Le coma est le plus grave des troubles de la vigilance.
Il se définit par la suppression du comportement
de veille (absence d’ouverture des yeux quelle que soit
la stimulation) et par l’absence de toute activité
consciente.
Il traduit une souffrance cérébrale.
Orientation diagnostique
:
Elle repose essentiellement sur l’examen clinique réalisé
en urgence dès l’arrivée du patient.
A - Examen clinique :
Il affirme le diagnostic de coma, évalue sa profondeur et
apprécie les fonctions vitales.
1- Troubles végétatifs :
Il faut les rechercher en premier car ils peuvent menacer d’emblée le pronostic vital et imposer des gestes thérapeutiques
immédiats.
L’état cardiovasculaire et l’état respiratoire sont appréciés
: fréquence et rythme cardiaque, tension artérielle,
amplitude respiratoire, hypoventilation, hyperventilation
(mésencéphale, protubérance), rythme, pauses,
apnées (protubérance, bulbe), régularité, respiration
périodique de Cheyne-Stokes (diencéphalique), dyspnée
de Küssmaul, encombrement, réflexe de toux.
La mesure de la température et l’examen de la réactivité
pupillaire compléteront cet examen.
2- Examen neurologique :
• L’examen de la vigilance apprécie les activités spontanées
du patient (ouverture des yeux, suivi des yeux,
motricité, expression orale) et recherche une réaction
d’éveil induite par des stimulations d’intensité croissante
: ordres, appel, bruit, secousse, stimulation cutanée
extéroceptive puis nociceptive.
• L’examen de la motricité recherche :
– une asymétrie dans l’activité spontanée qu’il faut distinguer
des mouvements involontaires.
L’asymétrie de la
réactivité motrice à des stimulations nociceptives symétriques
de différentes régions du corps permet de suspecter
une hémiplégie.
Il faut distinguer les réponses
adaptées qui sont différentes selon le stimulus et finalisées
des mouvements réflexes stéréotypés comme le
triple retrait aux membres inférieurs et les mouvements
de décortication (adduction et flexion du membre supérieur
et extension rotation interne du membre inférieur)
traduisant une souffrance hémisphérique, ou décérébration
(adduction, extension, rotation interne, enroulement
du membre supérieur s’étendant au membre inférieur,
traduisant une lésion mésencéphalique) ;
– l’existence d’une paralysie faciale spontanée ou après
manoeuvre de Pierre-Marie et Foix ;
– les troubles du tonus : hypertonie ou hypotonie d’un
hémicorps, asymétrie de la mobilisation passive, du ballant ;
– un signe de Babinski, et une asymétrie des réflexes.
• L’examen oculaire analyse :
– l’occlusion des yeux, incomplète dans les comas très
profonds ;
– le clignement.
Le clignement spontané ou à la menace
est aboli.
La stimulation légère, à l’aide d’un tissu stérile
de la cornée induit le réflexe cornéen ; on recherche le
réflexe naso-palpébral.
– l’état des pupilles (diamètre, anisocorie, réponse photomotrice)
qui renseigne parfois sur une étiologie
toxique : myosis (intoxication morphinique), mydriase
(atropiniques).
Il a surtout une valeur localisatrice de la
souffrance cérébrale.
– l’oculomotricité : une déviation conjuguée de la tête et
des yeux sera controlatérale à une lésion de la protubérance
mais ipsilatérale à une lésion plus haut située
(regarde sa lésion).
Les paralysies du III et du VI
sont recherchées.
S’ils existent, les mouvements
oculaires spontanés sont étudiés : mouvements pendulaires
normaux, opsoclonus et bobbing oculaire anormaux.
En l’absence d’activité spontanée, on recherche
les réflexes oculo-céphaliques inverses aux mouvements
passifs de rotation, flexion et extension de la tête (en
l’absence de lésion cervicale) et les réflexes oculo-vestibulaires
(si le tympan est normal) à l’instillation d’eau
glacée dans le conduit auditif externe, la tête étant fléchie
à 30° (déviation lente tonique vers le côté stimulé).
L’examen pourra être complété par un examen du fond
d’oeil et la recherche de signes méningés (raideur de la
nuque; signe de Kernig et Brudzinski)
3- Classification clinique de la profondeur
du coma
:
Plusieurs classifications sont proposées.
Leur intérêt
réside surtout dans la définition de groupes homogènes
pour les études de suivi mais la surveillance de l’évolution
du coma doit reposer sur l’ensemble des données de
l’examen neurologique et des fonctions vitales.
