Chirurgie des lymphoedèmes

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Introduction :

La chirurgie fait partie intégrante du traitement des lymphoedèmes.

Le développement des techniques microchirurgicales du lymphatique, et les limites du traitement physiothérapique ont conduit à des indications de plus en plus nombreuses posées dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires.

Techniques chirurgicales :

On distingue les techniques de résection, des techniques de dérivation et de reconstruction.

A – CHIRURGIE DE RÉSECTION :

Elle a été abandonnée dans sa forme traditionnelle, non seulement du fait des problèmes infectieux, des problèmes cicatriciels (rétraction, retard de cicatrisation, ulcération, etc) et d’une hospitalisation longue, mais aussi du fait des excellents résultats obtenus par la physiothérapie.

De plus, les résections pouvaient laisser en place un tissu lymphoedémateux au niveau du dos du pied ou de la main qui, enclavé, devenait douloureux, impossible à traiter.

Chirurgie des lymphoedèmes

Par ailleurs, elle entraînait la résection des quelques voies lymphatiques restantes, gênant le travail du physiothérapeute.

Actuellement, elle porte sur certains excédents ou plis cutanés localisés non rétractés suite à des traitements physiothérapiques bien conduits.

Ces plis entraînent des macérations avec un risque infectieux, gênant le bandage et la contention efficace.

La résection le plus souvent simple sans plastie est guidée par la demande du physiothérapeute.

Durant cette chirurgie, il convient de respecter les voies lymphatiques encore fonctionnelles.

Les zones le plus souvent excisées sont la face interne du bras, les jambes et le dos du pied.

Une forme anatomique à part est le lymphoedème des organes génitaux externes.

Plusieurs raisons en font pour nous une bonne indication des résections.

– le traitement physiothérapique n’est généralement efficace que sur les petits lymphoedèmes ;

– le poids et le volume sont invalidants ;

– les vésicules liées au reflux (qui existent dans 10 % des cas dans notre expérience) obligent les patients à porter une garniture.

Enfin, se posent les problèmes de miction et de sexualité :

* Chez l’homme :Lymphoedemes

– Au niveau du pénis : nous pratiquons une circoncision parfois associée à une résection antérieure ou postérieure.

– En cas de lymphoedème très important une exérèse greffe (greffe de peau semi-épaisse) est nécessaire. Des plasties en Z évitent les brides et la rétraction.

– Au niveau du scrotum : l’excision large-suture, en repérant les testicules et les cordons, est le geste le plus fréquent.

En cas d’hydrocèle associée, la cure chirurgicale est faite dans le même temps.

– La présence de vésicule (moins fréquente que chez la femme) nécessite une exérèse-greffe de peau mince ;

* Chez la femme :

Le geste thérapeutique est l’excision large centrée sur les vésicules et les condylomes avec ligature des canaux lymphatiques.

Cette excision des petites ou grandes lèvres et du mont de Vénus, est associée à une circoncision du clitoris.

Dans les deux cas, les suites opératoires sont souvent très simples.

Actuellement, le recul moyen est de 7 ans et le taux de récidive (toujours partielle) est de moins de 10 %. Dans ces cas une chirurgie itérative a été pratiquée.

B – TECHNIQUES DE DÉRIVATION :

Elles ont toutes pour but de dériver l’excédent de lymphe au sein d’une autre structure.

La plus ancienne actuellement abandonnée est le transfert à la racine du membre lymphoedémateux du grand épiploon.

Les résultats s’épuisent dans le temps, car le réseau lymphatique transposé se transforme en un cordon fibreux.

Deux techniques persistent : les anastomoses lymphoveineuses, quelles que soit leurs formes anatomiques et le transfert ganglionnaire.

1- Anastomoses lymphoveineuses :

Elles dérivent la lymphe dans le réseau veineux.

Elles ont été décrites, pour la première fois, en 1977.

Elles peuvent être lymphoveineuses, ganglionnoveineuse, avec ou sans interposition d’une greffe veineuse intermédiaire, terminoterminale ou termino-latérale selon les équipes.

