Champ visuel neurologique : méthodes d'examen - séméiologie
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
L’imagerie moderne neuroradiologique a fait perdre à la séméiologie fine du
champ visuel une partie de son intérêt pour la localisation précise des lésions
de la voie optique.
Malgré tout, l’analyse du champ visuel conserve une
importance capitale non seulement pour le diagnostic clinique des affections neuro-ophtalmologiques, mais elle fournit bien souvent aussi des arguments
pronostiques sinon une aide pour guider la thérapeutique.
La valeur diagnostique du relevé périmétrique repose sur le principe de
l’organisation des voies visuelles qui sera simplement rappelé, comme le
seront les techniques d’examens du champ visuel disponibles, avec leurs
avantages et inconvénients en pathologie neuro-ophtalmologique ; enfin, la
séméiologie propre au niveau d’atteinte de la voie optique sera détaillée.
Rappel de la systématisation de la voie
optique sensorielle (VOS) :
L’application dans le raisonnement des sept règles qui régissent la
systématisation de la VOS permet schématiquement d’associer à chaque
niveau un déficit caractéristique du champ visuel.
La symétrie : les parties droite et gauche de la VOS sont symétriques par
rapport au plan médian.
La fasciculation : un certain nombre de faisceaux se retrouvent tout au long
de la VOS, ce qui permet de distinguer des faisceaux maculaires, des
faisceaux périphériques moyens et le faisceau de la demi-lune.
L’organisation
avec le passage à partir de la décussation chiasmatique d’une organisation
monoculaire à un nerf hémiopique par conjugaison et non fusion des faisceaux dans le tractus optique : ce qui est à l’origine de l’incongruence des
déficits périmétriques que l’on peut retrouver tout au long de la VOS.
L’autonomie quadrantale : les fibres des quadrants homonymes inférieurs et
supérieurs restent groupées.
La torsion de la partie moyenne de la VOS, par inclinaison à 45°du tractus
optique, qui aboutit au fait que la partie supérieure de la VOS tend à devenir
interne et la partie inférieure à devenir externe.
La triple homologie : les différents faisceaux conservent leur position tout au
long de la VOS :
– altitudinale : les faisceaux supérieurs et inférieurs s’insinuent entre les
faisceaux maculaires ;
– concentrique : les faisceaux périphériques recouvrent les faisceaux moyens
qui à leur tour entourent les faisceaux maculaires : c’est une disposition en
« bulbe d’oignon » ;
– radiaire : les différents secteurs de la rétine, à sommet maculaire, se
retrouvent tout au long de la VOS.
Ce qui est à l’origine des déficits sectoriels
que jouxtent la ligne médiane ou qui chevauchent le méridien horizontal que
l’on rencontre notamment au niveau des radiations optiques (RO) antérieures.
La rétinotopie : le décalque de la rétine hémiopique au niveau des relais de la
VOS (corps genouillé latéral [CGL] et cortex occipital) conséquence de la
triple homologie, ce qui permet de parler de « rétine géniculée » et de « rétine
corticale ».
Techniques d’examen du champ visuel
en neuro-ophtalmologie :
La richesse comme la qualité des renseignements fournis par l’examen
périmétrique en neuro-ophtalmologie sont étroitement subordonnées aux
modes d’exploration utilisés et à la coopération du patient.
Même avec les
appareils les plus sophistiqués, la réponse reste toujours subjective.
Il faut
donc savoir adapter son examen à la fois au type de déficit recherché et à sa
faisabilité par le malade.
Schématiquement, l’examen peut être réalisé à l’aide
d’une exploration de dépistage ou à l’aide de périmètres.
A - Exploration de dépistage :
Elle offre l’avantage de sa simplicité, de sa rapidité comme test de dépistage.
1- Technique de confrontation :
* Confrontation oeil par oeil
:
L’examinateur compare le champ visuel du patient avec son propre champ
visuel, dans un face-à-face de 1 menviron, où le malade tourne de préférence
le dos à la lumière.
L’examen est réalisé en monoculaire ; si l’oeil droit du patient reste ouvert,
l’autre est masqué par la paume de la main, et l’observateur ferme son oeil
droit ; oeil gauche de l’observateur et oeil droit du malade se fixant
mutuellement, confrontent leur champ visuel.
Celui-ci déterminé à midistance
entre les deux (environ 50 cm) doit être commun et avoir les mêmes
limites.
L’observateur agite les doigts d’une main et progressivement dessine
les contours du champ visuel à la limite de son propre champ.
Ce test de
confrontation a suggéré de nombreuses variantes.
* Méthode de confrontation binoculaire (test d’Oppenheim) :
Elle utilise le même principe, mais les deux yeux de l’observateur et du patient
sont ouverts alors que le premier teste les deux hémichamps homonymes en
agitant les doigts de ses mains.
Test de Kestenbaum
Il consiste à explorer le champ visuel dans le plan du visage du patient : ses
limites périphériques correspondent assez précisément à celles de l’orbite.
* Test du décompte des doigts (Welsh, 1961)
:
Chaque oeil est testé séparément.
