Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte Cours de Chirurgie
Définition
:
Le prolapsus rectal est une invagination du rectum aboutissant à
son extériorisation à travers l’anus.
Le trouble de la statique rectale
s’intègre dans un « syndrome du prolapsus rectal », comportant
également le prolapsus interne non extériorisé et la rectocèle.
Le prolapsus est dit complet (full thickness rectal prolapse des Anglo-Saxons), lorsqu’il est constitué par toute l’épaisseur de la paroi
rectale, par opposition au prolapsus purement muqueux,
habituellement d’origine hémorroïdaire.
Même si certains principes
thérapeutiques sont communs à tous les éléments nosologiques du
syndrome du prolapsus rectal, seul le traitement chirurgical du
prolapsus complet extériorisé, infirmité intolérable, sera envisagé.
Principes thérapeutiques
:
Le but du traitement est double : d’une part corriger le prolapsus,
d’autre part, restaurer la fonction anorectale sans induire d’effets
délétères.
Aucune des innombrables techniques proposées ne parvient, dans tous ces cas, à cet objectif. Dès 1902, Lenormant
considérait qu’ « il n’y a pas un traitement infaillible, unique,
universel du prolapsus rectal, et cela parce qu’il y a des variétés
diverses de prolapsus, et du point de vue clinique, et du point de
vue pathogénique ».
La pathogénie demeure incertaine, mais les
anomalies anatomiques constitutives du prolapsus, causes ou
conséquences de celui-ci, sont connues.
Ce sont : l’insuffisance
de fixation postérieure du rectum, la longueur excessive du rectosigmoïde, la hernie du cul-de-sac de Douglas, le diastasis des
muscles releveurs et la béance anale.
L’association de ces anomalies
est variable et permet une approche nosologique.
L’existence ou non
d’une déficience périnéale avec diastasis des releveurs, hypotonie
du plancher pelvien et béance anale reconnue par le seul examen
clinique, différencie deux tableaux anatomocliniques.
Le prolapsus
« de faiblesse », multiélémentaire, comportant l’ensemble des
anomalies, chez la femme âgée multipare, extériorisé en
permanence, s’intègre dans une maladie dégénérative diffuse du
périnée, avec fréquente association d’un prolapsus génital.
Le
prolapsus rectal est la conséquence d’une hernie par glissement du
cul-de-sac de Douglas à travers la brèche pariétale pelvienne.
À
l’inverse, le prolapsus « de force », pauciélémentaire, de l’adulte
jeune, le plus souvent chez la femme volontiers nullipare, plus
rarement chez l’homme, avec un périnée normal et un sphincter continent, est une maladie primitive du rectum par excès de
longueur et de mobilité.
Entre ces deux tableaux extrêmes, tous les
intermédiaires existent.
Les notions d’âge et de terrain et le seul
examen clinique suffisent à différencier ces deux types de prolapsus.
Les explorations fonctionnelles, manométrie et électromyorraphie,
n’ont aucune valeur diagnostique. La défécographie n’a d’intérêt
que dans les troubles de la statique rectale sans extériorisation.
Le traitement de ces deux variétés de prolapsus ne peut être
univoque.
La maladie du rectum justifie un abord abdominal pour
corriger les deux anomalies constitutives.
La maladie du périnée
justifie un abord périnéal pour corriger à la fois la conséquence par
résection du prolapsus et la cause, par une réfection périnéale.
« Il
faut, chez ces sujets, reconstituer un périnée solide et résistant et
rendre au canal anal, sa longueur, sa tonicité et son obliquité
naturelles ».
Les indications thérapeutiques théoriques doivent
également tenir compte de l’efficacité anatomique et fonctionnelle
de chaque technique, de l’incidence de la morbidité et des effets
indésirables.
Ainsi, on oppose les opérations de rectopexie
abdominale ayant un taux de récidive inférieur à 10 %, aux
opérations périnéales comportant une incidence plus élevée.
La
gravité de la chirurgie abdominale nécessitant l’anesthésie générale
augmente avec l’âge et devient incompatible avec certains terrains à
haut risque, alors que la chirurgie périnéale réalisable sous
anesthésie locorégionale, voire locale, est pratiquement exempte de
tout risque.
