Le derme, l’épiderme et ses annexes comprennent un nombre important
de types cellulaires.
Chaque cellule capable de division est
potentiellement capable de donner naissance à une tumeur bénigne ou
maligne, s’il existe une erreur de programmation au cours de la division
cellulaire.
Il existe donc une très grande variété de tumeurs cutanées
allant des très communes verrues jusqu’à certaines tumeurs rares
développées aux dépens des annexes.
Sans réaliser un catalogue extensif
de toutes ces tumeurs, nous décrirons toutes les cellules de la peau, ce
qui permettra de situer, le plus souvent, l’origine d’une tumeur.
A - Épiderme
:
1- Kératinocyte
:
D’origine ectodermique, le kératinocyte est la cellule prédominante de
l’épiderme.
Sa différenciation commence à la partie la plus profonde de
l’épiderme, sur la lame basale.
Ces cellules basales sont les seules
capables de se diviser dans un épiderme normal.
Après la division, une
cellule fille reste sur la couche basale, l’autre va migrer vers la surface et
se différencier complètement.
La partie moyenne de l’épiderme,
d’épaisseur variable, est constituée de cellules polygonales, nucléées,
fortement reliées entre elles par un système d’adhésion spécialisé : le desmosome.
Le desmosome donne sa résistance et sa plasticité à la peau.
La couche granuleuse est la zone de transition entre la zone des kératinocytes vivants et la zone cornée du stratum corneum.
Elle est
ainsi nommée du fait des granules de kératohyaline.
Le stratum corneum
est donc la couche superficielle de l’épiderme et est normalement
constitué de cellules mortes anucléaires.
L’épiderme est dit orthokératosique.
Dans certaines situations, ces cellules conservent leur
noyau : l’épiderme est dit parakératosique.
L’épaisseur totale de
l’épiderme, et pas seulement celle du stratum corneum, diminue avec
l’âge et très probablement avec l’exposition solaire.
2- Autres cellules de l’épiderme
:
– Le mélanocyte : d’origine neuroectodermique, situé au niveau des
couches basales et parabasales de l’épiderme, il synthétise la mélanine,
pigment dont la fonction probable est de protéger les cellules en division
des rayons ultraviolets (UV).
– La cellule de Langerhans : cette cellule jouerait un rôle dans
l’immunité et le contrôle de la kératinisation.
– La cellule de Merkel : on pense qu’elle serait un mécanorécepteur
appartenant au système neuroendocrinien.
B - Membrane basale
:
Elle sépare le derme de l’épiderme. Son franchissement ne signe pas la
nature maligne d’une tumeur.
C - Derme
:
Il est constitué de tissu conjonctif dans lequel on retrouve trois types de
cellules prédominants :
– le fibroblaste est responsable de la synthèse du collagène ;
– le macrophage est dérivé du monocyte circulant ;
– le mastocyte joue un rôle dans l’hypersensibilité de type I.
D - Vascularisation
:
Le derme est vascularisé par un riche réseau capillaire formant un plexus
supérieur et profond. L’épiderme ne contient pas de vaisseaux et tire ses
nutriments des capillaires du derme papillaire.
Dans l’artériole, il existe un mécanisme de shunt appelé le « glomus »
qui peut donner naissance à une tumeur spontanément douloureuse du
derme : la tumeur glomique.
Les lymphatiques sont situés dans les couches les plus profondes du
derme.
E - Innervation
:
La peau est un important organe sensoriel et il existe par conséquent un
nombre important de nerfs sensitifs dans le derme se terminant soit par
un simple rameau, soit par une terminaison encapsulée, soit encore par
une structure complexe telle que le corpuscule de Vater-Pacini.
F - Annexes cutanées
:
Elles peuvent être classées en structures associées au complexe folliculosébacé (le follicule pileux, la glande sébacée, le muscle
arrecteur du poil et, dans certaines zones du corps, la glande apocrine)
d’une part, et d’autre part celles associées à la glande sudoripare eccrine.
Les glandes sébacées sont associées aux follicules pileux soit en y jouant
un rôle mineur comme au niveau du cheveu, soit en y étant prédominante
comme au niveau de la face et de la partie haute du dos chez l’adolescent.
La sécrétion consécutive à la désagrégation des cellules sécrétrices est
dite holocrine.
Les glandes apocrines se déversent également dans le
complexe pilosébacé ; elles sont situées au niveau des aisselles et des
aines, profondément enfouies dans le derme.
Les glandes eccrines
sudoripares sont, elles, retrouvées partout sur le corps et leur sécrétion
est acheminée à la surface par un canal excréteur qui traverse l’épiderme
(le pore sudoral).
