Complications de la chirurgie restauratrice aorto-iliaque par pontages
(Suite) Cours de Chirurgie
C - Complications septiques
:
Elles demeurent les complications majeures de la chirurgie restauratrice aorto-iliaque, mettant en jeu le pronostic fonctionnel et vital.
1- Physiopathologie et classification :
La classification de Szilagyi reste la plus utilisée, du fait de sa simplicité.
Elle distingue trois stades :
– stade I : infection superficielle limitée au derme ;
– stade II : infection des tissus sous-cutanés ;
– stade III : infection de la restauration artérielle, quelle qu’en soit la
nature, prothèse, autogreffe, allogreffe ou endartériectomie.
La fréquence globale des infections postopératoires peut être estimée
aux alentours de 1 %, en nette régression par rapport aux décennies
précédentes, en raison de la généralisation de l’antibioprophylaxie
préopératoire et de l’amélioration des techniques chirurgicales.
Au niveau de l’aorte, la fréquence peut être estimée inférieure à 0,5 %,
alors qu’au niveau du trépied fémoral, elle reste aux alentours de 2 %.
Par rapport aux décennies précédentes, ce sont surtout les infections
précoces, survenant dans les 4 premiers mois postopératoires, qui sont
en nette régression, représentant moins d’un quart des infections
postopératoires, alors que les infections tardives, au-delà du quatrième
mois, sont en progression constante.
Les infections précoces sont le plus souvent dues à Staphylococcus
aureus et s’accompagnent de signes locaux et généraux patents.
Les infections tardives sont liées à des germes de faible virulence, peu
invasifs, mais capables de produire une substance polysaccharidique
(biofilm bactérien ou slime), les protégeant contre les défenses de
l’organisme et contre l’action des antibiotiques.
De très nombreux
germes, et notamment Staphylococcus epidermidis et d’autres espèces
de staphylocoques à coagulase négative, sont capables de produire ce
biofilm bactérien.
Les infections tardives sont souvent responsables de signes cliniques
beaucoup plus frustes.
Leur fréquence pourrait être franchement sousestimée,
car leur recherche nécessite des techniques spéciales associant
des cultures en milieu liquide, avec une destruction mécanique du
biofilm bactérien.
Elles pourraient ainsi être responsables d’un grand
nombre de réactions inflammatoires au long cours, ou de complications
prothétiques à type de thrombose ou de faux anévrysme anastomotique,
surtout si elles surviennent sans autre étiologie décelable, et si elles
récidivent.
Ainsi, la flore microbienne s’est-elle modifiée ces dernières années : les
infections à Staphylococcus aureus, largement prépondérantes autrefois,
ne sont guère plus fréquentes actuellement que les infections à
staphylocoques à coagulase négative (et notamment à Staphylococcus
epidermidis), prédominantes au niveau des Scarpa, ou que les infections
à bactéries à Gram négatif (Escherichia coli et Pseudomonas
notamment), prédominantes à l’échelon aortique.
Les infections à d’autres germes, telles les levures, et les infections polybactériennes sont également en progression.
De très nombreux facteurs, locaux, généraux, ou techniques, ont été
reconnus pour augmenter le risque d’infection postopératoire, parmi
lesquels :
– une hospitalisation préopératoire prolongée, des modalités de
préparation cutanée inadéquates (et notamment un rasage des zones
opérées effectué la veille) ;
– la notion d’une réintervention, d’une intervention en urgence,
l’existence d’un foyer infectieux à distance (trouble trophique) ;
– la nécessité d’un abord inguinal ;
– une complication peropératoire telle une plaie du tube digestif, une
durée d’intervention supérieure à 4 heures... ;
– une complication pariétale postopératoire ;
– un terrain défavorable avec diminution des capacités de défense de
l’organisme ; âge supérieur à 80 ans, diabète, dénutrition, tumeur
maligne, traitement corticoïde au long cours, leucopénie, aplasie
médullaire...
En ce qui concerne le matériau utilisé, il est admis que les autogreffes
ont le taux d’infectabilité le plus bas (les veines étant plus résistantes
que les artères endartériectomisées) et que les allogreffes n’ont une
infectabilité inférieure aux matériaux prothétiques que lorsqu’elles sont
fraîches ou conservées quelques jours à 4 °C.
Parmi les différents
matériaux prothétiques, aucun n’a prouvé de résistance supérieure.
Une infection prothétique peut survenir des années après son
implantation, à l’occasion d’une bactériémie.
