Les causes sont nombreuses et doivent être recherchées
minutieusement à travers l’analyse des circonstances
d’apparition du choc.
Ce sont, par ordre de fréquence
décroissante :
1- Médicaments
:
Ils représentent les agents les plus fréquemment impliqués,
avec principalement : les b-lactamines et les myorelaxants.
Les injections d’extraits allergéniques au
cours de la désensibilisation spécifique sont capables
d’induire des réactions anaphylactiques.
2- Aliments
:
Tout aliment peut entraîner une réaction anaphylactique,
mais les agents les plus souvent responsables sont l’arachide,
l’oeuf, les noix, le poisson, les crustacés.
3- Venins d’insectes
:
Les venins d’hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons)
représentent une étiologie fréquente de réactions anaphylactiques
sévères responsables de décès chaque
année.
4- Anaphylaxie induite par l’effort
:
Un choc anaphylactique (souvent moyennement sévère)
peut survenir au cours de l’effort (pas forcément après
tous les efforts).
Il peut n’apparaître qu’après l’ingestion
de certains aliments (fruits, coquillages notamment).
5- Autres causes
:
Parmi les autres causes, on peut mentionner : le latex
(cause importante de chocs anaphylactiques peropératoires),
la rupture de kystes hydatiques, l’anaphylaxie au
liquide séminal…
6- Anaphylaxies idiopathiques
:
Dans un certain nombre de cas, des réactions anaphylactiques
surviennent sans cause décelable.
Physiopathologie
:
Le choc anaphylactique met en jeu différents organes.
Les mécanismes sont le plus souvent, mais pas toujours,
de nature allergique.
A - Mécanisme allergique :
L’anaphylaxie apparaît en règle brutalement et résulte
de la libération de médiateurs biologiquement actifs par
les mastocytes et basophiles activés par les IgE.
1- Sujet préalablement sensibilisé à un allergène
:
Il a synthétisé des IgE spécifiques et la réintroduction de
l’allergène dans l’organisme induit le pontage des IgE
fixées sur les mastocytes et les basophiles qui dégranulent
brutalement et libèrent massivement leurs médiateurs
vaso-actifs dont l’histamine.
2- Conséquences hémodynamiques
:
Le choc évolue en deux phases : la première phase est
celle d’une vasodilatation généralisée, n’intéressant au
début que le système artériel (choc hyperkinétique) se
traduisant cliniquement par les premiers symptômes du
choc : urticaire, angio-oedème, paresthésies distales.
La
vasodilatation se complète sur le système capillaire
entraînant une hypovolémie relative (choc vasoplégique
ou hypovolémique) se traduisant cliniquement par une
hypotension, une tachycardie, des troubles neurologiques
(par hypoperfusion cérébrale et peut-être aussi
par effet direct des médiateurs libérés) et plus rarement
coronaires.
3- Conséquences viscérales et vasculaires
:
L’augmentation de la perméabilité vasculaire est responsable
du passage de plasma dans les tissus ou congestion polyviscérale dont la traduction clinique maximale est
l’oedème laryngé et l’oblitération des bronchioles.
Peut
aussi s’y associer une coagulation intravasculaire disséminée
(CIVD).
Les troubles hémodynamiques exposent
à l’arrêt circulatoire.
Comme toute réaction allergique,
le choc peut se cycliser et il est donc particulièrement
important de surveiller tout patient pendant plusieurs
heures.
Par ailleurs, à distance, on peut noter des
séquelles rénales (par anoxie).
B - Mécanisme pseudo-allergique :
Plusieurs mécanismes non allergiques peuvent entraîner
une libération de médiateurs vaso-actifs entraînant les
symptômes du choc anaphylactique.
On parle de choc anaphylactoïde.
Il s’agit d’activation du complément avec libération des anaphylatoxines C3a et C5a (par les
dérivés sanguins par exemple), d’histamino-libérations
non spécifiques (par les produits de contraste iodés
hypertoniques, les opiacés, la vancomycine par
exemple) et de libération de leucotriènes (par les antiinflammatoires
non stéroïdiens).
Ailleurs, aucun mécanisme
particulier n’est retrouvé (anaphylaxies à l’effort
et anaphylaxies idiopathiques notamment).
Diagnostic
:
La sévérité d’une réaction anaphylactique peut varier
d’une réaction locale ou généralisée à type d’urticaire
aiguë, à une mort brutale en 3 à 4 min. Une réaction
minime initiale peut s’aggraver dans un deuxième temps
et aboutir au choc mortel.
Le décès est en général dû à
une suffocation (oedème laryngé et bronchique) ou à un
collapsus cardiovasculaire [arythmie ventriculaire et
(ou) infarctus du myocarde] ou à des troubles neurologiques.
1- Description des symptômes du choc
:
Les réactions sont polymorphes car susceptibles d’intéresser
tous les appareils.
Les symptômes du choc anaphylactoïde ne diffèrent pas de ceux du choc anaphylactique.
• Les signes cutanéo-muqueux sont parmi les plus fréquents,
sous forme de prurit (palmo-plantaire très évocateur),
d’urticaire, d’exanthème localisé ou généralisé,
d’oedème localisé (sous-cutané, muqueux) voire d’oedème
de Quincke (pharyngé avec gêne à la déglutition,
laryngé avec cornage inspiratoire, cyanose puis syncope
et risque de mort par asphyxie).