Diagnostic et prise en charge thérapeutique
:
A - Diagnostic
:
1- Diagnostic clinique
:
Si le diagnostic clinique des tumeurs cutanées est souvent évident, il est
cependant sujet à caution : des études sur sa fiabilité parmi des
spécialistes a montré un taux d’erreur de 15 %environ.
Il faut donc
souligner la nécessité d’un examen histologique systématique, tant
avant de poser l’indication d’une excision large que de poser le
diagnostic de tumeur bénigne.
Le diagnostic clinique va donc servir à
orienter au mieux les stratégies diagnostique et thérapeutique.
2- Dermatoscopie
:
Ce terme décrit une technique d’observation utilisant une forte lumière
latérale et un grossissement modéré.
Elle est essentiellement utilisée
dans le cadre des tumeurs pigmentées et ferait passer le taux de
diagnostic correct de 60 à 80 %.
Une sémiologie complète a été
développée.
Cette technique permet de différencier les tumeurs de la
lignée mélanocytaire de la lignée non mélanocytaire, c’est-à-dire un
mélanome d’un basocellulaire ou d’un histiocytofibrome, elle est en
revanche beaucoup plus difficile à employer pour différencier les nævi
bénins des lésions malignes ; dans ce dernier cas, elle permet d’atteindre
90 % de diagnostic positif.
3- Techniques des biopsies
:
Pour la plupart des tumeurs de faible taille (c’est-à-dire dont la taille
permet, en fonction du site anatomique, une simple exérèse-suture), une
biopsie-exérèse avec une marge de peau saine de 1 à 2 mm est
appropriée.
Dans le cas des mélanomes, le fait que l’exérèse
complémentaire soit effectuée dans un deuxième temps opératoire n’a
pas de conséquences sur le pronostic.
Le deuxième temps doit être
réalisé le plus rapidement possible, et dans tous les cas dans un délai de
6 semaines.
Dans le cas de tumeurs de plus grande taille, une biopsie incisionnelle
est acceptable.
Le choix du site de prélèvement est alors primordial,
notamment en évitant les zones de nécrose, ou très inflammatoires.
Elle
peut être réalisée au bistouri ou au punch.
Dans le cas des mélanomes,
cette pratique est à éviter car elle ne permet pas de diagnostic de certitude
quant à l’épaisseur maximale et donc à la marge nécessaire.
Il n’y a
cependant pas de preuve de l’altération du pronostic, si la reprise est
effectuée dans les quelques jours.
Les biopsies au punch entraîneraient
des cellules de la superficie vers la profondeur.
4- Anatomopathologie
:
Cet examen conditionne le traitement et sa validité.
Il est donc essentiel
que les informations qu’il fournit soient claires et sans ambiguïté.
La
pièce contenant la tumeur doit être en un seul morceau, emportant la
marge d’exérèse, avec une orientation par des fils, soit en fonction d’un
cadran horaire, soit en fonction d’éléments anatomiques.
Au moindre
doute, des recoupes doivent être réalisées tant en profondeur qu’en
périphérie, là encore parfaitement repérées.
Des renseignements
cliniques, un schéma résumant l’ensemble des pièces, leur orientation et
leur situation anatomique sont très utiles à l’anatomopathologiste.
5- Examen extemporané
:
L’examen extemporané par congélation permet un diagnostic positif peropératoire, mais ne peut répondre dans des situations difficiles ou
permettre de calculer un indice de Breslow par exemple.
Il peut
permettre de différencier tumeurs malignes et bénignes, ou de vérifier
l’absence d’envahissement des recoupes si une reconstruction
immédiate est préférable, de certifier l’envahissement d’un ganglion
avant un curage.
6- Microscopie électronique
:
Les données de la microscopie électronique ne permettent pas de faire
un diagnostic de malignité mais sont utiles dans le diagnostic des
tumeurs indifférenciées.
Elle doit être programmée à l’avance car elle
n’est pas réalisable après inclusion en paraffine.
7- Immunohistochimie
:
L’utilisation des anticorps monoclonaux est désormais une technique de
routine qui permet d’identifier précisément le type de cellule à partir
duquel la tumeur se développe.
L’immunohistochimie est généralement
réalisée sur des pièces congelées à - 70 °C.
8- Analyse d’acide désoxyribonucléique (ADN)
:
Elle permet des diagnostics de réarrangements chromosomiques.
Elle a
peu d’intérêt dans le diagnostic des tumeurs chirurgicales.
B - Prise en charge thérapeutique
:
1- Chirurgie : principes généraux
Le but principal du traitement chirurgical des tumeurs cutanées est
l’absence de récidive, qu’elles soient locales ou à distance.
