Traitement des hernies inguinales Cours de Chirurgie
Introduction
:
Le choix d’un procédé est difficile.
En effet, le nombre de procédés
éprouvés est important et il n’y a pas un seul procédé qui surpasse
les autres de façon telle qu’il s’impose sans discussion.
Le choix du chirurgien doit être guidé par quelques principes de
base : la hernie est une maladie bénigne dont le retentissement est
essentiellement fonctionnel, l’intervention ne doit pas exposer à des
complications graves, ni entraîner de séquelles.
Le meilleur procédé
est celui que l’on possède parfaitement ; un bon procédé pratiqué
de façon occasionnelle par un bon chirurgien risque de ne pas
donner les résultats escomptés.
Le choix doit se fonder sur trois principaux critères.
Le patient : la
solidité des tissus et les contraintes qui leur sont imposées pouvant
varier de façon considérable ; la hernie : il n’y a pas de rapport entre
la petite hernie indirecte avec paroi musclée et le large effondrement
de l’aine ou la hernie plurirécidivée ; le chirurgien : sa formation,
son expérience, son degré de spécialisation.
Anesthésie
:
La cure de hernie peut se faire sous anesthésie générale,
locorégionale ou locale.
Les études comparatives ont montré que
l’anesthésie locale donne moins de nausées, de vomissements et de
céphalées que l’anesthésie générale.
L’anesthésie
locorégionale donne plus de rétentions d’urines ; cet
inconvénient pouvant être atténué par la restriction hydrique.
Trois
études comparatives ont montré que l’anesthésie locale était le
procédé qui perturbait le moins la fonction respiratoire, alors que l’anesthésie locorégionale donnait des résultats moins bons que
l’anesthésie locale et même curieusement que l’anesthésie générale.
En outre, elle contribue à réduire le taux de complications
générales, la durée d’hospitalisation et la douleur
postopératoire.
Pour le chirurgien, l’anesthésie générale procure le plus grand
confort, mais les anesthésies locorégionale et locale permettent une
évaluation dynamique des lésions.
L’anesthésie locale, plus difficile
à maîtriser, mérite d’être appliquée aux bronchitiques, aux gros
fumeurs et aux patients âgés à haut risque.
Choix d’un procédé de herniorraphie
:
La technique de Shouldice est considérée actuellement comme le
procédé de référence en raison du taux de récidives, inférieur à 1 %,
publié par l’équipe de Toronto.
Il faut remarquer cependant que
l’étude de Glassow a comporté un taux élevé de perdus de vue :
19 % à 5 ans, 25 % à 6 ans et 45 % à 7 ans.
L’étude pluricentrique de
l’Association de recherche en chirurgie, qui n’a comporté que 5,6 %
de perdus de vue avec un recul moyen de 8,5 ans, a mis en évidence
un taux de récidives de 6,1 % pour le Shouldice, 8,6 % pour le
Bassini et 11,2 % pour le McVay.
D’autres études ont mis en
évidence des taux de récidives de 4 à 15% pour le Shouldice.
Une méta-analyse ayant retenu six études randomisées a confirmé
que le Shouldice est la meilleure technique de herniorraphie, mais
avec un taux de récidives qui est en réalité de l’ordre de 5 %.
Choix entre herniorraphie et prothèse
:
Deux arguments théoriques plaident en faveur de l’usage des
prothèses dans les hernies comportant une faiblesse de la paroi
postérieure (Nyhus types III et IV) : le manque de résistance des tissus et la
précarité des sutures sous tension.
La simple
observation montre que dans les hernies directes, le fascia est
souvent très mince.
Les études
biologiques ont démontré l’existence d’anomalies structurelles
du collagène.
Le
rapprochement de structures anatomiques telles que le tendon du
petit oblique ou du transverse et l’arcade crurale, qui peuvent être
éloignées de plusieurs centimètres, se fait sous une tension qui peut
entraîner la déchirure des tissus.