Il est donc recommandé,
en cas de situation à risque telle que des soins dentaires, une coloscopie,
une cystoscopie ou encore une artériographie, d’effectuer une antibioprophylaxie systématique.
2- Modalités de traitement
:
Le choix d’une modalité de traitement dépend de la symptomatologie
clinique, de la perméabilité ou non de la prothèse infectée, de l’état
général et septique du malade, et enfin de la diffusion du syndrome
infectieux, qui doit être évalué par un bilan exhaustif, comprenant échodoppler, examen tomodensitométrique et au besoin artériographie.
Les arguments en faveur d’un processus septique de l’anastomose
aortique sont, au scanner : l’existence d’images gazeuses rétropéritonéales, un épaississement des parois intestinales, une
densification des tissus mous périprothétiques, une collection
liquidienne périprothétique et également l’existence d’un faux
anévrysme anastomotique.
L’imagerie par résonance magnétique nucléaire, avec injection de
gadolinium, serait plus sensible pour mettre en évidence une collection périprothétique, et plus précise pour faire la distinction entre une
collection septique et un hématome résiduel.
Les techniques d’imagerie fonctionnelle, essentiellement représentées
par la scintigraphie aux leucocytes marqués à l’indium 111, semblent
avoir une fiabilité de l’ordre de 90 % pour mettre en évidence une
réaction inflammatoire prothétique et périprothétique, même en cas
d’infection précoce et/ou peu virulente, de diagnostic difficile, car
s’accompagnant de peu de signes cliniques locaux ou généraux.
Les différentes modalités de traitement comportent : le traitement
conservateur, la résection de la prothèse infectée sans revascularisation
associée, et la résection avec revascularisation associée in situ ou extra-anatomique.
* Traitement conservateur
:
Le traitement conservateur a déjà été discuté au niveau du triangle de
Scarpa (Chirurgie du carrefour fémoral et de l’artère fémorale profonde).
Lorsque le processus septique est intra-abdominal, le traitement
conservateur ne peut garder que d’exceptionnelles indications, chez des
malades en mauvais état général.
Ainsi, Tobin a-t-elle traité avec succès par une irrigation-drainage, mise
en place sous tomodensitométrie, et par antibiothérapie générale, un
hématome infecté englobant une branche prothétique mais respectant
l’anastomose aortique.
D’autres auteurs ont effectué avec succès l’exérèse de tissus infectés au
contact d’une prothèse aortique, associée à une épiplooplastie de
couverture de la prothèse aortique et à un système d’irrigation-drainage,
qu’il est difficile de rendre étanche.
Ces traitements conservateurs n’ont été réalisés que lorsque le processus
septique respectait les lignes de suture anastomotiques.
Les possibilités de recouvrement plastique d’une prothèse aortique sont
limitées aux épiplooplasties, la couverture par un lambeau musculaire
ayant été expérimentalement étudiée, mais sans application clinique.
Le grand épiploon doit enrober circonférentiellement, et dans sa totalité,
la prothèse et les anastomoses.
En pratique, le traitement conservateur ne semble pas avoir de place
lorsque la prothèse aortique est effectivement contaminée.
En revanche,
si la prothèse est respectée par le processus septique, notamment au
niveau de ses anastomoses, il peut s’agir d’une alternative thérapeutique
intéressante chez des malades à haut risque.
L’abord chirurgical doit être
effectué par voie rétropéritonéale, l’exérèse de tous les tissus infectés
périprothétiques doit être satisfaisante, et l’on doit disposer d’une
longueur de grand épiploon suffisante.
Un système d’irrigationdrainage,
à l’aide de deux drains positionnés de chaque côté de la
prothèse, doit être maintenu jusqu’à ce que le liquide de lavage devienne
stérile.
* Exérèse de la prothèse infectée
:
Tous les auteurs s’accordent actuellement à reconnaître qu’il s’agit du
temps le plus important.
L’exérèse doit être complète et inclure tous les corps étrangers, tous les
tissus périprothétiques infectés et dévitalisés.
En l’absence de
revascularisation associée, ou en cas de revascularisation par pontage extra-anatomique, la fermeture des zones anastomotiques est effectuée
après parage large des berges artérielles, par des patchs veineux plutôt
que synthétiques.
En cas d’ablation d’une prothèse terminoterminale, se
pose alors le problème de la ligature du moignon artériel, et notamment
au niveau de l’aorte sous-rénale.