De là est né
le principe de marge de sécurité qui, de façon empirique en fonction de
chaque type histologique, a permis d’établir un taux extrêmement bas
de récidive.
Il faut bien avoir à l’esprit que cette marge est une donnée
clinique, d’où la nécessité d’examiner très attentivement le contour de
la tumeur, de le marquer puis de tracer la marge qui correspondra à
l’exérèse.
Cette exérèse ne doit donc pas tenir compte de la réparation,
sauf si l’on décide de prendre un risque pour respecter un organe noble
(l’oeil, par exemple).
C’est l’anatomopathologie qui confirme le
caractère complet de l’exérèse. Dans le cas contraire, une exérèse
complémentaire peut être indiquée.
La reconstruction doit alors être
sacrifiée.
Si la méthode choisie est la cicatrisation dirigée, la suture
directe ou une greffe, ce sacrifice est sans conséquence, mais le sacrifice
d’un lambeau entraîne une réparation secondaire beaucoup plus
complexe : un lambeau ne doit être réalisé que lorsqu’on a la certitude
du caractère complet de l’exérèse.
De même, lorsqu’il s’agit d’une
tumeur à fort pouvoir de récidive, basocelullaire sclérodermiforme par
exemple, une greffe est préférable.
2- Radiothérapie
:
Les tumeurs bénignes ne sont plus traitées par radiothérapie.
Les
épithéliomas basocellulaires, spinocellulaires sont radiosensibles, ainsi
que, dans une moindre mesure, les mélanomes.
Cependant, le fort taux
de récidive, de complications, et la difficulté de traitement des récidives
en milieu irradié, n’en font pas un traitement de première intention.
Ses
indications actuelles sont restreintes : traitement des tumeurs
inopérables en combinaison avec la chimiothérapie ; en complément
d’une chirurgie pour des tumeurs à fort taux de récidive.
3- Chimiothérapie
:
Sa place, en traitement systémique, est limitée. Pour les carcinomes basocellulaires : lorsque le patient est jugé inopérable et en complément
de la radiothérapie.
Les meilleurs résultats, bien que modestes, ont été
obtenus avec des chimiothérapies comportant du cisplatine.
Pour les spinocellulaires : là encore en combinaison avec la radiothérapie pour
les tumeurs très évolutives en préparation d’une intervention, ou pour
les tumeurs non opérables ; elle n’est pas utilisée de façon
prophylactique pour le traitement des métastases.
En chimiothérapie néoadjuvante, l’association de cisplatine, bléomycine, fluorouracile
semble la plus prometteuse.
Dans le traitement du mélanome, aucune chimiothérapie n’a fait la preuve de son efficacité et son utilisation
est réservée au cadre de protocole thérapeutique.
La chimiothérapie en topique sous forme de 5-fluorouracil (5-FU) est
très utile pour le traitement des kératoses actiniques, notamment
lorsqu’elles intéressent de larges surfaces.
Une solution de 5-FU est
appliquée quotidiennement pendant 2 ou 3 semaines avec
développement d’un intense érythème.
Le résultat peut être amélioré
avec l’utilisation d’acide rétinoïque.
4- Thérapies expérimentales
:
* Rétinoïde
:
La vitamine A ainsi que les rétinoïdes synthétiques ont une action
d’antipromoteur et diminueraient la transformation maligne de lésions
préépithéliomateuses.
* Interférons
:
Trois sortes d’interférons (alpha, bêta et gamma) sont disponibles mais,
pour des raisons de production, c’est l’interféron alpha qui a été le plus
étudié.
La toxicité est dose-dépendante avec fièvre et une faible atteinte
médullaire.
Une réponse de l’ordre de 15 % est observée dans les
mélanomes avec une augmentation de la durée des rémissions mais sans
augmentation de la survie.
* Interleukine 2 et autres cytokines
:
L’interleukine 2 stimule la croissance des lymphocytes T in vitro. Les
premières publication faisant état d’un taux de réponse de 50 % dans le
mélanome n’ont pas été confirmées.
* Thérapie génique
:
Le principe général est d’introduire un gène codant pour une cytokine
dans un clone cellulaire, de réintroduire cette lignée dans le corps et ainsi
d’augmenter la capacité de celui-ci à détruire la tumeur.
Anticorps monoclonaux : le principe est d’introduire un anticorps
spécifique de la cellule tumorale.
L’antiganglioside GD 2A a par
exemple été utilisé avec des résultats encourageants dans le traitement
du mélanome.
* Thérapies photodynamiques
:
Le principe de base est d’utiliser une réaction photochimique pour
détruire la cellule tumorale.
