Complications du Lasik : étiologie, prise en charge et prévention
(Suite)
Cours d'Ophtalmologie
Complications réfractives
:
A - ÎLOTS CENTRAUX
:
Les patients qui présentent un îlot central topographique rapportent souvent des symptômes visuels à type de
fluctuations, d’images fantômes et de diplopie monoculaire.
Cette complication affecte la vision sans et avec correction.
Wilson a suspecté que l’incidence des îlots centraux après Lasik
pourrait être supérieure à celle rencontrée après PKR.
Mais peu de données fiables accréditant celle hypothèse ont été
publiées.
Certaines compagnies de Laser excimer ont modifié le logiciel
régissant l’établissement du profil d’ablation, et ont ajouté des
pulses centraux au profil d’ablation afin de réduire l’incidence de
cette complication.
D’autres facteurs, comme les caractéristiques du profil d’ablation
et de la technique chirurgicale employée, pourraient également jouer
un rôle dans l’apparition des îlots centraux.
1- Étiologie :
Il n’y a pas de consensus quant à l’étiologie réelle des îlots
centraux après PKR ou Lasik.
Une des hypothèses les plus plausibles est que ces îlots pourraient
être causés par un effet masque sur le stroma central provoqué par
le tissu cornéen vaporisé, ou encore une accumulation de liquide au
centre au cours de l’ablation.
Une dégradation des composants optiques du laser a aussi été
incriminée comme cause possible d’îlots centraux.
2- Traitement :
Les îlots centraux rencontrés après Lasik ont une moindre tendance à
la régression spontanée que ceux qui surviennent au décours d’une
PKR.
Ceci est probablement à rapprocher du moindre remodelage épithélial
noté après Lasik.
Le traitement des îlots centraux est en général basé sur une
topographie réalisée avant le retraitement, comme l’ont décrit
Rachid et al.
Manche et al ont également proposé une technique permettant le
traitement des îlots centraux survenant après chirurgie réfractive,
mais ont mis en garde contre le risque de variation réfractive
hypermétropique associé à leur technique.
Les protocoles de traitement des îlots centraux utilisés après PKR
ne s’appliquent d’ailleurs pas forcément aux patients ayant
bénéficié d’un Lasik.
Les ablations personnalisées uniquement basées sur le recueil de
données topographiques peuvent induire une photoablation dirigée de
façon erronée vers les zones d’hyperplasie épithéliale développées
au-dessus de dépressions stromales, et ainsi ne pas induire la
régularisation stromale souhaitée.
Dans les cas récalcitrants, la pose d’une lentille de contact rigide
reste parfois le seul moyen permettant aux patients de regagner des
lignes d’acuité visuelle et de diminuer les aberrations optiques
induites.
3- Prévention :
Les compagnies Summit (Apex, Waltham, Massachusetts, États- Unis) et
la compagnie VISX (VISX, Sunnyvale, Californie, États- Unis) ont
incorporé dans leurs logiciels un traitement destiné à la prévention
des îlots centraux, et qui consiste en une photoablation centrale
additionnelle.
L’incidence des îlots centraux semble diminuer depuis la
généralisation des systèmes à balayage par fente on par spot.
En se fondant sur l’hypothèse d’une accumulation de liquide cornéen
sous la surface du stroma central pendant la photoablation, certains
chirurgiens suggèrent de sécher le lit stromal avec une éponge ou
une spatule tous les 40 à 50 balayages laser.
D’autres auteurs conseillent de ne pratiquer cet assèchement central
qu’en cas de signes francs d’hydratation centrale en peropératoire.
À ce jour, il n’existe pas d’étude permettant d’évaluer le bénéfice
apporté par ces techniques.
B - DÉCENTREMENTS :
Toutes les chirurgies cornéennes réfractives doivent être centrées
sur la pupille. L’astigmatisme irrégulier induit par le décentrement
représente probablement la complication réfractive la plus difficile
à gérer.
Malgré une fixation du patient plus difficile après la réalisation
d’un capot stromal, Pallikaris et al ont rapporté une qualité de
centrage identique entre des patients ayant bénéficié d’un Lasik et
ceux ayant bénéficié d’une PKR.
Les décentrements conduisent à l’apparition d’une surface d’ablation
inégale, la zone la plus plate du traitement étant déplacée en
périphérie, avec une zone centrale ayant un pouvoir optique résiduel
plus élevé.