Le patient fixe la face (l’oeil ou le nez de
l’examinateur) et doit dire le nombre de doigts qui lui sont présentés dans son
champ visuel périphérique ; chaque quadrant est testé à 45° de l’axe de
fixation à environ 50 cm du sujet ; un, deux, quatre doigts ou toute la main
peuvent ainsi être utilisés.
Il faut éviter d’employer trois doigts, chiffre trop
difficile à différencier de deux ou quatre.
En cas de troubles de la fixation, il
peut être utile de lever les deux poings à la fois, de façon à ce que le sujet ne
sache pas quelle main va être utilisée, d’ouvrir alors une main pour découvrir
un, deux ou quatre doigts d’une main ou de l’autre, puis de refermer cette main
avant que le patient ne tourne son regard vers le stimulus (voir plus loin, le
phénomène d’extinction visuelle).
* Test du décompte des doigts avec évaluation quantitative du déficit
:
Si les doigts ne peuvent être comptés dans un quadrant donné à 45° de l’axe
de fixation, ceux-ci sont rapprochés le long de cet axe jusqu’à ce qu’ils
puissent être comptés.
La proximité nécessaire pour obtenir une réponse
chiffrée est comparée dans les quatre quadrants.
Dans les secteurs du champ
visuel où les doigts ne peuvent être comptés, il faut savoir si le patient peut
distinguer si les doigts sont immobiles ou agités ; enfin, s’il ne peut le faire,
établir la distinction entre une perception lumineuse présente ou absente.
Une
représentation graphique du résultat obtenu est proposée par Anderson.
Ces techniques de dépistage sont très utiles en routine, en raison de la rapidité
du test, mais plus particulièrement pour :
– le dépistage d’un déficit étendu et profond ; par conséquent en cas de déficit
plutôt postérieur, par exemple pour le diagnostic d’une hémianopsie, chez un
sujet alité, peu coopérant, à l’intellect affaibli ou handicapé par des troubles
moteurs, c’est la seule méthode utilisable ;
– le diagnostic d’une négligence visuelle spatiale associée à une hémianopsie
incomplète.
L’information fournie est certes qualitative, assez grossière mais sa valeur
prédictive est grande, puisque les déficits dépistés par confrontation sont
réellement confirmés dans plus de 70 % des cas en périmétrie statique ou
cinétique, d’après Johnson et Baloh.
En somme, si le champ visuel par confrontation est normal, mais qu’un doute
demeure, ou pathologique, il faut le confirmer par des méthodes
instrumentales de mesure du seuil, car cette méthode de confrontation sousestime
souvent les tailles des déficits et explore mal les déficits localisés.
2- Technique par comparaison :
Contrairement aux procédés déjà envisagés, où le sujet est interrogé sur sa
capacité de perception ou de non-perception d’un stimulus, la méthode de
comparaison pose la question de comparer deux stimuli entre eux et de dire
s’ils sont identiques.
Le sujet doit comparer la couleur d’un objet (en général
le capuchon rouge des flacons de collyre mydriatique) qui s’approche ou
s’éloigne du point de fixation, ou de chaque côté d’un méridien principal.
La
perception d’une désaturation de la couleur de la cible témoigne d’une atteinte
des fibres centrales de la voie optique antérieure, car nerf optique et chiasma
peuvent être considérés comme des structures maculaires au plan fonctionnel
pour Glaser (90 % des fibres des voies optiques antérieures proviennent des
cellules ganglionnaires associées aux cônes centraux).
3- Grille d’Amsler :
Elle explore les 10° centraux.
C’est un test qualitatif pour détecter des
scotomes centraux et paracentraux aussi bien que les métamorphopsies.
C’est
un test rapide, en complément de la périmétrie de Goldmann qui explore mal
les 2° centraux.
Il peut être utile pour confirmer une épargne maculaire en cas
d’hémianopsie.
Les programmes centraux de périmétrie automatisée sont les
tests les plus précis.
B - Exploration aux périmètres :
1- Périmétrie cinétique manuelle à l’appareil de Goldmann
:
Elle permet de déterminer des points de même sensibilité différentielle réunis
sur un isoptère.
En faisant varier la taille et la luminance du stimulus, trois
isoptères sont en général enregistrés, pour localiser à quelle hauteur sur l’îlot
de vision peut se trouver un déficit.
Cette stratégie permet un contrôle rapide
de grandes étendues du champ visuel ; elle est donc très utile pour détecter
des déficits étendus comme les hémianopsies, ce qui n’est pas le cas de la périmétrie statique automatisée.
2- Périmétrie statique automatisée
:
Elle permet de déterminer le seuil, c’est-à-dire la profondeur du déficit en des
points rétiniens répartis sur une grille.
Leur espacement est variable selon le
programme utilisé, avec une taille constante et une luminance variable du stimulus.
Cette stratégie, pour des raisons techniques, est plus facile à
automatiser, avec en corollaire l’avantage de permettre un examen moins
dépendant de l’expérience de l’examinateur, tout en quantifiant les déficits.
Cette quantification peut être complète par une mesure intégrale (liminaire)
du seuil, ou semi-quantitative par une mesure supraliminaire de la sensibilité
rétinienne.
En fait, il n’existe pas de programme adapté à toutes les situations neuro-ophtalmologiques.
