Chirurgie des anévrysmes artériels des membres
(Suite) Cours de Chirurgie
Anévrysmes des membres supérieurs
:
A - ANÉVRYSMES AXILLO-SOUS-CLAVIERS DÉGÉNÉRATIFS
:
Les anévrysmes axillo-sous-claviers sont rares, mais il est difficile
d’en connaître l’incidence exacte.
Les étiologies les plus fréquentes sont les traumatismes et
l’athérosclérose.
Les autres étiologies possibles sont les infections,
les artérites inflammatoires, les dysplasies fibromusculaires et les
anomalies congénitales.
Les traumatismes chroniques entraînent préférentiellement des
anévrysmes de l’artère sous-clavière distale.
Ils sont causés
habituellement par l’existence d’une côte cervicale ou par une bande
fibreuse retrouvée dans le cadre d’un syndrome du défilé thoracique.
Les anévrysmes de l’artère sous-clavière proximale et moyenne sont
dégénératifs.
Ils sont souvent associés à des anévrysmes aortiques
ou poplités et sont le plus souvent asymptomatiques.
Leur
expansion aiguë ou leur fissuration entraînent des douleurs
cervicales ou thoraciques.
Ces anévrysmes peuvent aussi entraîner
une ischémie aiguë ou chronique du membre supérieur par embolie
athéromateuse, des signes de compression du plexus brachial, une
dysphonie par compression du nerf laryngé récurrent droit, des
signes de compression trachéale, un accident vasculaire transitoire
ou définitif par embolie rétrograde dans les artères à destinée encéphalique.
L’examen clinique peut mettre en évidence une masse sus-claviculaire battante et expansive, un souffle sus-claviculaire, des
microembolies digitales, un déficit neurologique périphérique par
compression du plexus brachial, un syndrome de Claude
Bernard-Horner.
Le diagnostic peut être suspecté sur une radiographie pulmonaire
où l’on met en évidence un syndrome tumoral du médiastin
supérieur.
La tomodensitométrie et l’échodoppler permettent
d’établir le diagnostic qui est précisé par l’artériographie.
Celle-ci
est indispensable pour étudier le réseau artériel d’aval et les limites
de l’anévrysme par rapport à l’origine de l’artère vertébrale
homolatérale.
Les anévrysmes du tiers externe de l’artère sous-clavière englobent
souvent la jonction axillo-sous-clavière.
À la différence des
anévrysmes dégénératifs situés aux tiers interne et moyen de l’artère
sous-clavière, ces anévrysmes sont presque constamment associés à
la présence d’une côte cervicale et plus rarement à une anomalie de
la première côte.
Il existe dans ces cas une compression artérielle
avec une dilatation poststénotique conduisant au développement
d’un anévrysme sous-clavier ou axillo-sous-clavier.
Ces anévrysmes
sont plus fréquents à droite, mais peuvent être bilatéraux.
Ils sont
aussi plus fréquents chez la femme.
L’échodoppler met souvent en
évidence un thrombus intra-anévrysmal, source d’embolies au
niveau du membre supérieur.
Des embolies rétrogrades vertébrales
et carotidiennes ont aussi été décrites.
Le traitement des anévrysmes
sous-claviers dépend de leur localisation et de leur étiologie.
Actuellement, la plupart de ces anévrysmes sous-claviers sont traités
par chirurgie conventionnelle, mais la mise en place d’endoprothèses
couvertes a été décrite à ce niveau et peut représenter une
alternative intéressante, surtout en cas de faux anévrysme
traumatique où la zone à recouvrir par l’endoprothèse est
relativement courte.
1- Traitement chirurgical des anévrysmes sous-claviers
:
Les anévrysmes sous-claviers sont abordés le plus souvent par une
incision sus- et sous-claviculaire respectant la clavicule et
éventuellement prolongée dans le sillon deltopectoral.
Après
intubation trachéale, le malade est installé en décubitus dorsal.
La
tête est laissée en position indifférente.
L’incision est faite 2 à 3 cm
au-dessus de la clavicule.
Elle débute à 1 cm de la ligne médiane.
Le plan de clivage est situé à la surface du muscle sternocléido-
mastoïdien (SCM).
Le chef sternal du SCM n’est sectionné que
si l’anévrysme a une extension nécessitant le contrôle des premiers
centimètres de l’artère sous-clavière.
La graisse préscalénique est clivée en regard du muscle scalène antérieur.
Le nerf phrénique
est récliné avec précaution.
Le muscle scalène antérieur est sectionné
au ras de son insertion sur la première côte.
Les racines C5-C6 et C7
sont libérées.
Puis le muscle scalène moyen est sectionné. L’artère
sous-clavière est ainsi exposée sur tout son trajet.
Cet abord peut
être complété par un abord axillaire dans le sillon deltopectoral.