Les rectopexies abdominales peuvent induire ou
aggraver une constipation dans 30 à 88 % des cas, risque que la
résection sigmoïdienne associée semble capable de réduire ou
d’éviter, alors que la chirurgie périnéale, par la réduction ou la
suppression de la compliance rectale qu’elle induit, est facteur de
polychésie, voire de dégradation de la continence.
Techniques chirurgicales
:
Seules sont décrites les techniques évaluées par des études
comportant un nombre de cas et un recul suffisants, à l’exclusion de
celles, anecdotiques, obsolètes ou n’ayant pas dépassé la pratique
de leur auteur.
Interventions par voie abdominale
:
A - RECTOPEXIES
:
Elles consistent, après dissection du rectum sous-péritonéal, à le fixer
aux structures solides du pelvis, aponévrose présacrée ou périoste
du sacrum, ligament longitudinal antérieur du promontoire
lombosacré ou plancher musculaire pelvien.
Le rectum doit
retrouver sa position horizontale dans la concavité sacrée.
La fixation
peut être directe par suture, ou indirecte par l’intermédiaire d’une
prothèse.
La plupart de ces techniques sont réalisables par voie laparoscopique.
1- Préparation
:
La préparation par régime sans fibre et évacuation rectale par
lavement (Normacol) la veille de l’intervention est suffisante.
Une
antibiothérapie prophylactique est systématique.
2- Dispositif opératoire
:
Le patient, sous anesthésie générale, est installé en décubitus dorsal.
La vacuité vésicale est assurée par sondage ou cathétérisme suspubien
chez l’homme, après la laparotomie.
L’incision peut être une
médiane hypogastrique ou, préférable par sa solidité, son caractère
peu douloureux et esthétique, une incision de Pfannenstiel haute.
Après protection pariétale, deux valves de Rochard de taille
moyenne, antagonistes, solidarisées à des barres transversales,
permettent une excellente exposition.
Le grêle et le cæcum sont
maintenus dans la partie haute de l’abdomen par des champs
humides.
3- Mobilisation du rectum sous-péritonéal
:
C’est un temps commun à toutes les techniques.
Seule l’étendue de
la dissection varie.
La clef de l’ouverture du petit bassin est l’artère
rectale supérieure, qu’il faut découvrir dans la racine primaire du mésosigmoïde pour parvenir sur le « verrou » de la charnière
rectosigmoïdienne.
L’anse sigmoïde est libérée de ses attaches non
anatomiques dans la fosse iliaque gauche, jusqu’à la racine primaire
de son méso sur la ligne médiane.
L’ébauche du décollement du
côlon iliaque et du fascia de Told gauche au niveau de la racine
secondaire facilite la reconnaissance de l’uretère et de ses vaisseaux,
et leur séparation d’avec le mésosigmoïde.
En soulevant le côlon
vers l’avant, il devient facile d’identifier l’arcade vasculaire rectale
supérieure qui parcourt la racine primaire.
L’incision du feuillet
gauche du mésosigmoïde est effectuée aux ciseaux le long et à courte
distance de l’arcade, jusqu’au niveau de la charnière
rectosigmoïdienne où le mésosigmoïde devient mésorectum en
regard du promontoire.
Une incision symétrique est faite sur le
feuillet droit du mésocôlon. Reste à séparer sur la ligne médiane la
racine primaire des éléments vasculonerveux postérieurs, par une
dissection prudente dans un plan transversal avasculaire.
4- Dissection postérieure du rectum
:
Au niveau de la charnière rectosigmoïdienne pour accéder à l’espace
rétrorectal, il faut sectionner aux ciseaux, au contact de la graisse
périrectale et de la bifurcation de l’artère hémorroïdale supérieure,
des tractus fibreux courts tendus entre le mésorectum et le promontoire lombosacré.
La traction antérieure sur la charnière,
effectuée par l’aide ou la main gauche de l’opérateur, permet de
respecter l’intégrité du méso en avant, et des éléments nerveux du
plexus hypogastrique supérieur en arrière, qui franchissent le
promontoire dans la bifurcation aortique.