Le programme de stratégie quantitative avec une
mesure intégrale de la sensibilité rétinienne (par la technique des marches
d’escalier) apporte certes plus d’informations, mais au prix d’un temps
d’examen prolongé (de l’ordre de 12 à 15 minutes) ; il impose de limiter,
même chez un sujet sain, l’exploration aux 30° centraux (programme 24-2 ;
30-2 du Humphrey, 32 Octopus).
En neuro-ophtalmologie cette restriction à
l’exploration des 30° centraux, nécessaire pour des raisons de facilité, peut se
justifier en acceptant le fait qu’une atteinte significative de la périphérie est
peu fréquente sans une atteinte simultanée détectable dans les 30°
centraux.
Ces derniers fournissent des informations qui couvrent 85 % de
la surface du cortex strié d’après la cartographie cérébrale du champ visuel
établie par Horton et Hoyt.
Mais, à l’inverse, en cas d’atteinte centrale
révélée par ces programmes, l’exploration du champ visuel périphérique ne
peut être ignorée, pour mieux caractériser le déficit.
C’est pourquoi, une
stratégie semi-quantitative, de mesure supraliminaire de l’ensemble du
champ visuel, avec un gain de temps, constitue une alternative intéressante
en matière de dépistage.
Des programmes combinés avec stratégie
liminaire centrale et supraliminaire au-delà de 30° sont aussi utilisables avec
Humphrey ou Octopus.
Avec cet appareil, le programme N1 a spécialement
été conçu pour l’examen neuro-ophtalmologique.
L’une de ses particularités
concerne l’échelle des gris qui est quantifiée en pourcentage de la différence
par rapport à la norme selon une échelle logarithmique, avec une analyse
d’interpolation en quatre secteurs séparés par les méridiens vertical et
horizontal.
Il en résulte une lecture plus facile des déficits neuroophtalmologiques
à caractère systématisé, en minimisant les artefacts
d’interpolation.
C’est en effet, un des reproches possibles à faire à l’échelle
de gris classique des programmes standards de périmétrie automatisée, où
déjà une inhomogénéité physiologique chez le sujet normal, peut contribuer à
masquer un scotome discret, ou ses limites, comme un ressaut vertical.
Quel que soit le programme choisi, il est essentiel en neuroophtalmologie
de choisir une grille de points à cheval sur les méridiens
horizontaux et verticaux pour mieux individualiser les ressauts horizontaux
et verticaux qui sont une des clefs du diagnostic différentiel entre pathologie
préchiasmatique ou plus postérieure des voies optiques.
De façon générale,
en cas de lésion du nerf optique ou du chiasma, qui se traduisent par des
déficits aux scotomes relatifs prédominants, souvent variables dans le temps
et donc pour lesquels un suivi d’évolution est important, la préférence doit
être accordée à un programme quantitatif (type 30-2 du Humphrey).
À
l’inverse, les atteintes rétrogéniculées se caractérisent pas des déficits absolus
et étendus.
Un examen semi-quantitatif (type 07 Octopus) donne les
informations utiles suffisantes en règle générale.
Cette option se justifie
d’autant plus que l’examen s’adresse souvent à des patients à la coopération
limitée par des altérations psychiques, motrices, et qui se fatiguent vite.
3- Périmétrie à haute résolution spatiale
ou «ring perimetry» de Frisen :
Elle n’explore, elle aussi, que les 30° centraux.
Le stimulus en forme d’anneau
(d’où le qualificatif de ring perimetry) est à contraste constant, mais de taille
variable.
Le seuil est fourni par la valeur angulaire perçue du test.
Il ne
correspond donc plus à une sensibilité différentielle spatiale mais à une
résolution spatiale (d’où le terme de high pass resolution perimetry).
Elle a
l’avantage de raccourcir le temps d’examen sans perdre de spécificité ou de
sensibilité par rapport aux méthodes de périmétrie conventionnelle ; mais elle
est moins précise pour la définition des limites des déficits du champ
visuel, comme de la mesure de la profondeur des scotomes localisés.
Elle
est inadaptée à l’étude des voies optiques rétrochiasmatiques.
4-
Périmétrie statique automatisée bleu-jaune ou périmétrie
aux courtes longueurs d’onde
:
La périmétrie conventionnelle opère avec un stimulus blanc sur un fond blanc.
Ici, le fond jaune de la coupole sature les cônes sensibles aux longueurs
d’onde moyennes et longues ainsi que les bâtonnets.
Le stimulus bleu
(440 nm) permet de tester sélectivement les cônes bleus et donc les cellules
ganglionnaires de grande taille de la voie parvocellulaire.
Cette stratégie
élaborée pour le dépistage précoce des déficits glaucomateux interroge la
rétine péricentrale.
Elle a donc un intérêt limité, en cours d’évaluation pour
l’exploration du nerf optique en neuro-ophtalmologie.
Sémiologie du champ visuel
:
A - Lésions préchiasmatiques :
1-
Caractéristiques du déficit neurologique préchiasmatique :
Les atteintes du champ visuel par atteinte du nerf optique se caractérisent par
leur grand polymorphisme.