Si la zone où la courbure tangentielle cornéenne est la plus plate
est située en dehors du centre de la zone d’ablation, la surface
cornéenne correspondant à la pupille d’entrée présente en général
une sous-correction et une asymétrie.
Quand le décentrement aboutit à une photoablation de la face
stromale du capot, il survient alors un aplatissement asymétrique.
La traduction optique de cette asymétrie est l’apparition d’un
astigmatisme irrégulier qui provoque des éblouissements, une
diplopie monoculaire, et des halos.
Les décentrements sont mieux appréciés en topographie en mode
tangentiel.
Les décentrements qui n’excèdent pas 0,3 mm n’ont généralement pas
de traduction visuelle significative.
1- Étiologie :
Les décentrements peuvent survenir en raison soit d’un mauvais
centrage initial du traitement (shift), soit d’un déplacement
peropératoire de la cornée par rapport à sa position initiale lors
du début de la photoablation (drift).
Le shift constitue ainsi un décentrement constant au cours de la
photoablation, qui peut être lié à une erreur d’alignement ou à une
mauvaise fixation du patient.
Le drift survient quand l’oeil bouge involontairement ou quand le
chirurgien essaie de corriger un apparent décentrement pendant le
traitement.
Azar et Yeh ont montré que les résultats visuels étaient
significativement moins bons en cas de drift qu’en cas de shift.
2- Traitement :
En théorie, il est possible de resoulever le capot et de retraiter
en programmant la correction initiale, et en décentrant la
photoablation dans la direction opposée au décentrement, et ce en
utilisant une large zone optique.
Cette approche est plus facile à réaliser après PKR, en PKT
transépithéliale utilisant l’épithélium comme un masque ablatif.
Cette technique permet d’obtenir en général des résultats
satisfaisants.
Les résultats liés à l’utilisation d’autres types de masque au
niveau de l’interface du Lasik n’ont pas prouvé leur efficacité.
Les traitements personnalisés, en cours de développement, qu’ils
soient guidés par le recueil du front d’onde ou par la topographie
cornéenne, pourraient conduire à des résultats plus précis.
Les agents myotiques peuvent être utilisés pour induire une
réduction de la pupille d’entrée, afin de minimiser les aberrations
optiques.
Ce traitement est d’autant plus efficace que le déplacement du
centre de la pupille se fait dans la direction du décentrement
(direction supéronasale).
Une lentille de contact rigide peut également soulager les symptômes
visuels en neutralisant les aberrations optiques induites par
l’astigmatisme irrégulier.
3- Prévention :
Le risque de décentrement doit être prévenu en réalisant la
photoablation dans une ambiance lumineuse aussi réduite que
possible, afin d’améliorer la fixation du patient.
Il faut être particulièrement attentif à l’établissement du centrage
au début de l’ablation.
Afin d’éviter les effets délétères du drift, il faut éviter de
pratiquer des mouvements de recentrage itératifs pendant la
procédure.
Ceci est particulièrement vrai en cas de recentrage tardif.
En cas d’ablations profondes et prolongées, il faut encourager
verbalement le patient, afin de l’aider à maintenir sa fixation.
Les systèmes d’asservissement à la pupille qui équipent certains
lasers ont été conçus afin de prévenir ce type de décentrement
(drift).
Les effets des microsaccades oculaires peuvent ainsi être en
principe abolis.
Il faut éviter d’utiliser des agents myotiques ou une trop forte
illumination.
En effet, ces méthodes peuvent aboutir à déplacer le centre de la
pupille en supéronasal, et induire ainsi un décentrement qui ne sera
révélé qu’au décours de la chirurgie, après disparition du myosis.
C - SUR- ET SOUS-CORRECTION :
Parmi les différents facteurs qui peuvent contribuer à la relative
imprécision du résultat des procédures chirurgicales à visée
réfractive des variations de la cicatrisation cornéenne, la pression
atmosphérique, l’humidité et la température ambiante sont
particulièrement importantes à considérer.
Certains patients présentent une sur- ou sous-correction non
intentionnelle après Lasik, qui retentit souvent sur l’acuité
visuelle non corrigée (AVNC).
Les patients initialement myopes et qui présentent une réfraction
hypermétropique au décours du Lasik peuvent être gênés par une
mauvaise AVNC en vision de loin et de près, et ce particulièrement
quand ils sont presbytes.