Diverses méthodes ont été proposées :
renforcement par le ligament prévertébral, par un fragment
d’aponévrose, par des patchs de Téflon ou de veine, par un patch
jéjunal séromusculaire...
La technique proposée par Bacourt a l’intérêt d’être réalisable même en
cas de moignon très court.
Elle consiste en la réalisation de deux séries
de points séparés en U, éventuellement appuyés sur des patchs veineux
si la paroi aortique est fragile, réalisant deux sutures antéropostérieures,
dont la supérieure, placée au ras des artères rénales, crée un éperon
médian, évitant tout cul-de-sac et favorisant la distribution du flux
sanguin vers les artères rénales.
Lorsque, après parage adéquat de la paroi aortique, la longueur du
moignon est trop courte pour autoriser une suture, deux options sont
possibles :
– soit modifier la stratégie thérapeutique et opter pour une
revascularisation in situ ;
– soit effectuer une revascularisation séparée des artères rénales,
privilégiant les revascularisations autogènes (réimplantation, rarement
possible, ou pontage veineux), à partir de l’aorte coeliaque, afin d’obtenir
une longueur plus adéquate de moignon aortique.
+ Revascularisation artérielle
:
Rarement, en cas d’exérèse d’une prothèse infectée implantée
latéralement sur l’aorte, et lorsque la circulation collatérale semble
suffisante pour mettre à l’abri d’une ischémie aiguë postopératoire
(perméabilités conservées de l’artère iliaque interne, du trépied
fémoral), il est possible de s’abstenir de tout geste de revascularisation.
L’existence d’un syndrome septique grave et d’un état général précaire
peut également faire opter pour l’abstention de toute revascularisation,
en acceptant les risques alors majeurs d’amputation.
Dans tous les autres
cas, s’impose une revascularisation qui peut être in situ ou extra-anatomique.
+ Revascularisation extra-anatomique
:
Son principe est de passer franchement à distance des foyers infectés.
Toujours réalisable, quelle que soit la gravité du syndrome septique et
l’importance des délabrements tissulaires, elle est habituellement
effectuée préalablement au temps d’ablation du matériel infecté (sauf en
cas de fistule aortodigestive avec hémorragie massive nécessitant un
geste d’hémostase urgent).
La plupart des auteurs préfèrent utiliser du PTFE à renforcement externe, plutôt que du polyester, afin de réduire
les risques de thrombose et, surtout, d’infection secondaire.
Ce mode de
revascularisation représente encore, pour beaucoup d’auteurs, le
traitement de référence des infections de prothèses aortiques.
+ Revascularisation in situ par allogreffe artérielle
:
Les greffons artériels sont actuellement prélevés dans le cadre d’un
prélèvement multiorgane après les prélèvements viscéraux, chez un
donneur sain en coma dépassé, après les vérifications bactériologiques
et virologiques légalement obligatoires.
Les artères prélevées sont contrôlées sur le plan bactériologique, et
mises dans un milieu de culture (variable selon les équipes) contenant
des antibiotiques, à +4 °C.
L’allogreffe est cryoconservée jusqu’à son
utilisation.
Les avantages de ce matériau dans le cadre des revascularisations in situ
sont :
– sa disponibilité en toutes longueurs et en toutes tailles, autorisant des
montages atypiques ou complexes, avec revascularisation simultanée
d’artères viscérales ou des membres inférieurs ;
– la prévention des complications liées au prélèvement, chez le même
malade, de matériau autogène propice à la revascularisation.
Il s’ensuit
en outre un gain de temps, à condition de disposer d’une deuxième
équipe chirurgicale qui effectue la préparation de l’allogreffe
(décongélation, lavage, anastomoses intermédiaires, ligature des
collatérales) pendant le temps d’excision et de parage des tissus
infectés ;
– une meilleure résistance à l’infection des allogreffes fraîches par
rapport aux prothèses synthétiques.
Des inconvénients méritent cependant d’être soulignés :
– difficulté d’approvisionnement et d’obtention dans les centres privés,
ou en urgence ;
– lourdeur du protocole d’utilisation avec stockage dans une banque,
enregistrement dans un fichier, traçabilité... ;
– dégradation secondaire des allogreffes, à type de dilatation (au niveau
de l’aorte) ou de sténose (à l’échelon iliofémoral), qui peut faire
considérer l’allogreffe non comme un traitement définitif, mais comme
un substitut temporaire, permettant la guérison de l’infection, avant que
sa dégradation ne nécessite un nouveau remplacement prothétique.