• La classification en stades distingue grossièrement :
– un stade I (coma vigile ou obnubilation) : réponses
plus ou moins compréhensibles aux stimulations auditives
fortes, réactions motrices adaptées aux stimulations nociceptives légères ;
– un stade II (coma) : réveil impossible, réactions
motrices inadaptées aux stimulations nociceptives
intenses, pas de troubles végétatifs ;
– un stade III (coma profond) : absence de réaction, ou
réaction de décérébration aux stimulations nociceptives,
résolution musculaire, présence de troubles végétatifs ;
– un stade IV (coma dépassé ou aréactif) : réactivité
nulle, abolition des fonctions végétatives, mydriase
aréactive, électroencéphalogramme plat.
• Échelle du
coma de Glasgow : initialement
conçue pour les traumatismes cérébraux, elle est largement
utilisée et repose sur la cotation de 3 types de
réponses : ouverture des yeux, réponse motrice et réponse
verbale.
Le coma est défini par un score inférieur à 7.
Ces critères cliniques sont associés à des critères électroencéphalographiques
en 4 stades, pour apprécier la
profondeur et suivre l’évolution d’un coma.
B - Diagnostic différentiel :
Dans un contexte non traumatique, il s’agit de distinguer
ce qui n’est pas un coma.
1- Aréactivité d’origine psychogène
et simulations
:
Le diagnostic de faux coma d’origine psychogène par
un mécanisme de conversion ou par simulation
consciente devra être prudent et reposer sur des arguments
solides : les circonstances de survenue ; la résistance
à l’ouverture des paupières ; le clignement à la
menace, l’évitement de la face lors de la manoeuvre de
chute provoquée du membre supérieur au-dessus du
visage ; l’absence de tout signe clinique objectif en particulier
l’absence de mouvements pendulaires des yeux.
L’absence d’anomalies électroencéphalographiques
peut aider.
Le locked in syndrome est lié à une lésion protubérantielle
habituellement par thrombose du tronc basilaire ou
à une myélinolyse centrale du pont après correction trop
rapide d’une hyponatrémie sévère en particulier chez
l’éthylique.
Le tableau associe une conscience normale
malgré une tétraplégie, une diplégie faciale, une paralysie labio-glosso-pharyngo-laryngée et une paralysie de
la latéralité du regard mais pas de la verticalité et il y a
persistance de l’ouverture des yeux à la demande ce qui
peut permettre une communication.
3- Mutisme akinétique :
Le mutisme akinétique résulte d’une souffrance frontale
interne bilatérale par lésions frontales ou hydrocéphalies
aiguës, ou de lésions de la formation réticulaire mésencéphalique
ou du diencéphale postérieur.
Le patient est
vigile mais immobile et présente un trouble majeur de
l’attention avec négligence motrice et sensitive.
On
constate l’absence de mouvements spontanés, sur ordre
ou après stimulations mais persistance des mouvements
conjugués des yeux et du clignement à la menace.
4- Hypersomnies :
Ce trouble du sommeil caractérisé par des accès de sommeil
rapidement réversibles par stimulations, parfois
associés à des bâillements, peut être idiopathique
(hypersomnie essentielle), lié à une narcolepsie (associé
alors à des attaques de cataplexie), à un syndrome
d’apnées du sommeil (associé à des apnées et un ronflement)
ou chez l’adolescent au rare syndrome de Kleine-
Levin Critchley.
5- Comas après un traumatisme ancien :
Certains comas supposés non traumatiques sont en fait
dus à un traumatisme initial ancien et négligé car minime,
en particulier chez le sujet âgé ou éthylique.
Dans ce
contexte, un scanner cérébral recherche un éventuel
hématome sous-dural.
C - Diagnostic étiologique :
1- Orientation étiologique :
Elle doit être pratiquée en urgence.
• L interrogatoire de l’entourage élimine d’emblée les
comas d’origine traumatique et précise le mode de début
(brutal orientant vers une cause vasculaire cérébrale ou
progressif en faveur d’une lésion expansive intracrânienne
s’il y a un déficit localisé).
Un début confusionnel
sans trouble neurologique peut orienter vers une
cause métabolique.
Les traitements en cours, les antécédents
de maladie métabolique connue, d’intoxication
médicamenteuse ou alcoolique, d’insuffisance rénale ou
hépatique, de terrain vasculaire, d’épilepsie, de cancer,
ou de troubles psychiatriques sont précisés.
• L’examen clinique comporte un examen neurologique
à la recherche de signes de localisation qui oriente vers
une lésion neurologique.
Cependant l’absence de signe
de localisation n’élimine pas une lésion du système nerveux
central (sous-dural chronique par exemple) et certains
tableaux métaboliques (hypoglycémie, états hyperosmolaires,
encéphalopathies hépatiques) peuvent être
associés à des signes neurologiques trompeurs.