1- Étiologie :
Les traitements basés sur une erreur de mesure de la réfraction
préopératoire peuvent conduire à la persistance ou à l’induction
d’une erreur réfractive en postopératoire.
Ce tableau inclut les erreurs de mesures de la réfraction basées sur
une réfraction subjective non cycloplégique chez un patient qui
accommode, et les erreurs dues à une erreur humaine de programmation
du laser.
Un résultat réfractif médiocre peut être également secondaire à la
nonobtention d’une stabilité et d’une reproductibilité de la
réfraction préopératoire chez les patients porteurs de lentilles de
contact.
L’obtention de cette stabilité peut nécessiter environ 5 semaines
chez les porteurs de lentilles rigides ou perméables à l’oxygène.
Les corrections cylindriques négatives pures sont associées à une
incidence plus élevée de surcorrections sphériques.
Ceci est probablement lié au fait que l’aplatissement voulu du
méridien le plus cambré accompagne un aplatissement non intentionnel
du méridien plat, à un moindre degré.
2- Traitement :
Les sur- et les sous-corrections peuvent être gérées en resoulevant
le capot (même plusieurs mois après la chirurgie) et en appliquant
un traitement laser complémentaire.
De multiples procédures ont été développées afin de corriger
l’hypermétropie, qu’elle soit congénitale ou acquise.
Aux États-Unis, les traitements approuvés par la Food and Drug
Administration (FDA) dans ce type d’indication sont la PKR
hypermétropique, et la thermokératoplastie au laser (TKL).
Cette dernière n’est cependant approuvée que pour la réduction
temporaire de faibles degrés d’hypermétropie.
Dans une étude portant sur 13 yeux surcorrigés après Lasik, Ismail a
rapporté une élévation moyenne de 4,1 dioptries de la puissance
kératométrique centrale moyenne, en utilisant une sonde de laser YAG
holmium non-contact (Ho : YAG LTK) avec un suivi de 18 mois.
Goggin et al ont rapporté des résultats satisfaisants pour le
retraitement de 11 yeux avec une hypermétropie secondaire à une PKR
myopique jusqu’à 1 an après la chirurgie.
Comme souligné précédemment, il est très important de distinguer la
régression myopique de l’instauration d’une ectasie cornéenne, en
particulier chez les patients présentant un traitement initial de
forte magnitude.
3- Prévention :
Des mesures précises de la réfraction manifeste et cycloplégique
sont essentielles pour établir avec précision l’erreur réfractive du
patient.
En cas de fluctuations ou de réfractions instables, il faut
réexaminer les patients, afin d’éviter la survenue de résultats
réfractifs inattendus.
Le traitement de l’astigmatisme myopique simple doit être programmé
en évitant d’induire une surcorrection.
D - ASTIGMATISME INDUIT/RÉSIDUEL :
La correction d’un astigmatisme préopératoire peut aboutir à une
sous-correction, une accentuation et/ou un changement d’axe.
Les corrections sphériques pures peuvent également induire
l’apparition d’une erreur réfractive cylindrique en postopératoire.
1- Étiologie :
Les erreurs de mesures de la réfraction ainsi que le corneal warpage
(syndrome de déformation cornéenne) induit par le port prolongé de
lentilles de contact peuvent conduire à l’apparition d’une
réfraction cylindrique après chirurgie.
Celle-ci peut être également induite par une cyclotorsion négligée
lors du traitement, ou une photoablation décentrée. Une cyclotorsion
de 15° induit théoriquement une perte de 50 % de l’effet de la
correction cylindrique, et une erreur de 30° aboutit à l’absence de
modification de la magnitude cylindrique (accompagnée toutefois
d’une rotation de l’axe de l’astigmatisme).
La survenue d’une cyclotorsion entre la position assise et allongée
ou après la découpe lamellaire joue donc un rôle important dans la
diminution de la précision du traitement de l’astigmatisme.
2- Traitement :
En fonction de l’importance de l’erreur réfractive induite, un
retraitement peut être envisagé.
Il faut bénéficier d’un logiciel qui permet le traitement des
erreurs cylindriques pures, afin d’éviter la survenue d’une
surcorrection.
3- Prévention :
Elle repose sur la réalisation d’un examen soigneux de la
réfraction, en s’assurant de sa stabilité.