De chaque côté, l’incision
péritonéale symétrique du mésosigmoïde est prolongée en direction
du cul-de-sac de Douglas, en restant à distance de la paroi pelvienne
et en clivant au préalable, par les ciseaux fermés, la séreuse de la
graisse périrectale.
L’ouverture de l’espace rétrorectal est alors facile
dans un plan cellulaire lâche avasculaire, classiquement entre
l’aponévrose présacrée en arrière et le fascia périrectal en avant.
Il
est préférable, dans cette pathologie bénigne où l’on veut préserver
au mieux l’innervation, d’effectuer la dissection postérieure au
contact même du mésorectum, en refoulant en arrière le fascia
périrectal.
Cette dissection doit être effectuée aux ciseaux, sous
contrôle de la vue, en repoussant le rectum vers l’avant.
Vers le bas,
à la hauteur de S4, il faut dépasser un fascia rectosacré dense
presque avasculaire, dont la section, au contact du rectum, entraîne
la verticalisation et l’allongement de l’ampoule rectale, et met en
évidence le plancher musculaire pelvien.
À condition de toujours
rester à distance de l’aponévrose présacrée et des parois pelviennes
latérales, le risque de blessure du plexus hypogastrique inférieur et
des nerfs pelviens est inexistant.
5- Dissection antérieure du rectum
:
La séreuse du cul-de-sac de Douglas est souvent modifiée, épaissie,
vallonnée, témoignant du lieu de l’invagination rectale.
La plupart
des techniques comportent une dissection antérieure plus ou moins
étendue.
Les deux incisions péritonéales latérorectales symétriques
se rejoignent au niveau du versant rectal du cul-de-sac de Douglas.
La dissection est effectuée au contact de la musculeuse rectale, en
arrière de l’aponévrose de Denonvilliers chez l’homme, qu’il faut
inciser.
Vagin ou vessie sont soulevés par une large pince de Duval
transposée vers l’avant par l’aide.
Une valve malléable modelée ou
une valve rigide de St Marks facilite le décollement dans un plan
transversal presque avasculaire.
6- Dissection latérale
:
Les ailerons latéraux, qui sont des attaches tranversales du rectum,
font l’objet de controverses quant à leur réalité anatomique et à
leur importance physiologique.
Cependant, leur préservation
semble préférable, afin de respecter au mieux l’innervation
autonome du rectum.
L’étude randomisée de Speakman a montré
que la section des ailerons augmentait la fréquence de la
constipation postopératoire.
7- Fixation du rectum
:
* Rectopexie directe sans prothèse
:
La face postérieure du rectum est fixée à l’aponévrose présacrée par
des sutures de part et d’autre de la ligne médiane, ou par des
bourses successives de fils non résorbables.
Une suspension au
promontoire est également possible par l’intermédiaire des ailerons
latéraux remis en tension.
La rectopexie par suture est
habituellement associée à la résection colique dans la technique de
Frykman et Goldberg.
* Rectopexie indirecte avec prothèse
:
Ce sont les plus utilisées.
Les prothèses sont, en général, non
résorbables : polypropylène (Marlex, Prolène), Nylon
(Mersylène, Mersuture) ou polyester (Parietex).
Les prothèses
résorbables (Vicryl, Dexon) n’exposent pas aux complications
septiques avec des résultats comparables.
Les trois techniques les
plus utilisées se différencient par le mode et le lieu de fixation et la
nation d’origine. Leur efficacité anatomique est identique.
+ Opération de Ripstein (« anterior sling rectopexy »)
:
Pratiquée aux États-Unis, elle réalise une fronde circulaire périrectale, à l’aide d’une prothèse rectangulaire de 5 cm de large,
fixée par ses bords latéraux au périoste du sacrum de part et d’autre
de la ligne médiane, à 5 cm au-dessous du promontoire, et suturée à
la paroi rectale.
Un espace admettant deux ou trois doigts doit être
ménagé entre le rectum et le sacrum, pour éviter la sténose.
Néanmoins, d’importants troubles fonctionnels, constipation
terminale, impaction fécale, ont été rapportés. Ripstein a
renoncé à la fronde circulaire au profit d’une technique de rectopexie
postérieure.