+ Revascularisation in situ à l’aide de greffons veineux autogènes
:
Les greffons veineux utilisés sont habituellement la veine fémorale
superficielle (ou veine fémorale), de 7 à 14mm de diamètre, et de 30 à
35 cm de longueur et, si nécessaire, la veine poplitée.
Une revascularisation des deux membres inférieurs nécessite un
prélèvement des deux veines fémoropoplitées.
Rarement, dans 3 ou 4 % des cas, la veine fémorale profonde est
dominante, drainant la veine poplitée directement, alors que la veine
fémorale superficielle est dystrophique ou absente, ce qui justifie la
réalisation d’un échodoppler veineux préopératoire.
Le prélèvement de la veine fémorale superficielle n’offre aucune
difficulté.
Celle-ci est en situation postéro-interne par rapport à l’artère fémorale superficielle.
La dissection est débutée à son origine,
habituellement située quelques centimètres au-dessous de la pointe du
Scarpa.
La veine fémorale commune et la veine fémorale profonde sont
également disséquées, afin d’autoriser une section de la veine fémorale
superficielle à sa partie proximale, préservant la perméabilité de l’axe
veine fémorale profonde-veine fémorale commune.
La dissection de la
veine fémorale superficielle descend progressivement vers le canal de
Hunter, qui est ouvert en sectionnant le tendon du muscle grand
adducteur.
À ce niveau se trouvent de nombreuses collatérales et
branches perforantes qui doivent être suturées plutôt que liées.
La limite
distale du prélèvement dépend de la longueur nécessaire pour le pontage
et peut inclure la veine poplitée jusqu’à l’interligne articulaire, si
nécessaire.
La veine prélevée est dilatée à l’aide d’une solution de sérum
physiologique hépariné, et préparée pour la revascularisation. Elle peut
être dévalvulée, mais est plus volontiers utilisée en position inversée,
pour éviter tout problème de reliquat valvulaire.
L’intervention est poursuivie par l’ablation complète de la prothèse
aortique infectée, soit par voie transpéritonéale, soit par voie
rétropéritonéale.
Plusieurs techniques ont été proposées pour corriger
l’incongruence de calibre entre le moignon aortique sous-rénal et la
veine fémorale superficielle :
– refente longitudinale des deux veines fémorales superficielles à leurs
extrémités, et adossement en « canon de fusil », de façon à reconstituer
un pontage bifurqué ;
– anastomose terminoterminale sur le moignon aortique d’une veine
fémorale superficielle, qui est élargie par un patch veineux ;
– anastomose terminoterminale d’une veine fémorale superficielle sur
le moignon aortique, dont le calibre est rétréci par des points en U,
mangeant de l’étoffe sur sa face antérieure.
Ces deux dernières techniques ont l’intérêt de permettre une
revascularisation du membre controlatéral par pontage croisé, ce qui
nécessite une longueur moindre de matériau veineux.
Compte tenu du prélèvement veineux au niveau des deux membres
inférieurs, une contention élastique postopératoire est réalisée, et une héparinothérapie est maintenue, jusqu’à reprise d’une déambulation
satisfaisante.
Les inconvénients de cette technique sont :
– la durée de l’intervention ;
– le prélèvement des veines fémorales superficielles, bien que les
séquelles à long terme soient minimes, à condition de ne pas prélever la
veine poplitée sous-articulaire ;
– un taux de thrombose postopératoire d’un greffon veineux non
négligeable, de l’ordre de 10 %, ces occlusions étant cependant
accessibles à un geste de thrombectomie.
Les avantages sont :
– l’absence de récidive infectieuse ;
– l’absence de dégradation morphologique des greffons veineux, à type
de dilatation ou de sténose.
L’existence d’une fistule prothétodigestive constitue une contreindication
à la réalisation de cette technique.
D’autres types d’autogreffes peuvent être utilisés pour obtenir la
longueur de matériau nécessaire : soit artère fémorale superficielle
endartériectomisée, soit matériau veineux saphénien...
+ Revascularisation par remplacement prothétique in situ
:
Le remplacement prothétique in situ est basé sur une sélection judicieuse
des malades, car son efficacité a été démontrée dans les cas d’infections
prothétiques à bas bruit, c’est-à-dire survenant tardivement, au-delà du
quatrième mois postopératoire, ne s’accompagnant d’aucun signe
clinique local ou général inquiétant, et en l’absence de fistule prothétodigestive.