Mais leur unilatéralité est la marque de la
localisation préchiasmatique de l’atteinte de la voie optique.
La forte représentation maculaire du contingent de fibres nerveuses qui
constituent le nerf optique explique que l’atteinte du faisceau
papillomaculaire matérialisé par un scotome centrocæcal soit représenté
comme le déficit type de la neuropathie optique.
Pour les mêmes raisons, la
perte d’acuité visuelle centrale associée est présentée comme un trait
caractéristique de la neuropathie optique.
En fait, en pratique, l’organisation fasciculaire tout au long du nerf optique
imprime aux déficits toute une variété morphologique de scotomes qui
épargnent le plus souvent le faisceau papillomaculaire et donc l’acuité
visuelle centrale.
Ces déficits dits fasciculaires se distinguent par leur aspect
en éventail, à sommet tourné vers la tache aveugle, sans respect du méridien
vertical.
Mais l’atteinte du nerf optique est rarement confiné à un faisceau bien
délimité, alors que le reste est épargné.
Aussi, la plupart des neuropathies
optiques produisent-elles une dépression généralisée avec des déficits
systématisés superposés.
Toute la difficulté est de les faire ressortir d’une
dépression diffuse.
Les déficits étendus du champ visuel, qui emportent la périphérie peuvent
parfois simuler des sectoranopies, voire des hémianopsies :
– l’absence de respect du méridien vertical ;
– l’apex du déficit tourné vers la tache aveugle et non vers le point de
fixation ;
– l’asymétrie des déficits en cas d’atteinte bilatérale du nerf optique, sont
autant de caractères séméiologiques qui opposent point par point les déficits préchiasmatiques à ceux dont l’origine est plus en arrière sur la voie optique.
Inversement, les déficits surtout au stade initial ou séquellaire des
neuropathies sont fragmentaires isolés.
Ils perdent leur caractère systématisé
qui pouvait constituer un indice de localisation.
En outre, la grande variabilité des relevés périmétriques liés aux fluctuations
dans le temps, à la fatigabilité du malade peuvent gêner l’interprétation du
champ visuel.
C’est là où l’enquête soigneuse sur le mode d’installation de la
perte de vision et la recherche de signes associés constituent des pièces
maîtresses pour confirmer l’origine neurologique du déficit préchiasmatique.
2- Différents types de déficits neurologiques préchiasmatiques :
Les déficits du champ visuel provoqués par une atteinte du nerf optique se
répartissent en déficits :
– fasciculaires : ils sont considérés comme le propre de la pathologie du nerf
optique.
En effet, l’organisation fasciculaire du nerf optique offre l’intérêt en périmétrie de permettre un certain degré de localisation topographique.
Celle-ci est importante parce que, à l’exception de la papille, le nerf optique
n’est pas accessible à l’examen ophtalmoscopique, alors que des affections rétrobulbaires, avant le stade d’atrophie optique s’accompagnent en
conséquence d’une papille normale au fond de l’oeil ;
– non fasciculaires : ils ont une moindre valeur de localisation.
Ces types de déficit sont souvent associés.
* Déficits fasciculaires :
Ils se caractérisent par une perte du champ visuel dont un bord au moins
épouse le trajet des fibres nerveuses rétiniennes, témoin d’un neuroscotome.
Ils témoignent le plus souvent d’une lésion de la tête du nerf optique, sans être
pathognomonique, puisqu’en fait toute lésion responsable d’un trouble de la
conduction dans les fibres nerveuses produira un déficit fasciculaire en amont
de la lésion.
Ainsi, les occlusions vasculaires rétiniennes produisent
typiquement des déficits fasciculaires, puisque les principaux vaisseaux
rétiniens suivent le même trajet que les faisceaux des fibres nerveuses.
À la
phase aiguë, l’histoire clinique et l’aspect du fond de l’oeil sont alors des
éléments clefs du diagnostic étiologique.
En raison de la distribution divergente des fibres nerveuses à partir de la
papille, le déficit neurorétinien aura sa largeur minimale près de la lésion, et
sa largeur maximale en périphérie. D’où, typiquement, un aspect en
« éventail » dont le sommet est en continuité ou tourné vers la tache aveugle.
Quand le déficit est absolu et atteint l’isoptère le plus périphérique, cette
irruption définit une amputation du champ visuel.
La diversité extrême, tant morphologique que topographique de ces déficits
fasciculaires, se traduit par une nomenclature étoffée où se retrouvent :
Les déficits arciformes supérieurs et/ou inférieurs : ils témoignent d’une
atteinte des faisceaux arqués temporaux.
Ils sont typiquement associés à une
maladie de la tête du nerf optique dont la plus typique est le glaucome ; pour
cette raison, ce type de scotome est qualifié de scotome de l’aire de Bjerrum
alors que les causes non glaucomateuses sont multiples (névrite, drusen,
atrophie optique poststase, etc).
Le ressaut nasal concerne une variété de déficit fasciculaire liée à l’atteinte de
l’extrémité des fibres temporales d’une hémirétine.
Il se manifeste par la limite
nette d’un bord du déficit le long du méridien horizontal nasal qui n’est pas
traversé en raison de l’existence du raphé physiologique horizontal.
