Les chéloïdes sont des tumeurs dermiques fibreuses bénignes résultant
d’une cicatrisation pathologique sur le mode hypertrophique et qui se
traduisent par :
– une production excessive de divers constituants du tissu conjonctif,
notamment du collagène ;
– une localisation qui s’étend au-delà des limites de la blessure initiale ;
– une évolution qui ne se fait jamais spontanément vers la guérison ;
– une tendance marquée à la récidive après exérèse chirurgicale en peau
saine.
Ces trois derniers éléments distinguent les cicatrices chéloïdiennes (CC)
des cicatrices hypertrophiques (CH) qui guérissent spontanément en 6 à
18 mois.
Cette cicatrisation anormale aboutit à une lésion inflammatoire
chronique dont l’activité va progressivement diminuer pour laisser place
à la lésion chéloïdienne typique qui correspond au stade fibreux.
La cicatrisation chéloïdienne est une pathologie spécifique à l’être
humain.
Cela explique donc les difficultés de compréhension de la
physiopathologie de cette anomalie de la cicatrisation pour laquelle
n’existe pas de modèle animal.
Les progrès dans la connaissance de la cicatrisation chéloïdienne ont
résulté du formidable essor qu’a connu depuis une vingtaine d’années la
biologie dans divers domaines :
– les techniques de culture cellulaire, qui ont permis d’étudier in vitro
le comportement de fibroblastes chéloïdiens cultivés en monocouche et
en derme-équivalents (DE), ainsi que l’effet sur ce comportement de
diverses molécules ;
– les techniques de biologie moléculaire, qui ont permis d’analyser de
façon très précise les perturbations matricielles présentes dans le tissu
chéloïdien, ainsi que les anomalies biosynthétiques exprimées par les
fibroblastes chéloïdiens en culture ; elles ont ainsi contribué à affiner les
résultats des travaux antérieurs qui concernaient l’analyse histologique
et biochimique conventionnelle du tissu chéloïdien ;
– les facteurs de croissance, et notamment la découverte du rôle
fondamental que jouent divers facteurs de croissance lors des différentes
étapes de la cicatrisation.
Parmi ces substances, l’une d’entre elles semble jouer un rôle
primordial, aussi bien lors de la cicatrisation normale, que lors de la
cicatrisation chéloïdienne.
Il s’agit du TGFbêta.
Ce facteur de croissance
semble par ailleurs jouer un rôle très important dans la physiopathologie
de nombreuses autres pathologies cutanées avec fibrose dermique.
La plus étudiée d’entre elles est la sclérodermie systémique, dont les
caractéristiques histologiques sont proches de celles des chéloïdes, et qui
a servi de modèle précurseur pour mettre en évidence le rôle important
du TGFbêta dans ces maladies fibrotiques.
Le TGFbêta est un médiateur majeur de la cicatrisation produit
par les plaquettes, les macrophages ou les lymphocytes T activés, qui
agit par recrutement des cellules impliquées dans l’inflammation et la
cicatrisation, mais surtout en stimulant fortement la synthèse des
composants de la matrice extracellulaire et en inhibant la dégradation
des protéines de la matrice extracellulaire :
– il stimule fortement, au niveau transcriptionnel, la synthèse
fibroblastique de collagène de type I, II, III, IV et V, de fibronectine,
d’élastine, d’acide hyaluronique, de protéoglycanes de type
chondroïtine- et dermatane-sulfate, notamment le bêtaglycane et la
décorine... ;
– il inhibe, au niveau transcriptionnel, la protéolyse des protéines de la
matrice extracellulaire par deux mécanismes :
– il réduit la synthèse et la sécrétion de différentes protéases qui
agissent sur la matrice extracellulaire : collagénase, activateur du
plasminogène... ;
– il augmente la synthèse des inhibiteurs spécifiques de ces
protéases : TIMP (tissue inhibitor of metalloproteases), inhibiteur de
l’activateur du plasminogène...
A - Facteurs favorisants
:
Les chéloïdes font suite à une agression touchant le derme, parfois un
microtraumatisme passé inaperçu faisant parler de « chéloïde spontanée
».
Il peut s’agir d’un geste chirurgical, d’un traumatisme
mécanique, d’une brûlure, de lésions inflammatoires : folliculite, acné,
piqûre d’insecte, morsure d’animal, vaccination.
– Ethnie : cette pathologie est spécifique à l’homme et touche surtout
les sujets pigmentés : les Noirs et les Asiatiques ; il n’y a pas de
sex-ratio.
– Âge de prédilection : très rare aux âges extrêmes de la vie, elle atteint
essentiellement les jeunes de moins de 30 ans.
– Localisations anatomiques privilégiées :
– régions deltoïdiennes, présternales, préclaviculaires, scapulaires et
la nuque ;
– région pubienne ;
– oreilles, surtout les lobules.
Au contraire, certaines régions ne sont quasiment jamais atteintes : les
paupières, les zones génitales, les paumes des mains et les plantes des
pieds.
Il est important de souligner que ces zones de prédilection sont le siège
d’une plus importante tension cutanée, hormis les oreilles pour lesquelles les chéloïdes apparaissent fréquemment après percement du
lobule et utilisation récente de boucles d’oreille qui distendent
notablement la peau à ce niveau.
L’importance de la tension cutanée comme facteur favorisant est
corroborée par le fait que les cicatrices orientées perpendiculairement
aux lignes de tension cutanée de Langer ont un plus grand risque de
donner des chéloïdes que celles parallèles à ces lignes de tension.