* Anévrysme sous-clavier et syndrome du défilé thoracobrachial
:
La première côte est ensuite disséquée en extrapériosté.
Le col de la
côte est sectionné après avoir récliné le plexus brachial.
S’il
existe une côte cervicale, elle est réséquée par cette voie avec le
muscle scalène moyen.
Une courte voie sous-claviculaire est
nécessaire en fonction de l’étendue de l’anévrysme pour réséquer
l’extrémité antérieure de la première côte.
* Cure de l’anévrysme
:
L’anévrysme est en général réséqué car il est souvent de
volume réduit, mais il existe toujours un risque de plaie nerveuse et
veineuse.
Si l’anévrysme est plus important, avec une sclérose périanévrysmale englobant le plexus brachial et la veine sousclavière,
on réalise de préférence une mise à plat de l’anévrysme.
* Restauration artérielle
:
La continuité artérielle est rétablie de préférence par un pontage en
veine grande saphène inversée.
Si la veine grande saphène n’a pas
un diamètre suffisant, un pontage prothétique peut être réalisé.
Si
l’artère vertébrale est intéressée par un anévrysme de la portion préou
rétroscalénique de l’artère sous-clavière, il est souhaitable de la
réimplanter dans l’artère carotide commune.
La réalisation d’une voie d’abord transclaviculaire partant du sillon
deltopectoral avec section de la clavicule à sa partie moyenne se
prolongeant en sus-claviculaire interne n’est pas indispensable
.
Elle peut cependant être réalisée en urgence dans certains cas
d’anévrysmes post-traumatiques ou d’anévrysmes sous-claviers
fissurés.
2- Cas particulier des anévrysmes de l’artère sousclavière
droite rétro-oesophagienne de l’adulte
:
Ils peuvent se manifester par une compression oesophagienne
responsable d’une dysphagie, un anévrysme développé sur un
diverticule de Kommerell pouvant comprimer l’oesophage et se
rompre.
Ces anévrysmes peuvent aussi être associés à
une coarctation, un anévrysme ou une dissection aortique.
Cela explique les problèmes de la voie d’abord et du rétablissement
de la continuité artérielle.
En cas d’anévrysme ou de volumineux
diverticule de Kommerell, on peut réaliser, dans les cas les plus
simples, une voie sus-claviculaire droite pour réimplanter l’artère
sous-clavière dans la carotide commune droite.
Puis, après avoir
changé la position du malade, on fait une thoracotomie postérolatérale gauche permettant le contrôle de l’aorte thoracique,
un clampage aortique latéral et une suture aortique de l’origine de
l’artère sous-clavière droite appuyée sur des feutres de Téflon.
Si la
base d’implantation aortique est trop large, il faut réaliser un clampage aortique total.
B - ANÉVRYSMES DU MEMBRE SUPÉRIEUR ET DE LA MAIN
:
Les anévrysmes dégénératifs de l’avant-bras et de la main sont rares.
La plupart de ces anévrysmes sont en relation avec un traumatisme
chronique.
Nous prendrons pour exemple les anévrysmes cubitaux
traumatiques qui peuvent se voir dans deux cadres différents :
l’anévrysme aigu traumatique par plaie ou choc direct de l’artère
cubitale et le syndrome du marteau hypothénar lié à des
microtraumatismes répétés.
1- Anévrysme post-traumatique aigu de l’artère cubitale
:
Les circonstances de survenue sont diverses (plaie ouverte, choc,
traumatisme du poignet), avec souvent un temps de latence entre le
traumatisme initial et le diagnostic.
Il existe une tuméfaction
douloureuse de l’éminence hypothénar et le diagnostic est confirmé
par l’échodoppler, puis l’artériographie.
Il s’agit en fait d’un
hématome dont l’organisation constitue un faux anévrysme.
La
gravité potentielle des complications emboliques à partir de ces
anévrysmes est en faveur de leur traitement chirurgical systématique.
Il est rarement possible de suturer directement la
brèche artérielle.
Il est souvent nécessaire de faire une résection de
l’anévrysme suivi d’une revascularisation par une greffe veineuse
ou par une autogreffe artérielle en adoptant les techniques
microchirurgicales.
La ligature artérielle n’est possible que si la
revascularisation est trop aléatoire et s’il existe une artère radiale
perméable avec une arcade palmaire complète.
2- Syndrome du marteau hypothénar
:
Il constitue une entité spécifique et peut entraîner des complications
graves avec des nécroses digitales.
Il s’agit le plus souvent d’un
travailleur manuel qui utilise la paume de la main comme un outil.
Ces impacts répétés entraînent des traumatismes de l’artère cubitale
au niveau de l’éminence hypothénar, juste après son passage sous le
crochet de l’os crochu où elle se divise pour donner l’arcade
palmaire superficielle.