Ainsi, on introduit une molécule
photosensible telle que les porphyrines qui, pour une raison inconnue,
se fixent de façon prédominante sur les cellules tumorales, que l’on
active, soit par lumière blanche, soit par laser.
Le taux de réponse pour
les tumeurs non mélanocytaires est élevé, de l’ordre de 60 à 90 %, mais
avec un taux de récidive beaucoup plus élevé que pour une excision
chirurgicale, et reste insuffisant pour les tumeurs épaisses à cause
de la faible pénétration de la lumière.
Cette technique pourrait avoir son
intérêt dans le traitement de maladie de Bowen étendue chez les sujets
âgés.
* Vaccins :
On cherche par cette technique à monter une réponse immunitaire par
vaccination contre des antigènes associés ou spécifiques à la tumeur.
Ce
type de thérapie expérimentale reste confiné au domaine du mélanome.
* Thérapies préventives
:
L’utilisation de topiques protecteurs vis-à-vis des rayons UV est une
attitude logique de prévention, même si pour l’instant elle n’a fait ses
preuves par des études contrôlées que sur les kératoses actiniques.
Génodermatoses et cancers associés
:
A - Génodermatoses et cancers cutanés associés
:
1- Xeroderma pigmentosum
:
C’est une maladie rare à transmission autosomique récessive,
avec une prévalence de 1 pour 250 000.
Il atteint également les femmes
et les hommes et se manifeste dès la première exposition solaire où
l’enfant va développer des éphélides et des macules brunes sur les zones
exposées.
La peau devient atrophique avec des zones d’hyper- et
d’hypopigmentation, une grande sécheresse des muqueuses et une
photophobie.
Sans protection solaire se développent des kératoses
actiniques précoces, puis des carcinomes (basocellulaire et
épidermoïde) avec un décès vers la deuxième décennie.
Il existe une
atteinte oculaire avec kératite.
La cause en est un déficit enzymatique de
réparation de l’ADN après exposition aux UV.
Le gène en cause a été
repéré et ouvre la voie à une thérapeutique génique.
2- Nævomatose basocellulaire
:
C’est une génodermatose relativement fréquente, transmise de
façon autosomique dominante, avec une forte proportion de cas sans
antécédents familiaux suggérant des mutations spontanées.
Elle
constitue un syndrome intéressant la peau, l’os, le tissu optique et le
système nerveux central.
Au niveau de la peau, de multiples
épithéliomas basocellulaires apparaissent durant la seconde décennie,
d’aspect atypiques ; apparaissent également des puits cutanés ou « pits »
au niveau des paumes et des plantes.
On constate des kystes au niveau
de la mandibule, des anomalies des côtes, fréquemment un quatrième
métacarpien court. Il existe fréquemment un colobome et plus tard une
cataracte.
On peut noter des calcifications intracrânienne et des risques
de médulloblastome et de méningiome.
Le traitement de choix est
chirurgical avec protection solaire.
3- BK mole syndrome
:
De transmission autosomique dominante, le BK mole syndrome
regroupe des patients porteurs de nombreux et importants nævi
atypiques, une histoire de mélanomes primitifs multiples et
d’antécédents familiaux de mélanome.
Les nævi atypiques sont présents dès la puberté avec un développement précoce de mélanome le plus
souvent, mais pas uniquement sur nævus préexistant.
Si un cas est
suspecté, une enquête familiale doit être pratiquée et une surveillance
avec cartographie photographique très régulière doit être pratiquée.
On
a estimé qu’un patient avec des nævi atypiques ayant deux parents ou
plus atteints de mélanome a un risque de pratiquement 100 % de
développer lui-même un mélanome au cours de sa vie.
4- Maladie de Ferguson-Smith
:
Génodermatose rare, il s’agit de cas familiaux de kératoacanthomes
multiples spontanément régressifs.
B - Génodermatoses et cancers non cutanés associés
:
1- Syndrome de Torre
:
Il associe des tumeurs multiples des glandes sébacées (adénomes,
épithéliomas, carcinomes) à des cancers viscéraux (côlon, tractus
urogénital).
2- Syndrome de Cowden
:
Il associe des tumeurs multiples des follicules pileux avec une
papillomatose orale et un cancer du sein.
3- Syndrome de Gardner
:
À transmission autosomique dominante, il associe des kystes cutanés,
des tumeurs desmoïdes, des anomalies dentaires et des polypes coliques
pouvant dégénérer, dans environ 60 % des cas, souvent précocement.
Ont également été rapportés des cancers de la thyroïde et des cancers
ovariens.
4- Syndrome de Peutz-Jeghers
:
À transmission autosomique dominante, il associe une pigmentation
périorale maculaire, des polypes de l’intestin grêle et des cancers variés
(sein, utérus, ovaire).