De
plus, un des traitements efficaces des chéloïdes est la « plastie en Z » qui
permet d’orienter une cicatrice de perpendiculaire à parallèle à une ligne
de tension.
Enfin, il a été montré que l’autotransplantation de chéloïde
en zone dépourvue de tension provoquait une diminution de volume de
la masse chéloïdienne.
D’autres hypothèses que l’origine mécanique de l’agression initiale ont
été émises :
– le rôle de l’hypoxie tissulaire locale, résultant de l’occlusion partielle
ou complète des capillaires à l’intérieur ou en périphérie des chéloïdes
secondaire à l’hyperprolifération des cellules endothéliales ; cette
hypoxie favoriserait la néoformation de collagène, ce que semble
confirmer une étude assez récente qui montre que la baisse de la
pression partielle en oxygène augmente la synthèse de TGFbêta par des
fibroblastes cultivés en monocouche ;
– le déterminisme immunologique des chéloïdes ; elles résulteraient
d’une réaction auto-immune de l’organisme contre des antigènes
cutanés ou des antigènes cellulaires ; des anticorps antinucléaires
dirigés essentiellement contre les fibroblastes ont été mis en évidence
sur les cellules lymphoïdes de sujets chéloïdiens, alors qu’ils étaient
absents chez les sujets présentant des cicatrices hypertrophiques et chez
les témoins sains.
En revanche, il n’a pas été retrouvé d’autoanticorps circulants chez les
chéloïdiens.
Par ailleurs, les niveaux d’immunoglobulines G, M et A sont plus élevés
dans les lésions chéloïdiennes, mais également dans les cicatrices
hypertrophiques et normales, que dans la peau normale.
Enfin, la production de cytokines par les cellules sanguines mononucléées est altérée chez les patients chéloïdiens, avec :
– une production diminuée d’interférons alpha et delta et de TNFbêta ;
– une production accrue d’interféron bêta, de TNFalpha et d’interleukine 6.
En revanche, la production d’interleukines 1 et 2 est inchangée.
B - Clinique
:
Il s’agit d’une cicatrice ayant d’abord des caractères inflammatoires :
– rouge chez le Blanc, noire chez les sujets à peau foncée ;
– avec une chaleur locale augmentée ;
– douloureuse à la pression, plus rarement spontanément ;
– souvent prurigineuse dans les premiers temps.
Surtout, cette cicatrice a un aspect bourgeonnant avec un pédicule le plus
souvent large ; elle est progressivement dure et tendue, et émet dans sa
forme typique des prolongements en « pince de crabe » perpendiculaires
à la cicatrice.
Son évolution varie ensuite, selon qu’il s’agit d’une CH ou d’une CC, et
à l’intérieur même du groupe des CC, l’évolution n’est pas identique
pour tous les sujets.
Les CH régressent spontanément, en moyenne après 12 à 18 mois, avec
une cicatrice qui retrouve progressivement un aspect normal, s’aplatit et
s’assouplit, et retrouve une couleur identique à celle de la peau normale.
Les CC, après une première phase inflammatoire plus ou moins longue,
se stabilisent progressivement, perdant leurs caractères inflammatoires.
Il ne persiste qu’une masse bourgeonnante indurée, indolore, qui ne
régresse jamais spontanément.
Cependant, certaines CC peuvent rester inflammatoires pendant une
durée supérieure à 5 ans, voire exceptionnellement indéfiniment.
D’autres peuvent subir, à un stade fibreux, une réactivation
inflammatoire.
Enfin, certaines CC peuvent exceptionnellement
disparaître après plusieurs années d’évolution.
L’hypothèse de la
nécrose de la chéloïde par compression des vaisseaux dermiques par la
fibrose a été émise.
C - Histologie et biochimie
:
L’aspect est variable selon le stade évolutif de la cicatrice.
En
effet, il s’agit d’un processus cicatriciel pathologique où tous les stades
de la cicatrisation normale se succèdent, mais avec une durée beaucoup
plus longue et une intensité beaucoup plus marquée.
1- Chéloïdes jeunes (stade inflammatoire
avec fibroplasie débutante)
:
On retrouve les caractéristiques de la cicatrisation normale à son premier
stade, inflammatoire ; il existe, en regard de la lésion, au niveau du
derme réticulaire (derme profond) une hypercellularité et une
hypervascularisation.
Hypercellularité : avec une nette prédominance de fibroblastes
présentant les signes de cellules jeunes et actives, cette hyperactivité
cellulaire touche aussi bien le métabolisme que les protéosynthèses.
Les
fibroblastes n’ont aucune particularité morphologique par rapport aux
fibroblastes normaux.
En microscopie électronique, on retrouve les
signes non spécifiques de fibroblastes actifs.
La présence de myofibroblastes est discutée dans les chéloïdes.
Retrouvés par certains dans une chéloïde « active », au stade
inflammatoire, et dans les CC, ils sont pour d’autres absents de
lésions chéloïdiennes dont le stade (inflammatoire ou fibreux) n’est pas
précisé.
Des mastocytes sont aussi présents, ainsi que quelques infiltrats de
cellules mononucléées, essentiellement dans l’environnement
périvasculaire du derme.
L’existence de mastocytes à ce stade explique
le caractère prurigineux fréquent des chéloïdes jeunes.
Hypervascularisation : avec de très nombreux capillaires néoformés qui
établissent un riche réseau vasculaire sans orientation régulière.
Il existe un épaississement des parois vasculaires des vaisseaux
dermiques, avec pour conséquence une occlusion de la lumière de
nombreux vaisseaux.
