Techniques endonasales dans la chirurgie de l'imperforation choanale Cours de Chirurgie
Introduction
:
Le développement récent de la chirurgie endoscopique des sinus et de la vidéochirurgie a permis la mise au point de nouvelles voies d’abord
endonasales dans la chirurgie de l’imperforation choanale.
Les résultats
obtenus sont très encourageants et cette voie est probablement appelée à
remplacer la classique voie transpalatine.
Les données anatomiques et
radiologiques, ainsi que les techniques classiques, sont parfaitement
exposées dans un autre chapitre et nous nous limiterons aux apports
des techniques endoscopiques.
Matériel
:
Les techniques endoscopiques nécessitent le même matériel que celui
employé pour la chirurgie endoscopique des sinus et un minimum
d’instruments adaptés à la taille de l’enfant.
Les optiques principales
sont :
– une panoramique 30°, 2,8 et 4 mm ;
– une optique 0°, 2,8 et 4 mm.
Les optiques 70° sont rarement nécessaires, en revanche les courtes
optiques 0° d’otoscopie 4 mm et 2,5 mm peuvent être nécessaires.
Les
instruments utilisés principalement sont un décolleur mousse, des pinces mors-curette de format pédiatrique 0 et 30°, une pince rétrograde de type
Oström-Terrier de format pédiatrique et adulte taille moyenne, un
aspirateur boutonné coudé et malléable, une pince bipolaire
endoscopique gainée.
L’utilisation du microrésecteur est pour nous
systématique.
La vidéochirurgie constitue pour notre part un
complément indispensable car elle permet un agrandissement
considérable de l’image.
Préparation
:
L’intervention est bien entendu réalisée sous anesthésie générale, quel
que soit l’âge de l’enfant.
Une préparation locale minutieuse est
nécessaire par des tampons de ouate imbibés de sérum adrénaliné
(10 mL de sérum physiologique additionné de deux ampoules à 1 mg
d’adrénaline) et l’anesthésiste est informé de la mise en place de ces
tampons.
Il n’est pas utile de mettre en place un packing pharyngé et
encore moins au niveau du cavum, ce qui peut considérablement gêner
l’acte endoscopique par refoulement du voile du palais vers le haut ou la
stagnation de sécrétions dans le cavum.
Dans notre expérience, la
préparation des fosses nasales assure un saignement minimal même chez
le nouveau-né.
Les documents d’imagerie sont systématiquement affichés.
Il est
absolument nécessaire de posséder une tomodensitométrie de qualité en
coupes axiales et coronales (reconstructions chez le nouveau-né ou le
nourrisson) en fenêtres osseuses et parenchymateuses.
Les
reconstructions sagittales sont intéressantes pour préciser l’épaisseur et
la hauteur de la plaque atrétique.
Après mise en place des champs, l’installation des différents éléments
est méthodique.
L’opérateur (s’il est droitier) est assis à la droite du
patient, l’aide siège à gauche avec la table instrumentale.
L’écran vidéo
et la source de lumière sont placés à la tête de la table opératoire.
En cas
d’utilisation du microrésecteur (systématique pour nous), il est
nécessaire de disposer de deux sources d’aspiration murale séparées,
l’une connectée au microrésecteur et l’autre à l’aspirateur boutonné.
Intervention
:
A - Inspection des deux fosses nasales
:
Après ablation du méchage hémostatique, les deux fosses nasales sont
inspectées de façon à repérer l’existence de la plaque atrétique
des deux côtés, les racines postérieures d’insertion des cornets inférieurs
et moyens et l’épaississement latéral du vomer.
Il existe souvent
une déviation septale du côté sain en cas d’atrésie unilatérale.
Cet
examen est effectué à l’optique 0° de façon à repérer le plancher de la
choane où doit débuter l’ouverture de la plaque atrétique.
B - Ouverture première de la plaque atrétique
:
Certains auteurs décrivent la réalisation préalable de lambeaux de
muqueuse choanale qui seront ensuite réappliqués sur les nouvelles
berges osseuses.