Physiologiquement, ces anastomoses, du fait de la différence de pression entre le lymphatique et la veine, créent une dérivation de la lymphe vers le système veineux.

Pour cela plusieurs lymphatiques (en général plus de trois) sont ainsi dérivés.

Une lymphoscintigraphie ayant précisé en préopératoire la présence et la topographie de ceux-ci, un échodoppler veineux a permis le marquage précis des veines pour éviter les longues incisions délabrantes.

Quelle que soit la technique, ces anastomoses sont très controversées.

En effet, une fois la pression lymphatique diminuée, car revenue à la normale, le flux s’inverserait et le sang coagulerait dans les canaux lymphatiques.

Les bons résultats expérimentaux obtenus, le sont sur des membres non lymphoedémateux.

Néanmoins, certaines équipes chirurgicales obtiennent de bons résultats tant expérimentaux que cliniques.

Nos améliorations immédiates sont satisfaisantes lorsque les conditions techniques de réalisation des anastomoses ont été favorables (lymphatiques nombreux de gros diamètre).

Les résultats à long terme sont plus sujets à caution, et nécessitent une évaluation encore en cours sur des critères subjectifs et objectifs fiables, difficiles parfois à définir et à obtenir.

2- Transfert vascularisé de ganglion :

Un groupe ganglionnaire est prélevé au niveau cervical, inguinal ou plus récemment axillaire avec ses vaisseaux (vaisseaux circonflexes superficiels, cervicaux transverses, branche de l’axillaire) et transféré in situ dans le lymphoedème.

Parfois, plusieurs ganglions peuvent être transférés successivement de façon étagée dans le membre atteint.

Les vaisseaux sont branchés en termino-latéral, ou termino-terminal au niveau des vaisseaux du bras receveur, pour permettre de garder le ganglion vascularisé et donc viable ; la lymphe passerait au travers de la membrane ganglionnaire, et rejoindrait les voies sanguines par l’intermédiaire de l’anastomose veineuse du ganglion.

À la suite de travaux expérimentaux chez le rat qui démontrent que les ganglions transférés conservent une fixation lymphoscintigraphique, l’étude clinique a été entreprise.

Sur plus de 100 lymphoedèmes (secondaires principalement), l’auteur obtient une amélioration clinique chez 70 % de ses patients.

Les résultats semblent moins bons dans le cadre des lymphoedèmes dits primitifs.

Les critères d’évaluation retenus sont principalement cliniques subjectifs et objectifs.

C – TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION LYMPHATIQUE :

Elles ont pour but de reconstruire la ou les voies lymphatiques détruites, à partir de lymphatiques autologues.

Il en existe de deux types : la greffe lymphatique et le lambeau libre lymphatique.

1- Greffe lymphatique :

Il s’agit d’un pontage lymphatique grâce à des greffes autologues de canaux lymphatiques.

Ces canaux (3 le plus souvent) sont prélevés (ou déroutés) au niveau d’une cuisse saine. Ils sont satellites de la veine saphène interne et repérés grâce à une injection préalable de Patent Bluet.

Au niveau du membre supérieur, le pontage se fait (grâce à des microanastomoses) entre les lymphatiques basicervicaux et les lymphatiques du membre lymphoedémateux.

Au niveau du membre inférieur, le pontage se fait en déroutant les trois canaux lymphatiques en sus-pubien jusqu’au creux inguinal controlatéral où sont pratiquées les microanastomoses avec les lymphatiques du membre atteint, juste en amont du blocage.

Sur plus de 120 cas en 10 ans, une amélioration clinique (subjective et objective) ainsi qu’une amélioration lymphoscintigraphique est obtenue dans 67 % des cas.

Selon l’auteur aucun lymphoedème au niveau du membre donneur n’a été noté, les patients ne portent plus leur contention et les drainages lymphatiques sont arrêtés.

