Chirurgie réfractive cornéenne
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Les premières tentatives chirurgicales de correction réfractive ont
concerné la cornée, accessible et responsable à elle seule des deux
tiers du dioptre oculaire.
Dès la fin du XIXe siècle, les premières
interventions sur astigmatisme ont été réalisées par différentes
équipes, celle de Schiotz, de Faber et celle de Lucciola.
Les bases
théoriques des incisions relaxantes ont, à la même époque, été
posées par Lans.
Elles ont ensuite été reprises et développées dans
les années 1950 par Sato.
Les moyens d’obtenir une modification de la courbure cornéenne
antérieure se sont par la suite diversifiés.
On peut les classer en deux
groupes :
– les interventions sans modification de l’épaisseur cornéenne :
– les techniques incisionnelles relaxantes : la kératotomie radiaire
et actuellement les incisions arciformes ;
– les techniques de contractions tissulaires (thermokératoplasties)
;
– la compression tissulaire par suture ;
– les interventions modifiant l’épaisseur cornéenne :
– par soustraction (ou ablation), kératomileusis gel et non gel et
actuellement : photoablation au laser Excimer de surface
(photokératectomie réfractive [PKR]) et laser in situ keratomileusis
(lasik) ;
– par addition, soit de tissu cornéen pour l’épikératophaquie, soit
actuellement de matériau de synthèse pour les anneaux
intracornéens et les inlays.
Nous abordons dans ce chapitre les principales techniques utilisées
à l’heure actuelle, sans reprendre les techniques tombées en
désuétude.
Nous n’abordons pas les interventions intraoculaires
(ablation de cristallin, implant réfractif) et sclérales.
Techniques soustractives : photokératectomie réfractive et lasik
A -
PHOTOKÉRATECTOMIE RÉFRACTIVE, LASER EXCIMER
DE SURFACE, PHOTOABLATION DE SURFACE
:
1- Principe
:
* Mode d’émission :
Parmi les différents rayonnements Excimer existants, celui que nous
utilisons en chirurgie réfractive est émis à partir du mélange de
l’argon et de la fluorine.
Mélangés puis exposés à une décharge
électrique puissante, ces deux gaz mobilisent des électrons vers des
couches d’énergie supérieures et forment des molécules instables
d’argon-fluoride (d’où le nom général d’excited dimer).
Quand ces
molécules se décomposent, elles émettent de la lumière ultraviolette
de longueur d’onde spécifique (dans le cas de l’argon-fluoride :
193 nm).
À l’intérieur de la cavité du laser, un gaz tampon, l’hélium ou le
néon, remplit 88 à 99 % de la cavité. Le gaz rare (argon) constitue
0,5 à 12 % du mélange et l’halogène (fluorine) contribue pour 0,5 %
du mélange.
Reproductibilité : l’énergie délivrée lors des impacts doit être
reproductible afin que l’ablation tissulaire soit prédictible et qu’il en
résulte une surface uniforme.
Pour un laser Excimer de 193 nm, la
fluctuation de l’énergie des impacts est de l’ordre de 5 à 10%.
Quand un train de 1 000 impacts est utilisé, cette précision atteint
+/- 0,3 %.
* Paramètres du laser
:
En dehors de la longueur d’onde, plusieurs paramètres modifient
l’effet du faisceau laser sur la cornée : la durée des impacts, leur
fréquence, leur nombre, la fluence, la configuration du faisceau, mais aussi l’hygrométrie ambiante, les variations de température,
l’hydratation du stroma du patient.
Selon les machines, les variables
contrôlables et modifiables par le chirurgien sont : la fréquence des
impacts, leur nombre et la fluence.
La fluence est définie comme le flux d’énergie par unité de surface ;
elle est exprimée en millijoules par centimètre carré (mJ/cm2).
Les
fluences utilisées en chirurgie réfractives vont de 120 à environ
350 mJ/cm2
* Effets tissulaires et réfractifs :
Parmi les différents rayonnements Excimer existants, le laser argonfluoride,
émettant à 193 nm, a été choisi car c’est celui qui crée le
bord de découpe le plus régulier, endommageant le moins les tissus
adjacents.
Sa longueur d’onde étant courte, l’énergie photonique
délivrée est importante et la profondeur de pénétration faible.