Doran et Lonsdale ont montré
par des radiographies que des repères métalliques placés sur le
conjoint et l’arcade crurale au cours de la technique de Bassini se
trouvaient dans certains cas écartés l’un de l’autre dans les mois qui
suivent.
Dans la pratique, les résultats plaident en faveur des
procédés prothétiques qui donnent un taux de récidives faible : 1,5 %
pour la technique de Stoppa, 1,6 % pour celle de Rives, moins
de 1 % pour celle de Lichtenstein et les plugs.
Une
étude randomisée incluant 717 cures de hernies a montré qu’il y a
moins de récidives avec la technique de Lichtenstein qu’avec celle
de Shouldice.
En outre, l’absence de tension que procure la
prothèse contribue à réduire la douleur postopératoire.
La prévention vis-à-vis des prothèses concerne le risque septique et
la tolérance à long terme, notamment chez les sujets jeunes.
En
réalité, la tolérance est bonne.
Le risque de sepsis est faible : sur dix
études totalisant 22 916 cas, le taux de sepsis a varié de 0 à 0,94 %
dans huit séries et n’a dépassé 1 % que dans deux.
La tolérance à
l’infection serait meilleure pour les prothèses dont les mailles
laissent des orifices de plus de 75 µm et sont faites de monofilament.
Les prothèses microporeuses qui comportent des pores de moins de
10 µm et les prothèses à mailles larges mais faites de multifilaments
tressés présentent des interstices qui constituent des niches pour les
microbes, dans lesquelles les macrophages et les granulocytes, qui
font plus de 10 µm, ne peuvent pénétrer.
Le choix repose essentiellement sur l’âge du patient et le type de la
hernie.
Les hernies directes ou mixtes (Nyhus type III) ont un risque
de récidives plus élevé en raison de la faiblesse des tissus qui
justifie la pose d’une prothèse.
D’après le registre des hernies de
Suède, le taux de prothèses est passé de 7 % en 1992 à 51 % en
1996.
La question est de savoir s’il faut respecter une limite d’âge.
L’âge
de 30 ou 40 ans est souvent cité dans les discussions, mais à notre
connaissance il n’y a pas d’études permettant de trancher.
En
pratique, s’il paraît sage de ne pas poser de prothèse chez un sujet
jeune porteur d’une hernie indirecte avec une bonne paroi, en
revanche, il n’y a pas de raison fondée de refuser la solidité d’une
réparation prothétique à un homme jeune mais ayant un fascia
faible, ou à un travailleur de force.
Choix entre voies antérieure
et postérieure :
La voie antérieure par une incision inguinale est la plus simple et elle
est pratiquement la seule faisable sous anesthésie locale.
La voie postérieure offre l’avantage de donner accès à l’ensemble des
points de faiblesse de la paroi et de permettre l’étalement d’une
grande prothèse renforçant toute la zone faible inguinale et crurale.
En cas de récidive après abord antérieur, elle permet d’éviter les
difficultés de dissection liées aux phénomènes cicatriciels.
En
revanche, elle ne peut être habituellement pratiquée que sous
anesthésie générale ou locorégionale.
La voie de Stoppa permet le traitement en un temps des deux côtés,
mais elle ne répond pas aux impératifs actuels de la chirurgie peu
invasive.
La voie de Nyhus, moins délabrante, donne un jour plus
limité et ne permet de traiter qu’un côté à la fois.
Au total, la voie antérieure plus simple et faisable sous anesthésie
locale est la plus répandue.
La voie postérieure peut être préférée en
cas de récidive après voie antérieure ou en cas de grosse hernie
bilatérale.
Actuellement, elle est concurrencée par la chirurgie vidéoassistée qui permet la même réparation prothétique par une
voie d’abord moins invasive.
Place de la prothèse
:
L’étalement de la prothèse dans l’espace sous-péritonéal à la face
profonde du plan musculoaponévrotique, prôné par Stoppa et par
Rives, est le plus logique.