5- Syndrome de Carney
:
Il associe myxomes cutanés, troubles endocriniens (Cushing),
anomalies pigmentaires et cancers endocriniens et du sein.
Tumeurs cutanées épidermiques
:
A - Tumeurs bénignes
:
1- Nævus verruqueux épidermique
:
Le terme de nævus qui signifie littéralement « tache maternelle » est ici
impropre car il est couramment réservé aux nævi mélanocytaires.
Il
s’agit ici d’un nævus épidermique et le terme d’hamartome (qui
signifie « malformation non néoplasique ») est plus approprié.
Relativement fréquent (1/1 000 naissances), il se présente au début
comme une macule pigmentée qui devient à la puberté hyperkératosique,
parfois de façon intense.
Le problème est essentiellement
esthétique.
Les excisions sont souvent difficiles devant l’extension des
lésions, et les abrasions superficielles conduisent le plus souvent à une
récidive.
2- Nævus de Becker
:
Il s’agit d’une macule pigmentaire, survenant souvent après un coup de
soleil, sur l’épaule ou la région lombaire, avec une zone pileuse en son
centre.
3- Verrue (kératose) séborrhéique
:
Très communes après la quarantaine, d’aspect verruqueux pigmenté de
façon irrégulière, elles sont asymptomatiques.
Il s’agit d’une
hyperplasie de l’épiderme sans prolifération mélanocytaire.
Le
traitement en est l’application de neige carbonique, sauf si l’aspect
clinique laisse un doute sur un mélanome ou un carcinome basocellulaire (CBC), notamment lorsqu’elle est le siège d’une
inflammation.
4- Kystes
:
Le terme de kyste regroupe de nombreuses entités. Les kystes
épidermiques sont sans connexion avec l’épiderme.
La paroi reproduit
l’aspect de l’épiderme, avec notamment une couche granuleuse.
Les
kystes trichilemnaux (loupes) ont des parois ressemblant à la gaine
épithéliale externe du follicule pileux.
Ils peuvent devenir proliférants,
notamment chez la femme âgée et prendre la forme d’une importante
tumeur ulcérée, multinodulaire.
Le caractère prolifératif des cellules
peut rendre le diagnostic difficile avec un carcinome.
Les kystes dits
« sébacés », tumeurs sous-cutanées marquées par un point noir, sont en
fait des kystes trichilemnaux.
Nous citerons encore les kystes desmoïdes
du sourcil, les kystes sébacés vrais de la sébocystomatose.
B - Lésions précancéreuses et carcinome in situ
:
1- Kératose actinique
:
C’est une anomalie épidermique donnant lieu à une desquamation sèche
sur les zones exposées à la lumière chez des sujets de type caucasien.
Il
s’agit d’une hyperplasie de l’épiderme sans prolifération mélanocytaire.
Elle est généralement multifocale et indique qu’un sujet a subi une
exposition aux UVen excès.
Une photoprotection est donc indiquée. Le
traitement est chirurgical avec une marge de sécurité de 5 mmlorsque le
traitement par chimiothérapie locale 5-FU ou la cryothérapie ont été un
échec.
Le taux de transformation en carcinome épidermoïde est de
l’ordre de 1 %.
2- Maladie de Bowen
:
C’est un carcinome épidermoïde in situ dérivé des kératinocytes
épidermiques.
Ces lésions desquamantes peuvent mimer un psoriasis
mais n’en ont pas la répartition (genoux, coudes et scalp).
Si les UV sont un facteur de risque, ils n’expliquent pas la survenue sur les zones non
exposées.
Une origine virale a été mise en cause dans les localisations
génitales, notamment l’HPV 16 (Papillomavirus).
Une biopsie est
nécessaire pour établir le diagnostic et pour éliminer la présence d’un
carcinome épidermoïde invasif qui survient dans 20 à 40 % des cas
suivant la localisation et le type clinique.
Le traitement de choix est
l’excision chirurgicale avec une marge de sécurité de 5 mm.
L’érythroplasie de Queyrat est l’équivalent de la maladie de Bowen sur
le gland : une posthectomie et une exérèse-greffe en peau semi-épaisse
au niveau des lésions du gland est le traitement de choix.
3- Maladie de Paget
:
Cette lésion cliniquement similaire à la maladie de Bowen, bien
qu’ayant souvent un aspect suintant, atteint le mamelon où elle est
associée à un carcinome intracanalaire ou invasif imposant une
mastectomie en l’absence de tumeur identifiable ; parfois, elle siège sur
les organes génitaux externes et la région périanale où il faut là aussi
rechercher un adénocarcinome sous-jacent.
