Traitement chirurgical des malformations vasculaires des membres Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les malformations vasculaires représentent une pathologie
diversifiée et complexe en raison des régimes hémodynamiques
différents et des localisations tissulaires variées.
Cette apparente complexité explique les difficultés d’identification
du type de malformation, et l’absence de choix adéquat des
explorations.
Les membres sont la localisation la plus habituelle de
ces malformations.
La possibilité, aujourd’hui, d’un bilan précis
hémodynamique et anatomique permet de mieux comprendre les
composantes de la malformation et ainsi de décider d’une prise en
charge efficace.
La large utilisation de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a
montré qu’à côté des malformations étendues, existaient des
malformations localisées profondes isolées sans marqueur superficiel
de malformation vasculaire.
Les indications thérapeutiques sont surtout discutées devant un
handicap fonctionnel, pour une demande cosmétique ou pour une
complication vasculaire ou tissulaire.
Certaines malformations peuvent relever d’un geste curatif souvent
chirurgical.
Cependant, le traitement des malformations vasculaires
reste fréquemment palliatif.
Le but est alors d’en améliorer le
pronostic fonctionnel ou de traiter certaines complications tissulaires
qui en émaillent l’évolution.
Préambule
:
Cet exposé se limite au traitement chirurgical essentiellement
vasculaire des malformations.
Cependant un préambule apparaît
nécessaire afin de définir :
– les malformations traitées ;
– la place des explorations non invasives et invasives ;
– les traitements non chirurgicaux.
A - CLASSIFICATION
:
La distinction entre les différents types d’anomalies vasculaires a été
longtemps ambiguë en raison de l’utilisation de noms « propres »
attachés à certains types de ces anomalies vasculaires.
La classification anatomoclinique doit être simple.
1- Hémangiomes immatures
:
Survenant chez le nourrisson, c’est une prolifération endothéliale
transitoire cutanée et sous-cutanée.
Sa régression est spontanée.
Ce
n’est pas une malformation vasculaire.
2- Malformations vasculaires
:
Ces anomalies sont acquises pendant la vie embryonnaire, elles ne
régressent jamais. Leur distinction repose sur des critères
hémodynamique, anatomique et évolutif.
Les malformations artérioveineuses (MAV) : leur particularité en est
l’existence de shunts artérioveineux parfois tronculaires, le plus
souvent limités à une structure tissulaire.
Les malformations veineuses (MV) : elles se distinguent des
précédentes par le régime hémodynamique.
Elles associent ou non,
à des degrés divers, des anomalies des troncs veineux superficiels,
des troncs veineux profonds et une localisation tissulaire (de
structure caverneuse).
Les malformations lymphatiques (ML) : elles obéissent à la même
distinction entre :
– les malformations des collecteurs lymphatiques et la stase qui en
résulte en amont ;
– les ML localisées tissulaires, à forme essentiellement kystique.
Les autres malformations : elles ne seront pas envisagées, soit parce
que la chirurgie a une place limitée (malformation mixte), soit qu’il
s’agisse de malformations vasculaires complexes associant des dysmorphismes tissulaire ou ostéoarticulaire qui relèvent d’une
prise en charge multidisciplinaire.
B - EXPLORATIONS NON INVASIVES ET INVASIVES
:
1- Explorations non invasives
:
Elles permettent de faire le diagnostic d’une malformation vasculaire
(confirmant la clinique), d’en préciser la topographie.
Elles sont
souvent suffisantes pour poser l’indication thérapeutique.
* Radiographie simple
:
Centrée sur le ou les segments de membre intéressés, elle permet de
rechercher :
– des calcifications tissulaires arrondies (témoin d’une thrombose
segmentaire d’une MV tissulaire) ;
– une réaction périostée de voisinage, un allongement d’un segment
de membre ;
– une effraction corticale ou des lésions médullaires, témoin d’une
destruction osseuse par continuité ou par les drainages veineux
(MAV) laissant prévoir des difficultés chirurgicales ;
– le retentissement ostéoarticulaire de voisinage.
* Explorations échographie-doppler
:
Elles ont l’intérêt de permettre un bilan artériel, un bilan veineux et
un bilan tissulaire.
Elles interviennent à plusieurs étapes de la prise en charge :
– le diagnostic de la malformation et son profil hémodynamique ;
– la stratégie thérapeutique ;
– le contrôle peropératoire de la chirurgie des MAV ;
– le suivi évolutif (surveillance des débits du membre).