Le diagnostic de ces infections de prothèse à biofilm repose sur des
arguments cliniques, morphologiques et microbiologiques.
Sur le plan clinique, le tableau septique n’est pas au premier plan.
Il
existe une fébricule, une anorexie et des signes locaux d’infection :
érythème de la région inguinale, fistule cutanée...
La symptomatologie
peut s’améliorer sous antibiothérapie.
Les anomalies tomodensitométriques caractéristiques d’une infection à biofilm sont :
– la présence d’une collection liquidienne ou gazeuse périprothétique ;
– l’existence de faux anévrysmes anastomotiques multiples, la présence
d’une hydronéphrose, l’effacement des plans tissulaires normaux au
niveau des structures rétropéritonéales adjacentes.
Il n’existe en revanche aucun processus
extensif au niveau des parties molles, comme
cela peut se voir avec une infection à Staphylococcus aureus ou à
bactéries à Gram négatif.
Sur le plan bactériologique, le diagnostic repose, soit sur la mise en
évidence de staphylocoques à coagulase négative, soit sur la négativité
des cultures peropératoires.
Le dernier élément diagnostique est chirurgical, peropératoire :
l’absence d’incorporation prothétique, associée à une inflammation ou
à la présence de pus périprothétique, et l’absence de germe sur les
prélèvements peropératoires qui ne retrouvent que de nombreux
leucocytes polynucléaires altérés ou pas, permettent, d’après Bandyk,
de caractériser une infection de prothèse à biofilm bactérien.
Les prothèses utilisées pour le remplacement in situ peuvent être en PTFE ou en polyester, avec imprégnation d’antibiotiques.
La rifampicine est l’antibiotique actuellement le plus utilisé pour
l’imprégnation, car elle présente une affinité particulière pour la gélatine
et le collagène, utilisés pour étanchéifier les prothèses en polyester.
Le
protocole le plus couramment utilisé consiste à tremper la prothèse
durant 15 minutes dans une solution de sérum à pH 7,4 enrichi de
rifampicine à concentration élevée (60 mg de rifampicine par mL de
solvant).
Des concentrations bien moindres, de l’ordre de 1 mg de
rifampicine par mLde solvant, pourraient cependant être suffisantes.
Le remplacement prothétique in situ est déconseillé en cas de fistule
prothétodigestive.
Lorsque le processus septique est lié à un germe à biofilm bactérien, et
s’il n’intéresse qu’une portion limitée d’une prothèse aortobifémorale,
un remplacement prothétique partiel de ce segment infecté a été
proposé, sous couvert d’une surveillance attentive, en raison des
risques de récidive septique évolutive au niveau d’un segment
prothétique adjacent.
3- Fistules prothétodigestives
:
Ce sont les plus graves des complications septiques.
* Généralités
:
Leur fréquence est estimée aux alentours de 0,5 à 1 %.
La classification la plus utilisée est celle de Vollmar et Kogel, qui
distingue :
– le type 1A, ou fistule directe, dans lequel il existe une désunion
anastomotique, faisant directement communiquer l’aorte et la lumière
intestinale ;
– le type 1B, ou fistule indirecte, dans lequel la prothèse et la lumière
intestinale communiquent directement par l’intermédiaire d’un faux
anévrysme proximal ;
– le type 2, ou fistule paraprothétique, dans lequel la prothèse est au
contact de tissus infectés et d’une fistule duodénale, sans qu’il existe une
communication directe avec la lumière artérielle.
La pathogénie de ces fistules prothétodigestives n’est donc pas
univoque.
Elle fait intervenir des facteurs mécaniques, d’érosion, et des
facteurs infectieux, éventuellement associés.
Les phénomènes
d’adhérence, liés à la cicatrisation et à la réaction à un corps étranger, un
hématome périanastomotique, les pulsatilités de la prothèse (les
prothèses en polyester seraient pour certains plus fréquemment
responsables de fistules prothétodigestives que les prothèses en PTFE),
l’absence de tissu d’interposition entre la prothèse et le duodénum
(l’abord rétropéritonéal sans effraction du péritoine pariétal postérieur
protégerait davantage qu’un abord intrapéritonéal), l’existence
d’adhérences inflammatoires du duodénum avec la paroi d’un
anévrysme, ou une plaie peropératoire du duodénum, seraient tous des
éléments favorisant l’érosion mécanique du duodénum, à l’origine d’un
foyer infectieux périprothétique.
Plus souvent, il semble que ce soit en
fait une infection primitive de la prothèse et de l’anastomose qui soit à
l’origine de la fistule.