L’examen général recherche en outre une ecchymose,
une plaie ; du sang nasal ou dans l’oreille ; une morsure
latérale de langue ; un syndrome infectieux clinique
(fièvre faisant suspecter une méningo-encéphalite) et
comporte une auscultation cardiovasculaire et la prise de
la tension artérielle.
• Les examens complémentaires suivants sont pratiqués
en urgence :
– biologie : glycémie immédiate digitale puis sanguine,
ionogramme (natrémie), créatininémie et bilan hépatique,
recherche de toxiques et de médicaments orientée
par le contexte (monoxyde de carbone, benzodiazépines,
barbituriques, antiépileptiques), alcoolémie, calcémie,
numération formule sanguin (NFS), plaquettes,
coagulation, hémoculture si hyperthermie, gazométrie ;
– électrocardiogramme, fond d’oeil en l’absence de
scanner à la recherche d’une stase papillaire ;
– électroencéphalogramme dès que possible ;
– radiographie pulmonaire ;
– scanner cérébral: il est systématique si on suspecte une
cause intracrânienne expansive ou vasculaire ou en cas
de coma inexpliqué ;
– ponction lombaire devant un syndrome fébrile et (ou)
des signes méningés, si possible après contrôle du scanner
cérébral.
Cependant, si le tableau évoque une méningite
bactérienne la ponction lombaire d’urgence est une
priorité.
2- Étiologie :
• Comas métaboliques : les comas métaboliques sont
évoqués en cas d’installation rapidement progressive
avec des antécédents évocateurs. Ils imposent des
mesures d’urgence.
– Le coma hypoglycémique doit être recherché chez le sujet diabétique traité ou au cours d’ivresses aiguës.
Devant un coma inexpliqué, l’injection intraveineuse de
sérum glucosé hypertonique est systématique du fait du
risque lié à la prolongation d’une hypoglycémie.
– Les autres comas métaboliques : coma acidocétosique,
hyperosmolaire ou acidose lactique chez le diabétique;
encéphalopathies hépatiques, respiratoires ou rénales
évoquées sur un terrain connu ; troubles hydroélectrolytiques
(hypernatrémie ou hyponatrémie) et de l’hydratation
; hypothermies. Rarement, les endocrinopathies
sont révélées par un coma (hypothyroïdie, insuffisances
surrénale ou de l’antéhypophyse).
• Comas toxiques : ce sont les plus fréquents. Ils sont à
évoquer systématiquement en particulier devant un
coma profond avec réponse photomotrice conservée.
– Intoxications médicamenteuses le plus souvent par
barbituriques, benzodiazépines, antidépresseurs ou
autres psychotropes, morphiniques.
Les médicaments
sont souvent associés.
La recherche biologique de
toxiques est indispensable.
Un contexte dépressif (tentatives
de suicide) peut orienter.
– Intoxications alcooliques aiguës.
Le diagnostic souvent
aisé est étayé par le dosage de l’alcoolémie. Il faut
rechercher une hypoglycémie associée.
– Intoxications à l’oxyde de carbone : elle seront évoquées
dans un contexte particulier (chauffage défectueux) et
confirmées par le dosage sanguin du monoxyde de carbone.
– Autres : éthylène-glycol, paraldéhyde...
• Comas avec signes neurologiques focalisés
– Si le début est ictal, après avoir éliminé l’hypoglycémie,
on s’oriente vers un accident vasculaire cérébral
sur un terrain vasculaire (hypertension artérielle, souffle
à l’auscultation des vaisseaux cervicaux, cardiopathie
emboligène connue ou la découverte d’un trouble du
rythme ou d’une défaillance cardiaque).
Le scanner
cérébral permet la distinction entre accident hémorragique
et ischémique intraparenchymateux et élimine
l’hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’un anévrisme
intracrânien, lésion dont la nature éventuellement
chirurgicale sera déterminée après angiographie
cérébrale.
Il est moins contributif en cas de thrombophlébite
cérébrale avec ramollissement veineux (signe
du delta) et le diagnostic repose alors surtout sur l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) cérébrale, l’angio-IRM, voire l’angiographie cérébrale.
La survenue
d’un coma à la phase initiale d’un accident vasculaire
cérébral est de mauvais pronostic.
– Si le début est progressif on s’oriente vers une lésion
intracrânienne occupant de l’espace, en particulier si le
coma a été précédé de troubles neurologiques focalisés
progressifs et par des signes d’hypertension intracrânienne
(céphalées, nausées, vomissements).
On
recherche des antécédents néoplasiques et une altération
de l’état général.
On recherche des signes d’engagement
cérébral : mydriase unilatérale, raideur de nuque, crise
tonique postérieure...