Cet aspect résulte probablement d’une
prolifération des cellules endothéliales, dont l’aspect en microscopie
électronique évoque une forte activité cellulaire.
Les fibres de collagène ont au début une densité à peu près normale, mais
sont disposées de façon anarchique, sans orientation parallèle à la
surface cutanée, telle qu’on la retrouve dans le derme normal ou dans le
derme cicatriciel normal.
Progressivement, la densité de
collagène augmente et les faisceaux de collagène s’agencent en spirales,
qui forment la transition vers les structures nodulaires retrouvées par la
suite.
En microscopie électronique, le diamètre moyen des fibres de collagène
est inférieur à la normale, ce qui indique un turn-over accru avec une
hyperproduction de néocollagène dont le diamètre est inférieur à celui
du collagène mature.
Les études biochimiques mettent en évidence dans les chéloïdes jeunes
une synthèse de collagène supérieure à celle des cicatrices normales,
alors qu’elle redevient identique pour les chéloïdes âgées.
La
concentration de collagène par unité de poids sec est identique à celle du
derme normal.
Les proportions des différents types de collagène
semblent varier également selon l’âge des chéloïdes, de façon identique
à ce qui se passe lors de la cicatrisation normale.
Les études
biochimiques portant sur les chéloïdes ne tiennent hélas
généralement pas compte de la durée évolutive des lésions, ni de leur
caractère inflammatoire ou pas.
Par ailleurs, elles ne concernent que des chéloïdes âgées, pour être sûr qu’il s’agit bien de CC et non de CH.
Elles
montrent que les synthèses de collagène total sont, dans le tissu
chéloïdien, soit supérieures, soit identiques au témoin (peau normale).
La concentration relative de collagène de type I est augmentée par
rapport au témoin, alors que celle de type III est plus basse.
Il y a donc
une augmentation du rapport collagène de type I/collagène de type III.
Par hybridation in situ, une hyperexpression des gènes et de l’acide
ribonucléique messager (ARNm) codant pour le collagène de type I est
retrouvée dans la majorité des fibroblastes du derme profond, surtout en
périphérie des nodules chéloïdiens, et presque toujours à proximité des
capillaires.
Par ailleurs, il existe au même niveau une hyperexpression des gènes
codant pour le collagène de type VI, alors que le type III est très
légèrement supérieur aux témoins et que le type IV n’est pas exprimé.
L’élastine présente, en revanche, une concentration par unité de poids
sec supérieure à celle de la peau normale.
Les protéoglycanes sont abondamment présents : eux aussi ont une
concentration par unité de poids sec supérieure à celle de la peau
normale.
Leur caractère hygroscopique explique l’aspect oedémateux
des chéloïdes jeunes.
Leurs proportions diffèrent également par rapport
à un tissu cicatriciel normal : les concentrations d’acide hyaluronique et
de chondroïtine-sulfate sont plus élevées, alors que celles de dermatanesulfate
sont plus basses.
Cette anomalie de la distribution des protéoglycanes est celle habituellement retrouvée dans les tissus de
granulation à un stade précoce.
Les annexes pilosébacées sont absentes.
Le derme papillaire (superficiel) et l’épiderme sont normaux.
Ils
s’amincissent parfois lors du stade suivant, progressivement laminés par
les nodules de fibrose.
Les signes d’activité clinique (érythème, oedème, prurit) sont bien
corrélés avec les signes d’activité histologique (hypercellularité,
hypervascularisation).
Mais alors que, pour les cicatrices normales,
l’activité décroît après un pic aux alentours de 3 semaines pour laisser
place à une fibrose hyaline jusque vers 6 semaines, elle continue à croître
pour les chéloïdes alors qu’apparaissent progressivement les nodules
caractéristiques dans le derme profond.
2- Chéloïdes âgées (stade fibreux)
:
Progressivement, l’aspect inflammatoire diminue, alors que
s’accentuent la densité et l’épaisseur des fibres de collagène qui
subissent peu à peu une fibrose hyaline et forment des structures
nodulaires caractéristiques composées de fibroblastes, de collagène et
de protéoglycanes, et dépourvues d’élastine.
Ces nodules sont
entourés d’une véritable capsule formée d’épais trousseaux de collagène
ainsi que de capillaires dont le nombre décroît à mesure que le nodule
s’étend.
Selon la durée et l’évolution de ces deux stades, on différencie :
– les CH : après un stade inflammatoire prolongé et un stade fibreux
plus ou moins marqué, il y a un retour dans les 6 à 18 mois faisant suite
à l’agression dermique initiale à une morphologie de cicatrice mature
avec disparition des nodules, de l’hypercellularité, de
l’hypervascularisation et réorganisation des fibres de collagène qui se
disposent parallèlement à la surface cutanée et s’amincissent ;
– les CC : les deux stades cicatriciels inflammatoire et fibreux ont une
intensité et une durée majorées par rapport à la cicatrisation normale ; si
la phase inflammatoire peut être identique à celle des CH, rendant
impossible, d’un point de vue histologique, la distinction entreCCetCH
à ce stade précoce, la phase fibreuse des CC est toujours plus intense et
prolongée que pour les CH.
Des divergences existent entre ceux pour qui CC et CH sont deux
pathologies différentes et d’autres pour qui elles résultent toutes deux
d’un même processus qualitativement identique mais quantitativement
différent.
Or, il est tout à fait fondamental de clarifier les différences
opposant CC et CH pour pouvoir définir ce qu’est une chéloïde
« vraie ».