Enfin, la survenue de fistule compliquant un faux
anévrysme anastomotique résume bien la complexité des étiologies,
puisque ce faux anévrysme peut agir mécaniquement, mais peut
également être secondaire à un sepsis larvé.
Le segment intestinal le plus souvent intéressé est la partie distale du
duodénum, mais il peut s’agir également d’une anse iléale ou jujénale,
du côlon droit, du côlon gauche, voire de l’appendice.
Le diagnostic de fistule prothétodigestive repose sur un faisceau
d’arguments cliniques :
– l’hémorragie digestive est le maître symptôme (melaena, hématémèse
ou anémie chronique), présente dans deux tiers des cas, qu’elle soit
aiguë, chronique ou récidivante ;
– la fièvre est également un symptôme très fréquent observé dans 70 %
des cas.
L’existence d’un syndrome septique sévère tardif est très
évocateur d’une fistule prothétodigestive, plutôt que d’un sepsis
prothétique sans fistule.
Cependant, près de 10 % des sepsis prothétiques sans fistule sont
susceptibles de se compliquer d’une hémorragie gastroduodénale, soit
par ulcère de stress, soit par pathologie associée, telle une maladie
ulcéreuse gastroduodénale.
L’endoscopie, effectuée à l’aide d’un endoscope long, explorant
jusqu’au quatrième duodénum, peut caractériser la fistule dans un tiers
des cas environ, et surtout, a l’intérêt d’éliminer une pathologie associée.
Le scanner hélicoïdal est l’examen le plus contributif, montrant une
étroite contiguïté, avec remaniement des tissus, entre la prothèse et une
anse intestinale.
L’injection de produit de contraste, et surtout
l’ingestion de Gastrografine, permettent de sensibiliser cet examen, qui
peut cependant être négatif en cas de fistule vue précocement.
La scintigraphie aux leucocytes marqués au technétium 99 semble avoir
d’excellentes sensibilité et spécificité.
L’artériographie reste un examen utile à pratiquer, davantage dans le
cadre du bilan artériel que dans le cadre du diagnostic positif, ne
montrant qu’exceptionnellement le passage du produit de contraste de
l’anastomose vers le tube digestif.
* Méthodes thérapeutiques
:
Le traitement comporte trois temps : le contrôle de l’hémorragie et la
résection de la prothèse infectée, la réparation de la lésion intestinale, la
revascularisation artérielle.
+ Contrôle de l’hémorragie
:
Il doit parfois être effectué en urgence.
La voie d’abord est une
laparotomie médiane xiphopubienne.
Le contrôle de l’aorte coeliaque a
le double intérêt d’assurer un contrôle très rapide de l’hémorragie dans
une région indemne de dissection préalable, et d’éviter d’aggraver des
lésions, notamment au niveau du duodénum, très adhérent à la prothèse.
Le clampage de l’aorte viscérale par un ballonnet occlusif introduit au
travers de la prothèse peut être une autre alternative, mais comporte un
risque septique.
Le temps de résection de la prothèse infectée n’a aucune spécificité.
Il
doit naturellement comporter l’exérèse de tous les tissus infectés.
+ Réparation digestive
:
Elle doit être effectuée préalablement à la revascularisation chaque fois
que possible, afin d’éviter de contaminer le matériel de remplacement.
Le type de réparation intestinale dépend de l’importance de la perte de
substance et du siège de celle-ci.
Au niveau du duodénum, une perte de substance de moins de 3 cm, après
régularisation des berges, peut être traitée par suture directe, effectuée
transversalement, à points séparés de monofilament 4-0 à résorption
lente, en deux plans, dont le premier charge la musculaire et la
muqueuse ; le deuxième, uniquement séromusculaire, joue un rôle de
rapprochement et de relâchement de la suture. Les points de ces deux
plans peuvent être décalés.
Néanmoins, dans la plupart des cas, la perte de substance est trop
importante et nécessite une résection duodénale.
La mobilisation du
cadre duodénal est obtenue d’une part par libération complète et étendue
de l’angle de Treitz, d’autre part par décollement duodénopancréatique.
Le décollement duodénopancréatique est poursuivi jusqu’à la mise en
évidence du segment distal du canal cholédoque, de la veine cave
inférieure et du bord latéral du crochet pancréatique unciné.