Le marquage préalable à la lampe à fente d’un des méridiens
principaux permet de faciliter l’orientation correcte du globe sous
le microscope opératoire, et de prévenir les effets de la
cyclotorsion.
E - RÉGRESSION :
La régression de l’effet réfractif est plus fréquemment rapportée
après la correction de la myopie forte ou de l’hypermétropie en
Lasik.
L’épaisseur du lit stromal résiduel ne permet pas toujours de
réaliser une photoablation complémentaire.
Il faut authentifier la régression en réalisant des cartes
topographiques différentielles entre les différents examens
successifs, afin de la différencier d’une progression naturelle de
l’erreur réfractive.
Les traitements hypermétropiques sont sujets à la régression, en
raison de l’hyperplasie épithéliale périphérique qui compense
partiellement la cambrure cornéenne centrale induite par le laser.
Il faut noter qu’en principe, la prise en charge d’une surcorrection
après traitement myopique nécessite une moindre ablation
hypermétropique.
Ceci est lié à l’amélioration des caractéristiques de la jonction
entre la zone centrale cambrée et la zone périphérique dans ce
contexte.
1- Étiologie :
Elle implique l’hyperplasie épithéliale ou sous-épithéliale et
l’hyperplasie stromale, qui aboutissent à l’augmentation de la
cambrure cornéenne centrale.
Toutefois, il est difficile d’attribuer un rôle prédominant à ces
différents mécanismes pour expliquer la survenue de cette
complication postopératoire.
Parfois, des patients dont l’erreur réfractive semble être
stabilisée avant la chirurgie, peuvent en fait présenter une
progression de celle-ci des mois après la procédure.
Ceci est particulièrement l’apanage des patients jeunes.
2- Traitement :
Il semble que la régression rencontrée après Lasik ne soit pas aussi
sensible au traitement pharmacologique que celle observée après PKR.
Aucune donnée publiée ne confirme l’intêrêt de l’application topique
de corticoïdes afin de réduire la cambrure cornéenne induite par la
réponse cicatricielle.
La réalisation d’un retraitement doit être prudente, et prendre en
compte le calcul du mur résiduel stromal postérieur.
Guell a suggéré de traiter les régressions post- Lasik de la PKR
intraépithéliale.
L’envie de satisfaire la demande des patients doit être tempérée par
le risque accru d’amincissement cornéen excessif.
Certains instruments sophistiqués comme les sondes d’échographie
ultrasoniques hautes fréquences peuvent permettre des mesures
précises du lit stromal résiduel et améliorer les indications de
retraitement.
3- Prévention :
L’utilisation de nomogrammes spécifiques par les chirurgiens peut
permettre de mieux cerner les indications des photoablations pour
les corrections importantes.
Toutefois, le large éventail des facteurs pouvant influencer le
résultat (âge, hydratation cornéenne, température ambiante, etc)
rend difficile l’obtention de résultats précis pour ces fortes
corrections.
F - HALOS ET ÉBLOUISSEMENTS :
L’induction d’aberrations visuelles entache le résultat de la
plupart des procédures de chirurgie réfractive, et peut réduire
significativement la qualité de la vision, et ce de façon parfois
permanente.
L’augmentation du diamètre pupillaire joue un rôle certain dans la
genèse des éblouissements et des halos.
En général, ces symptômes diminuent avec le temps, sans qu’il soit
facile d’attribuer cette évolution spontanée à la diminution de
l’irrégularité anatomique sous-jacente ou à une adaptation cérébrale
du patient.
Une faible proportion de patients ne signale aucune amélioration
avec le temps.
Ces patients peuvent être handicapés pour la conduite nocturne,
malgré l’obtention d’une bonne acuité visuelle sans correction pour
les forts contrastes.
En effet, une diminution de la sensibilité au contraste peut
entraver la conduite de nuit ou en accroître le risque.
1- Étiologie :
Il existe un faisceau croissant de preuves que certaines causes
importantes d’aberrations optiques de haut degré, génératrices de
halos et d’éblouissements, sont les décentrements infracliniques (<
à 1 mm) et/ou les traitements uniquement basés sur la loi de
Munnerlyn.
De plus, quand la pupille se dilate et atteint un diamètre plus
large que celui de la zone optique, les rayons lumineux réfractés
par la périphérie cornéenne ne sont pas focalisés au même endroit
que les rayons centraux, ce qui peut induire l’apparition d’un flou
concentrique.