D - Différences entre cicatrices chéloïdiennes
et cicatrices hypertrophiques :
L’intérêt de cette distinction entre CC et CH n’est pas que purement
académique, mais il est aussi thérapeutique : en effet, le traitement des
CH est, quand il est nécessaire, pharmacologique, pour limiter
l’inflammation, qui, dans tous les cas, guérit spontanément.
En
revanche, le traitement des CC est beaucoup plus « lourd », associant
selon les équipes corticothérapie et/ou chirurgie et/ou radiothérapie,
ainsi que divers autres moyens (pressothérapie, laser...).
Le
diagnostic différentiel est essentiellement clinique.
Par
ailleurs, il n’existe pas d’arguments anatomopathologiques
formels permettant de différencier les CH des CC, du moins à un
stade suffisamment précoce de la cicatrisation pour que cela
puisse être un critère utile à la décision thérapeutique avant
que la durée évolutive ne permette de trancher.
Ainsi, au
stade inflammatoire, on retrouve les mêmes caractéristiques
histologiques pour les CH et pour les CC.
E -
Étude de la cicatrisation chéloïdienne
par culture cellulaire
:
1- Culture cellulaire en monocouche
:
Les résultats des différentes études divergent fréquemment.
Il apparaît
cependant pour la majorité des équipes que les fibroblastes chéloïdiens
cultivés en monocouche ont, dans la majorité des études, une
croissance cellulaire identique à celle des fibroblastes normaux chez des
témoins sains.
Cependant, en faisant varier les conditions de culture, il
est possible de mettre en évidence des différences de prolifération entre
fibroblastes chéloïdiens et fibroblastes normaux.
En étudiant des cellules ayant subi de deux à 38 doublements de
populations ensemencées à forte, moyenne et faible densité, il a été
montré que les fibroblastes chéloïdiens ensemencés à faible densité
perdent plus rapidement leur capacité de prolifération que les
fibroblastes normaux de témoins sains.
Les fibroblastes chéloïdiens ont une croissance supérieure aux normaux
dans des milieux de culture appauvris en sérum, et donc des besoins
réduits en facteurs de croissance.
Les fibroblastes chéloïdiens répondent différemment des normaux à
certaines molécules : l’hydrocortisone, des facteurs de croissance :
l’EGF, le TGFbêta…
Concernant les synthèses cellulaires, les résultats sont tout aussi
divergents selon les équipes.
La synthèse de collagène (mesurée par incorporation d’hydroxyproline
radioactive et par l’activité en prolylhydroxylase) sont soit normales,
soit élevées, soit élevées pour certaines souches de fibroblastes
chéloïdiens et pas pour d’autres.
Quand elle est augmentée,
cette synthèse concerne presque uniquement le procollagène de type I.
La bonne corrélation entre le taux d’ARNm codant pour le collagène de
type I et celui de collagène de type I suggère que le défaut de régulation
de la synthèse de collagène est prétraductionnel, comme cela est le cas
pour l’ensemble des maladies cutanées avec fibrose dermique.
Enfin, de même que pour la croissance cellulaire, les fibroblastes
chéloïdiens répondent différemment des normaux à certaines
molécules : ainsi, l’hydrocortisone diminue beaucoup la synthèse de
collagène par les fibroblastes normaux, alors qu’elle ne diminue pas
significativement celle des fibroblastes.
L’activité de la collagènase est pour les fibroblastes chéloïdiens, soit
inférieure à celle des fibroblastes normaux du même patient ou de
témoins sains, soit identique à celle des fibroblastes normaux de
témoins sains.
Les synthèses de fibronectine, ainsi que celle de son récepteur
(appartenant à la famille des intégrines), sont augmentées pour les
fibroblastes chéloïdiens par rapport aux fibroblastes normaux du même
patient ou de témoins sains.
La synthèse de protéoglycanes des fibroblastes chéloïdiens est
supérieure à celle des fibroblastes témoins de cicatrices normales et de
peau saine : les synthèses de chondroïtine-sulfate et d’acide
hyaluronique sont augmentées, alors que celles de dermatane-sulfate et
d’héparane-sulfate sont diminuées.
À noter que le sérum des patients chéloïdiens ne possède pas de facteur
modifiant la croissance cellulaire ou les synthèses de collagène de
fibroblastes normaux cultivés en monocouche.
Différents facteurs sont susceptibles d’expliquer les divergences, aussi
bien histologiques que biochimiques, existant entre les différents
travaux portant sur les chéloïdes :
– la fréquente confusion entre CH et CC ;
– une activité plus ou moins marquée des chéloïdes selon l’ethnie ou le
site anatomique du prélèvement ;
– l’existence d’une double population de fibroblastes (actifs et
quiescents) au sein des chéloïdes ;
– l’absence de prise en compte de l’état inflammatoire ou fibreux de la
chéloïde ;
– l’absence de prise en compte du niveau de prélèvement (derme
papillaire ou réticulaire).
En effet, les fibroblastes normaux de derme papillaire présentent, par
rapport à ceux du derme réticulaire, une prolifération en monocouche
supérieure, avec un temps de doublement et une densité cellulaire à
confluence significativement supérieurs.
Les synthèses des
différents types de collagène sont similaires, hormis pour le collagène pC de type I, plus abondant pour les fibroblastes réticulaires.
Concernant les fibroblastes chéloïdiens, une étude portant sur la
croissance cellulaire et la synthèse de collagène avec ou sans
hydrocortisone montre que, chez le même patient, les fibroblastes
provenant du derme normal ou du derme superficiel en regard de la
chéloïde présentent le même phénotype « normal », opposé à celui des
fibroblastes de derme profond provenant de la chéloïde.
