : une adhérence à supprimer, une
anse trop longue à raccourcir.
Certains ont proposé une dérivation
de l’anse afférente par duodénojéjunostomie, mais un tel montage
favorise l’apparition d’un ulcère peptique.
3- Syndrome de l’anse borgne
:
On peut rattacher aux syndromes obstructifs de l’anse afférente le
syndrome de l’anse borgne.
Cette complication est difficile à reconnaître, car l’intervalle entre la
gastrectomie et son apparition peut être long et les symptômes subits non spécifiques.
Le tableau clinique comprend une anémie,
une stéatorrhée ou une diarrhée, souvent des signes de malnutrition.
Une gêne abdominale, des vomissements, sont rares.
Le bilan
montre une dilatation de l’anse afférente, parfois l’image
radiologique de l’obstruction de l’anse afférente : pas de passage
au transit, ou passage sur 1 à 2 cm puis arrêt abrupt, ou effet
pendulaire de passage et vidange dans l’estomac.
Ce syndrome
serait lié à la prolifération des germes dans l’anse qui se vidange
mal, avec une évacuation brutale du contenu septique de l’anse
expliquant les diarrhées.
Le traitement implique une remise en circuit du duodénum par
conversion de l’anastomose gastrojéjunale en anastomose
gastroduodénale ou par anse interposée.
4- Obstruction de l’anse efférente
:
Elle s’observe plutôt après montage transmésocolique et traduit une
incarcération de l’anse dans la brèche mésocolique ou une ascension
de l’anastomose à l’étage sus-mésocolique.
Cliniquement, cet
obstacle se présente sous la forme d’un tableau d’occlusion haute
avec des vomissements bilieux.
Le cliché radiographique de
l’abdomen montre plusieurs niveaux liquides sur le grêle proximal.
Le traitement de ces occlusions est chirurgical si aucune amélioration
ne se manifeste sous aspiration gastrique et alimentation parentérale
exclusive.
Il faut réaliser une nouvelle laparotomie pour identifier et
traiter l’anomalie : désincarcérer une anse grêle ou réintégrer
l’anastomose à l’étage sous-mésocolique.
Une anse efférente trop
longue doit être fixée.
Dans certains cas, il est nécessaire de réaliser
une gastrostomie de décharge et une jéjunostomie d’alimentation de
sécurité.
Le meilleur traitement de ces hernies internes est préventif
avec une fermeture, lors de la première intervention, de toutes les
brèches mésentériques.
5- Obstruction de la bouche anastomotique
:
Elle est due à l’invagination intragastrique du jéjunum ou à
l’invagination intrajéjunale de l’estomac, sous la forme d’un
prolapsus muqueux dans l’anse efférente.
Son diagnostic est
radiographique ou endoscopique.
Elle est traitée chirurgicalement
par dégastrogastrectomie.
6- Erreurs de montage
:
Elles sont nombreuses et tout a été décrit.
L’estomac peut avoir été anastomosé au côlon transverse, au
sigmoïde, voire au cæcum.
Mais l’erreur la plus fréquente est la gastro-iléostomie qui conduit, en quelques mois, à un état de
malnutrition inquiétant.
Le diagnostic de ces vices de montage est
radiologique… ou parfois peropératoire au cours d’une reprise
chirurgicale pour troubles persistants.
Le traitement est la réfection
des anastomoses.
D - TROUBLES DU TRANSIT APRÈS ANASTOMOSE GASTRODUODÉNALE (PÉAN)
:
1- Dilatation aiguë du moignon gastrique
:
Elle suit volontiers une vagotomie-antrectomie selon Péan, réalisée
pour sténose pylorique sur un estomac atone et dilaté : l’aspiration
gastrique couplée à une alimentation parentérale stricte suffit
souvent à rétablir l’évacuation gastrique.
Si on doit réintervenir, une
gastrectomie itérative avec anastomose gastrojéjunale est logique et
donne de bons résultats ; chez un malade fragile, une simple
gastrostomie de décharge avec ou sans jéjunostomie peut représenter le geste
salvateur.
2- OEsophagite peptique aiguë
:
Elle peut compliquer une ancienne hernie hiatale : la sonde gastrique
ou l’étirement de l’angle de His après gastrectomie polaire inférieure
sont les facteurs déclenchants de cette oesophagite.
Une gastrectomie partielle peut déclencher un reflux gastrooesophagien
bilieux agressif : il peut s’agir d’une gastrectomie
polaire supérieure qui supprime le cardia, mais également d’une vagotomie-antrectomie, dont le temps hiatal endommage toujours
l’appareil sphinctérien inférieur de l’oesophage.
Il est donc
indispensable de refermer l’hiatus et de reconstruire l’angle de His
après vagotomie-antrectomie.
Cette oesophagite peptique a pour caractéristiques d’être précoce,
aiguë et grave, et de se traduire volontiers par des hématémèses.
La
gastroscopie découvre des lésions ulcérées.
Le risque est l’évolution
vers une sténose peptique qui peut nécessiter une réintervention.
Celle-ci peut être une simple réfection de l’hiatus ou, pour des
raisons techniques (hiatus déjà abordé), on peut lui préférer une
« diversion duodénale ».