Ces symptômes sont parfois plus prononcés après les traitements
visant à corriger des erreurs cylindriques, en raison du périmètre
ovale de la photoablation qui comporte un diamètre de zone optique
réduit dans l’axe du méridien ombré.
De plus, la correction des fortes erreurs réfractives est associée à
un risque accru d’aberrations, étant donné la différence importante
de courbure entre les zones traitées et non traitées.
Ces mêmes symptômes peuvent être provoqués par l’astigmatisme
irrégulier généré par des plis de capot, des anomalies
topographiques ou une simple myopie résiduelle.
La sécheresse oculaire et l’irrégularité de la surface épithéliale
peuvent également contribuer à l’apparition de ces symptômes.
2- Traitement :
Les aberrations optiques postchirurgie réfractive peuvent être
réduites en élargissant les zones d’ablation, en utilisant les
profils d’ablation guidés par le recueil du front d’onde ou la
topographie cornéenne développés actuellement.
Un traitement conservateur consistant en l’administration de
myotiques légers peut améliorer la performance au cours de certaines
activités nocturnes comme la conduite.
Il est également possible de conseiller aux patients de maintenir
allumé l’éclairage intérieur pendant la conduite de nuit, afin
d’induire une constriction de la pupille et d’améliorer les
symptômes visuels.
Quelques arguments plaident en faveur de l’obtention d’une réduction
du diamètre mésopique pupillaire par la brimonidine en collyre (Alphagant
: Allergan, Irvine, Californie, États-Unis).
Les lentilles de contact colorées avec des pupilles artificielles,
ainsi que les verres de lunettes teintés en jaune sont également à
même de procurer la réduction de ce type de symptômes.
La lubrification de la surface oculaire avec des larmes
artificielles ou la pose de bouchons lacrymaux, peut parfois aboutir
à une amélioration franche des symptômes visuels liés à une
sécheresse de la surface oculaire.
En cas de myopie résiduelle, il faut prescrire des verres
correcteurs qui représentent un moyen simple d’améliorer la vision
diurne et noctume.
La pose d’une lentille de contact rigide correctement centrée peut
aussi aboutir à un élargissement de la zone optique utile, et être
une solution adaptée dans certains cas.
3- Prévention :
Le diamètre de la pupille peut être évalué grâce à l’utilisation
d’une échelle Rosenbaum, ou à l’aide du pupillomètre à infrarouge
Colvard.
Il faut réduire l’ambiance lumineuse de la pièce où on mesure le
diamètre de la pupille, pour mimer des conditions d’éclairage
mésopique.
Les patients qui présentent un diamètre pupillaire de plus de 6 mm
dans ces conditions doivent être particulièrement informés des
risques de dégradation de la vision nocturne après Lasik.
Les profils d’ablation comportant de larges zones optiques ont
permis de réduire l’incidence des éblouissements nocturnes.
La mise au point de logiciels de délivrance permettant de réaliser
une photoablation de large diamètre tout en préservant le tissu
cornéen stromal, pourrait également être utile pour réduire
l’incidence de ce type de problème.
Les mesures préventives précédemment citées dans le but de prévenir
les décentrements et les îlots centraux pourraient également
s’appliquer, afin d’optimiser la qualité visuelle en postopératoire.
Certains chirurgiens incitent leurs patients à rechercher et
identifier des symptômes d’éblouissement, de halo ou de
scintillement nocturne avant l’opération.
Ceci peut permettre d’éviter à certains d’attribuer à la chirurgie
des aberrations optiques préexistantes.
G - DIMINUTION DE LA SENSIBILITÉ AU CONTRASTE :
Une diminution de la qualité de la vision proportionnelle à la
diminution des contrastes et à la taille de la pupille, a été
récemment mise en évidence par Holladay et al.
Ces auteurs ont conclu que le profil cornéen oblate après Lasik
était la cause principale de la baisse de la qualité de vision
nocturne.
Inversement, Pérez-Santonja et al ont rapporté une augmentation de
la sensibilité au contraste pour certaines fréquences spatiales 6
mois après Lasik, chez les patients opérés de myopie moyenne et
forte.
En raison des différentes méthodes utilisées, il est difficile de
comparer ces études portant sur l’appréciation de la sensibilité au
contraste.