Ces traumatismes entraînent une dysplasie
fibreuse de la paroi artérielle qui va évoluer vers la constitution d’un
anévrysme.
Cet anévrysme a un risque de thrombose in situ ou
d’embolies dans les artères digitales.
Le symptôme le plus fréquent
est un phénomène de Raynaud unilatéral et asymétrique
prédominant aux trois derniers doigts de la main dominante.
Une
gangrène digitale est révélatrice dans un tiers des cas.
L’échodoppler
et l’artériographie sont indispensables au diagnostic.
Le traitement dépend des lésions artérielles.
En cas de thrombose
cubitale, le traitement médical est logique car le mécanisme
embolique ne peut plus se produire et par conséquent de nouvelles
aggravations cliniques sont improbables.
Lorsque l’anévrysme est
perméable, il faut réaliser, si le réseau artériel d’aval est
satisfaisant, une résection-suture ou une revascularisation par une
greffe veineuse avec les techniques habituelles de la microchirurgie.
Étiologies plus rares
:
A - ANÉVRYSMES DES VASCULARITES
ET DE LA MALADIE DE BEHÇET :
Les vascularites constituent un groupe de maladies hétérogènes
définies par l’association d’une inflammation et d’une altération
structurale de la paroi vasculaire.
La survenue d’anévrysmes
artériels périphériques au cours des vascularites est connue.
Les critères de diagnostic internationaux de la maladie de Behçet
sont des ulcérations orales récurrentes plus de trois fois par an et
deux des manifestations suivantes : ulcérations génitales, lésions
oculaires, lésions cutanées, pathergy test positif.
L’atteinte artérielle s’exprime par des thromboses ou par des
anévrysmes diversement associés.
Les anévrysmes sont de mauvais
pronostic car ils exposent à la dissection et à la rupture.
Chez ces
malades, le risque iatrogène des ponctions artérielles directes est
connu.
Le traitement fait appel à des pontages utilisant moins
souvent une greffe veineuse qu’une prothèse, du fait de l’atteinte
veineuse fréquente au cours de la maladie de Behçet.
Ces malades
posent des problèmes complexes en raison de la fréquence
des thromboses postopératoires et des faux anévrysmes anastomotiques.
B - ANÉVRYSMES DE LA DYSPLASIE FIBROMUSCULAIRE
:
Les localisations au niveau des artères iliaques externes et des artères
des membres inférieurs sont rares et ont été rapportées chez des
sujets jeunes.
Il peut s’agir de dilatations interstructurales à l’origine
d’embolies périphériques au niveau des orteils ou de dissections.
Quelques rares cas d’anévrysmes de l’artère fémorale profonde ou
de l’artère poplitée ont été décrits.
Dans ces cas, il faut réaliser une résection-pontage ou une mise à plat-pontage, comme cela a été
précédemment décrit.
C - ANÉVRYSMES POST-STÉNOTIQUES DES MEMBRES
:
Ils sont le plus souvent consécutifs à une artère piégée aboutissant à
la formation d’un anévrysme post-sténotique.
Les deux localisations
préférentielles sont l’artère sous-clavière en cas de syndrome du
défilé thoracobrachial déjà vu et l’artère poplitée piégée avec
développement d’un anévrysme poplité post-sténotique ou dû à
l’atteinte directe de la paroi artérielle par des microtraumatismes
répétés.
Ces anévrysmes s’accompagnent des complications
thromboemboliques classiques avec dégradation du lit d’aval.
Il faut
réséquer le piège anatomique et traiter l’anévrysme comme
précédemment.
D - ANÉVRYSMES DE L’ARTÈRE SCIATIQUE PERSISTANTE
:
Les anévrysmes de l’artère sciatique persistante sont rares.
L’existence d’une artère sciatique persistante est due à la persistance
du système artériel embryonnaire avec une artère sciatique
persistante complète ou incomplète associée à un système fémoral
hypoplasique ou normal.
L’anévrysme est la
complication la plus fréquente des artères sciatiques persistantes.
Le
siège des anévrysmes de l’artère sciatique persistante est presque
toujours situé entre le grand trochanter et le muscle grand fessier.
Le diagnostic clinique est souvent évoqué devant une tuméfaction
battante de la fesse.
Le traitement isolé de l’artère sciatique
persistante est souvent suffisant.
Il peut être réalisé par embolisation
ou par ligature en utilisant une voie postérieure transfessière afin de
contrôler l’artère sciatique persistante dans le canal sous-pyramidal.
Cette voie comporte un risque de blessure du nerf sciatique.
On peut
aussi réaliser une ligature en amont par une voie rétropéritonéale
en contrôlant l’origine de l’artère iliaque interne.
La revascularisation est souvent nécessaire.
Elle est le plus souvent
réalisée par un pontage entre l’artère fémorale et l’artère poplitée.