+ Opération de Wells (« posterior sling rectopexy »)
:
C’est la technique élective en Grande-Bretagne.
La prothèse
d’Ivalon (polyvinyl-alcool), initialement utilisée, responsable de
complications infectieuses, a été remplacée par d’autres, Marlex ou
Mersylène.
La pièce prothétique, rectangulaire, de 15 cm X 10 cm,
est fixée à l’aponévrose présacrée, sur la ligne médiane, le plus bas
possible, par une rangée de cinq à six sutures de fil non résorbable,
à intervalles d’environ 2 cm.
Le rectum est remis à sa place dans la
concavité sacrée, entouré par la prothèse sur ses deux tiers
postérieurs, fixée à la paroi rectale par ses extrémités, laissant libre
le tiers antérieur.
Comme dans toute rectopexie postérieure
présacrée, le risque hémorragique par blessure veineuse doit être
connu.
Il paraît réduit par l’utilisation de l’agrafage automatique.
+ Opération d’Orr-Loygue (promontofixation par bandelettes latérales)
:
C’est l’opération élective en France.
Deux bandelettes de Nylon
(Mersuture), larges de 3 cm, sont fixées sur les faces antérolatérales
du rectum sous-péritonéal, le plus bas possible, par une double
rangée de quatre à cinq sutures de fil non résorbable.
En arrière, les
bandelettes sont amarrées, sous tension modérée, au promontoire,
de chaque côté de la ligne médiane, en réclivant latéralement les
éléments vasculonerveux par deux points de fil non résorbable,
passés dans le ligament longitudinal antérieur, en évitant toute prise
profonde, facteur de complication douloureuse ou infectieuse.
Un
espace admettant deux doigts doit être ménagé entre le rectum et le
promontoire.
L’objectif est non pas une « suspension » mais une reposition souple du rectum dans la concavité sacrée, afin de limiter
la fréquence des troubles fonctionnels.
* Autres techniques de rectopexie
avec prothèse :
+ Rectopexie postérieure au promontoire de Kuijpers
:
Préconisée pour obtenir le meilleur résultat anatomique et
fonctionnel, cette technique comporte une dissection latérale respectant les ailerons, et postérieure jusqu’à la pointe du coccyx
sans aucune dissection antérieure.
La prothèse est une pièce de
Téflon de 7 cm X 15 cm, en forme de T, dont la partie verticale
est amarrée au promontoire par trois points, et la partie
transversale entoure la face postérieure du rectum, suturée le
plus bas possible à la paroi rectale par ses extrémités, en
laissant libre une partie de la face antérieure.
Cette
technique permettrait de « corriger l’invagination et le
dysfonctionnement du rectum sans induire de nouveaux désordres
anatomiques ou fonctionnels ».
+ Rectopexie antérieure et postérieure de Nicholls
:
Elle a été décrite pour le traitement de l’ulcère solitaire du rectum
sans prolapsus extériorisé. Duthie et Costalat l’ont appliquée
au traitement du prolapsus complet.
La technique associe une rectopexie postérieure présacrée par prothèse et une rectopexie
antérieure par fixation à la paroi rectale d’une pièce
prothétique de 5 cm X 2 cm, le plus bas possible en arrière du
vagin.
L’intérêt
serait de respecter au mieux la fonction rectale.
+ Rectopexie abdominale élargie de Mann et Hoffman
:
L’objectif est de corriger le plus grand nombre possible d’anomalies
anatomiques.
La technique associe, après dissection complète du
rectum avec section des ailerons latéraux, une rectopexie au
promontoire par suture et au sacrum par prothèse, une réfection de
la cloison rectovaginale par suture ou par prothèse, une résection du cul-de-sac
de Douglas et une hystéropexie à la paroi abdominale antérieure.
Cette
hypercorrection, efficace sur le plan anatomique, est
responsable d’une incidence élevée de troubles fonctionnels.
+ Rectopexie postérieure au plancher pelvien
:
Cette technique est originale par le lieu d’implantation de la
prothèse, sur le plancher pelvien, le lieu de fixation postérieure du
rectum au niveau de la réflexion péritonéale, site de l’invagination,
et par l’association à une myorraphie des releveurs.