Nous verrons leur apport propre pour chaque malformation.
* Explorations tomodensitométriques
:
Le scanner est performant dans trois indications.
Sans contraste, il permet l’exploration ostéoarticulaire, notamment
du genou (bilan des lésions cartilagineuses et sous-chondrales).
Avec contraste, il précise la localisation d’une MAV à une structure
tissulaire et ses limites ; il peut confirmer les complications
vasculaires tronculaires propres à ces malformations.
* Imagerie par résonance magnétique
:
Elle a transformé le diagnostic des MV tissulaires à condition d’une
technique adaptée.
Elles apparaissent sous la forme d’un hypersignal hétérogène
(malformation à circulation lente avec des interstices plus
vasculaires) dans les acquisitions en écho de spin T2 avec des échos
tardifs.
Cet hypersignal est assez spécifique.
Les acquisitions
en écho de spin T1 avec injection de gadolinium permettent
d’obtenir un hypersignal de la MV, mais son interprétation avec
d’autres tumeurs hypervasculaires peut être difficile.
L’IRM a peu
d’intérêt dans les MAV.
2- Explorations invasives
:
Elles n’ont plus que des indications limitées.
* Phlébographie conventionnelle ou par ponction directe d’une MV
:
Elle a un intérêt très limité.
La ponction directe est utilisée avant
une tentative d’embolisation afin d’étudier les voies de drainage.
* Artériographie
:
Elle reste utile pour faire le bilan des complications tronculaires des MAV ou lorsqu’une chirurgie est programmée, afin de mieux
identifier les pédicules nourriciers et les voies de drainage.
Elle est,
bien sûr, le préalable à de rares embolisations.
C - TRAITEMENT NON CHIRURGICAL
:
Il est, soit un complément du traitement chirurgical, soit une
alternative possible à ce dernier.
1- Contention élastique
:
Elle ne doit pas être prescrite de façon systématique mais sélective,
et compte tenu de la répercussion psychologique possible chez
l’adolescent et l’adulte jeune.
Elle est proposée :
– s’il existe une stase veineuse due à un hyperdébit (MAV) ou une
incontinence superficielle ou profonde (membre inférieur) ;
– lorsque des dilatations veineuses superficielles au voisinage d’une MAV sont responsables de douleur, ou qu’elles menacent la
trophicité de la peau.
Une contention localisée à un doigt, une main
ou une articulation peut être ici la plus adaptée.
Les contentions de classe II ou classe III sont utilisées ; elles ne
diminuent jamais le débit dans une MAV.
2- Drainage pneumatique intermittent
:
Réalisé à domicile, il peut être un complément de la contention afin
de conserver la souplesse des tissus superficiels, garant de la
préservation d’une autonomie fonctionnelle.
Son indication est
limitée à une stase lymphatique isolée ou associée d’un membre
inférieur, voire à certaines MAV accompagnées d’une hyperpression veineuse
distale importante.
3- Embolisation et/ou sclérothérapie
:
C’est l’injection dans un vaisseau de divers matériaux par voie
artérielle ou par ponction directe afin d’injecter in situ le produit
(dans une MAV ou une MV).
À la frontière entre embolisation et sclérothérapie, le même terme
est utilisé pour injecter par voie percutanée des agents le plus
souvent liquides avec une activité sclérosante.
* Produits disponibles
:
– Les cyanoacrylates sont des colles biologiques qui polymérisent au
contact du sang. Ils entraînent une occlusion permanente du
vaisseau (embolisation proximale par voie artérielle ou
dévascularisation).
– L’Éthibloc est un puissant agent sclérosant injecté par ponction
directe.
L’éthanol associé lui confie une action sclérosante
immédiate ; le lipiodol lui assure la radio-opacité.
– L’alcool absolu (éthanol) détruit l’endothélium vasculaire, mais sa
fluidité rend difficile sa stagnation.
Le mélange éthanol-Éthibloc lui
confère une plus grande viscosité et un contrôle meilleur du
drainage veineux.
L’éthanol gélifié présenterait un progrès technique
intéressant.
– Le polidocanol (Aétoxisclérol) est un agent sclérosant moins
puissant utilisé dans certaines MV superficielles.
– Les ciments liquides peuvent être injectés dans la médullaire
osseuse (fémur) afin d’occlure les voies de drainage intraosseux et
permettre de stabiliser la destruction osseuse.