Le
mécanisme de photoablation est purement photochimique au
contact de la surface cornéenne, alors qu’à de plus grandes
longueurs d’ondes (exemple : krypton-fluoride 248 nm, xenon-chloride
308 nm), l’énergie est dissipée dans le tissu adjacent, pouvant créer
des dommages thermiques.
L’effet tissulaire est donc une photodécomposition ablative, soit une rupture des liaisons inter- et
intramoléculaires et une projection des fragments obtenus.
Pour les
fluences utilisées en clinique (120 à 350 mJ/cm2), l’ablation est
d’environ 0,25 μm par impact.
La programmation des corrections est, de façon schématique, guidée
en partie par la loi de Munnerlyn :
D = (n - 1) (1/R2 - 1/R1)
où D = effet dioptrique ; R1 = rayon de courbure initial ; R2 = rayon
de courbure final.
Cette loi relie l’effet réfractif souhaité à la profondeur d’ablation et
montre que cette relation est liée au diamètre de correction :
profondeur d’ablation = 1/3 diamètre 2 ´ effet dioptrique
Plus la surface corrigée est grande, plus profonde doit être l’ablation.
* Lasers
:
Ils sont nombreux : Technolas 117C, 217, 116, Nidek, Meditec,
LaserSight, Summit Technology, Autonomous Tech, Visx... Ils ont
souvent de nombreuses pièces communes (tube).
Leurs différences
concernent :
– principalement le delivery system, c’est-à-dire d’une part la forme
du faisceau laser (rond ou en fente), d’autre part l’existence ou non
d’un déplacement et son type (faisceau plein, scanning ou flying
spot) ;
– mais aussi la fréquence des impacts, la fluence, le type d’eyetracker
(actif ou passif) et, bien sûr, les logiciels qui guident
l’ablation.
Coupler l’ablation laser aux différents modes d’analyse de la cornée
et de la réfraction est devenu possible avec les progrès techniques,
entre autres celui des systèmes de délivrance du faisceau laser.
Ce
couplage est à première vue intéressant pour améliorer les résultats,
surtout en ce qui concerne la qualité de vision des patients en
postopératoire, également pour élargir les indications à certaines
formes d’irrégularités cornéennes comme les astigmatismes
asymétriques (environ 30 % des cas) et les décentrements
d’interventions préalables.
En pratique, ces couplages se font avec :
– les aberromètres, nouveaux appareils qui analysent les différentes
anomalies de diffusion de la lumière dans le système optique
oculaire (anomalies dites « d’ordre élevé » au-delà des anomalies
sphérocylindriques) ;
– les analyseurs de la topographie oculaire (topographes ou Orbscant), lorsque les irrégularités de la cornée ne permettent plus
d’analyse pertinente des aberrations optiques.
Si les résultats préliminaires sont encourageants en termes
d’efficacité (pourcentage d’amélioration des acuités visuelles) et de
sécurité, plusieurs questions restent sans réponse actuellement :
– il n’y a pas, actuellement, de critères de normalité de ces nouvelles
données (quel profil d’aberration de référence faut-il obtenir ?
– les aberrations optiques se modifient, d’une part dans la journée
avec la dilatation pupillaire et d’autre part avec l’âge (devrons-nous
réopérer chacun de nos patients de façon itérative ?) ;
– dans le cas du lasik, la découpe à elle seule modifie les aberrations
et cette modification, encore très mal connue, n’est pas prise en
compte.
3- Indications et contre-indications
:
Initialement homologuée pour les myopies inférieures ou égales à
6 dioptries, la PKR a vu son champ d’application largement amputé
par le développement du lasik.
Sa place est à l’heure actuelle l’objet de vives controverses.
Pour
certains, les succès du lasik cantonnent la PKR à ses propres limites :
cornée fine, instabilité épithéliale, grande pupille, irrégularité de
surface...
Pour d’autres, l’ablation de surface reste au contraire la
technique de choix dans le champ d’application où elle a fait ses
preuves : myopie jusqu’à 3, 4, voire pour certains 6 dioptries,
hypermétropie et astigmatisme jusqu’à 2 dioptries.
Il n’existe donc
pas de consensus sur la technique la plus adaptée aux petites
myopies.
Les contre-indications de la PKR sont, en plus des contre-indications
générales à la chirurgie réfractive cornéenne :
– les kératites virales à adénovirus datant de moins de 2 ans et
pouvant provoquer une activation du processus cicatriciel (donc un haze pathologique) ;
– les cornées fines aboutissant à une cornée postopératoire
inférieure à 400 μm ;
– les kératométries postopératoires inférieures à 36 dioptries ;
– les ablations de plus de 100 μm de profondeur.