C’est donc une
stabilisation courte favorisant l’angulation anorectale, toujours
associée par l’auteur à une résection sigmoïdienne.
La technique
comporte une dissection complète postérieure, une dissection antérieure limitée sur environ 2 ou 3 cm, le respect des ailerons et
l’implantation d’une prothèse de polyester (Parietex), en forme de
T, fixée sur la ligne médiane par des points non résorbables aux
muscles releveurs préalablement remis en tension par plicature,
depuis la jonction anorectale jusqu’aux ligaments sacrococcygiens.
La partie transversale du T, large de 7 cm, entoure la face postérieure
du rectum, fixée à la paroi rectale par ses extrémités, laissant libre la
face antérieure.
La partie verticale de la prothèse est apposée sans
fixation dans la concavité sacrée, afin de favoriser la rectopexie
spontanée.
La myorraphie rétroanale
des releveurs par voie abdominale, utilisée dans cette
technique, l’est également par d’autres auteurs.
Elle
contribue au résultat anatomique en supprimant le diastasis.
Elle aurait
également un effet bénéfique sur la continence.
8- Péritonisation et drainage
:
Toutes les techniques de rectopexies qui comportent une dissection
antérieure créent, par mobilisation et reposition du rectum, une
solution de continuité du péritoine pelvien dont le versant rectal est
ascensionné.
La reposition du côlon sigmoïde peut tenir lieu de
péritonisation.
Sinon, la continuité péritonéale est rétablie par suture
bord à bord, supprimant l’excès de profondeur du Douglas, et
rendant inutile tout procédé de résection de la séreuse.
Un drainage aspiratif par tube de Redon dans la concavité sacrée
est laissé en place pendant 48 heures.
9- Soins postopératoires
:
La reprise des boissons puis de l’alimentation est possible dès le
premier jour postopératoire, sans attendre le transit gazeux.
La
survenue de la première selle est souvent tardive, nécessitant le
recours aux laxatifs osmotiques.
B - RÉSECTIONS COLIQUES ET COLORECTALES
:
L’objectif est de supprimer l’excédent de longueur et d’éviter ainsi
la reproduction de l’invagination.
En effet, « de toutes les
insuffisances et anomalies requises pour réaliser un prolapsus rectal,
le seul facteur qui puisse être contrôlé avec exactitude est la
longueur du côlon ».
Il peut s’agir d’une résection rectosigmoïdienne, d’une résection sigmoïdienne avec rectopexie, ou
d’une colectomie étendue.
1- Résection rectosigmoïdienne
:
Elle a l’inconvénient d’exposer à une morbidité supplémentaire, à
une dégradation possible de la continence par diminution de la
compliance rectale, et à une incidence plus élevée de récidives à long
terme.
2- Résection sigmoïdienne associée à une rectopexie
:
La responsabilité du côlon sigmoïde, siège de perturbations motrices
dans la genèse de la constipation après rectopexie, a été démontrée par les travaux de Siproudhis et Finlay.
La résection du
sigmoïde semble permettre de réduire ou de supprimer le risque,
sans majorer la morbidité.
* Résection sigmoïdienne et rectopexie par suture : opération
de Frykman et Goldberg
:
Après mobilisation complète du rectum, les ailerons latéraux
conservés sont fixés sous tension à l’aponévrose présacrée, par deux
sutures non résorbables de chaque côté.
La résection sigmoïdienne
doit être suffisante pour supprimer toute flexuosité depuis le rectum
jusqu’à l’angle splénique, et permettre une anastomose sans tension.
Lehur réalise la rectopexie par sutures étagées de la face
postérieure du rectum à l’aponévrose présacrée, et la
sigmoïdectomie en conservant, dans un but fonctionnel, la charnière
rectosigmoïdienne et l’artère rectale supérieure.
* Résection sigmoïdienne et rectopexie par prothèse
:
L’argument des promoteurs est d’assurer une fixation rectale plus
stable à longue échéance par prothèse que par simple suture, étant
admis que la résection colique, à elle seule, n’est pas garante de la
guérison du prolapsus.
La technique de rectopexie est celle de Wells
par Vicryl ou Ivalon, pour Athanasiadis, ou la fixation au
plancher pelvien par prothèse de Parietext en T pour Lechaux.