* Indication de l’embolisation
:
Ces techniques ne sont jamais curatrices, mais elles gardent quelques
indications bien cadrées, bien qu’encore variables selon les équipes
multidisciplinaires qui prennent en charge cette pathologie.
– Embolisation et MAV.
Le but est de réduire les apports vasculaires par occlusion des
pédicules artériels.
Son inconvénient en préopératoire est d’entraîner
une réaction inflammatoire qui majore les difficultés d’exérèse.
Ses
indications en sont limitées :
– à un problème d’hémostase (hématome ou hémorragie sur MAV) ;
– embolisation préopératoire de MAV d’abord chirurgical difficile
(MAV du petit bassin) ;
– embolisation intraosseuse (destruction osseuse par les drainages
veineux d’une MAV).
– Embolisation/sclérothérapie des MV.
Elle intéresse les formes tissulaires sous-cutanées, musculaires, intraarticulaires.
L’injection de polidocanol est utilisée pour les formes
localisées sous-cutanées.
L’Éthibloc associé à l’éthanol est utilisé pour les autres localisations.
Cette technique n’est jamais curatrice.
Elle entraîne une sclérose
partielle de la malformation avec une régression des douleurs pour
une durée variable de quelques mois à quelques années.
La réapparition de douleurs peut soit conduire à une nouvelle embolisation, soit faire envisager la chirurgie.
Largement utilisée par certains auteurs, elle peut être retenue dans
certaines indications :
– si la chirurgie d’exérèse expose à des séquelles fonctionnelles ;
– si le préjudice de la cicatrice chirurgicale n’est pas souhaité par la
patiente.
Traitement chirurgical
des malformations artérioveineuses :
A -
INDICATION
:
L’indication de la chirurgie sur une MAV d’un membre reste
exceptionnelle ; elle répond à des profils lésionnels très particuliers.
Des stratégies anciennes doivent être réévaluées, comme :
– la notion d’embolisation proximale artérielle préopératoire ;
– les techniques chirurgicales à visée hémodynamique (ligature des
pédicules artériels, équivalent de l’embolisation).
Les expériences radiologiques et chirurgicales des MAV ont montré
que :
– l’embolisation n’en est jamais le traitement définitif ;
– la chirurgie curative est possible dans les MAV tissulaires
localisées ;
– une amputation en permet rarement la guérison (localisation plurifocale des shunts artérioveineux).
B - BILANS ULTRASONOGRAPHIQUES
ET TOMODENSITOMÉTRIQUES :
1- Malformations artérioveineuses tissulaires
:
Elles sont :
– localisées à une structure tissulaire bien définie : tissu cutané/souscutané,
intramusculaire, intra-articulaire ou espaces celluleux ; ces
localisations pouvant être uniques ou multiples.
La chirurgie
curatrice est possible souvent avec les problèmes spécifiques propres
aux différentes localisations ;
– régionales : la MAV intéresse une loge tissulaire.
La chirurgie est le
plus souvent celle des complications vasculaires ou tissulaires.
L’exérèse de la MAV ne serait que partielle en raison des séquelles
qu’elle pourrait induire.
2- Malformations artérioveineuses tronculaires
:
Complication exceptionnelle associée à des localisations tissulaires,
il s’agit de shunt tronculaire à haut débit.
3- Complications des malformations artérioveineuses
:
Bien qu’exceptionnelles, elles posent des problèmes thérapeutiques
difficiles.
Elles sont de deux types :
– l’hyperdébit proximal à la MAV entraîne une dilatation artérielle
en amont, parfois la constitution d’anévrismes vrais, avec leurs
complications propres : rupture, complication thromboembolique ;
– les complications hémorragiques : rupture traumatique ou
spontanée des ectasies veineuses en aval de la MAV.
Dans la plupart de ces formes, le traitement est uniquement orienté
vers celui des complications, la MAV relevant rarement d’un
traitement chirurgical.
C - STRATÉGIE
:
La stratégie est bien différente au membre supérieur et au membre
inférieur ; les MAV dominent autour des régions articulaires,
l’anomalie de la morphogenèse se retrouvant de façon fréquente au
niveau de tissus hypervasculaires qu’est la synoviale des
articulations.
Au membre supérieur, la localisation est plus souvent distale (maindoigt),
la valeur fonctionnelle des structures tissulaires limite les
possibilités chirurgicales.