2- Culture de derme-équivalent
:
En 1979, Bell reproduit in vitro une structure proche du derme en
cultivant des fibroblastes au sein d’un réseau de collagène : le DE.
Il
s’agit d’une matrice hydratée, flottant dans son milieu de culture, qui est
laissée libre de se contracter.
En effet, quelques heures après la
réalisation de ces DE, le gel formé se contracte sous l’action des
fibroblastes et une partie du milieu de culture est exsudé du DE.
Les fibroblastes ensemencés dans le gel de collagène forment des
interactions avec la matrice et retrouvent alors une différenciation
proche de celle qu’ils avaient in vivo dans le derme et qui avait été
modifiée lors de leur culture en monocouche préalable à la réalisation
du DE.
La croissance cellulaire de ces fibroblastes est régulée par la matrice
extracellulaire (MEC).
De même, les synthèses cellulaires des divers constituants de la MEC
(collagènes, fibronectine, élastine), de collagénase et de B-actine sont
régulées par la MEC.
Enfin, la réponse de ces fibroblastes à différents facteurs de croissance
est elle aussi régulée par la MEC.
Tous ces résultats vont dans le sens d’une mise au repos progressive des
fibroblastes au fur et à mesure que le DE se contracte, ainsi que d’un
remaniement de la MEC.
En effet, les fibroblastes cessent rapidement
de se diviser et leur activité synthétique est réduite, hormis pour la collagénase, dont la synthèse est au contraire augmentée.
Les travaux concernant l’étude de la prolifération et des synthèses de
fibroblastes chéloïdiens dans des modèles de DE sont peu nombreux à
l’heure actuelle.
Les fibroblastes chéloïdiens continuent à
proliférer plus longtemps que les fibroblastes normaux et synthétisent
beaucoup plus de collagène, malgré la contraction du DE.
Le TGFbêta
ajouté au milieu de culture majore la production de collagène des
fibroblastes chéloïdiens et pas des fibroblastes normaux.
Les
anticorps anti-TGFbêta diminuent la synthèse de collagène des fibroblastes
chéloïdiens sans la supprimer, alors qu’ils n’ont pas d’effets sur la
synthèse de collagène des fibroblastes normaux.
Une étude compare les synthèses de collagène des fibroblastes normaux,
chéloïdiens et hypertrophiques, ainsi que leur réponse au TGFbêta et
anticorps anti-TGFbêta en DE.
Les fibroblastes chéloïdiens
synthétisent 12 fois plus de collagène que les fibroblastes normaux et
quatre fois plus que les fibroblastes hypertrophiques.
Les fibroblastes
chéloïdiens sont beaucoup plus réactifs au TGFbêta et aux anti-TGFbêta que
les fibroblastes hypertrophiques et normaux.
Les différents DE constituent des modèles intéressants d’étude
physiopathologique sur les chéloïdes et cicatrices hypertrophiques, en
l’absence de modèle animal.
Les résultats observés permettent de
proposer une hypothèse sur la physiopathologie des chéloïdes et des
cicatrices hypertrophiques, en connaissant les précautions à prendre
lors de l’extrapolation à la clinique humaine des résultats obtenus en
culture cellulaire.
Schématiquement, on peut dire que la prolifération et l’activité
synthétique d’un fibroblaste normal sont régulées par la MEC.
Lors d’une plaie, ce rétrocontrôle matriciel est provisoirement altéré,
occasionnant une prolifération des fibroblastes des berges de la plaie qui
vont synthétiser les différentes composantes de la matrice.
Progressivement, la quantité des constituants de la matrice (collagène, fibronectine…) augmente au niveau de la plaie et le rétrocontrôle
redevient efficace : les fibroblastes arrêtent de proliférer et deviennent
quiescents.
Les cicatrices hypertrophiques résulteraient d’un défaut de régulation
d’origine uniquement matricielle, les fibroblastes étant normaux dans ce
cas.
Le rétrocontrôle exercé par la MEC sur la croissance et l’activité
fibroblastique serait plus long à être efficace.
Une tension cutanée
accrue, qui diminuerait la concentration relative des composants de la
MEC par unité de tissu cicatriciel, pourrait être à l’origine de ce retard
de régulation.
Les cicatrices chéloïdiennes résulteraient d’un défaut de régulation
d’origine cellulaire (les fibroblastes chéloïdiens étant pathologiques)
auquel s’ajouterait selon les cas un défaut de régulation d’origine
matricielle.
Dans ce cas, les fibroblastes activés à la suite du traumatisme
initial ne pourraient plus être efficacement régulés par la MEC, du fait
d’une anomalie cellulaire de transmission du message matriciel
régulateur jusqu’au noyau du fibroblaste.
Cette anomalie peut concerner
les récepteurs cellulaires matriciels, les messagers intracellulaires ou les
protéines régulant la transcription d’acide désoxyribonucléique (ADN).
Ce défaut de régulation serait d’autant plus marqué que le traumatisme
initial toucherait une zone de tension cutanée, altérant d’autant plus la
qualité du message régulateur de la MEC.
La prolifération des fibroblastes activés persisterait donc beaucoup plus
longtemps que dans la cicatrisation normale, avec une synthèse accrue
des divers composants de la matrice extracellulaire, notamment du
collagène, incapables de rétroréguler efficacement l’activité des
fibroblastes.
Ces synthèses seraient encore majorées par le TGFbêta,
abondamment sécrété dans le derme durant la phase inflammatoire, et
pour lequel les fibroblastes chéloïdiens auraient une sensibilité accrue.