Il débute en
temporal de la macula et sépare les fibres des hémirétines temporales supérieures
et inférieures (rappelons l’absence de raphé horizontal pour les fibres de
l’hémirétine nasale).
De surcroît, plus la terminaison de ces fibres est éloignée de
la macula, plus leur trajet prend une orientation linéaire.
Cette disposition explique
que l’angle de raccordement entre la limite brutale du bord du scotome aligné sur
le méridien horizontal et l’autre bord soit différent selon que le déficit est central
ou périphérique.
L’angle aigu en périphérie confère au scotome un aspect
cunéiforme, alors que dans les 30° centraux, cet angle devient de plus en plus
obtus en se rapprochant du point de fixation.
Le scotome centrocæcal signe l’interruption de la conduction nerveuse dans
le faisceau papillomaculaire et peut donc relever soit d’une atteinte maculaire,
soit du nerf optique.
Comme les fibres qui desservent la macula occupent une
position centrale dans le nerf optique, ce type de neuropathie est souvent
qualifié d’axial.
Le déficit peut être uniquement central ou même
fragmentaire, paracentral, peu profond et alors mieux détecté en périmétrie
statique automatisée comme dans les neuropathies optiques liées à la sclérose
en plaques.
Les déficits en coin, quadrantiques et altitudinaux sont des déficits
fasciculaires plus étendus.
Le scotome hémianopsique temporal est une variété rare d’atteinte du nerf
optique, à sa terminaison, par atteinte des fibres nasales juste avant leur
décussation dans le chiasma à la faveur d’un processus expansif sellaire ou
parasellaire.
* Déficits non fasciculaires
:
Ils sont de trois types.
+ Dépression généralisée de tous les isoptères ou dépression diffuse
:
Ils se manifestent par un rétrécissement concentrique des isoptères centraux
ou de tous les isoptères en périmétrie cinétique, et par une dépression diffuse
en périmétrie statique automatisée caractérisée par un abaissement de MD
(mean defect) alors que la forme de l’îlot de vision est préservée (PSD
[pattern standard deviation] ou LV [loss variance] normaux).
Ce type de
déficit n’a pas de valeur localisatrice précise : il peut relever aussi bien d’un
déficit prérétinien, d’une dégénérescence rétinienne, d’une neuropathie
optique diffuse, que de troubles psychogéniques ou simplement d’une
fatigabilité excessive du patient.
La dépression diffuse peut en outre masquer un scotome plus profond, mais
localisé de type fasciculaire ou non, gêner l’identification de l’alignement
d’un déficit le long d’un méridien horizontal ou vertical.
C’est tout l’intérêt
de la périmétrie statique automatisée, notamment avec les cartes de déviation
totale ou individuelle (sur Humphrey) qui permettent de mieux isoler des
scotomes localisés au sein d’une dépression diffuse pour en analyser la forme,
la profondeur et la topographie.
+ Amputation :
Le caractère absolu du déficit qui emporte la périphérie du champ visuel n’a
pas non plus de valeur localisatrice ; elle témoigne plutôt de la sévérité de la
neuropathie, et de l’atteinte des faisceaux périphériques.
+
Élargissement de la tache aveugle :
Un élargissement de la tache aveugle normale n’est pas toujours facile à
vérifier.
En effet, la tache aveugle se présente comme un scotome absolu qui
correspond à l’ouverture du disque optique dans la rétine.
Mais les
dimensions de la tache aveugle varient considérablement d’un sujet à l’autre
puisque la taille normale de la papille peut varier au moins du simple au
double.
En revanche, la position de la tache aveugle en nasal du point de
fixation, avec les deux tiers de sa surface au-dessous du méridien horizontal,
est à peu près fixée par les relations anatomiques de la papille par rapport à la
macula qui sont inversées sur le tracé du champ visuel.
En admettant que 1 mm de diamètre sur la rétine correspond à environ 5° de
champ visuel, il est possible d’en déduire certaines corrélations anatomofonctionnelles quantitatives concernant la papille.
À un diamètre papillaire :
– horizontal de 1,1 mm correspond un scotome de 5,5° ;
– vertical de 1,5 mm correspond un scotome de 7,5° ;
– situé à 3 mm en nasal de la macula soit 15° du point de fixation ;
– situé à 0,3 mm au-dessous du méridien horizontal soit 1,5°.
La tache aveugle est souvent décrite comme entourée d’une dépression peu
profonde, de faible largeur, difficile à expliquer.
Ce scotome péricæcal relatif
est peut-être la conséquence de microsaccades de fixation, de nature
amétropique, ou plus vraisemblablement d’angioscotomes occasionnés
par la traversée des principaux vaisseaux rétiniens aux pôles supérieur et
inférieur de la papille.
En tout cas, sa présence ne facilite certainement pas la
reconnaissance d’un élargissement de la tache aveugle.
C’est pourquoi, une
cartographie précise de la tache aveugle physiologique offre peu d’intérêt.
+ L’élargissement pathologique de la tache aveugle : le même raisonnement
que pour la tache aveugle physiologique s’applique ici, car l’ophtalmoscopie
est en général plus efficace pour détecter les anomalies de la papille ou à son
voisinage immédiat qui peuvent se traduire par ce signe périmétrique.