Au membre inférieur, les suppléances fonctionnelles, surtout
tissulaires, permettent le plus souvent chez l’adolescent une
chirurgie d’exérèse sans séquelle.
Nous envisageons successivement :
– les principes chirurgicaux propres au traitement des MAV ;
– la chirurgie des MAV distales des membres ;
– la stratégie thérapeutique vis-à-vis des complications.
1- Principes chirurgicaux
:
La chirurgie des MAV nécessite le respect de certains principes et la
connaissance des techniques chirurgicales qui leur sont propres
(inspirées des pratiques de la chirurgie vasculaire).
* Limites de la MAV
:
– Données préopératoires.
L’artériographie ne définit pas les limites de la lésion ; seul le
scanner avec contraste permet de reconnaître les limites et les plans
de clivage (information que ne donne pas l’IRM).
L’exploration doppler-échographie permet un marquage cutané des limites afin
de mieux centrer l’incision cutanée.
– Limite peropératoire de la MAV.
Elle ne peut être suivie que par un contrôle pas à pas de l’hémostase.
À côté des pédicules nourriciers principaux existe une hypervascularisation de voisinage qui peut donner l’apparence
d’une plus grande extension de la malformation ; il en est de même
des veines de drainage.
Cette identification des limites peut être
aisée lorsque la MAV est développée dans une structure bien définie
(muscle).
Elle est plus difficile si elle est développée dans un espace
celluleux (espace poplité).
En pratique, l’hémostase des tissus
périphériques sains est possible au bistouri électrique ; dès que l’on
pénètre dans la malformation, l’hémostase n’est possible qu’au fil
de suture vasculaire.
– Utilisation du doppler-échographie.
En peropératoire, il permet d’éviter l’oubli d’une zone de shunts
artérioveineux résiduels dans un prolongement tissulaire mal
identifié.
L’exérèse radicale peut être la stratégie choisie ; il importe
ici de ne pas faire d’économie tissulaire et de passer en territoire
sain.
* Plans de clivage tissulaire
:
Des plans de clivage existent autour d’une MAV qui respecte les
structures essentielles du membre.
Les pédicules vasculaires
principaux d’un membre ainsi que les troncs nerveux sont respectés
par la MV ; il existe toujours un plan de clivage à leur contact.
Dans les localisations sous-cutanées, le plan aponévrotique ou
tendineux sous-jacent est indemne.
Dans les localisations intramusculaires, la MAV intéresse
uniquement le corps musculaire respectant la loge aponévrotique
ainsi que la lame aponévrotique et le tendon correspondant.
Ces
dernières structures peuvent être conservées ou transposées sur les
tendons de voisinage afin de préserver la fonction
(avant-bras-jambe).
Au niveau de l’articulation (surtout genou), la MAV se développe à
partir de la bourse séreuse supracondylienne respectant les
structures musculoligamentaires.
La libération au contact d’une
structure osseuse peut être complexe.
Sa difficulté doit être prévue
sur les coupes scanner :
– soit la libération en sous-périosté est possible, et le saignement
des artères de la corticale est contrôlé à la cire à os ;
– soit il existe une effraction de la corticale sur le scanner.
Il s’agit
d’une érosion de la corticale par les veines de drainage ectasiques,
et non d’un envahissement médullaire de la MAV.
L’assèchement complet du champ opératoire est nécessaire.
Il est
possible en combinant le clampage de l’artère principale d’amont de
mettre en place une bande d’Esmarch.
Ce procédé n’est pas
applicable à la racine du membre où la chirurgie est plus limitée
dans ces ambitions.
La corticale est ouverte largement (quelques
centimètres).
Un curetage limité de la médullaire est suivi par la
mise en place de ciment à prise rapide, afin de consolider l’os et
d’assurer l’hémostase de la médullaire.
La préservation des plans de clivage est un élément important pour
permettre une exérèse totale.
C’est pour cette raison que nous avons
renoncé à l’embolisation préopératoire car :
– elle entraîne une réaction inflammatoire autour de la MAV ;
– elle ne modifie pas les difficultés d’hémostase.
* Préservation des vaisseaux
:
La préservation des axes vasculaires principaux du membre est
toujours possible, car les MAV intéressent peu les espaces celluleux
qui les entourent.
La ligature d’une artère ou d’une veine principale ne ferait
qu’aggraver le pronostic de la MAV en multipliant les pédicules
nourriciers et les voies de drainage.