Le risque d’infection postopératoire ne semble pas majoré par la
résection colique.
Une exclusion pelvienne par mèches imprégnées
de Bétadinet doit précéder le temps de résection.
La sigmoïdectomie
doit conserver la charnière rectosigmoïdienne et le pédicule rectal
supérieur.
L’intervention est pratiquée sans préparation mécanique
du côlon, et ne comporte pas de péritonisation. L’incidence de
l’infection postopératoire est de 0 à 2%.
L’absence de séries
comparatives et de recul suffisant des séries publiées ne permet pas
une évaluation définitive de cette stratégie thérapeutique.
3- Résection colique subtotale et rectopexie
:
Une résection colique étendue, voire subtotale, avec anastomose
iléosigmoïdienne a été proposée en cas de constipation sévère, bien
documentée.
Interventions par voie périnéale
:
Deux interventions décrites depuis plus d’un siècle, la rectosigmoïdectomie par Mikulicz en 1889 et la résection
muqueuse rectale par Delorme en 1900, longtemps oubliées, ont
été réhabilitées du fait de leur efficacité, de leur simplicité
d’exécution et de leur bénignité, réalisables sous anesthésie
locorégionale, accessibles à tout patient, même à haut risque
opératoire.
Des modifications leur ont été apportées pour en faire de
véritables périnéorraphies postérieures.
Pour certains auteurs, ces
techniques sont devenues électives.
Elles seront seules décrites.
En
revanche, d’autres interventions ne méritent que l’oubli ou de n’être
que citées, faute d’efficacité tel le cerclage de l’anus de Thiersch et
ses avatars modernes, faute de simplicité d’exécution et de
bénignité telle la technique de fixation-suspension transsacrée de
Thomas, enfin, faute de recul et d’évaluation suffisants telle la
rectopexie avec prothèse par voie intersphinctérienne de Wyatt et
de Rogers.
A - POINTS COMMUNS AUX DEUX INTERVENTIONS
:
La préparation est faite par un lavement (Normacol) la veille.
L’anesthésie est locorégionale avec antibiothérapie péri- et
postopératoire pendant 2 jours.
La prescription d’antiinflammatoires
non stéroïdiens pendant la même durée diminue la
douleur et l’oedème local.
La position du patient est celle de « la
taille ». Le décubitus ventral avec cuisses fléchies et écartées, utilisé
par certains pour l’opération de Delorme, ne semble pas propice
dans le prolapsus extériorisé.
Le sondage vésical à demeure pendant
48 heures est systématique chez des patientes âgées souvent
incontinentes.
Le premier temps de l’intervention est une
extériorisation complète du prolapsus, parfois facilitée par un doigt
vaginal, à l’aide de quatre pinces de Babcock, jusqu’à son sommet.
Dans cette position, un lavage abondant avec Bétadinet diluée est
effectué.
Tous les temps de dissection ou de section de la paroi
rectale sont réalisés par électrocoagulation monopolaire.
Le seul
élément matériel spécifique devenu indispensable est l’écarteur autostatique Lone-Start, qui a transformé la réalisation des
anastomoses.
B - RECTOSIGMOÏDECTOMIE PÉRINÉALE DITE
« OPÉRATION D’ALTEMEIER »
:
Elle réalise une amputation du rectum et une résection colique
gauche avec anastomose coloanale.
Une incision circonférentielle de
toute l’épaisseur de la paroi rectale est effectuée à environ 15 mm de
la ligne pectinée.
En avant, le péritoine du cul-de-sac de Douglas est
ouvert.
À la faveur de cette ouverture, tout le rectum intrapéritonéal
mobile et le côlon en amont sont extériorisés au maximum de leur
longueur.
En arrière, le mésorectum puis le mésocôlon sont
sectionnés entre ligatures, à proximité du bord intestinal, jusqu’à
l’endroit choisi pour la section colique, qui doit dépasser la marge
anale d’environ 2 cm.
Le péritoine est refermé par suture au
Vicryl.
Une myorraphie pré- et rétroanale est ensuite effectuée.