Dans notre expérience, ceci est relativement difficile
et les résections osseuses larges habituellement nécessaires amènent à
sacrifier ces lambeaux.
L’ouverture est pratiquée en utilisant
l’optique 30° placée entre le cornet moyen et la cloison et tournée vers le
plancher de la fosse nasale permettant de ménager le passage de
l’instrumentation sur le plancher de la fosse nasale.
Le risque théorique
de fausse route basicrânienne est ainsi totalement éliminé.
Nous
utilisons le microrésecteur avec une lame coupante aspirante dentée de
2 mm de diamètre permettant de créer un premier orifice du même
calibre qui sera progressivement élargi, puis avec la lame
homologue de 4 mm de diamètre.
L’utilisation du microrésecteur peut
être remplacée par celle d’une micropince érodant progressivement
l’épaisseur osseuse, plutôt que par un trocart dont l’extrémité serait
potentiellement traumatique pour le toit du cavum.
En cas d’atrésie
bilatérale, le même geste est effectué alternativement des deux côtés.
Habituellement, il est possible chez un nouveau-né, de passer dans une
fosse nasale une optique de 4 mm de diamètre et une lame de 2 mm.
En
cas d’impossibilité, l’obstacle peut être lié le plus souvent à une
hypertrophie du cornet inférieur qui sera réséqué ou à une sténose des
orifices piriformes associée mais qui doit être diagnostiquée par la
tomodensitométrie préopératoire et faire l’objet d’un élargissement
préalable par voie sous-labiale.
C - Résection partielle du vomer
:
L’examen tomodensitométrique révèle de façon constante une
hypertrophie du bord libre postérieur du vomer qu’il est nécessaire de
réséquer de façon souvent importante, mais adaptée à la taille de
l’enfant et sans léser le cartilage septal.
Ceci permet un élargissement
considérable de la choane d’une part et d’autre part de décaler dans le
sens antéropostérieur les berges de la choane et d’éviter ainsi la
constitution de synéchies entre la paroi latérale et le bord libre du vomer.
Les pinces rétrogrades de type Oström-Terrier sont très utiles à la
réalisation de ce geste.
L’élargissement du vomer et son dédoublement
en deux lamelles osseuses nécessitent un geste de résection bilatérale
même lorsque l’atrésie choanale est unilatérale.
Le plus souvent, il est
utile d’utiliser la pince dans une fosse nasale et de contrôler la bonne
position de celle-ci à l’aide de l’optique passée dans l’autre fosse nasale.
La résection du vomer sera ainsi menée alternativement de bas en haut
et d’une fosse nasale à l’autre jusqu’à atteindre le sommet du cavum.
L’utilisation du microrésecteur est encore utile à ce niveau, de façon à
régulariser les berges muqueuses sans déchirer la muqueuse.
Dans
certains cas, il existe une hypertrophie de l’insertion supérieure du
vomer qui peut être réduite par fraisage à l’aide du microrésecteur.
D - Élargissement du calibre de la néochoane
:
L’utilisation du microrésecteur muni d’une fraise protégée aspirante est
un progrès certain car elle permet de coupler un instrument et une
aspiration d’une part et d’autre part de protéger au maximum la
muqueuse des fosses nasales évitant des synéchies et des granulations
postopératoires.
Les limites d’élargissement de la choane sont précisées
en fonction des données de la tomodensitométrie mais d’une façon
générale, il faut fraiser la plaque atrétique en haut jusqu’à l’insertion de
la queue du cornet moyen et dégager le futur récessus sphénoethmoïdal
où s’abouchera l’orifice de drainage du futur sinus sphénoïdal.
Il est souvent nécessaire de « mordre » sur cette insertion à l’aide du microrésecteur.
Les limites latérales sont plus difficiles à préciser.
Le microrésecteur muni d’une lame coupante est souvent utilisé sur la
queue du cornet inférieur et la lame verticale de l’os palatin souvent
hypertrophique est prudemment fraisée latéralement en évitant de
remonter trop haut de façon à épargner l’artère sphénopalatine.