4- Bilan préopératoire et information du patient :
Ses différents éléments sont détaillés ; il est accompagné
d’une information détaillée.
5- Technique opératoire :
– Calibrer le laser selon les instructions du constructeur.
– Programmer l’amétropie, selon la réfraction finale souhaitée et
selon le nomogramme spécifique du laser.
– Pour certains, administration d’un antalgique oral 15 à 30 minutes
avant la chirurgie.
– Instillation de deux gouttes de collyre anesthésique
(oxybuprocaïne ou tétracaïne) 5 minutes avant et juste avant la pose
du blépharostat.
– Installer le patient et positionner sa tête (en cas de fort
astigmatisme, l’axe peut être préalablement repéré à la lampe à fente
pour éviter une erreur liée à la cyclotorsion).
– Réaliser le centrage en déclenchant l’eye-tracker.
– Dégager les cils de l’aire du traitement.
– Débrider l’épithélium manuellement (avec ou sans alcool) ou au
laser, éliminer les débris.
– Absorber l’excès de liquide.
– Effectuer l’ablation en contrôlant la position de l’eye-tracker.
– Après l’intervention, administrer : un collyre antibiotique, un antiinflammatoire
non stéroïdien (AINS), des agents cicatrisants et
fermer l’oeil avec un pansement.
Pour certains, une lentille-pansement raccourcit le délai de
réépithélialisation et diminue les douleurs.
Ce traitement,
susceptible de se compliquer d’infection et d’infiltrats sousépithéliaux,
nécessite toutefois une surveillance quotidienne
particulière.
Les corticoïdes fréquemment prescrits dans les suites de PKR n’ont
pas fait la preuve de leur utilité.
Il est en revanche utile de traiter la
sécheresse oculaire et de conseiller aux patients d’utiliser des verres
filtrants antiultraviolets (anti-UV) lors d’une exposition au soleil ou
en haute altitude, durant les 3 premiers mois.
Une variante de cette intervention, appelée le Lasek, consiste à
conserver l’épithélium tout au long de l’intervention.
Ceci est rendu
possible par l’utilisation d’alcool dilué.
L’épithélium est soulevé
comme le capot d’un lasik, en conservant une charnière.
Il est
secondairement repositionné puis protégé par une lentille
thérapeutique, pendant environ 48 heures.
Le but du Lasek est
d’améliorer les suites opératoires en matière de confort du patient,
d’efficacité et de diminuer le risque de haze.
Les résultats sont
encore très discutés.
6- Surveillance
:
Un examen pratiqué le lendemain montrerait volontiers, outre
l’ulcération épithéliale, des plis de la membrane de Descemet, voire
un effet Tyndall.
La repousse épithéliale se produit environ en 4 à
6 jours.
L’épithélium peut alors présenter un aspect de pseudodendrites qui résulte de la cicatrisation normale.
Il ne
faut pas le confondre avec une infection herpétique.
Cet aspect
disparaît en quelques jours sans traitement.
L’irrégularité de
l’épithélium ne permet souvent pas de chiffrer précisément l’acuité
visuelle avant une dizaine de jours.
En pratique, un premier contrôle autour du cinquième jour confirme
la fermeture épithéliale et l’absence d’infection ou d’infiltrats.
À
1 mois, la réfraction est mesurée, le haze évalué.
Dès lors, la
réfraction peut être contrôlée tous les 2 mois jusqu’à stabilisation
(1 mois pour les myopies faibles, 6 mois à 1 an au-delà).
7- Résultats :
* Myopie
:
L’homologation du laser Excimer a été initialement proposée jusqu’à
- 6 dioptries en raison de la qualité des résultats.
Les nombreuses
séries publiées sont parfois difficiles à comparer en raison des
différences de recrutement et de protocoles.
Pour des myopies
inférieures à - 3 dioptries, la probabilité d’emmétropisation à
1 dioptrie près est comprise entre 91 et 97,6 %.
Pour des myopies inférieures à - 6 dioptries, les études montrent un
pourcentage d’emmétropisation à +/- 0,50 dioptrie compris entre
53 % et 84%.
Une des limites de la correction des myopies moyennes à fortes est
l’incidence du haze postopératoire.
Celui-ci, quasi constant à 1 mois
(de 34,2 % à 82,4 % selon les séries), disparaît le plus souvent entre 2
et 3 mois.