Il est également difficile de relier directement à la perte de la
sensibilité au contraste, les plaintes des patients comme les
éblouissements et les halos.
Perte de la meilleure acuité visuelle corrigée :
L’incidence des pertes supérieures ou égales à deux lignes de MAVC
après Lasik est d’environ 4,8 %.
Elle est plus fréquente pour la correction des grandes erreurs
réfractives, et pour la correction des astigmatismes composés.
La comparaison entre les différentes études publiées peut s’avérer
difficile, car certaines prennent en compte la MAVC (lunettes ou
lentilles) alors que d’autres mesurent uniquement la MAVC en
lunettes.
Lin et al ont rapporté une perte de MAVC inférieure à deux lignes
secondaire à des complications de la découpe du capot, sans
mentionner d’autres types de complications.
Davidorf a rapporté un taux plus élevé de perte de MAVC avec les
traitements hypermétropiques.
L’ensemble des complications décrit dans cet article peut être
source d’une diminution de la MAVC, qu’elle soit temporaire ou
permanente.
La constatation d’une perte de la MAVC peut permettre ainsi le
dépistage précoce de certaines complications, et prévenir
l’installation de séquelles définitives.
Sécheresse oculaire :
Une majorité de patients se plaint de sécheresse oculaire après
Lasik.
Il n’est pas démontré que les patients opérés en PKR relatent ces
symptômes avec une fréquence similaire.
La plupart des patients présente après Lasik une kératite ponctuée
superficielle (KPS).
Dans une étude récente portant sur 83 yeux, 35 (42,2 %) présentaient
un dépôt circulaire cornéen marron, de densité variable, annulaire,
et situé à la lisière de la zone d’ablation au niveau de
l’épithélium cornéen du capot après Lasik.
L’aspect de cette ligne ferrique était corrélé de façon positive
avec le délai postchirurgie (supérieur à 3 mois) et l’équivalent
sphérique préopératoire (supérieur à -4,5 dioptries).
Ce signe reflète probablement une altération de la répartition des
larmes en surface de la cornée, causée par l’aplatissement cornéen
central.
Il peut également être associé à la formation d’un îlot central.
De même, un anneau aux caractéristiques similaires est
habituellement rencontré après les ablations hypermétropiques.
A - Étiologie :
La sécheresse oculaire après Lasik peut être induite par une
diminution de la sensibilité cornéenne liée à la section des nerfs
cornéens, avec diminution consécutive du taux de clignement.
Une lésion de la surface limbique provoquée par l’anneau de succion
avec altération des cellules caliciformes, constitue une autre
étiologie possible de sécheresse oculaire.
B - Traitement :
La plupart des patients rapportent une diminution des symptômes
quelques semaines après la chirurgie.
La prescription de collyres lubrifiants peut diminuer la sensation
d’irritation oculaire dans l’intervalle.
Dans une étude récente, l’utilisation de larmes artificielles
contenant de la carmellose a abouti à de meilleurs résultats que
l’hydratation avec du BSS.
La pose de bouchons lacrymaux peut également procurer une
amélioration des symptômes pour la période postopératoire d’un Lasik.
C - Prévention :
Certains chirurgiens ont préconisé à titre prophylactique la pose de
bouchons lacrymaux à la fin de chaque procédure Lasik, afin
d’augmenter le volume du ménisque lacrymal dans la phase
postopératoire précoce.
Une réduction progressive des corticoïdes locaux peut également
améliorer les symptômes liés à la sécheresse oculaire dans cette
période.
Kératites infectieuses et infiltrats stériles :
Lin et al ont retrouvé une incidence de 0,1 % de kératites
bactériennes après Lasik.
Ce faible risque infectieux pourrait avoir conduit certains
chirurgiens à ne plus s’astreindre à l’utilisation d’un
environnement stérile pour la réalisation du Lasik.
S’il n’a pas été prouvé que ce type de conduite a accru le taux
d’infections, il s’agit néanmoins d’une pratique risquée sur le plan
médicolégal.
Étant donné que des infections bilatérales et des endophtalmies ont
été rapportées dans ses suites, le Lasik devrait être pratiqué avec
les mêmes précautions que les autres procédures chirurgicales
ophtalmologiques.
Des infections fongiques et des kératites à micobactéries ont été
rapportées.