En effet, dans cette situation, la prothèse
est appliquée contre la paroi par la pression intra-abdominale.
En
outre, sa situation profonde la met à l’abri en cas de complication
septique superficielle.
Elle n’entraîne aucune induration perceptible
des plans superficiels et elle siège à distance des éléments nerveux
qui cheminent dans le canal inguinal.
En contrepartie, elle présente
l’inconvénient d’être étalée sur les vaisseaux iliaques et la vessie, ce
qui peut être source de difficultés en cas d’intervention ultérieure
sur ces organes.
Actuellement Stoppa conseille de la réserver aux
hernies à haut risque de récidive et d’en exclure les patients
souffrant d’hypertrophie prostatique, de polypose vésicale, ayant
une élévation du prostate specific antigen (PSA) ou atteints
d’athéromatose ou d’anévrisme aorto-iliaque.
La situation de la prothèse en avant du petit oblique dans le procédé
de Lichtenstein est à première vue illogique puisque la pression intra-abdominale tend à la séparer de la paroi musculaire.
Les
partisans de cette méthode objectent que la plaque n’est pas en
situation superficielle mais interstitielle, et que l’aponévrose du
grand oblique contribue à l’appliquer sur le petit oblique.
Choix entre chirurgies traditionnelle
et laparoscopique :
La chirurgie vidéoassistée entraîne moins de douleur postopératoire
et permet une reprise d’activité plus rapide que le procédé de
Stoppa traditionnel.
En revanche, l’avantage que l’on peut en
attendre par rapport à la voie d’abord antérieure est modeste, cette
voie étant déjà peu invasive.
Une étude randomisée a montré que la
réponse métabolique après laparoscopie et technique de Shouldice
était modérée et comparable dans les deux cas.
Pour démontrer de façon claire une différence minime, les études
randomisées devraient inclure un grand nombre de cas.
Or, la
majorité d’entre elles ne comportent que peu de cas,
à l’exception de celle de Liem et al.
Une méta-analyse portant sur
14 essais randomisés ayant inclus 2 471 patients a montré que la
cure de hernie par vidéochirurgie prend plus de temps que la
chirurgie traditionnelle et donne les mêmes résultats concernant le
taux de récidive précoce.
La vidéochirurgie entraîne un niveau de
douleur postopératoire moindre et autorise une reprise d’activité
plus rapide que les procédés de herniorraphie traditionnelle.
En
revanche, comparée aux procédés sans tension, elle ne procure pas
d’avantage concernant la douleur, elle permet une reprise d’activité
un peu plus rapide, mais avec une différence à peine significative.
La chirurgie endoscopique de la hernie est plus difficile que la
chirurgie traditionnelle et sa maîtrise est plus longue à acquérir.
De ce fait, elle expose à un risque plus élevé de complications.
De ce
point de vue, l’article de Leroy et Barthélémy est exemplaire :
dans les mains de chirurgiens ayant une grande pratique de la
chirurgie laparoscopique et une expérience considérable de la cure
laparoscopique de hernie, le taux des complications, colligées avec
rigueur et honnêteté, est élevé.
Dans une enquête réalisée auprès de
13 équipes chirurgicales françaises entraînées à la chirurgie laparoscopique, portant sur 16 177 cas, on a relevé cinq décès
(0,03 %), trois plaies des gros vaisseaux (0,02 %), sept plaies
intestinales (0,05 %), 25 plaies du tractus urogénital (0,2 %),
15 occlusions intestinales (0,22 %) et 35 récidives immédiates
(0,28 %). Dans certaines séries, le taux de récidives est
anormalement élevé.
D’autre part, la chirurgie laparoscopique
ne permet pas aux patients de bénéficier des avantages de
l’anesthésie locale et notamment de la réduction du risque de
complications générales et respiratoires.
Par ailleurs, la majorité des spécialistes conseillent de mettre en
place une prothèse de grande taille, dépassant les limites de l’orifice myopectinéal, ce qui peut créer des difficultés en cas de chirurgie urologique ou vasculaire ultérieure.