Au
premier rang figure l’oedème papillaire par hypertension intracrânienne
(HTIC), mais également toutes les affections localisées en bordure ou en
surface de la papille comme les anomalies congénitales (conus inférieur,
dysversion, fossette colobomateuse, plis choroïdiens, drusen papillaires,
maladie de Leber au stade précoce, amétropie, etc).
Toutefois, l’élargissement de la tache aveugle par HTIC se distingue par le
caractère à pentes douces du scotome péricæcal avec classiquement une
dysharmonie photométrique.
Les raisons invoquées pour expliquer cette
séméiologie particulière font intervenir le déplacement de la rétine
neurosensorielle, et un effet Stiles-Crawford.
Cependant, une cause purement
mécanique liée au refoulement de la rétine par l’oedème devrait se traduire
par un scotome absolu et non relatif.
En revanche, un scotome de réfraction
par hypermétropie péripapillaire constitue une explication valable avancée
par Corbett et al.
En effet, l’élargissement de la tache aveugle par oedème
de stase se réduit en relevant ses limites après avoir interposé des sphères
positives.
* Signes associés au déficit du nerf optique
:
+ Perte d’acuité visuelle :
La perte d’acuité visuelle centrale monoculaire par atteinte du faisceau papillomaculaire fait partie du tableau clinique classique de neuropathie
optique.
En fait, c’est elle qui motive la consultation le plus souvent et fait
découvrir un scotome centrocæcal évocateur.
Mais le respect de la vision
centrale par l’atteinte trop fragmentaire, ou en dehors du faisceau papillomaculaire est probablement plus fréquente.
Méconnue du patient, la
neuropathie est de découverte fortuite ou par un examen systématique du
champ visuel motivé pour d’autres troubles neurologiques.
En somme, la baisse d’acuité visuelle n’est pas en soi un signe de valeur pour
détecter une neuropathie optique
+ Diminution de la sensibilité aux contrastes :
Elle affecte préférentiellement les moyennes fréquences spatiales.
Elle oriente
vers un déficit des fibres centrales, sans valeur de localisation.
+ Vision des couleurs :
Elle est de même altérée, classiquement selon un axe rouge-vert, si les dégâts
causés au faisceau papillomaculaire sont suffisamment importants.
+ Déficit pupillaire afférent relatif :
Il plaide fortement en faveur d’une atteinte unilatérale de la voie optique
antérieure, en l’absence de pathologie sévère soit de la rétine, soit du segment
antérieur.
Ce signe est qualifié de relatif, car il s’apprécie par comparaison
avec le réflexe photomoteur direct du côté opposé, supposé sain.
Il peut donc
être pris en défaut lorsque la neuropathie optique est bilatérale.
+ Examen du fond de l’oeil :
La présence d’une décoloration de la papille associée à un déficit périmétrique
apporte la preuve de l’atrophie optique par lésion de la voie
rétinodiencéphalique.
En fonction de la sévérité, du stade évolutif de la neuropathie, ces différents
signes peuvent manquer.
Ainsi en cas d’atteinte fruste, ou au stade de
séquelles minimes, il peut être difficile d’attribuer l’origine d’un scotome
central à une neuropathie ou à une maculopathie.
Parmi les tests explorant la
fonction visuelle, le déficit pupillaire afférent en premier lieu, suivi des
latences allongées des potentiels évoqués visuels (PEV), orientent plutôt vers
une neuropathie.
À l’inverse, un temps de récupération allongé après
éblouissement (photostress maculaire) met plutôt en cause la macula.
* Approche topographique lésionnelle en fonction
du type de déficit périmétrique :
Le type de déficit périmétrique ne permet pas à lui seul de préciser le siège de
la lésion sur le nerf optique.
Tout au plus, certains aspects orientent-ils plus
vers la tête du nerf optique - comme les déficits fasciculaires - que vers le nerf
optique rétrobulbaire ou intracrânien.
En réalité, c’est la confrontation avec l’aspect de la papille en ophtalmoscopie
qui permet empiriquement déjà une première approximation, complétée par
l’histoire clinique.
Ainsi, des anomalies de forme, de surface de la papille
(oedème, drusen, dysversion, fossettes, colobome, etc) fournissent des
indications objectives qui permettent de localiser le siège du processus
pathologique et de le rapporter au tableau périmétrique.
Mais, au stade d’atrophie optique, seul le cas particulier de l’excavation
spécifique du glaucome apporte un élément certain concernant le siège
papillaire de la neuropathie.
* Approche étiologique en fonction du type de déficit périmétrique :
Le diagnostic de neuropathie optique une fois porté, les caractères
séméiologiques du déficit du champ visuel peuvent fournir un élément
d’orientation sur la pathogénie en cause à invoquer et à explorer en priorité :
une neuropathie optique (NO) inflammatoire est en général associée à un
scotome centrocæcal ou paracentral.
Les neuropathies toxiques ou héréditaires évoluent vers le scotome centrocæcal bilatéral.
Les affections de la tête du nerf optique se traduisent
souvent pas un déficit fasciculaire.