Il peut persister secondairement 1 an, voire plus, pour les
corrections importantes.
* Hypermétropie
:
La PKR hypermétropique est efficace pour des corrections
inférieures à 3 dioptries.
Dans ces indications, 63 à
100 % des patients ont une acuité visuelle non corrigée (AVNC)
postopératoire supérieure à 5/10e et 22 à 59 % des patients ont une AVNC supérieure ou égale à 10/10e.
On peut également observer
un gain en vision de près sans qu’une correction spécifique de la
presbytie n’ait été programmée.
La stabilisation est plus tardive que dans les corrections myopiques
environ 6 à 9 mois après la chirurgie.
On peut observer une
régression de 6 à 30% jusqu’au sixième mois.
* Astigmatisme
:
Dans une étude récente, Nagy rapporte les résultats de 940
interventions.
Sur 746 yeux corrigés pour un astigmatisme myopique de - 1,50 à - 6 dioptries d’équivalent sphérique, et de -1,50
+/- 1 dioptrie de cylindre moyen ; le résultat sur l’équivalent
sphérique a été de - 0,95 +/- 1,33 dioptrie et sur le cylindre de - 0,13
+/- 0,48 dioptrie.
Sur 104 yeux corrigés pour un astigmatisme hypermétropique de +
4,57 dioptries d’équivalent sphérique et de 1,57 dioptrie de cylindre
moyen, le résultat réfractif a été de + 1,13 dioptrie d’équivalent
sphérique avec un cylindre de + 0,38 dioptrie.
8- Complications
:
* Complications précoces :
+ Douleur
:
Dix pour cent des patients se plaignent d’une douleur qui disparaît
dans les 12 à 36 heures.
Elle est atténuée par les AINS.
+ Infiltrats sous-épithéliaux stériles
:
Ces lésions volontiers périphériques ne s’accompagnent pas de
signes inflammatoires et l’épithélium en regard est intact.
Ils
apparaissent 1 à 3 jours après l’intervention. Leur fréquence est
d’environ un cas sur 500.
Elle augmente en cas d’utilisation conjointe
d’AINS locaux et de lentille de contact.
Ils conduisent à faire
pratiquer des prélèvements bactériologiques avant un éventuel
traitement par antibiotiques et corticoïdes.
+ Kératites infectieuses
:
De survenue exceptionnelle (0,1 à 0,2 %), elles se présentent sous le
tableau d’un abcès avec réaction inflammatoire, se compliquant
secondairement d’un haze dense.
Les bactéries à Gram positif
sont les plus fréquemment responsables ainsi qu’Aspergillus.
Le prélèvement doit être fait en urgence (mise en culture également
de la lentille éventuelle), suivi d’une antibiothérapie locale à large
spectre avec agent antifongique.
La réactivation de l’herpès a été décrite. Le traumatisme chirurgical,
l’exposition aux UV, la corticothérapie locale sont autant de facteurs
déclenchants connus des poussées d’herpès.
L’existence
d’antécédents d’herpès cornéen doit donc rester une contreindication
à la chirurgie réfractive au laser Excimer.
En présence
d’une indication d’ordre thérapeutique, la prescription d’aciclovir
3 jours avant l’intervention, à prolonger 3 mois, s’impose.
+ Retard de cicatrisation épithéliale :
Le defect épithélial a habituellement des bords bien définis.
Des plis
peuvent apparaître secondairement à l’oedème.
Un retard de
cicatrisation doit faire rechercher une automédication par des anesthésiques.
En l’absence de surinfection, il ne nécessite qu’une
surveillance hebdomadaire.
Pour certains, il peut justifier de la mise
en place d’une lentille de contact.
Celle-ci nécessite une surveillance
quotidienne.
Le plus souvent, un retard de cicatrisation isolé n’a pas
de retentissement sur le résultat réfractif.
+ Halos, éblouissements
:
Des halos sont fréquents dans les 4 à 6 semaines après la PKR, une
fois l’épithélium complètement cicatrisé.
Ils apparaissent lorsque la
pupille est dilatée et que les faisceaux lumineux traversent la limite
de la zone de photoablation.
Depuis la généralisation des
corrections de diamètre supérieur à 5 mm, on les rencontre
principalement en cas de pupille large ou de décentrement.
Dans les
cas où ils s’associent à une sous-correction, un retraitement avec une
zone optique plus large peut les atténuer.