Différents mécanismes d’échappement pourraient expliquer la
stabilisation progressive de la chéloïde :
– déplacement progressif de l’équilibre de saturation récepteur-ligand
au niveau des récepteurs matriciels pathologiques ; leur baisse d’affinité
serait compensée par l’importante augmentation de la quantité de
collagène présent au niveau de la cicatrice ;
– dysfonctionnement d’un messager intracellulaire ou d’une protéine
régulant la transcription, qui pourrait n’être que partiel, aboutissant à une
régulation beaucoup plus tardive de la prolifération et de l’activité
cellulaires.
F - Traitement des chéloïdes
:
Il est souvent encore décevant à l’heure actuelle ; une meilleure
connaissance de la biologie de la cicatrisation normale et chéloïdienne
devrait permettre d’envisager des modalités thérapeutiques plus
efficaces.
Le traitement des chéloïdes, mais aussi des cicatrices hypertrophiques,
doit être au mieux préventif, dans le cas fréquent des chéloïdes postchirurgicales.
Cette prévention passe par le respect de certaines
règles chez les sujets à risque :
– éviter les interventions chirurgicales ou tout autre agent
potentiellement traumatique sur les zones à risque ;
– orienter les incisions cutanées selon les lignes de tension cutanée ;
– manier la peau de façon atraumatique ;
– éviter les électrocoagulations ;
– refermer les incisions avec le minimum de tension ;
– enfin, éviter tous les éléments favorisant l’inflammation (corps
étrangers, fils inflammatoires, pansements gras…) et bien évidemment
toute infection opératoire !
Après l’apparition de la chéloïde, le traitement le plus efficace résulte
généralement de la combinaison de plusieurs procédures médicales,
chirurgicales et radiothérapiques complémentaires.
1- Procédés médicaux
:
* Corticothérapie
:
Seule la corticothérapie intralésionnelle a véritablement fait la preuve
de son efficacité, la corticothérapie locale, même sous pansement
occlusif étant presque constamment inefficace.
Elle
possède une action anti-inflammatoire et antifibrosante, mais son action
est d’autant plus efficace qu’elle est appliquée à une chéloïde jeune.
Elle
est utilisée soit seule, soit à la suite de la chirurgie d’exérèse.
Le produit généralement utilisé est l’acétonide de triamcinolone
(Kénacort retardt) à des doses qui dépendent de la surface des lésions à
traiter et de l’âge du patient.
Les doses maximales par séance sont de
120 mg chez l’adulte, 80 mg chez le grand enfant et l’adolescent.
L’injection se fait strictement en intrachéloïdienne soit au dermojet, soit
avec une seringue vissée.
L’application d’azote liquide préalablement à
l’injection induit un oedème qui permet une injection plus facile en cas
de cicatrice très fibreuse.
Par ailleurs, certains associent de la Xylocaïnet au corticoïde retard, afin de diminuer la douleur liée à
l’injection.
Il est généralement admis que la fréquence des injections
doit être mensuelle pendant une durée de 1 à 3 mois, voire pour certains
jusqu’à 6 mois, selon la réponse thérapeutique.
Le taux de réponse est de 40 à 70 % en cas de corticothérapie isolée,
d’autant meilleur que la chéloïde est jeune.
Le taux de récidive à 5 ans
est de 10 à 50 %, avec une récidive qui se fait le plus souvent dans
l’année qui suit la fin du traitement.
Les complications sont celles des corticoïdes retards : atrophie cutanée,
dépigmentation, télangiectasies, ulcérations ou nécroses et amas
crayeux blanchâtres sous-cutanés.
Les effets systémiques sont
exceptionnels.
La corticothérapie locale est également associée à la chirurgie dans un
rôle préventif. Les modalités sont variables selon les équipes,
certains effectuant des injections des berges de la cicatrice après exérèse,
d’autres ne débutant les injections intrachéloïdiennes que 5 à 8 semaines
après l’exérèse.
* Antihistaminiques oraux
:
Leur rôle est avant tout symptomatique, diminuant le prurit qui
accompagne certaines chéloïdes, notamment à un stade inflammatoire,
et qui peut entretenir en partie le processus cicatriciel par les
traumatismes qu’il occasionne.
* Autres médicaments
:
De nombreux produits ont été essayés, s’appuyant généralement sur des
études préalables in vitro, afin de traiter les chéloïdes.Aucun n’a montré
un taux de réponse supérieur aux corticoïdes.
Il s’agit des rétinoïdes, de
l’interféron alpha2B et de l’interféron delta, du méthotrexate, de la Dpénicillamine,
de la colchicine…
2- Procédés chirurgicaux
:
La chirurgie ne peut, par définition même de la chéloïde, que se
concevoir associée à d’autres traitements, puisqu’elle va occasionner
une réactivation du processus inflammatoire.
Elle permet
essentiellement de réduire le volume de la chéloïde, ce qui permet de
diminuer les doses des traitements complémentaires.
Différentes
modalités chirurgicales sont possibles.
* Exérèse-suture extrachéloïdienne
:
Il s’agit d’une exérèse de tout le tissu chéloïdien, qui doit donc partout
passer en zone saine au ras du tissu chéloïdien, sauf en profondeur où il
faut enlever largement les annexes pilosébacées qui peuvent être à
l’origine d’une réactivation ultérieure de la chéloïde.
* Exérèse-suture intrachéloïdienne
:
L’exérèse doit rester strictement intrachéloïdienne, non seulement en
périphérie, comme cela est généralement effectué, mais également en
profondeur.