Dans le cas d’une neuropathie optique
ischémique antérieure et aiguë, le déficit altitudinal ou en quadrant, à pentes
raides est caractéristique.
Certaines neuropathies, en raison de leur bilatéralisation fréquente, voire
constante d’emblée ou en deux temps, se traduisent par des anomalies
bilatérales du champ visuel.
En conclusion : l’étude du champ visuel constitue un élément capital du
diagnostic de NO.
L’analyse séméiologique des déficits rencontrés contribue
dans une certaine mesure à l’approche topographique, et même étiologique
de la neuropathie, mais sans jamais à elle seule être capable de fournir de
certitude.
L’interprétation du relevé périmétrique ne peut se faire sans
confrontation avec le contexte clinique.
B - Lésions chiasmatiques
:
1- Caractéristiques du déficit chiasmatique
:
L’hémianopsie bitemporale, c’est-à-dire la perte de la vision dans les deux
moitiés externes des champs, est le déficit périmétrique caractéristique du
syndrome chiasmatique : elle est la traduction de l’atteinte des faisceaux
croisés.
Actuellement la décussation des différents faisceaux issus des secteurs
rétiniens est remise en question : c’est ainsi que l’on retrouve, à côté des
décussations des faisceaux maculaires décrites classiquement, des fibres
maculaires un peu partout dans tout le chiasma.
Pour certains auteurs, le genou de Wilbrandt n’aurait pas de réalité
anatomique : expérimentation chez le singe énucléé (Horton, 1996).
Ces
conclusions sont infirmées par la clinique humaine : on constate en effet dans
les suites opératoires d’une section du nerf optique, pour cure de gliome, la
survenue d’un déficit du champ visuel controlatéral.
Le genou postérieur du chiasma est plus étalé et moins bien systématisé ;
certains auteurs vont jusqu’à l’exclure de la représentation du schéma des
VOS.
Les atteintes campimétriques d’origine chiasmatique sont caractérisées par
un grand polymorphisme : l’asymétrie et l’incongruence en sont les éléments
essentiels.
Souvent l’hémianopsie est une découverte fortuite au cours d’un examen
systématique ; les formes discrètes n’entraînant aucune gène fonctionnelle
passent souvent inaperçues.
Si le nerf optique est impliqué dans une lésion
évoluée, la baisse visuelle sera le signe d’appel.
La « classique hémianopsie bitemporale » domine donc non par sa fréquence
mais par son caractère quasi pathognomonique qui signe la localisation
chiasmatique de la lésion : c’est pratiquement devenu « un aspect
historique ».
Contrairement au scotome central isolé évocateur d’une neuropathie optique,
le scotome central d’origine chiasmatique s’accompagne presque toujours
d’un déficit périphérique qui diffuse dans le quadrant temporal inférieur en
respectant une bande de vision périphérique : il est à disposition quadrantique
ce qui le distingue du scotome central de la neuropathie optique qui est à
disposition centrocæcale.
Les déficits altitudinaux sont rares, plus souvent inférieurs que supérieurs.
Leur limite horizontale est irrégulière, ce qui les opposent aux déficits
altitudinaux d’origine occipitale.
Les déficits binasaux par compression des
angles externes du chiasma sont également très rares et souvent incomplets.
Il faut penser à une pathologie chiasmatique devant un déficit unilatéral du
champ visuel s’accompagnant d’une cécité de l’oeil controlatéral.
Par ailleurs, il y a nécessité d’explorer le champ visuel non seulement à la
coupole de Goldmann mais également en périmétrie statique supraliminaire.
Ces deux modes d’exploration sont nécessaires non seulement à la
détermination du siège de la lésion causale mais aussi à la surveillance du
processus évolutif.
2- Différents types de déficit chiasmatique :
Les déficits périmétriques d’origine chiasmatique sont globalement de deux
types : non scotomateux et scotomateux.
Les déficits non scotomateux comportent une amputation périphérique,
partielle ou totale, relative ou absolue de l’hémichamp temporal de chaque
oeil.
Le déficit périmétrique peut se présenter sous différents aspects :
– les encoches bitemporales sectorielles, entraînant une indentation plus ou
moins profonde du champ visuel ;
– les quadranopsies bitemporales, supérieures, inférieures ou croisées
(déficit quadrantique supérieur sur un oeil associé à un déficit quadrantique
inférieur sur l’oeil adelphe) ;
– les hémianopsies bitemporales totales atteignant le méridien vertical, avec
partage ou épargne maculaire.
L’évolution d’un processus expansif chiasmatique peut voir se succéder ces
différents aspects.
Les atteintes du champ visuel peuvent être symétriques ou asymétriques.
Les déficits scotomateux sont ceux que l’on rencontre le plus souvent dans
cette localisation. Ils se présentent sous différents aspects :
– les hémiscotomes centraux dans la partie temporale de l’espace maculaire,
ne dépassant pas les 10° centraux. Ils sont quadrantiques ou hémianopsiques ;
– les hémiscotomes paracentraux, en arceaux, situés dans le secteur
temporal, proche du point de fixation ;
– les scotomes périphériques plus ou moins étendus.