On peut être amené à
essayer la pilocarpine pour les diminuer, sous stricte surveillance
rétinienne chez ces patients myopes.
+ Îlots centraux
:
Ce sont des zones d’élévation centrales ou paracentrales d’au moins
1 dioptrie, d’un diamètre d’au moins 1 mm et mesuré au moins
1 mois après la photoablation.
Les formes symptomatiques ont
plus souvent un diamètre de 2 à 3mm et une épaisseur de 10 à
15 μm, correspondant à 2 ou 3 dioptries. Ils sont confirmés et
mesurés par une topographie.
Les patients peuvent être
asymptomatiques. Plus souvent, ces îlots centraux induisent une
diplopie monoculaire ou une baisse d’acuité visuelle.
Ils régressent souvent de façon spontanée, mais peuvent être
retraités s’ils persistent au-delà du sixième mois.
Cette
complication est devenue exceptionnelle avec les systèmes de
délivrance à balayage et la disparition progressive des lasers à
faisceau plein.
+ Décentrement
:
Supérieur à 1 mm, il peut entraîner une diminution de la meilleure
acuité visuelle corrigée, une diplopie monoculaire, des
éblouissements ou des images fantômes.
Il peut induire un
astigmatisme cornéen.
Sa prévention est essentielle (bon centrage de
l’eye-tracker), car le traitement curatif est difficile ; les ablations
guidées par la topographie cornéenne apporteront peut-être une
solution.
+ Érosions cornéennes récidivantes
:
Paradoxalement, alors que la photoablation au laser Excimer est un
mode de traitement efficace des kératalgies récidivantes, cette
affection peut exceptionnellement venir compliquer les suites d’une
ablation réfractive.
Les patients se plaignent de douleur,
larmoiement, photophobie, le matin au réveil.
Les symptômes
peuvent durer quelques secondes ou plusieurs heures.
L’érosion
tend à apparaître en périphérie de la zone de photoablation.
Le
traitement est semblable à celui des kératalgies récidivantes.
*
Complications tardives :
+ Haze diffus
:
Le haze cornéen peut apparaître dès 4 semaines et prendre la forme
d’opacité sous-épithéliale fine, réticulée, n’interférant pas avec la
vision.
Il correspond à une réponse cicatricielle induite par
l’activation et la migration des kératocytes (fibroblastes) et du
collagène nouvellement synthétisé.
Il apparaît le plus souvent dans
les 2 à 4 mois et s’estompe en 6 à 12 mois.
Les facteurs
favorisant son apparition sont la profondeur d’ablation,
l’inhomogénéité du faisceau laser, la sécheresse cornéenne durant
ou après le traitement, l’exposition solaire dans les mois suivant
l’intervention.
Devant un haze modéré à sévère responsable d’une gêne visuelle,
certains préconisent les collyres corticoïdes.
Leur efficacité est très
controversée sur le haze alors que leurs effets secondaires ne sont
pas négligeables.
Une ablation transépithéliale peut être proposée.
Le risque principal est alors la récurrence du haze nécessitant
d’attendre avant de réintervenir. La mitomycine C à 0,02 % fait
l’objet de travaux de recherche.
Elle est utilisée en application
topique pour prévenir la survenue du haze.
Compte tenu de ses effets à long terme, la prudence s’impose
actuellement sur l’interprétation des résultats.
* Complications réfractives :
+ Sous-correction, régression
:
Une myopie résiduelle précoce peut être due à une insuffisance
initiale de traitement par humidification trop importante de la
cornée durant la procédure.
Plus souvent, elle est secondaire à la
cicatrisation.
Les facteurs de risque de cette régression sont
alors les fortes amétropies (fortes myopies et forts astigmatismes),
les cornées plates, les zones optiques de petit diamètre, l’exposition
postopératoire aux UV.
Elle s’accompagne alors le plus souvent
d’un haze proportionnel.
Une reprise chirurgicale au laser dans ces
cas ne doit être entreprise que plus de 18 mois après la première
intervention pour éviter une nouvelle cicatrisation avec échec
réfractif et éventuellement aggravation du haze.
+ Surcorrection :
Compte tenu de l’habituelle régression postopératoire, une faible
surcorrection est acceptable dans les premières semaines
postopératoires.
Chez les patients presbytes, une gêne en vision de
près peut en résulter.