L’extension infraclinique de
la maladie de Paget vulvaire et périnéale en fait une lésion difficile à
traiter.
Le traitement est chirurgical avec une marge de sécurité de 5 mm.
Le laser est utilisé pour le traitement de grandes surfaces mais n’évite
pas les récidives.
4- Papulose bowénoïde
:
C’est une papule brune sur les muqueuses et la peau des organes
génitaux des sujets jeunes, d’aspect histologique identique à la maladie
de Bowen avec un risque plus faible de transformation.
5- Nævus verrucosébacé de Jadassohn
:
C’est un nævus comportant un nombre anormal d’annexes cutanées.
Relativement fréquent, il est habituellement présent à la naissance au
niveau du scalp.
Initialement, il prend l’aspect d’une papule jaunâtre
alopécique, devenant avec le temps papillomateuse.
Il a une propension
à dégénérer dans 20 à 30 % des cas en carcinome basocellulaire et est
très souvent associé à une tumeur bénigne sudorale, le syringocystadénome
papillifère.
6- Kératoacanthome
:
Cette lésion est une papule hyperkératosique de croissance rapide
autolimitée.
Le kératoacanthome « classique » est une lésion bénigne de
régression spontanée, mais il peut être très difficile de faire la différence
avec un kératoacanthome atypique et un carcinome épidermoïde invasif
débutant.
Nous l’avons donc classé un peu abusivement dans les lésions
précancéreuses.
La biopsie étant peu contributive et la cicatrice après
régression étant souvent peu esthétique, l’excision est un geste à la fois
thérapeutique et diagnostique.
7- Porokératoses
:
Ce terme regroupe un ensemble de maladies de l’épiderme ayant en
commun une parakératose verticalisée (lamelle cornoïde).
La plus
classique est la porokératose de Mibelli où apparaît, dans l’enfance, une
papule kératosique d’extension rapide, le centre étant atrophique et la
bordure cernée par une ligne rouge en « chemin de ronde »
caractéristique.
Elle dégénère en carcinomes baso- et spinocellulaires
dans 7 % des cas.
8- Fibroépithéliome de Pinkus
:
Tumeurs bien délimitées d’aspect rosé, légèrement kératosiques, le plus
souvent dans la région lombaire, qui peuvent dégénérer en carcinomes
basocellulaires.
9- Radiodermite chronique
:
Après exposition excessive aux rayons X, la peau devient fine, sèche du
fait de la destruction des glandes sébacées, décolorée et douloureuse.
Tumeurs mélaniques, carcinomes baso- et spinocellulaires ont été
rapportés dans l’évolution.
C - Tumeurs malignes
:
1- Carcinome basocellulaire (CBC)
:
* Incidence et étiologie
:
De récentes études montrent une incidence annuelle de 480 à 576 pour
100 000 pour les hommes et de 250 à 298 pour 100 000 pour les femmes
avec un ratio par rapport aux épithéliomas spinocellulaires de 4/1 et aux
mélanomes de 34/1.
L’augmentation annuelle de cette incidence
est estimée à 5 %.
Les facteurs de risques principaux retrouvés sont un
phototype clair et une exposition solaire.
Les CBC sont retrouvés
presque exclusivement sur les zones porteuses de poils et donc
pratiquement jamais sur les paumes et sur les plantes (sauf dans les
nævomatoses) et jamais sur les muqueuses.
L’origine pilaire (à partir
d’une cellule germinale d’un bourgeon pilaire) est couramment admise
actuellement.
Bien que les CBC siègent le plus souvent sur les zones
exposées, les sièges d’apparition les plus fréquents des CBC ne sont pas
ceux d’exposition solaire maximale, comme par exemple le canthus
interne ou le pli nasogénien.
On suppose qu’en plus des effets des UV, il
existe une relation avec les zones de fermeture embryologiques.
Le
fait que lors de leur extension les CBC tendent à suivre les plans de
fusion va dans le sens de cette théorie.
Les traumatismes semblent jouer
un rôle avec des cas rapportés de CBC apparaissant sur des cicatrices ou
des brûlures.
* Clinique :
Les CBC surviennent le plus souvent chez des sujets âgés, bien qu’il soit
de moins en moins rare d’en voir sur des sujets dans leur deuxième ou
troisième décennie.
Ainsi, 85 % siègent sur le visage et sur le cou, 25 à 30 %sur le nez. Les autres localisations électives sont le front, le canthus
interne, les joues.
Plusieurs formes cliniques sont décrites. Le CBC
nodulaire survient le plus souvent sur le canthus interne, le nez et
le front.