En cas
de saignement, l’utilisation d’une micropince bipolaire passée par
l’autre fosse nasale permet le contrôle de l’hémostase au travers de
l’encoche réalisée dans le vomer.
Finalement, l’élargissement choanal
nous semble satisfaisant lorsque deux sondes d’intubation nasotrachéale
adaptées à l’âge de l’enfant peuvent être passées simultanément et sans
frottement des deux côtés.
E - Calibrage postopératoire
:
La quasi-totalité des auteurs actuels souligne la nécessité d’un calibrage
postopératoire, souvent pendant plusieurs semaines.
Pour notre part,
nous considérons qu’il s’agit d’un facteur potentiellement source
d’inflammation et d’infection et que la réalisation de soins
postopératoires soigneux doit permettre d’en éviter le recours si le
calibre de la choane est suffisant en fin d’intervention et si les soins
postopératoires sont suffisants.
On peut recommander chez les
nouveau-nés et les jeunes nourrissons n’ayant pas de respiration buccale
efficace, la mise en place d’un calibrage par des sondes d’intubation
fixées par un sparadrap sur la pyramide nasale pendant 48 heures au
maximum, de façon à éviter la constitution de caillots et de croûtes dans
les choanes.
En revanche, les enfants plus grands peuvent bénéficier
d’un méchage simple hémostatique retiré aussi à la 48e heure.
Complications
:
Une bonne connaissance de l’anatomie locale, la réalisation d’une
tomodensitométrie préopératoire de bonne qualité et une technique
rigoureuse doivent permettre de réduire au maximum les risques de
complications.
Les hémorragies sont rares et doivent être prévenues par
une hémostase chirurgicale soigneuse et un méchage postopératoire
surtout en cas de turbinectomie inférieure associée.
Les classiques
fausses routes basicrâniennes sont le fait de gestes « aveugles » rendus
impossibles par une technique sous contrôle de la vue avec repères
tomodensitométriques préopératoires.
Soins postopératoires
:
Comme dans toute chirurgie endonasale, les soins postopératoires sont
essentiels.
En l’absence de calibrage, il faut pratiquer des instillations
régulières et en quantité satisfaisante des deux fosses nasales à l’aide de
sérum physiologique et éventuellement de sérum adrénaliné.
Les
aspirations doivent être limitées de façon à ne pas provoquer de lésions
traumatiques.
Le lavage des fosses nasales est réalisé en position
allongée, tête en bas et tournée sur le côté en instillant 10 à 20 cm3 de
sérum salé dans la fosse nasale supérieure.
Ceci permet l’évacuation des
sécrétions et croûtes par la fosse nasale opposée.
Une fibroscopie sous
anesthésie locale, éventuellement complétée par une endoscopie sous
anesthésie générale est effectuée à la fin de la première semaine et
permet l’exérèse de croûtes ou de fausses membranes.
En cas
d’inflammation importante, de granulations ou de reflux gastrooesophagien
connu, un traitement antireflux et antisécrétoire est prescrit
pour une durée moyenne de 2 mois.
Indications et résultats
:
Les études récentes et notre expérience personnelle sur plus de
30 enfants opérés par voie endonasale montrent des résultats très
satisfaisants dans 80 à 90 % des cas et compétitifs par rapport à ceux
obtenus par voie transpalatine classique avec calibrage.
Les indications
chirurgicales ne sont pas modifiées par l’apparition de cette technique et
il est tout à fait justifié d’attendre l’âge de 18 mois à 2 ans, voire plus en
cas d’atrésie choanale unilatérale parfaitement supportée.
Si l’indication
chirurgicale est posée, le choix de la voie endonasale est justifié quel que
soit le type d’atrésie, uni- ou bilatérale, osseuse ou membraneuse et quel
que soit l’âge.
Les échecs de voie transpalatine ou transnasale sont aussi
une excellente indication de voie endoscopique et les échecs même
d’une voie endoscopique peuvent être repris par cette même voie.
Grâce
à cette technique et des soins postopératoires appropriés, le dogme du
calibrage prolongé peut être remis en cause.