Le respect des voies veineuses de drainage superficielles ou
profondes est important afin d’éviter l’augmentation de
l’hyperpression veineuse lors de l’exérèse.
* Hémostase tissulaire
:
L’hémostase de proche en proche est un principe incontournable pour
aborder la chirurgie des MAV.
L’électrocoagulation est efficace en
périphérie, l’hémostase au fil vasculaire est la seule efficace sur la
malformation.
Par ailleurs, l’absence de comblement possible de la
cavité résiduelle facilite la survenue d’hématome dont la morbidité
peut être importante.
C’est répéter l’importance d’une parfaite
hémostase.
L’embolisation peropératoire peut avoir deux indications :
– l’une à visée hémostatique, en raison de l’hypervascularisation
tissulaire de voisinage.
L’application en surface de colle biologique
est inefficace, mais injectée dans les tissus de voisinage, elle réalise
un plug hémostatique efficace ;
– l’autre à visée sclérosante, lorsqu’un segment résiduel de la MAV
n’a pu être excisé.
L’Éthibloc injecté par ponction directe peut être
utilisé, l’éthanol trop liquide est dangereux en raison de la difficulté
du contrôle des voies de drainage, et du risque de migration dans la
circulation pulmonaire.
L’injection de cire à os liquide est un remarquable agent sclérosant à
prise rapide ; son utilisation ne peut être que limitée à des situations
difficiles.
L’hémostase temporaire : l’utilisation de garrot ou bande d’Esmarch
ne permet qu’une hémostase partielle et est dangereuse.
En effet,
l’hémorragie à l’ablation de la compression souvent diffuse peut
entraîner des pertes sanguines importantes, et les hémostases
incomplètes être source d’hématome compressif.
L’hémostase
complète du champ opératoire ne peut être obtenue qu’en associant
un clampage artériel et une bande d’Esmarch dans ces MAV.
Ce
procédé ne peut être utilisé que de façon ponctuelle : difficultés
d’hémostase d’un pédicule, ouverture d’une cavité osseuse
intéressée par la MAV.
La récupération sanguine peropératoire est indispensable pour éviter
les transfusions chez le sujet jeune.
L’autotransfusion autologue
préopératoire permet une sécurité supplémentaire.
La circulation extracorporelle n’a aucune indication dans ces lésions.
* Complications hématologiques
:
Les MAV ne sont pas associées à des anémies par hémolyse, même
en cas de shunt à gros débit.
À l’opposé de certaines MV, il n’y a pas
de troubles de coagulation par activation ou consommation des
facteurs de coagulation.
Ces complications peuvent être en rapport
avec des transfusions sanguines importantes.
* Reconstruction ou couverture tissulaire
:
La couverture tissulaire de première intention au niveau des
extrémités doit être la règle pour éviter une réaction inflammatoire
due à une cicatrisation de seconde intention (libération de facteurs
d’angiogenèse locale).
Elle a deux indications différentes :
– la couverture de la zone d’exérèse radicale lorsqu’une résection
des tissus superficiels a été nécessaire.
Elle fait appel à l’expansion
sous-cutanée à la partie proximale du membre ou à la greffe cutanée
de peau totale ;
– la couverture d’une zone où persiste une MAV résiduelle et dont
l’exérèse totale entraînerait des séquelles fonctionnelles majeures
(main).
Seul le transplant musculaire libre de grand dorsal permet
de contenir l’évolution locale de la MAV.
2- Chirurgie des malformations artérioveineuses
tissulaires
:
Les MAV siègent avec prédilection autour des articulations.
Le diagnostic en est facile s’il existe des marqueurs superficiels de
MV (angiome plan chaud, dilatations veineuses superficielles
anormales) ; ailleurs elle est suspectée par une seule augmentation
de la chaleur locale, une tuméfaction pulsatile ou un souffle de
fistule artérioveineuse à l’auscultation.
Le retentissement fonctionnel (syndrome douloureux intermittent
puis permanent exacerbé par l’effort) est le motif fréquent de
consultation à l’adolescence.
Trois explorations permettent d’en faire le bilan :
– la radiographie osseuse centrée sur le segment de membre ;
– l’exploration doppler-échographie (siège de la MAV, débit
comparatif des deux membres, repérage des pédicules nourriciers
principaux et voies de drainage) ;
– le scanner avec contraste identifie la structure tissulaire concernée,
ses limites et d’éventuelles autres localisations.