En avant,
dans l’espace sous-péritonéal, à l’aide d’écarteurs de Farabeuf, les
muscles releveurs, identifiés au doigt, sont rapprochés par un ou
deux points de fil non résorbable (Mersuture).
En arrière, on pénètre, sur la ligne médiane, dans l’espace présacré
en soulevant, à l’aide d’une valve étroite, le rectosigmoïde.
Les
muscles, identifiés de chaque côté sur la paroi pelvienne, sont
rapprochés par deux à quatre points de Mersuturet.
Plus
superficiellement, une myorraphie du sphincter externe est réalisée
par adossement à points séparés de Vicryl.
Le côlon abaissé est
alors sectionné progressivement.
L’anastomose coloanale, débutée
par les points cardinaux mis en tension sur l’écarteur, est complétée
à points séparés de Vicryl 2/0.
Aucun drainage n’est justifié.
Variantes
:
L’anastomose coloanale peut être réalisée par agrafage automatique
circulaire, ce qui nécessite la conservation d’un moignon rectal
d’environ 3 cm.
Prasad a le premier réalisé avec succès une myorraphie pré- et
rétroanale associée à la rectosigmoïdectomie.
Il ajoute à la procédure
une colopexie par suture postérieure au fascia précoccygien audessus
du plancher pelvien.
C - OPÉRATION DE DELORME
:
Elle consiste en une mucosectomie du rectum prolabé, associée à
une plicature de la musculeuse.
Une incision circonférentielle de la
muqueuse rectale est effectuée par électrocoagulation à environ
15 mm de la ligne pectinée. L’infiltration sous-muqueuse, dans un
but hémostatique ou pour faciliter la dissection, n’est pas nécessaire.
L’incision de la muqueuse fait apparaître la musculeuse circulaire
de couleur pâle qui constitue à ce niveau le sphincter interne.
Le
clivage sous-muqueux est effectué de façon circulaire par
électrocoagulation avec hémostase ponctuelle.
Dès que possible, une
pince de Duval étroite saisit le bord libre de la muqueuse, tenue par
la main gauche de l’opérateur, en traction douce, tandis que l’index
gauche introduit dans la lumière rectale facilite la mise en évidence
du plan de dissection.
Au-delà du sommet du prolapsus, le clivage
est poursuivi sur le cylindre interne en associant à la traction
muqueuse la rétraction de la musculeuse par la main de l’aide.
La
muqueuse initialement fragile et inflammatoire, parfois parcourue
de volumineuses veines, devient plus résistante et de calibre plus
étroit.
La dissection est suffisante :
– lorsqu’elle est parvenue, sur le cylindre interne, au niveau de
l’incision initiale sur le cylindre externe ;
– lorsque la traction sur la muqueuse n’entraîne plus aucun
abaissement de la musculeuse ;
– lorsque la longueur du cylindre muqueux est au moins égale au
double de la longueur du prolapsus.
Cependant, un diamètre devenant très étroit, exposant à la sténose,
doit inciter à limiter l’étendue de la dissection.
La réintégration de
la musculeuse dénudée et sa contention au-dessus du canal anal
sont faites par plicature longitudinale à l’aide de huit à 12 points de Vicryl 2/0, serrés après réduction.
Sur des prolapsus volumineux,
à musculeuse épaisse déchirant sur les fils, l’invagination
progressive par sutures concentriques, à partir du sommet, est
préférable.
Le cylindre muqueux est progressivement sectionné en
ne conservant qu’une courte collerette bien vascularisée.
Le
rétablissement de la continuité entre les deux extrémités muqueuses
commence par quatre points cardinaux en U, passés avant section
complète et mis en tension sur l’écarteur.
Des points intermédiaires
de Vicryl 3/0 complètent la suture.
Dans les suites, un toucher rectal est pratiqué à j2 afin de s’assurer
de la bonne ascension de la suture et de l’absence de sténose.
La
sortie du patient a lieu dès l’obtention de la première selle.
Il est
revu à j8 pour un contrôle digital.
Variantes
:
Des modifications comparables à celles de la rectosigmoïdectomie
ont été apportées, dans le même but d’amélioration des résultats
anatomiques et fonctionnels.