Une surcorrection importante peut être
favorisée par la sécheresse cornéenne durant le traitement ou une
réfraction préopératoire sans cycloplégique, sous-évaluant
l’accommodation.
Parmi les nombreuses options chirurgicales de
traitement de cette surcorrection, la PKR hypermétropique donne
de bons résultats.
Malgré une efficacité démontrée dans les myopies faibles jusqu’à
6 dioptries, la PKR impose un délai de récupération, des suites
immédiates plus inconfortables et plus lentes, en particulier pour
gérer les éventuelles sous-corrections.
B - LASIK :
Le lasik est actuellement la technique de chirurgie réfractive la plus
utilisée.
Son champ d’application, la qualité de ses résultats et son
faible taux de complication expliquent le succès de cette technique.
1- Historique
:
Le lasik a succédé aux techniques de la PKR et du kératomileusis,
empruntant à la première la prédictibilité de l’ablation stromale par
le laser Excimer et à la deuxième la réduction de toute réaction
tissulaire grâce à la protection du site d’ablation par un capot
stromal.
José Barraquer a pratiqué le premier une dissection manuelle
lamellaire de la cornée à visée réfractive et, en 1958, il a mis au point le premier microkératome.
En 1962, il lui ajoute un anneau de
succion pourvu de guides.
L’ablation du tissu se fait à l’époque
au sein du volet, par fraisage, après congélation.
Une technique sans
congélation voit le jour dans les années 1980. Le kératomileusis in
situ est proposé par Ruiz en 1986.
Le début des années 1980 voit la découverte décisive du champ
d’application ophtalmologique du laser Excimer 193 nm.
Par
rapport à l’ablation mécanisée, le laser Excimer offre les avantages
de sa précision et de l’absence de dommages collatéraux par les UV
émis.
Le résultat en est une prédictibilité et une reproductibilité
inégalées.
Dès la fin des années 1980, Buratto présente la première réalisation
d’une découpe lamellaire avec ablation tissulaire au laser Excimer
réalisée sur la face postérieure du capot.
À la même époque, Pallikaris met au point la photoablation in situ (sur le lit stromal)
puis la découpe incomplète du capot, laissant intacte une charnière,
à l’époque nasale, qui facilite le repositionnement du capot.
Il
s’avérera que le capot peut être repositionné sans suture. Le lasik
est né.
2- Indications et limites
:
Il n’y a pas de limite inférieure dès lors que l’expérience du
chirurgien garantit une égalité des chances entre le lasik et la PKR.
La limite supérieure de la correction dépend :
– de limites réfractives (pourcentage de perte d’acuité visuelle
corrigée) :
– environ 8 à 10 dioptries de myopie ;
– 4 dioptries d’hypermétropie ;
– 4 dioptries d’astigmatisme ;
– de limites kératométriques :
– kératométrie inférieure à 41 dioptries (risque de capot libre) ;
– supérieure à 47 dioptries (risque de boutonnière ou button
hole) ;
– la kératométrie postopératoire ne doit pas être inférieure à 35
ou supérieure à 48 dioptries ;
– de limites anatomiques venant de la nécessité de garder un mur stromal postérieur de plus de 250 μm d’épaisseur, ce qui dépend de
la pachymétrie préopératoire, de l’épaisseur du capot choisie mais
dont la précision est faible (à 20 ou 40 μm près) et de la profondeur
d’ablation.
Il existe également d’autres limites plus rares au lasik :
l’impossibilité de placer l’anneau de succion peut se rencontrer sur
des globes petits et enfoncés.
3- Bilan préopératoire, contre-indications spécifiques au lasik :
Le bilan clinique est commun aux autres techniques de chirurgie
réfractive cornéenne.
De même que l’information du
patient.
Comme pour la PKR, la prise de la pression
intraoculaire est nécessaire car sa mesure est artificiellement abaissée
après la chirurgie, en raison de l’amincissement cornéen.
La
surveillance ultérieure de la tension doit prendre en compte la
modification apportée par la chirurgie.
Une néovascularisation importante est recherchée.
Elle peut en effet
provoquer un saignement peropératoire qui ne constitue pas une
contre-indication.
Les contre-indications propres au lasik sont en plus des contreindications
communes aux différentes techniques cornéennes :
– une épaisseur cornéenne insuffisante, absolue ou relative (cf
Indications et limites) ;
– les états de fragilisation de l’épithélium et de son adhérence
(contre-indications relatives) :
– syndrome sec sévère ;
– dystrophie de Cogan ;
– kératalgie récidivante.