L’incision cutanée circonscrit les lésions superficielles dont l’exérèse
a été programmée. Plusieurs problèmes techniques sont rencontrés :
– l’hypervascularisation importante du derme nécessitant une
incision cutanée et une hémostase progressives ;
– la difficulté de trouver les limites de la MAV dans le tissu
cellulaire sous-cutané nécessitant de passer au large ;
– le décollement de la MAV des plans profonds aponévrotiques ou
tendineux est toujours aisé car le plan de clivage est respecté, seuls
émergent les différents pédicules qui sont ligaturés ;
– le recouvrement cutané doit être prévu, soit par une expansion
préalable sous-cutanée (fesse, genou), soit par des greffes cutanées
faites d’emblée si la mobilisation des tissus de voisinage n’est pas
possible.
– MAV intramusculaires.
Leurs particularités sont de trois ordres :
– la MAV intéresse toujours le corps musculaire en partie ou en
totalité ;
– la loge aponévrotique est indemne mais elle est, comme les tissus
superficiels, le siège d’une hypervascularisation de voisinage ;
– la lame aponévrotique et le tendon sont respectés, ce qui explique
la possibilité de transplantation tendineuse.
Cette localisation pose le problème du retentissement fonctionnel
possible de l’exérèse et le contrôle des pédicules vasculaires, surtout
des veines de drainage.
– Le retentissement fonctionnel : l’exérèse musculaire est légitime
lorsque l’appareil musculotendineux de voisinage supplée la
fonction ou si le tendon peut être transplanté sur un tendon de
voisinage.
L’absence de telle suppléance sur un muscle proximal
(muscle triceps, biceps) est une contre-indication à toute
thérapeutique, ce qui est plus rarement le cas au membre inférieur.
Les muscles le plus souvent intéressés au membre inférieur sont les
muscles vastes, crural à la cuisse, les muscles jumeaux ou soléaire à
la jambe.
– Les difficultés opératoires : elles concernent le contrôle progressif
des pédicules vasculaires.
La masse de la MAV gêne leur
visualisation, elle est rendue plus aisée après désinsertion du corps
musculaire ou section de la jonction musculotendineuse.
La section
des pédicules (ligature appuyée ou suture sur clamp) se fait au
contact de la MAV, en raison de la proximité des troncs artériel et
veineux principaux.
Le contrôle proximal de l’artère tronculaire est
rarement nécessaire.
Afin d’éviter la constitution d’hématome dans
la cavité résiduelle, l’hémostase est complétée par l’injection de Tissucolt
dans les tissus résiduels de voisinage.
– MAV intra-articulaires.
L’hypervascularisation habituelle des synoviales peut expliquer la
fréquence des MAV dans ou autour des articulations.
Les plus
souvent atteintes sont les articulations du coude, du genou et de la
cheville.
Les MAV distales des membres (main-pied) ont
vraisemblablement une atteinte initiale intra-articulaire.
Si, dans
certaines localisations, la résection de l’articulation et la réalisation
d’une arthroplastie seraient la meilleure solution théorique, de telles
indications sont difficiles à retenir chez le sujet jeune.
Au niveau de l’articulation du genou, les explorations permettent
d’identifier le siège localisé de la MAV.
Elle est intraarticulaire
mais extra- ou intrasynoviale, développée le plus souvent
dans la bourse séreuse supracondylienne ou la graisse sousrotulienne.
Il est difficile, sur les données préopératoires, d’identifier
son extension dans les muscles de voisinage (muscles vastes refoulés
ou envahis).
Elles respectent en général l’appareil tendineux
extenseur et les ligaments latéraux.
L’abord du genou est réalisé par une voie antérieure latéralisée en
interne ou externe, en fonction du développement dominant de la MAV sur le scanner.
Elle permet une exposition complète de
l’articulation, exposant largement la bourse séreuse supracondylienne, siège habituel de la malformation.
L’exérèse a ici trois particularités :
– l’absence de contrôle vasculaire réglé oblige à une libération de
proche en proche à partir de la jonction cartilagineuse saine à la
partie inférieure et à la face profonde du muscle crural en haut en
zone saine ;
– la difficulté est la libération sur les bords latéraux de la diaphyse
fémorale où émergent les principaux pédicules développés à partir
des artères périarticulaires.