Cela veut dire que du derme pathologique est laissé en
périphérie et en profondeur.
Ainsi, les chances de réactiver le processus
inflammatoire seraient moindres, au prix d’un résultat esthétique plus
mauvais.
Une exérèse-suture strictement intrachéloïdienne est
envisageable théoriquement de façon isolée.
En pratique, elle est
généralement associée à un traitement complémentaire.
* Exérèse-greffe de la chéloïde
:
En cas de chéloïde de grande taille, notamment de placard chéloïdien,
l’exérèse de la chéloïde laisse une perte de substance cutanée qui doit
être recouverte par une greffe de peau.
Cette greffe peut être prélevée
sur la chéloïde réséquée, ce qui est difficile lorsque la chéloïde n’est pas
plane et qui aboutit à un résultat esthétique généralement médiocre.
La
greffe de peau peut être prélevée de façon classique en face interne de
cuisse.
Elle doit alors impérativement être la plus mince possible afin
d’éviter le développement d’une chéloïde sur le site donneur.
Notons que les autres procédés plastiques (lambeaux locaux, expansion
cutanée, plasties en Z multiples…) sont à déconseiller car tous peuvent
être à l’origine de nouvelles chéloïdes.
3- Radiothérapie
:
Bien que certaines équipes l’utilisent de façon isolée, la radiothérapie
est généralement associée à la chirurgie qu’elle suit immédiatement.
Le risque carcinologique semble extrêmement faible
au vu de toutes les séries, avec près de 30 ans de recul, mais ce risque
existe.
Celui-ci doit amener à proscrire formellement l’accumulation des
doses lors du traitement de chéloïdes multiples ou récidivantes.
Deux
modalités sont utilisées à l’heure actuelle.
* Radiothérapie superficielle
:
La dose utilisée varie de 12 à 16 Gy. Elle est fractionnée en trois à cinq
séances sur 1 à 2 semaines.
Elle est débutée dans les jours suivant
l’exérèse chirurgicale.
Comme pour la corticothérapie, les récidives
surviennent généralement dans l’année qui suit le traitement.
Ses contre-indications sont la grossesse, la proximité d’organes
radiosensibles, les enfants.
* Curiethérapie
:
Elle est pratiquée avec un fil d’iridium 192.
La suture doit être le plus
linéaire possible, afin de pouvoir introduire le tuyau guide dans le derme
de la cicatrice.
Afin d’éviter tout risque de migration du fil dans le tissu
sous-cutané, un plan dermique profond doit être effectué en cas
d’exérèse extrachéloïdienne.
Quelques points séparés sont ensuite mis
sur la peau.
Le fil d’iridium est alors introduit à l’intérieur du tuyau guide dans les
heures suivant l’intervention chirurgicale.
Il délivre une dose de 20 Gy
dans un rayon de 2,5 mm.
Le fil est retiré après la durée d’irradiation qui
est de 1 à 2 jours. Les résultats esthétiques de ce procédé sont
généralement médiocres, avec des cicatrices élargies, dyschromiques et
télangiectasiques.
Ici encore, les récidives surviennent généralement
pendant la première année suivant le traitement.
Le taux de récidive
étant comparable aux autres procédés, son indication doit être
exceptionnelle, comme le souligne le promoteur de la méthode en
France, c’est-à-dire réservée aux cas où aucune autre thérapeutique ne
peut être envisagée.
4- Pressothérapie
:
Elle n’est efficace que sur les chéloïdes jeunes et en prévention des
récidives après exérèse chirurgicale.
En effet, elle a une action antiinflammatoire,
notamment antioedémateuse.
La pression exercée doit
être supérieure à 25 mmHg, permanente et prolongée pendant une durée
de 6 mois à 1 an !
Une amélioration est notée dans plus de trois cas sur
quatre, lorsque la pressothérapie est préventive.
Certaines
zones se prêtent facilement à ce procédé (région présternale, épaule…)
alors que d’autres sont plus difficiles à appareiller (cou…).
Différents moyens sont utilisables.
* Vêtements compressifs
:
Ils doivent être parfaitement adaptés à la région du corps à traiter.
Leur
prise en charge par la Sécurité sociale (SS) est effectuée si les chéloïdes
surviennent à la suite de brûlures ou si elles atteignent les mains, le
visage ou plus de 10 % de la surface corporelle.
* Gels de silicone
:
Ils doivent être appliqués au minimum 12 heures sur 24 et être
quotidiennement lavés pour ne pas être irritants.
Chaque plaque
peut servir pendant une quinzaine de jours.
Elle doit être découpée aux
dimensions de la cicatrice en débordant celle-ci de 1 à 2 cm.
* Clips auriculaires
:
Ils sont très utiles après toute chirurgie d’exérèse du lobe de l’oreille.
La
pression exercée doit ici aussi être supérieure à 25 mmHg.
5- Autres méthodes
:
* Laser
:
Plusieurs études ont montré la possibilité d’amélioration des lésions
chéloïdiennes avec les différents types de lasers (CO2,YAG, argon), sans
cependant obtenir de meilleurs résultats qu’avec les autres procédés.
Ils permettent une exérèse de la lésion, mais agiraient
également directement sur la chéloïde par leur effet radiant, en
diminuant le risque de récurrences.
Les meilleurs résultats sont obtenus
pour le traitement des chéloïdes des lobes d’oreille, du scalp, ainsi que
des chéloïdes esthétiquement invalidantes ou réfractaires aux autres
traitements au niveau du visage.