4- Matériel chirurgical :
* Microkératomes :
Avec un marché en plein développement, le nombre de
microkératomes croît régulièrement.
À ce jour, on en compte plus
d’une vingtaine.
Leurs composants principaux sont l’anneau de
succion avec sa pompe à vide et le microkératome proprement dit
avec sa motorisation.
On les caractérise par les capots obtenus (diamètre, épaisseur,
position de la charnière), le mode d’avancement (manuel ou
automatique), la lame (matériau, angle), la fréquence d’oscillation et
le système à l’origine de celle-ci (mécanique ou turbine), les systèmes
de sécurité et, enfin, le fait d’être à usage unique ou pas.
Le mode d’avancement automatique est plus facile à utiliser, le
mode manuel est souvent préféré par les chirurgiens entraînés,
offrant un meilleur contrôle.
Les microkératomes rotatifs sont plus faciles à utiliser.
Ils permettent
également une charnière supérieure théoriquement stabilisée par les
clignements de la paupière supérieure.
L’épaisseur du capot est déterminée par le plateau du microkératome.
Les capots de faible épaisseur autorisent des
ablations plus profondes et donc de plus grandes zones optiques,
mais sont plus difficiles à repositionner.
La prédictibilité de
l’épaisseur du capot est variable en fonction du microkératome.
La lame est le plus souvent en acier.
D’autres moyens de découpe
sont à l’étude : jet d’eau à haute pression ou laser intrastromal.
La fréquence d’oscillation, la vitesse de déplacement et le matériau
de la lame conditionnent la régularité de la surface obtenue.
La sécurité repose sur la simplification du montage, la puissance
des moteurs limitant le risque de blocage et de façon essentielle sur
le contrôle du niveau de succion et sur l’interruption de la découpe
en cas de perte d’aspiration ou mise en route d’une deuxième
pompe.
5- Technique chirurgicale :
L’intervention se pratique en ambulatoire, dans un bloc opératoire.
Une sédation préopératoire peut être proposée. Les vérifications du laser (alignement des faisceaux, fluence...) sont pratiquées avant
l’entrée du patient dans le bloc.
Le choix du diamètre de l’anneau et
de l’épaisseur du plateau doit être fait au préalable en fonction des
données de l’examen préopératoire, en particulier de la pachymétrie
et de la kératométrie.
L’anesthésie topique fait appel aux anesthésiques les moins toxiques
pour l’épithélium cornéen.
Le patient est positionné avec la tête
parallèle au sol ; la désinfection des paupières et des culs-de-sac
conjonctivaux se fait par de la Bétadinet diluée à 5 %.
Après mise
en place des champs opératoires, des protections des cils et du blépharostat, la surface oculaire est lavée.
La cornée peut être
marquée afin de faciliter le repositionnement d’un éventuel capot
libre.
L’eye-tracker peut être mis en route à ce moment.
Une fois la succion obtenue (le tonus doit dépasser 60 mmHg, ce
qui est vérifié par le tonomètre de Barraquer, la semi-mydriase ou
l’amaurose), la découpe est réalisée sur une cornée abondamment
irriguée.
L’eye-tracker peut être initialisé à ce moment.
Le capot est soulevé
en évitant le contact avec la conjonctive : pour ceci, soit il est plié
sur lui-même (cette technique protège en même temps la charnière
pendant l’ablation), soit il est protégé par un fragment d’éponge
mouillée.
Si l’eye-tracker n’est initialisé qu’à ce moment, le centrage se fait sur le centre de la pupille, plus que sur la fixation du patient
ou sur le reflet de Purkinje.
Le lit stromal est séché à l’air, si besoin à l’aide d’une éponge ne
laissant pas de débris.
L’ablation est pratiquée. Puis le capot
est repositionné après lavage de l’interface.
Le blépharostat
est maintenu 2 à 3 minutes le temps de permettre l’adhérence du
capot. L’irrigation de la cornée doit être maintenue.
À la fin de
l’intervention, on vérifie le bon positionnement du capot après
clignement.
On instille une association antibiotique-corticoïde.
Un examen à la lampe à fente environ 30 minutes après permet de
vérifier la clarté de l’interface et l’absence de déplacement du capot.
Le patient peut repartir avec une coque de protection et une
ordonnance d’antibiotique, de corticoïde et d’agents mouillants.