Il se présente comme une « perle » translucide de
croissance lente atteignant un diamètre de 5 mm en 1 à 2 ans, avec de
fines télangiectasies.
Ensuite apparaît une ulcération centrale.
Certains
peuvent contenir du pigment, ils sont dits « tatoués ». Certains CBC peuvent avoir un aspect hyperkératosique prêtant à confusion avec
une kératose actinique.
Le CBC sclérodermiforme se
présente sous la forme d’une plaque indurée extensive, au centre
cicatriciel, de contour mal défini et le plus souvent sans l’aspect
translucide de la bordure.
Certains CBC dits pagétoïdes peuvent,
essentiellement en situation extrafaciale, prendre l’aspect d’une plaque
érythématosquameuse, souvent d’allure multifocale.
Certains ont un
important pouvoir destructeur des éléments sous-jacents et notamment
des os, ils sont dits térébrants.
* Anatomopathologie
:
Sur la plan histopathologique, c’est une tumeur faite de travées ou de
lobules de cellules au cytoplasme peu abondant, ressemblant aux
cellules basales de l’épiderme et se déposant en palissade en périphérie.
Les mitoses sont plus ou moins nombreuses.
On peut distinguer quatre
forme principales :
– le CBC dit nodulaire est bien limité avec des travées ou des lobules
étroitement imbriqués, réalisant un nodule « refoulant » le derme ;
– le CBC dit infiltrant où la tumeur est mal limitée avec des travées
s’éparpillant à distance ;
– le CBC sclérodermiforme constitué de travées grêles dispersées au
sein d’un stroma fibreux très abondant.
Il peut s’étendre en profondeur
le long du plan fibreux de façon « souterraine ».
Ses structures sont
difficiles à identifier en examen extemporané.
Le diagnostic différentiel
peut se poser avec un trichoépithéliome desmoplastique ;
– leCBCdit pagétoïde ou superficiel qui est fait de bourgeons tumoraux
appendus à la face profonde de l’épiderme, n’envahissant que le derme
superficiel. Plurifocaux, ces bourgeons sont séparés par un épiderme non
tumoral.
L’absence de tumeur sur les bords périphériques d’une pièce
d’exérèse ne préjuge pas de l’existence ou non de bourgeons tumoraux
au-delà.
Les autres types de CBC dérivent essentiellement des aspects ou des
remaniements histopathologiques sans conséquences évolutives
cliniques : CBC kystiques ou pseudocylindromateux (diagnostic
différentiel avec un cylindrome cutané), CBC « tatoué », CBC à
différenciation pilaire (pouvant poser le problème d’un
trichoépithéliome).
* Récidive
:
La plupart desCBCcorrectement traités ne récidivent pas.
Mais certains
sont plus difficiles à contrôler soit du fait de leur type
(sclérodermiforme), de leur siège (sillon alogénien), ou encore de
l’existence d’un envahissement osseux.
* Métastases et épithéliomas basocellulaires
:
Classiquement, les CBC ne métastasent jamais.
La présence de
métastases lymphatiques doit faire rechercher un des rares carcinomes basaloïdes des voies aérodigestives supérieures ou pulmonaires.
* Traitement
:
Bien que la radiothérapie soit efficace, elle ne permet pas une guérison à
100 %et rend difficile le traitement des récidives.
Le traitement de choix
est donc chirurgical.
Une marge minimale de 3 mmest requise, mais doit
être augmentée dans les situations à fort taux de récidive :
sclérodermiforme : 1 cm, tumeurs de grande taille : 1 cm.
Il faut se
rappeler l’extension en profondeur de ce type de tumeur et donc ne pas
négliger l’exérèse en profondeur.
* Suivi
:
Un contrôle à 3-6 mois est indispensable pour s’assurer de l’absence de
récidive.
Des recommandations de protection solaire et de surveillance
annuelle sont nécessaires.
2- Carcinome spinocellulaire (CSC)
:
* Incidence et mortalité
:
L’incidence annuelle des CSC est de l’ordre de 160 pour 100 000.
Une étude australienne a montré une augmentation de cette incidence de
51 % entre 1985 et 1990.
La mortalité spécifique due aux CSC n’a
pas été étudiée, mais la mortalité des tumeurs cutanées non mélaniques,
essentiellement due aux CSC, était de l’ordre de 0,44 pour 100 000 en
1991 aux États-Unis.
* Étiologie
:
L’exposition excessive aux UV est le principal facteur de risque.
Une
dose cumulée chez un sujet à la peau et aux yeux clairs, plutôt que des
coups de soleil semble être en cause.
La maladie de Bowen, carcinome
in situ, et le lichen sont des lésions préépithéliomateuses.