Un scanner en urgence est réalisé
sans et avec injection de produit de contraste, s’il n’y a
pas de contre-indication qui montre soit une tumeur sus-tentorielle avec réaction oedémateuse, soit une tumeur sous-tentorielle avec retentissement sur les ventricules
et hydrocéphalie ou un hématome sous-dural chronique.
Le traitement en urgence dépend de ce résultat : en
cas d’oedème, un traitement anti-oedémateux
(Mannitol*, glycérol, corticoïdes) est réalisé. Une sonde
de dérivation ventriculaire sera posée en cas d’hydrocéphalie.
L’évacuation chirurgicale d’un hématome sousdural
peut être envisagée.
La chirurgie d’exérèse éventuelle
d’une tumeur n’est pas réalisée en urgence.
• Coma avec signes méningés
– En dehors d’un contexte fébrile, on évoque une
hémorragie sous-arachnoïdienne en particulier si le
tableau a été précédé d’une céphalée violente ictale.
Le
scanner cérébral en urgence peut confirmer le diagnostic
(sang dans les espaces sous-arachnoïdiens) et éliminer
une hémorragie intraparenchymateuse associée.
En cas
de suspicion clinique et si le scanner n’est pas contributif,
on fait une ponction lombaire à la recherche d’un
liquide hématique incoagulable sur 3 tubes.
En cas de
doute, la recherche des pigments sanguins est utile.
Le traitement est fonction du risque de récidive, de l’âge
et des résultats de l’artériographie.
– En cas de syndrome méningé fébrile, il faut rechercher
une méningite ou une méningo-encéphalite.
La ponction
lombaire ramène un liquide purulent, trouble ou clair.
Il peut s’agir d’une méningo-encéphalite virale notamment
herpétique.
Le liquide sera clair, lymphocytaire.
L’imagerie par résonance magnétique, l’électroencéphalogramme
et la PCR (polymerase chain reaction) pour
l’herpès virus confirment le diagnostic mais la mise en
route du traitement antiviral (aciclovir) est faite en urgence
sans attendre ces confirmations.
Il peut s’agir d’une
méningite purulente (à pneumocoques).
Le liquide est
purulent et la mise en route des antibiotiques intraveineux
à fortes doses, immédiatement, sans attendre la formule
cellulaire et la bactériologie, s’impose.
Plus rarement, il
s’agit d’une méningite tuberculeuse, d’un empyème sousdural,
ou d’une thrombophlébite cérébrale.
• Coma survenant au décours d’une crise comitiale
Le récit des témoins, les notions de perte des urines et de
morsure de langue latérale feront évoquer le diagnostic
mais un coma se prolongeant après une crise comitiale
impose de rechercher une complication comme un état
de mal par l’électroencéphalogramme ou une intoxication
médicamenteuse.
C’est pourquoi, s’il s’agit d’une
épilepsie ancienne, déjà traitée, on dose les antiépileptiques
en urgence.
Si c’est une première crise d’épilepsie,
on recherche une lésion causale par un scanner cérébral
sans et avec injection intraveineuse de contraste et
un électroencéphalogramme.
Orientation du traitement
:
Elle associe :
1- Mesures de réanimation appropriées :
Mises en jeu parallèlement au bilan diagnostique et un
traitement étiologique : maintien des fonctions vitales, ventilatoires et circulatoires (oxygénation, libération des
voies aériennes, si nécessaire intubation pour assurer une
ventilation assistée, réhydratation, équilibrage volémique),
traitement d’un éventuel état de mal épileptique.
2- Traitement étiologique essentiel :
Il débute par le traitement d’une éventuelle hypoglycémie,
d’un trouble de l’osmolarité.
Les urgences neurochirurgicales
sont rares (hémorragies méningées,
lésions vasculaires cérébelleuses menaçantes, dérivation
d’une hydrocéphalie).
Les urgences médicales non
métaboliques sont représentées par les traitements antiinfectieux
des méningo-encéphalites herpétiques ou des
méningites bactériennes, le traitement des intoxications
(naloxone en cas d’intoxication morphinique, oxygénothérapie
hyperbare en cas d’intoxication à l’oxyde de
carbone, flumazénil en cas d’intoxication aux benzodiazépines)
et le traitement des états de mal épileptiques.
3- Soins infirmiers
:
Prévention d’escarres, de phlébites ; gouttes oculaires...
4- Surveillance :
On met en route une surveillance clinique (pouls, pression
artérielle, monitorage cardiaque, ventilation, diurèse,
température ; état de conscience, déficit neurologique,
recherche de phlébite, état cutané) et paraclinique
(ionogramme, gazométrie, numération formule sanguine,
électroencéphalogramme...).