Karp et al ont publié deux cas de kératite infectieuse retardée (1
mois et 3 mois) après Lasik.
Parfois, la présence d’infiltrats stériles peut être notée au niveau
du bord du capot.
Ces infiltrats peuvent être favorisés par l’existence d’une
blépharite liée à une rosacée oculaire ou non, d’un oeil sec, de
l’utilisation d’AINS en collyre, ainsi que de connectivites
méconnues.
Il est difficile de distinguer par leur apparence ces infiltrats de
ceux causés par les infections, et la plus grande vigilance doit
être de mise devant la survenue de ce type de complications.
A - Étiologie :
Les sources possibles de contamination incluent la flore oculaire,
les instruments et éponges utilisés pour la technique, les mains du
chirurgien, ou des contaminants aéroportés. Plusieurs
microorganismes ont été incriminés dans les kératites infectieuses
après Lasik.
Les antécédents d’infection à virus herpès simplex (VHS) sont une
contre-indication au Lasik, en particulier en présence de séquelles
cornéennes cicatricielles, étant donné le risque de réactivation
virale.
B - Traitement :
Il faut instaurer le traitement rapidement, après mise en culture
bactérienne des prélèvements locaux.
Il faut resoulever le capot et mettre en culture les prélèvements
réalisés à ce niveau, puis irriguer copieusement l’interface.
Le traitement correspond à celui de l’abcès cornéen septique.
Dans les cas extrêmes où l’absence de réponse au traitement a
conduit à une nécrose sévère du capot, celui-ci peut être excisé.
C -
Prévention :
Les mesures suivantes permettent de réduire l’incidence des
kératites infectieuses postLasik :
– technique utilisant une asepsie stricte ; – utilisation d’une lame
de microkératome par oeil en cas de Lasik bilatéral simultané ;
– mise en garde des patients sur la possibilité d’une récidive de
kératite herpétique en cas d’antécédents ou de séquelles de kératite
à virus herpès simplex.
La mesure de l’anesthésie cornéenne avant la chirurgie pourrait être
utile pour prédire le risque de survenue de defects épithéliaux
persistants.
La prescription d’antiviraux par voie systémique peut être également
effectuée, afin de minimiser le risque de réactivation induite par
la chirurgie.
Kératite lamellaire diffuse :
La kératite lamellaire diffuse (KLD) (diffuse lamellar keratitis,
DLK) correspond à un syndrome décrit récemment, et est caractérisée
par la prolifération de cellules présumées inflammatoires au niveau
de l’interface.
Elle survient dans environ 0,2 à 3,2 % des cas.
Elle peut conduire à la fonte
cornéenne stromale, avec induction d’une hypermétropie ou d’un
astigmatisme hypermétropique.
Les symptômes associés incluent la
perte de la MAVC et l’apparition d’aberrations optiques liées à
l’induction d’un astigmatisme irrégulier.
Lyle et al ont rapporté un
cas d’invasion épithéliale avec accumulation liquidienne au niveau
de l’interface.
Les autres associations publiées incluent des defects épithéliaux cornéens, les hémorragies liées à un
micropannus cornéen, et la présence d’une dermatite de contact
concomitante au niveau des paupières.
Dans leur publication
initiale sur la KLD, Smith et Maloney ont souligné les
caractéristiques des infiltrats associés à ce nouveau syndrome.
Toutefois, depuis cette publication, nous avons, ainsi que d’autres
auteurs, noté des différences importantes avec les critères décrits par
Smith et al.
Nous avons traité certains patients se
présentant avec une KLD survenant dès le premier jour
postopératoire (2e jour postopératoire), asymptomatique (douleurs
et photophobie), s’étendant au-delà de l’interface (confiné à
l’interface), avec une prévalence plus élevée en cas de defect
épithélial (absence de defects épithéliaux associés), et associée avec
une inflammation conjonctivale (pas d’injection ciliaire).
La KLD
peut survenir de façon sporadique ou compliquer des procédures
primaires consécutives, ou encore survenir dans le cas de procédures
secondaires.
Plusieurs agents ont été suspectés d’être à l’origine de
cette question relativement rare mais potentiellement grave.
Un lien
de causes à effets entre les endotoxines émanant des matériels de
stérilisation a été décrit.
L’histoire naturelle de la KLD semble impliquer la coalescence
centrale de cellules inflammatoires persistant au-delà du 5e jour
postopératoire (observations personnelles).