Des produits
carcinogènes sont en cause tels que l’arsenic, les dérivés du pétrole,
l’usage de cigarettes.
Il existe des causes iatrogènes telles que le goudron
utilisé pour le traitement du psoriasis, ainsi que les UVAcombinés à des
photosensibilisants tels que le psoralène.
La chimiothérapie
immunosuppressive après transplantation d’organe augmente le risque
de CSC, avec, comme pour les UVA, un renversement du rapport trois
sur quatre par rapport aux CBC, ce qui tend à en faire un facteur
spécifique des CSC.
Les CSC ont également tendance à se développer
sur les ulcérations chroniques, telles le classique ulcère de Marjolin
décrit en 1829.
Les sujets présentant des ulcères chroniques doivent être
surveillés avec soin et biopsiés dès qu’apparaît une zone nodulaire en
expansion ou de développement différent de celui du reste du bord de
l’ulcère.
Les rayonsXsont également un facteur de risque classique.
On
suspecte fortement les virus du groupe Papilloma d’être un facteur de
risque mais seul HPV5 a été mis en évidence dans les CSC des sujets
immunodéprimés.
* Clinique
:
Les CSC surviennent habituellement sur une peau portant les stigmates
d’une surexposition solaire, typiquement chez un homme âgé, et le plus
souvent sur le dos de la main, l’avant-bras, la face et le cou.
La lésion se
présente comme un nodule ferme, infiltrant, qui peut survenir sur une
zone de kératose actinique.
L’extension est rapide, la
lésion devenant ulcérée, pouvant donner des métastases lymphatiques
dans la zone de drainage. Le caractère lymphophile varie selon les
lésions préexistantes (11 %pour la lèvre, 3 %pour les lésions d’origine
actinique, 10 à 30 % pour les lésions postcicatricielles).
Le CSC de la
lèvre siège le plus souvent sur la lèvre inférieure qui porte fréquemment
une atteinte multifocale de lésions préépithéliomateuses ou microinvasives.
Ce type de localisation donne très fréquemment des
métastases ganglionnaires.
Au niveau de la muqueuse buccale, la
présentation clinique est celle d’une plaque de leucoplasie infiltrée
entourée d’une érythroplasie.
Au niveau des muqueuses et semimuqueuses génitales, le CSC se développe en général sur des
lésions précancéreuses comme une maladie de Bowen, un lichen
scléroatrophique ou encore dans le cadre d’une maladie de
Buschke-Löwenstein.
Les diagnostics différentiels les plus courant sont les kératoses
actiniques qui doivent être biopsiées dès l’apparition d’une infiltration
sous-jacente, et le kératoacanthome.
L’épithélioma cuniculatum est une forme particulière de diagnostic
souvent très tardif : prenant souvent naissance sur une ulcération
chronique, il prend l’aspect d’une verrue, siège souvent au niveau de la
plante des pieds et se révèle très souvent difficile à éradiquer par sa
tendance à s’infiltrer.
* Anatomopathologie
:
Sur le plan histopathologique, le carcinome spinocellulaire est un
carcinome épidermoïde constitué de travées et de lobules de cellules
malpighiennes au cytoplasme souvent abondant, aux noyaux irréguliers
en taille et en forme.
La maturation kératosique est variable.
Il importe
de rechercher un envahissement des filets nerveux (facteur de mauvais
pronostic) et des lésions de kératose préépithéliomateuses en périphérie
(facteur de meilleur pronostic).
À part, le carcinome cuniculatum est fait de lobules ressemblant de très
près à un épiderme normal avec peu ou pas d’atypies cytologiques.
C’est
le caractère infiltrant qui fait le diagnostic, ce qui est donc très difficile
sur des prélèvements biopsiques.
* Traitement
:
Il comporte tout d’abord le dépistage et le traitement des lésions
précancéreuses.
Ainsi, la maladie de Bowen au niveau du gland doit être
traitée par exérèse-greffe, une leucokératose de la lèvre par
vermillonectomie.
Dans tous les cas, le diagnostic de CSC doit être
confirmé par biopsie.
Là encore, la chirurgie est préférable de première
intention, la radiothérapie sur une zone de peau déjà fragilisée risquant
d’induire une radionécrose sans éradiquer totalement la lésion.
Une
marge de 1 cmest la norme.
S’il existe un envahissement ganglionnaire,
un curage est pratiqué associé ou non à une radiothérapie. Les curages
prophylactiques restent discutés.
* Suivi
:
Le CSC mettant en jeu le pronostic vital, un suivi très rigoureux doit être
effectué avec une visite tous les 3 mois la première année puis tous les
6 mois.
La recherche de métastases ganglionnaires, d’une deuxième
localisation, doit être systématique.