Néanmoins, le traitement médical suffit le plus souvent : pansements
gastriques, soins posturaux et suppression de la sonde nasogastrique.
3- Dysfonctionnement de la bouche anastomotique
:
La sténose cicatricielle tardive est rare et s’observe surtout après la
réalisation d’une anastomose gastroduodénale mécanique
(principalement après utilisation d’une pince à anastomose circulaire
de calibre insuffisant).
E - SYNDROME DU « PETIT ESTOMAC »
:
Il s’observe après gastrectomie polaire inférieure étendue ; il est dû
à l’atonie et à la réduction de volume du réservoir gastrique.
Il se
traduit par une sensation de plénitude gastrique douloureuse
pendant le repas.
Des vomissements alimentaires libérateurs
soulagent ensuite le malade.
L’évolution se fait spontanément vers
la guérison à l’aide de quelques conseils hygiénodiététiques simples
et de produits antiémétisants (Motiliumt).
Le traitement chirurgical
possible est l’interposition d’une anse jéjunale.
F - BÉZOARD
:
Un bézoard peut provoquer l’obstruction de l’anastomose, surtout
si la bouche est étroite (Péan ou Finsterer) ; il est souvent le corollaire
d’une gastroplégie chronique (vagotomie associée).
Il se traduit par
des ballonnements épigastriques suivis de vomissements
alimentaires.
Une fibroscopie permet le plus souvent d’en faire
simultanément le diagnostic et le traitement en fragmentant le corps
étranger, mais une intervention pour l’évacuer est parfois
nécessaire.
G - SÉQUELLES DOULOUREUSES
:
Le syndrome ulcéreux peut récidiver après gastrectomie partielle : on
évoque, soit l’ulcère peptique, soit la réactivation d’un ulcère laissé
en place, soit la survenue d’un nouvel ulcère sur le moignon
gastrique.
Si le traitement médical ne suffit pas, on peut être conduit
à proposer une dégastrogastrectomie.
Les brûlures postprandiales dévoilent une gastrite du moignon ou
« gastrite bilieuse », une stomite ou une jéjunite d’origine infectieuse
qui est localisée indifféremment sur l’une des deux anses
anastomotiques.
L’endoscopie fait le diagnostic.
Le traitement est
médical.
Le pyrosis est le signe du reflux gastro-oesophagien postopératoire :
après gastrectomie polaire inférieure, il provient d’un effacement de
l’angle de His par traction sur le moignon gastrique ou de
l’aggravation d’un reflux ancien.
Après gastrectomie polaire supérieure, il est constant du fait de la
suppression du cardia.
Le traitement médical de l’oesophagite suffit
en général.
Ce n’est qu’en cas d’échec qu’on peut proposer une
diversion duodénale : transformation de la gastro-entéroanastomose
en une gastrojéjunostomie sur anse en Y.
H - AUTRES TROUBLES FONCTIONNELS
:
1- « Dumping syndrome »
:
La fréquence de ce syndrome est variable : de 2 à 88% selon que les
troubles frustes et transitoires sont ou non inclus.
Il se voit plus
souvent après anastomose gastrojéjunale.
Il comprend deux entités.
– Le syndrome postprandial précoce survient aussitôt après le repas
(5 minutes à 1 heure).
Le malade ressent une impression de faiblesse
qui l’oblige à s’étendre avec une sensation de chaleur, de plénitude
gastrique, avec ballonnement et une rougeur du visage.
Il existe
souvent une tachycardie et une hypotension associées.
Dans les
tableaux sévères apparaissent des nausées et des vomissements,
parfois des coliques intestinales avec diarrhée.
De nombreuses
théories ont été invoquées : l’arrivée massive dans l’anse efférente
d’aliments non préparés par une digestion gastrique entraîne du fait
de leur hyperosmolarité un appel de liquides au niveau de l’intestin
et provoque une chute du volume plasmatique.
D’autres hypothèses
ont été avancées, comme la sécrétion de sérotonine déclenchée par
l’arrivée des aliments qui entraîne un véritable flush.
– Le syndrome postprandial tardif survient 2 à 3 heures environ après
le repas et est calmé par la prise d’aliments.
Il s’agit d’une
lipothymie avec sueurs.
Dans quelques cas, le tableau, sévère, est
fait de tremblements, de confusion mentale, et peut conduire à une
perte de connaissance.
Le syndrome tardif est en rapport avec une
hypoglycémie : l’absorption rapide des sucres au niveau de l’anse
efférente entraîne une hypersécrétion insulinique et une
hypoglycémie secondaire importante.
L’évolution est en général régressive, mais impose parfois une
reprise chirurgicale pour réaliser une interposition jéjunale, qui peut
améliorer le transit et diminuer les troubles.
Le plus souvent, un
suivi diététique permet l’amendement de ces symptômes.
2- Diarrhées
:
Elles sont aspécifiques et suivent une gastrectomie partielle dans 5 à
20 % des cas.
Le diagnostic est uniquement clinique.
Elles sont
traitées par des règles hygiénodiététiques.