Les chéloïdes des membres et du tronc
répondent moins bien au laser.
* Cryothérapie
:
Son but est d’obtenir une nécrose progressive de la chéloïde.
Les
applications d’azote liquide se font par spray, sonde ou coton toutes les
3 semaines à raison de un à trois cycles de congélation de 10 à 30 s/cm3
de chéloïde.
Les résultats sont comparables aux autres procédés et son
association à la corticothérapie permettrait d’obtenir des réponses
satisfaisantes dans près de 80 % des cas.
* Crénothérapie
:
Les cures thermales avec douches filiformes (Saint-Gervais,
La Roche Posay) permettent d’obtenir un assouplissement des placards
chéloïdiens des brûlés. Deux cures par an sont prises en charge par la SS
à la suite de brûlures.
* Kinésithérapie
:
Le massage-pétrissage précoce et prolongé de la cicatrice après exérèse
chirurgicale éviterait la formation de nouvelles adhérences consécutives
à la fibrose.
6- Indications
:
Les indications du traitement des chéloïdes sont soit médicales, soit
esthétiques.
Les indications médicales sont les chéloïdes symptomatiques très
prurigineuses ou douloureuses, les placards chéloïdiens avec
suppurations récidivantes (au niveau de la barbe, des cheveux…) et les
chéloïdes volumineuses qui occasionnent une gêne mécanique au niveau
des plis (cou, creux axillaire) ou par leur volume.
Les indications esthétiques sont plus fréquentes, mais la décision
thérapeutique doit être encore plus prudente que dans le cas précédent.
Elle nécessite une information détaillée du patient sur les risques de
récidive ou d’échec du traitement et son consentement éclairé.
Des
photographies préalables au traitement sont un document nécessaire.
Dans tous les cas, il faut s’abstenir de tout traitement non médical avant
12 à 18 mois d’évolution, terme avant lequel on ne peut généralement
pas différencier les CC des CH.
À partir de 18 mois, l’espoir de régression spontané est quasiment nul et
le traitement des chéloïdes doit alors s’adapter au type de chéloïde et à
sa localisation.
Les traitements ayant pour la plupart une efficacité
comparable, on utilise en première intention le moins invasif et celui qui
a le moins d’effets secondaires.
En cas de chéloïde jeune, c’est-à-dire encore inflammatoire, les
traitements de première intention sont les corticoïdes locaux associés à
la pressothérapie.
En cas de chéloïde constituée, fibreuse, la chirurgie d’exérèse doit
précéder la corticothérapie locale associée à la pressothérapie.
Cependant, certaines équipes utilisent encore systématiquement la
curiethérapie postopératoire immédiate en cas de chéloïde constituée
dont la cicatrice d’exérèse est linéaire.
Dans les cas de placard chéloïdien, l’exérèse-greffe est souvent
nécessaire ; elle est suivie d’une corticothérapie locale.
Les chéloïdes du lobule de l’oreille sont chirurgicales : l’exérèse doit
enlever les kystes épidermiques souvent présents sous la peau (à la suite
du perçage ou de l’arrachement d’une boucle d’oreille) et passe
préférentiellement en tissu sain, quand cela est possible.
Elle est suivie
d’une corticothérapie locale et d’une pressothérapie par clips
auriculaires débutée dès l’ablation des fils.
Les chéloïdes de la nuque ou du cou survenant à la suite d’une folliculite
de la barbe ou des cheveux dans la région occipitale doivent être traitées
chirurgicalement.
L’exérèse doit enlever tous les tissus pathologiques
avec leurs annexes pilosébacées. Une corticothérapie locale
postopératoire est indiquée, même s’il s’agissait d’une chéloïde
suppurée.
Le traitement préventif des récidives est essentiel, avec des
soins cutanéocapillaires évinçant les produits gras et un traitement
immédiat de toute lésion folliculaire inflammatoire (rétinoïdes,
antibiotiques…).
Notons que ces patients n’ont fréquemment pas de
lésions chéloïdiennes ailleurs et que les récidives sont rares à la suite du
traitement.
7- Traitement des cicatrices hypertrophiques
:
Il est médical et réservé aux formes symptomatiques.
Outre les
antihistaminiques qui permettent fréquemment de soulager le prurit,
l’injection de corticoïdes retard dans la cicatrice, éventuellement
répétées selon la régression des symptômes, est le traitement le plus
efficace.
Il peut s’associer à une pressothérapie par plaques de gel de
silicone ou par vêtements compressifs dans le cas des brûlures.
Si les connaissances fondamentales sur la cicatrisation cutanée
ont été bouleversées ces dernières années par les progrès issus
de la biologie moléculaire, les retombées médicales et
chirurgicales sont encore quasiment inexistantes en cette fin de
XXe siècle.
Des essais cliniques sont en cours sur les bénéfices de nouvelles
molécules issues du génie génétique, notamment divers facteurs
de croissance, dont l’utilisation dans le cas de cicatrisation
chronique permettra probablement d’accélérer la cicatrisation.
Cependant, une meilleure connaissance du mode d’action de ces
molécules, ainsi que des effets de leur association, est impérative
afin de mieux définir leurs applications potentielles.
Il reste encore à comprendre également la physiopathologie
exacte des cicatrisations hypertrophique et chéloïdienne, afin de
trouver les molécules les plus appropriées à leurs traitements.
Le chirurgien ne dispose encore à l’heure actuelle que de très peu
d’armes pour contrôler la cicatrisation du patient qu’il opère.
Il doit
cependant connaître tous les moyens qui permettent d’obtenir la
meilleure cicatrice possible.