2- Lambeau libre lymphatique :

Les voies lymphatiques ainsi que des ganglions vascularisés sont prélevés au niveau d’un creux axillaire sain ainsi que le long du bord antérieur du muscle grand dorsal (fascia latérothoracique), et transférés pour ponter le défect lymphatique congénital ou thérapeutique.

Ce lambeau est vascularisé par les vaisseaux scapulaires inférieurs.

Les connections lymphatiques s’établissent spontanément en amont et en aval du blocage (des anastomoses lymphatiques peuvent être pratiquées lorsque les conditions locales le permettent).

Au niveau du site receveur des anastomoses vasculaires sont effectuées pour permettre la survie de cet ensemble.

Cette transposition permet la création d’une voie lymphatique fonctionnelle et perméable.

Une palette cutanée et musculaire adjacente au site lymphatique prélevé est transposable en cas de besoin (sténose radique, etc).

Les séquelles fonctionnelles du site donneur sont nulles.

La rançon esthétique est faible.

Cette technique sur 95 cas en 10 ans montre une amélioration dans 65 % des cas.

Cette amélioration est clinique subjective (interrogatoire avec de multiples items), objective (mesures) et lymphoscintigraphique (index lymphoscintigraphique et cinétique lymphatique).

Indications :

Les indications de la chirurgie sont rares par rapport au nombre total de lymphoedèmes traités.

Elles doivent être posées par une équipe pluridiscipinaire, sur des lymphoedèmes résistants au traitement physiothérapique, et de façon suffisamment précoce pour permettre une possible réversibilité avant que la fibrose, l’engraissement, les lymphangites aient rendu celle-ci hors d’atteinte du traitement chirurgical.

A – LYMPHOEDÈMES SECONDAIRES :

À notre avis, ils représentent les meilleures indications chirurgicales :

– en cas de bride cutanée postradique ou de lésion associée (nerveuse, vasculaire, etc) nécessitant une geste concomitant complémentaire, et donc une couverture cutanée ou musculaire, nous utilisons le lambeau libre lymphatique ;

– si peu d’atteinte radique et peu de sténose cutanée : greffe lymphatique, lambeau libre lymphatique ou, pour d’autres équipes, transfert ganglionnaire ou anastomose lymphoveineuse.

B – LYMPHOEDÈMES DITS PRIMITIFS :

Les indications de la chirurgie sont rares et posées au cas par cas.

Le choix de la technique se fait sur la lymphoscintigraphie :

– voies lymphatiques restantes : dérivation ou reconstruction en cas de blocage ;

– voies lymphatiques sous-cutanées : pas de possibilités chirurgicales.

À part l’aplasie segmentaire des membres ou aplasie du canal thoracique, dans ces rares cas nous avons pratiqué avec de bons résultats une greffe lymphatique.

Pour l’ensemble des lymphoedèmes, la séquence de traitement la plus efficace entre la chirurgie et la physiothérapie, ainsi que le moment de cette chirurgie, est fonction de chaque équipe traitante.

Elle est fondée sur des critères cliniques subjectifs (vécu du patient) et objectifs (évolution des mesures, nombre de lymphangites) et sur des critères lymphoscintigraphiques (disparition des lymphocentres, augmentation du blocage).

Chirurgie préventive :

Elle comporte deux volets expérimentaux et cliniques :

– agressivité moindre des techniques radiochirurgicales, tout en conservant la même survie à long terme ;

– modification (avec la même efficacité) de la technique des curages pour limiter les risques de lymphoedème postopératoire.

La microchirurgie de dérivation pratiquée dans le même temps opératoire que la chirurgie d’exérèse fait encore l’objet de protocoles expérimentaux et d’évaluation à court et long termes.

Conclusion :

Longtemps décriée, la chirurgie des lymphoedèmes fait partie du traitement des lymphoedèmes.

Cette chirurgie, qui nécessite un matériel et une maîtrise des techniques microchirurgicales, a des indications qui seront posées au sein d’une équipe multidisciplinaire médicochirurgicale.

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