Ces agrégats peuvent
conduire à une fonte stromale centrale et à l’induction d’une cicatrice
irrégulière.
Notre approche thérapeutique actuelle consiste à
soulever le capot, nettoyer et irriguer l’interface dès le 4e jour
postopératoire au plus tard, quand l’inflammation progresse malgré
l’instillation répétée de collyre à la prednisolone 1 % associé à une
antibiothérapie locale à large spectre.
Tout symptôme de fonte stromale doit faire hâter cette prise en charge chirurgicale.
Nous
avons utilisé avec succès (absence de récidive) un encadrement périopératoire comprenant l’instillation d’une corticothérapie locale
pour le retraitement d’au moins cinq patients ayant présenté un
épisode de KLD (observations non publiées).
Peters et al ont proposé
d’utiliser l’instillation topique de corticoïdes au niveau du lit stromal
au cours du Lasik, afin de réduire l’incidence et la sévérité de la
KLD.
Autres complications
:
Les autres complications rapportées incluent un risque accru de
formation de cataracte, un effet délétère au niveau du comptage
cellulaire endothélial, une hémorragie maculaire,
unilatérale ou bilatérale, une difficulté d’adaptation aux
lentilles de contact et une difficulté pour le calcul de la puissance
des implants intraoculaires pour les patients devant subir une
intervention de cataracte.
Une large étude portant sur 29 916
yeux ayant subi un Lasik a montré une faible incidence ultérieure
des affections vitréorétiniennes (0,06 %), confirmant ainsi les
publications antérieures mentionnant le faible risque de
complication rétinienne sérieuse induite par le Lasik.
Conclusion
:
La chirurgie réfractive au Lasik est une technique récente qui présente
un taux de succès très élevé.
Toutefois, elle implique une exigence de
sécurité très élevée, car il existe un risque potentiel à chaque fois que
cette procédure est réalisée sur des yeux par ailleurs relativement sains.
Ces risques peuvent être réduits en tirant les leçons des erreurs
commises précédemment, en analysant les résultats de cette chirurgie,
et en utilisant les innovations avec prudence, de façon sage et éthique.
Les auteurs qui ont rapporté les complications rencontrées ont, en
partageant leur expérience avec le reste de la communauté des
chirurgiens réfractifs, permis de compléter notre connaissance
concernant cette procédure chirurgicale relativement nouvelle.
Ceci a
permis d’améliorer de façon continuelle la technique du Lasik, et de jeter
les bases pour l’établissement de nouvelles stratégies plus efficaces et
sûres pour la correction des futurs opérés.
NB : Méthodes utilisées pour la recherche dans la littérature
Dans cette revue, nous avons sélectionné les articles pertinents
concernant le Lasik publiés dans des revues à comité de lecture, en
utilisant une procédure systématique effectuée par étapes.
Dans un premier temps, une recherche dans la base de données PUBMED (National Library of Medicine) a été effectuée pour identifier
tous les articles publiés sur le Lasik jusqu’en février 2000.
Le terme
laser in situ kératomileusis et le mot clé kératomileusis ont été utilisés afin d’obtenir une enquête large et sensible.
Dans un deuxième temps,
tous les abstracts ont été revus avec attention pour sélectionner les
articles écrits en anglais et portant soit sur les complications du Lasik,
soit sur les résultats de séries cliniques.
Certains articles de langue non
anglaise ont été inclus quand cela a été jugé nécessaire.
Des copies des
articles in extenso ont été obtenues.
Les bibliographies attachées à ces
articles ont été également revues, en utilisant les mêmes règles de
recherche.
Dans un troisième temps, les articles ont été relus et les
complications du Lasik classées et incorporées dans ce manuscrit.
Nous
avons majoritairement extrait les chiffres concernant l’incidence des
diverses complications du Lasik, à partir de trois grandes études (ayant
inclus un nombre d’yeux supérieur ou égal à 1 000).
Étant
donné l’évolution rapide de la technique du Lasik, nous avons
également inclus des informations rassemblées à partir de cas cliniques
publiés, de présentations données lors de congrès scientifiques, et de
données provenant de notre expérience personnelle.
Enfin, nous avons
répété notre procédure en trois temps au moment de la révision finale de
ce manuscrit, afin d’inclure certains articles pertinents publiés entre
février 2000 et février 2001.