La libération est conduite ensuite en sous-périosté avec l’hémostase progressive des artères corticales à la
cire ;
– l’hémostase est toujours complétée par l’injection de Tissucolt,
surtout si une résection musculaire partielle a été nécessaire, car la
mobilisation postopératoire immédiate du genou sous arthromoteur
peut être responsable de saignement postopératoire.
– MAV et espaces celluleux.
Malgré le caractère anatomiquement limite, tous les espaces
celluleux siège d’une MAV ne relèvent pas d’une chirurgie d’exérèse
en raison des difficultés chirurgicales rencontrées.
Trois localisations peuvent être rencontrées au membre inférieur :
– l’espace poplité haut est la zone la plus chirurgicale, qu’elle soit
associée ou non à une atteinte musculaire (muscle demi-tendineux,
muscle biceps) dont l’exérèse est faite dans le même temps.
Deux
particularités sont propres à cette localisation :
– l’existence toujours d’un plan de clivage autour des vaisseaux
poplités et du nerf sciatique ;
– la nécessité d’un contrôle peropératoire doppler-échographie
afin d’identifier des shunts résiduels dans les prolongements de
cet espace celluleux ;
– l’espace celluleux situé en avant du tendon d’Achille peut être
intéressé.
L’exérèse de la MAV
en est relativement facile ;
– l’espace
celluleux autour des vaisseaux fémoraux profonds pose les
problèmes techniques les plus difficiles, car le risque en
raison des difficultés du contrôle de l’hémostase est celui du
nerf crural et de ses branches, exposant à des séquelles
fonctionnelles graves.
Ainsi
l’abstention chirurgicale a toujours été préférée, malgré les
conséquences locorégionales graves sur le fémur, le siège de
fracture pathologique.
L’échec de
la chirurgie orthopédique, et surtout de consolidation, peut
dans ces cas conduire à une désarticulation de hanche.
– MAV dites « régionales ».
À côté des MAV tissulaires localisées existent des MAV dites
« régionales » où la MAV intéresse toute une loge tissulaire d’un
membre. MAV rare, les indications chirurgicales sont différentes car
la chirurgie n’est que palliative.
Elle consiste en une réduction
tissulaire avec excision d’un ou plusieurs muscles en fonction de
leur valeur fonctionnelle.
Une telle indication est retenue s’il existe
une hypertrophie tissulaire majeure, source de handicap fonctionnel,
ou des troubles trophiques cutanés dus à l’hypertension veineuse
de voisinage.
* MAV tronculaire
:
MAV exceptionnelle, elle associe souvent une localisation tissulaire
distale à une communication directe entre l’artère et la veine
tronculaire proximale du membre.
Les anomalies soulèvent deux problèmes :
– faire le diagnostic de ce shunt tronculaire. Le doppler-échographie
et l’artériographie avec compression, afin de ralentir le flux, peuvent
en faire le diagnostic et surtout permettre le repérage
topographique ;
– l’assèchement total du champ opératoire est nécessaire car la
fermeture de ces fistules se fait par voie endoartérielle.
* Traitement
chirurgical des complications :
– MAV distale des membres.
Ces MAV posent des problèmes spécifiques.
Si le diagnostic de MAV
est aisé, les explorations anatomiques ne permettent pas de localiser
la MV à une seule structure tissulaire.
La chirurgie d’exérèse est
difficile dans sa stratégie en raison du caractère fonctionnel des
extrémités et des séquelles tissulaires qu’engendre tout geste
chirurgical.
Au niveau de la main : il n’y a pas de geste chirurgical, seule la
contention élastique est retenue avec deux buts :
– réduire les dilatations superficielles des veines de drainage pour
éviter la souffrance cutanée (effet mécanique) ;
– avoir un effet protecteur : cette contention doit être adaptée à la
localisation ; simple contention sur mesure sur un doigt ou gantelet
pour les localisations thénar ou hypothénar.
Un traitement chirurgical n’est retenu que lorsqu’il apparaît un
trouble trophique ou une hémorragie.
Il n’y a pas d’indication
d’embolisation par voie artérielle, en raison de l’inefficacité de ces
procédures et des complications ischémiques observées.
La stratégie
n’est pas de faire la cure de la MAV, mais de cohabiter avec cette
dernière.
La chirurgie se résume à des exérèses digitales partielle ou totale associées à un recouvrement tissulaire par un lambeau libre
musculaire de grand pectoral.