Ces deux
manoeuvres permettent, le plus souvent, d’effectuer la résection
duodénale jusqu’en zone saine et l’anastomose, duodénoduodénale ou,
plus souvent, duodénojéjunale, également en deux plans décalés de
monofilament 4-0 à résorption lente.
L’anastomose ne doit présenter
aucune tension ni signe d’ischémie.
Rarement, une résection étendue est nécessaire, imposant une libération
de la troisième portion du duodénum par incision du mésoduodénum, le
long du bord inférieur du pancréas.
C’est la libération du bord supérieur
du troisième duodénum du pancréas qui est la plus délicate et la plus hémorragique :
l’hémostase doit être assurée par section entre ligatures
des multiples petits vaisseaux provenant des artères pancréaticoduodénales.
L’anastomose duodénojéjunale est alors effectuée à
droite de l’insertion du mésentère, sur des segments digestifs mal
vascularisés, avec un risque important de fistule.
Un geste de dérivation
est donc souhaitable, habituellement par gastroentérostomie sur anse
jéjunale précolique, avec anastomose au pied de l’anse.
La gastroentérostomie est effectuée le plus loin possible du sepsis
prothétique, c’est-à-dire à la partie inférieure de l’estomac plutôt qu’au
niveau de sa paroi postérieure.
La mise au repos de la suture duodénojéjunale peut également être
effectuée pharmacologiquement, sans intervention de dérivation, en
associant :
– un drainage gastroduodénal par sonde siliconée positionnée au-delà
du pylore ;
– un drainage nasobiliaire mis en place par voie endoscopique ;
– un blocage pharmacologique des sécrétions gastriques et
pancréatiques ;
– un nutrition parentérale totale maintenue pendant une dizaine de
jours.
Lorsque la fistule siège sur une autre portion du tube digestif, une
mobilisation des segments et une résection passant à distance de la lésion
sont toujours possibles.
Lorsqu’elle siège sur l’intestin grêle terminal, le
rétablissement de la continuité par anastomose terminoterminale ou
latérolatérale isopéristaltique peut être réalisé, car le risque de fistule est
modéré.
Lorsque la fistule intéresse le cadre colique, la réalisation de
deux stomies (en cas de fistule intéressant le côlon droit) ou la
colostomie gauche associée à la fermeture du moignon rectal
(intervention de Hartmann, en cas de fistule du côlon gauche) semblent
préférables.
+ Revascularisation artérielle
:
Il peut s’agir de n’importe laquelle des revascularisations préalablement
décrites.
Cependant, certaines revascularisations sont déconseillées,
telles les prothèses in situ et les autogreffes veineuses.
Les deux
techniques de revascularisation les plus utilisées actuellement sont donc
les allogreffes artérielles in situ et, surtout, les pontages extraanatomiques,
par pontage axillobifémoral, qui reste le traitement de
référence.
Ce pontage sera de préférence réalisé préalablement à
la laparotomie (et même si possible, quelques jours auparavant), en
l’absence d’hémorragie digestive menaçante.
Une fois la réparation
digestive et l’exérèse de la prothèse réalisées, le moignon aortique est
fermé sous couvert d’une épiplooplastie d’isolement, recouvrant la
totalité du champ de résection de l’ancienne prothèse.
L’utilisation
d’une allogreffe artérielle est conseillée en cas de revascularisation in
situ.
Elle ne dispense naturellement pas d’une épiplooplastie de
couverture.
Le traitement immunosuppresseur postopératoire est
discuté.
Quelle que soit la technique de revascularisation choisie, les résultats
sont nettement moins bons que pour les sepsis sans fistule digestive,
avec plus de deux tiers de décès, soit postopératoires, soit par
complications évolutives, lesquelles sont dominées par la rupture du
moignon aortique en cas de revascularisation par pontage extraanatomique,
et par la récidive de fistule en cas de revascularisation in
situ.
Autres complications et séquelles
:
A - Complications vasculaires
:
Le dépistage par doppler-échotomographie d’une anomalie de la
prothèse ou d’une lésion évolutive sus- ou sous-jacente, doit faire
discuter sa correction systématique avant la survenue d’une thrombose.
Il pourra donc s’agir, selon les cas :
– de la cure d’une sténose prothétique préanastomotique par
angioplastie ;
– de la cure d’une sténose postanastomotique par angioplastie ou
pontage complémentaire ;
– de la correction d’une dégradation du lit d’aval par pontage fémoropoplité complémentaire ;
– de la cure d’une dégradation des branches prothétiques ou d’anomalie
telle une compression extrinsèque, une sténose juxta-anastomotique
proximale ou d’une lésion de l’aorte sus- ou juxta-anastomotique.