En effet, l’opération de Delorme ne
corrige efficacement que l’excès de longueur, n’agit qu’indirectement
sur la hernie du cul-de-sac de Douglas, et laisse persister le diastasis
pelvien.
L’opération de Delorme « élargie » associe à la technique
précédente une douglassectomie périnéale et une myorraphie des
releveurs.
* Douglassectomie périnéale
:
Par une incision transversale de la musculeuse antérieure à sa partie
moyenne, le cul-de-sac de Douglas qui descend, en général, jusqu’au
sommet du prolapsus, est ouvert et saisi par des pinces.
Le péritoine
est disséqué comme un sac de hernie en le clivant, à la compresse,
des éléments vasculaires, en remontant le plus haut possible à l’aide
d’écarteurs de Farabeuf.
Il est incisé au niveau de son insertion
rectale médiane, excisé en deux lambeaux latéraux, puis refermé par
deux bourses de Vicryl.
* Myorraphie des releveurs, pré- et rétroanale
:
La myorraphie antérieure est faite dans l’espace sous-péritonéal
après la douglassectomie.
Les releveurs, identifiés au doigt et
présentés par des écarteurs de Farabeuf, sont rapprochés par un ou
deux points de fil non résorbable. L’incision de la musculeuse est
ensuite refermée.
La myorraphie postérieure est faite par voie intersphinctérienne.
L’espace est de découverte aisée, sur la ligne médiane, au pôle
postérieur, en ouvrant aux ciseaux le sillon entre la musculeuse
dénudée en avant, représentant le sphincter interne et le sphincter
externe en arrière, revêtu de la muqueuse canalaire.
L’espace avasculaire s’ouvre à la pointe des ciseaux et, au-delà du fascia
fibreux de Waldeyer, se poursuit en arrière du rectum.
Celui-ci est
récliné vers l’avant par une valve étroite.
Latéralement, on voit le
relief des muscles sur la paroi pelvienne.
Ils sont rapprochés par
deux ou trois sutures de fil non résorbable (Mersuture).
Plus
superficiellement, le sphincter externe est remis en tension par
adossement au pôle postérieur par des points de Vicryl 2/0.
Dans
l’espace présacré, une mèche hémostatique résorbable a été mise en
place afin de favoriser l’accolement postérieur.
La myorraphie
antérieure et postérieure réalise un diaphragme musculaire étroit,
au-dessus duquel on réintègre la musculeuse plicaturée.
Le résultat
est un allongement et un rétrécissement du canal anal et une
reconstitution de l’angulation anorectale.
Indications thérapeutiques
:
Chaque prolapsus, chaque patient est un cas particulier.
Coutumes
et dogmes chirurgicaux échappent à tout contrôle.
Aucune étude
randomisée ne pourra guider le choix thérapeutique.
Ce choix « doit
être ajusté (tailored) à chaque patient et chaque chirurgien ».
En ce qui concerne le patient, l’évaluation clinique doit s’efforcer de
différencier prolapsus « de force », maladie du rectum, et prolapsus
« de faiblesse », maladie du périnée.
En ce qui concerne le chirurgien, s’il lui est relativement aisé
d’obtenir la guérison anatomique, la guérison fonctionnelle reste sa
problématique majeure.
Le principe essentiel est de respecter la compliance et la capacité d’un viscère à physiologie complexe.
Quelques règles générales sont à retenir.
Par voie abdominale, il convient de :
– veiller à l’intégrité de l’innervation pelvienne et rectale en
conservant les ailerons latéraux, en respectant le plan de dissection
antérieure, surtout chez l’homme ;
– s’efforcer de reproduire l’anatomie normale en évitant en
particulier toute suspension rectale ;
– proscrire la résection rectale ;
– proscrire les prothèses circulaires ;
– éviter les larges drapages postérieurs immobilisant l’ensemble du
rectum, toute hypercorrection étant facteur de troubles fonctionnels ;
– privilégier la stabilisation courte du siège de l’invagination ;
– promouvoir la résection associée du sigmoïde coupable.
Par voie périnéale, il convient de :
– préférer la résection muqueuse plus « physiologique » que
l’amputation rectale ;
– préférer l’amputation rectale dans les cas les plus désespérés des
prolapsus de « faiblesse ».