Les lambeaux cutanés pédiculés sont
rapidement colonisés par la MAV et résistent mal à l’hyperpression
veineuse, mais peuvent représenter une solution moins agressive au
niveau digital.
Au niveau du pied : les troubles trophiques apparaissent toujours au
niveau des orteils ; la moindre valeur fonctionnelle permet des
gestes d’exérèse plus large.
Le doppler-échographie
apprécie au mieux la topographie des shunts dans les articulations
métatarsophalangiennes ou dans l’espace intermétatarsien
correspondant.
L’exérèse chirurgicale doit être orientée par les
données du doppler intéressant toujours les articulations métatarsophalangiennes
et les espaces cellulaires de voisinage.
La
couverture tissulaire par un lambeau libre de grand dorsal
apporte la meilleure sécurité de couverture tissulaire stable.
La cure
chirurgicale complète peut dans cette topographie être obtenue.
– MAV et complications.
Les complications sont la conséquence de l’hyperdébit régional.
– Les complications tissulaires superficielles sont la conséquence de
la souffrance cutanée due à l’hyperpression veineuse.
Ce sont les
troubles trophiques ou l’hémorragie déclenchés par des
traumatismes locaux.
– Les complications tissulaires profondes sont plus rares.
Elles sont
représentées par les complications osseuses au contact d’une MAV à
gros débit.
Les dilatations veineuses en aval du shunt détruisent la
corticale osseuse et envahissent la médullaire avec, comme
corollaire, la fragilisation osseuse. Les MAV dans le territoire de
l’artère fémorale profonde en sont la cause la plus fréquente.
L’embolisation percutanée par du ciment de la structure osseuse
devrait permettre d’éviter ces complications mais l’indication en est
souvent différée en raison des difficultés du contrôle hémorragique.
Les expériences en sont rares et peu concluantes.
L’exérèse de la MAV combinée à une prothèse totale de hanche en serait une
attitude logique mais agressive chez des patients qui ont eu
longtemps une autonomie satisfaisante.
– Les complications vasculaires proprement dites.
Elles sont de deux
types, les complications artérielles en amont de la fistule, les
ruptures souvent traumatiques des ectasies veineuses en aval :
– les complications artérielles tronculaires : elles sont dominées
par l’apparition d’anévrisme vrai et leurs complications.
Le
problème n’est plus de traiter la MAV mais sa complication.
L’indication chirurgicale peut être retenue devant l’évolutivité
d’un anévrisme connu, la rupture d’un anévrisme ou des
complications thromboemboliques.
L’évolution anévrismale est traitée comme tout anévrisme avec mise à plat et
interposition d’un matériel prothétique (non compliant,
polytétrafluoroéthylène) ou veineux si sa situation est distale
(artère de l’avant-bras ou d’une artère de jambe).
Plus difficile à
traiter est la rupture anévrismale qui se fait volontiers dans la
veine satellite, réalisant une aggravation brutale de
l’hémodynamique de la MAV (shunt à gros débit).
Le principe de
la réparation est le même avec fermeture endoartérielle de la
fistule.
Les complications thromboemboliques sont rares, le fait
d’anévrismes développés dans les zones mobiles (artère humérale,
artère poplitée).
Une ischémie en est paradoxalement le tableau
clinique associé à une MAV distale.
Le traitement de l’anévrisme
est ici associé à un geste de revascularisation du membre
ischémique remettant ainsi en charge une MAV dont l’exérèse
n’est pas possible ;
– la rupture des ectasies veineuses : un traumatisme inopiné peut
entraîner la rupture d’ectasies veineuses responsables
d’hématome relativement important.
L’embolisation
sélective d’un ou plusieurs pédicules artériels peut être la
solution la plus adéquate afin de stabiliser la situation.
– MAV et amputations de membres.
L’amputation proximale d’un membre ne résout habituellement
aucun problème, car il existe souvent des shunts artérioveineux
latents dans les synoviales des articulations proximales.
Ceux-ci
peuvent évoluer lors de modifications hémodynamiques régionales.
Cette évolution explique l’impossibilité habituelle d’appareillage de
tels moignons d’amputations.
D - CONCLUSION
:
Les MAV des membres sont le plus souvent localisées à une
structure tissulaire.
L’identification précise de l’atteinte tissulaire est
au centre de la discussion thérapeutique.
Un certain nombre de ces MAV peut relever d’une cure chirurgicale définitive.
L’embolisation
n’a plus d’indication que pour des formes complexes ou
compliquées.