Dans ces cas, afin d’éviter une réintervention intra-abdominale, les
techniques de revascularisation endovasculaire seront privilégiées
chaque fois que possible : cure d’une rupture couverte d’une branche
prothétique par une endoprothèse couverte, cure d’une plicature, d’une
compression extrinsèque ou d’une sténose juxta-anastomotique
prothétique par dilatation et endoprothèse intraprothétique, cure d’une
sténose de l’aorte sus-anastomotique par dilatation et éventuelle
endoprothèse...
Les autres complications vasculaires sont dominées par l’exclusion
postopératoire, ou l’évolutivité lésionnelle, des artères iliaques internes.
Les symptômes sont dominés par la claudication fessière, et se voient
d’autant plus volontiers que les anastomoses ont été réalisées terminoterminales, que ce soit au niveau de l’aorte ou au niveau des
trépieds fémoraux.
Un bilan artériographique est nécessaire pour juger des possibilités de
revascularisation.
B - Complications urologiques tardives
:
Elles sont dominées par les dilatations pyélocalicielles.
Assez fréquentes
au décours immédiat d’une chirurgie aortique, elles nécessitent une
simple surveillance, car elles peuvent régresser.
Leur persistance impose
la levée de l’obstacle, car les risques de perte rénale sont élevés, estimés
à plus de 10 %. L’obstruction peut être liée à une simple fibrose
cicatricielle réactionnelle, au niveau du croisement de l’uretère avec la
prothèse.
Cette fibrose peut être majorée en cas d’hématome
postopératoire.
La tunnellisation de la prothèse en avant de l’uretère,
qui se trouve alors « piégé » entre la prothèse et l’axe artériel natif, serait
un facteur favorisant mais non nécessaire.
Surtout, la suvenue tardive d’une dilatation des cavités pyélocalicielles
doit faire systématiquement rechercher une complication au niveau de
la prothèse, présente dans 50 à 70 % des cas :
– faux anévrysme anastomotique ou par rupture localisée d’une branche
prothétique, des cas de fistule ilio-urétérale ayant même été rapportés ;
– thrombose d’une branche prothétique ;
– sepsis prothétique.
Ces différentes complications peuvent naturellement être intriquées.
Le traitement des lésions urétérales repose sur :
– le traitement de la lésion vasculaire causale, éventuellement associé à
une urétérolyse ;
– en cas d’uretère piégé : la section-réanastomose de la prothèse en
arrière de l’uretère, ou, au contraire, la section, le déroutage, et la
réanastomose de l’uretère en avant de la prothèse ;
– la résection urétérale et réanastomose, en cas de fibrose trop
importante ou de dévascularisation étendue urétérale après urétérolyse.
La décompression des cavités pyélocalicielles est assurée soit par une
sonde en JJ, lorsque celle-ci peut être mise en place, soit par une
néphrostomie.
La néphro-urétérectomie n’a plus que d’exceptionnelles indications.
Pour prévenir une récidive, il a été proposé d’enrober soit l’uretère, soit
la prothèse, par une épiplooplastie, ou par une prothèse en PTFE.
C - Séquelles génitales
:
Le problème des séquelles génitales a déjà été abordé dans le fascicule
traitant des voies d’abord de l’aorte abdominale sous-rénale et des axes
iliaques.
Les troubles de l’éjaculation, à type d’éjaculation rétrograde, sont très
fréquents après dénervation du carrefour aortique, mais ils peuvent
régresser.
Des troubles de l’érection peuvent survenir, en dehors de toute
lésion artérielle hypogastrique proximale ou distale, après simple
énervation du splanchnique pelvien.
Les meilleurs moyens de prévention de ces complications sont de limiter
au maximum la dissection au niveau de l’aorte immédiatement sousrénale,
d’effectuer une anastomose latéroterminale plutôt que
terminoterminale, ce qui dispensera d’une revascularisation simultanée
de l’iliaque interne, d’éviter les sympathectomies lombaires bilatérales, de préférer un abord intrapéritonéal à un abord rétropéritonéal, ce qui
permet de préserver le contingent de fibres nerveuses para-aortiques
gauches, et enfin de tunnelliser la branche prothétique droite, non pas au
contact de l’axe artériel, ce qui imposerait une dissection du carrefour
aortique, mais à distance, en extra-anatomique, dans l’espace de Retzius,
en position rétropubienne et prévésicale.