• Les signes respiratoires sont fréquents : oedème
laryngé (dont le pronostic peut être vital), bronchospasmes
(avec sensation d’oppression thoracique, sibilances).
• Les signes circulatoires associent, à des degrés
variables tachycardie, pouls petit et filant, tension très
instable, puis hypotension franche, syncope, troubles du
rythme.
• Les signes digestifs ne sont pas rares, caractérisés par
des nausées ou vomissements, des douleurs abdominales
et des troubles de transit (diarrhées).
• Les symptômes neurologiques sont aussi variables en
intensité avec anxiété, troubles visuels, vertiges, paresthésies
des membres, des lèvres, des orbites (en général
annonciatrices de réactions plus graves), confusion et
coma.
• Le diagnostic est aisé surtout lorsque les symptômes
cardinaux d’anaphylaxie ne font pas défaut.
• Dans les chocs peropératoires, les dosages d’histaminémie,
tryptasémie et de méthylhistaminurie peuvent
permettre de démontrer, a posteriori, la dégranulation
des basophiles et mastocytes.
2- Diagnostic différentiel
:
Il faut cependant éliminer un choc vagal (le sujet est
alors pâle, en sueurs et se plaint parfois de nausées avant
la syncope, le pouls est lent, il n’y a pas de prurit ni de
signe cutané ou respiratoire), un choc septique (le
contexte est infectieux, la fièvre est intense), un accident
vasculaire cérébral (le déficit neurologique est au premier
plan), une hypoglycémie (les signes cutanés ou respiratoires
sont également absents), un choc cardiogénique
(sur infarctus, arythmie), mais aussi parfois un
oedème angioneurotique, une tumeur carcinoïde, une
mastocytose.
Traitement
:
C’est une urgence médicale et l’efficacité du traitement
dépend de la reconnaissance rapide de l’anaphylaxie, de
l’arrêt du facteur déclenchant et de l’administration précoce
d’adrénaline.
1- Adrénaline
:
• L’adrénaline est le médicament le plus efficace
contre la vasoplégie et le bronchospasme du fait de son
action vasoconstrictrice a (antagonisant la vasodilatation
induite par l’histamine), tonicardiaque b1 et bronchodilatatrice
b2.
• Plusieurs voies d’administration sont possibles :
- la voie sous-cutanée est la voie de semi-urgence car les
vaisseaux se contractent et autolimitent la quantité
administrée.
Des préparations auto-injectables (Anakit
et Anahelp) permettent au patient et à son entourage de
faire une première injection en attendant l’arrivée du
médecin ou du SAMU;
- la voie intramusculaire, intermédiaire entre les voies
sous-cutanée et intraveineuse, est d’utilisation facile, et
la résorption par les vaisseaux n’est pas limitée;
- la voie intraveineuse est à réserver aux chocs sévères,
de préférence en milieu de réanimation (sous surveillance
des troubles du rythme ventriculaire potentiels);
- la voie sublinguale par dépôt d’adrénaline sous la
langue est à déconseiller parce que la quantité absorbée
est trop variable;
- la voie intracardiaque est exceptionnellement nécessaire
s’il est impossible de ponctionner les veines collabées.
• Une injection de 0,25 à 1 mg en sous-cutané ou intramusculaire
suffit le plus souvent.
Elle sera répétée
au bout de 15 min si la tension ne remonte pas. Si l’hypotension
artérielle persiste encore, la voie veineuse est
utilisée (à 0,05 à 0,5 µg/kg/min au pousse-seringue électrique
ou 1 à 2 mL d’une solution de 1 mg dans 10 mL
de sérum physiologique éventuellement répétée toutes
les 10 à 15 min).
2- Autres mesures d’urgence
:
• Le patient doit être placé en position allongée pour
éviter l’hypoperfusion cérébrale.
• Le remplissage vasculaire par une solution macromoléculaire
(Plasmion, Elohes…) est une mesure importante
pour combattre l’extravasation de liquide induite
par le choc.
• L’oxygénothérapie (O 3-5 L/min) est un complément
utile après avoir vérifié la liberté des voies aériennes
pour réduire les effets de l’hypotension (prévention des
complications cardiaques et cérébrales) ou de l’obstruction
des voies aériennes.
• Un aérosol de bronchodilatateur (b2-mimétique) est
réalisé en cas de bronchospasme résistant à l’adrénaline.
• L’adrénaline est remplacée par l’isoprénaline
(Isuprel) ou la dobutamine (Dobutrex) pour certains
auteurs.
3- Autres thérapeutiques
:
Même administrés par voie parentérale et à fortes doses,
les antihistaminiques et les glucocorticoïdes ne sont pas
des médicaments d’urgence.
Ces médicaments sont
administrés en complément de l’adrénaline.
Ils peuvent
permettre d’éviter la cyclisation du choc pendant les
24 à 48 h de surveillance hospitalière.
4- Traitement préventif
:
• L’éviction définitive et absolue de l’agent déclenchant
est indispensable.
L’enquête allergologique à
distance est indispensable, permettant de mettre en
place les mesures de prévention des récidives.
• L’éducation du patient à qui l’on peut remettre une
liste des produits contre-indiqués, est alors indispensable.
Une trousse d’urgence (adrénaline auto-injectable,
glucocorticoïdes et antihistaminiques) est parfois
prescrite.