Or, pour les hernies
de type II de Nyhus qui sont les plus fréquentes, un large
renforcement de la paroi n’est pas nécessaire et une large prothèse
étalée sur les vaisseaux et la vessie constitue un moyen
disproportionné par rapport à la lésion à traiter.
Le coût direct de la laparoscopie est plus élevé que celui de la
chirurgie traditionnelle.
Ce surcoût technique pourrait
être compensé par une réduction du coût social, grâce à une reprise
d’activité plus rapide, mais près de la moitié des patients
opérés de hernie ne sont plus en activité.
Au total, le bénéfice de la laparoscopie en matière de hernie est
probablement modeste.
Cependant, pratiquée par des chirurgiens
expérimentés, cette méthode peut présenter un avantage pour les
hernies relevant traditionnellement du procédé de Stoppa, à savoir
les hernies volumineuses, récidivées, bilatérales.
Les études
randomisées devraient se focaliser sur ce sous-groupe de hernies.
Indications opératoires schématiques
:
La variété anatomique des hernies est telle que l’application d’une
seule technique à tous les cas ne paraît pas adéquate.
Pour les hernies de types I et II de Nyhus qui ne comportent pas de
déficience de la paroi, nous pensons comme Nyhus que le
procédé de Shouldice qui implique l’incision d’un fascia solide avant
de le réparer n’est pas logique.
La simple résection du sac suffit pour
les hernies de type I du jeune adulte musclé.
Pour les hernies de
type II, les procédés de plug sont simples, efficaces et peu
douloureux.
Les hernies de type III comportent, à un degré variable, une faiblesse
de la paroi postérieure du canal inguinal qui expose à un risque de
récidive plus élevé.
Le Shouldice demeure le procédé de
référence, néanmoins les prothèses sont de plus en plus largement
utilisées.
Le chirurgien a le choix entre procédé de Lichtenstein ou
de Rives par voie inguinale ou la pose d’une prothèse rétropéritonéale par voie de Nyhus ou par vidéochirurgie.
Pour les hernies récidivées, on peut distinguer, d’une part les hernies
de petite taille qui correspondent en général à un defect limité
circulaire de la paroi : orifice direct le plus souvent, parfois indirect
ou crural, et d’autre part les larges déficiences de la paroi.
Dans le
premier cas, un abord limité évitant la dissection des éléments du
cordon avec pose d’un plug dans l’orifice est une solution simple et
peu agressive.
Dans le deuxième cas, il est préférable de choisir
une voie d’abord différente de celle de la précédente intervention.
La voie postérieure présente l’avantage d’éviter la dissection délicate
des éléments du cordon et de permettre le renforcement de toute la
zone de faiblesse par une large prothèse étalée dans l’espace prépéritonéal.
La laparoscopie trouve probablement ici sa meilleure
indication.
En cas de récidive après pose d’une prothèse par voie postérieure,
celle-ci correspond habituellement à un defect limité, dans une zone
laissée à découvert par la prothèse du fait d’un mauvais
positionnement.
La voie d’abord antérieure évite les difficultés d’une
nouvelle dissection de l’espace rétropéritonéal.
Le plug ou le procédé
de Lichtenstein permettent de fermer facilement le defect pariétal.
En pratique, il est malheureusement difficile de connaître le type de
la hernie avant l’intervention car l’examen clinique n’est pas assez
fiable.
L’âge, la taille de la hernie et les antécédents sont les meilleurs
indicateurs.
La hernie d’un adulte jeune et musclé a toutes les
chances d’être de type Nyhus I ou II et est abordée de préférence
par voie antérieure.
Chez le sujet âgé au contraire, il y a
pratiquement toujours une faiblesse de la paroi qui bénéficie au
mieux d’une prothèse.
En cas de hernie volumineuse, primaire ou
récidivée, il faut prévoir la nécessité de renforcer la paroi par une
prothèse dans tous les cas.