Un élément sémiologique est à noter : tous ces scotomes peuvent être absolus
ou relatifs, symétriques ou asymétriques.
Les déficits mixtes se rencontrent fréquemment, suivant des modalités
variables, associant un déficit périphérique à une atteinte centrale scotomateuse.
Les hémianopsies bitemporales dépassées avec cécité d’un oeil et amputation
partielle ou totale du champ temporal de l’autre oeil.
Cette atteinte périmétrique témoigne d’une extension soit au nerf optique ou
à la bandelette, soit d’une extension du processus lésionnel, soit d’une
compression latérale du chiasma.
3- Différents syndromes chiasmatiques :
La morphologie des déficits périmétriques de la région chiasmatique a permis
d’« individualiser » globalement six syndromes de topographie chiasmatique.
* Syndrome chiasmatique médian
:
Ce déficit bitemporal symétrique est de localisation périphérique si la lésion
est antérieure, central si la lésion est postérieure.
* Syndrome chiasmatique postérieur :
L’atteinte de la décussation centrale et postérieure des fibres nasales se
manifeste par un hémiscotome central bitemporal.
* Syndrome chiasmatique inférieur
:
La quadranopsie bitemporale supérieure est en rapport avec l’atteinte de la
décussation des fibres nasales antérieures et inférieures.
* Syndrome chiasmatique supérieur
:
La quadranopsie bitemporale inférieure traduit l’atteinte des fibres nasales
inférieures.
* Syndrome de l’angle antérieur
:
Plusieurs types de déficit sont caractéristiques de l’atteinte de cette zone du
chiasma :
– le scotome de jonction de Traquair ou du genou deWilbrandt se traduit par
un hémiscotome temporal associé à une encoche périphérique temporale
controlatérale dans sa forme classique ;
– on peut retrouver un scotome central ou une cécité d’un côté associé à un
déficit temporal supérieur controlatéral ;
– une hémianopsie à trois quadrants peut également être découverte.
* Syndrome de l’angle postérieur
:
Le déficit de cette zone peut se manifester :
– par une hémianopsie homonyme controlatérale associée à un déficit
temporal inférieur homolatéral ;
– par une cécité homolatérale associée à un déficit controlatéral.
4- Signes associés au déficit chiasmatique
:
Un certain nombre de signes ophtalmologiques et de la sphère extraoculaire
(endocrinienne et neurologique) accompagnent les atteintes chiasmatiques.
L’acuité visuelle est généralement atteinte tardivement, sauf pour certaines
localisations où les faisceaux maculaires sont inclus dans le processus.
L’atteinte peut être massive.
* Fond d’oeil :
Le fond d’oeil est le plus souvent normal mais il est possible d’observer :
– un oedème papillaire de stase bilatéral ;
– une atrophie optique du secteur nasal, uni- ou bilatéral est de règle ;
– une atrophie optique à bords flous posthypertension intracrânienne ;
– un syndrome de Foster-Kennedy qui associe une stase d’un côté et une
atrophie optique de l’autre avec un scotome central.
* Troubles oculomoteurs :
Des troubles oculomoteurs peuvent accompagner une atteinte chiasmatique,
notamment quand il s’agit de lésions expansives.
Il s’agit :
– soit de paralysie oculomotrice du VI (la plus fréquente), du III (plus rare),
du IV (passant souvent inaperçue) ;
– soit de nystagmus en particulier de nystagmus à bascule (see-saw) que l’on
retrouve dans 58 % des cas.
* Troubles pupillaires :
Les troubles pupillaires dépendent de l’intensité de l’atteinte chiasmatique.
Il
s’agit de la réaction hémiopique deWernicke.
On peut retrouver, dans certains cas, une anisocorie par atteinte directe des
fibres sympathiques péricarotidiennes.
* Exophtalmie :
Elle peut se rencontrer en accompagnement de certaines pathologies (tumeurs juxtasellaires).
* Céphalées :
Elles accompagnent fréquemment l’atteinte de la région chiasmatique :
frontales et discrètes.
* Troubles endocriniens et neurologiques :
Ceux de la série hypophysaire ou diencéphalique accompagnent la
symptomatologie clinique.
Il peut s’agir :
– de troubles sexuels : diminution de la libido, aménorrhée ;
– de troubles des phanères et de la peau ;
– de troubles de croissance à type de gigantisme ou d’acromégalie ;
– de troubles vasomoteurs ;
– de troubles du sommeil ;
– de troubles d’origine métabolique : diabète insipide, hyperglycémie,
troubles de la thermogenèse ;
– de troubles psychiques ;
– d’hallucinations élémentaires ou figurées en rapport avec une atteinte
pédonculaire.
* Hydrocéphalie :
Signes radiologiques sellaires ou juxtasellaires visibles sur des clichés
standards, pour certaines anomalies atteignant notamment la selle turcique
mais mieux analysés en résonance magnétique nucléaire (RMN) et en
tomodensitométrie (TDM).
En résumé, les symptômes rencontrés au cours des atteintes chiasmatiques
relèvent :
– pour certains, de l’atteinte chiasmatique proprement dite : la baisse
visuelle, l’atrophie optique, les troubles pupillaires ;
– pour d’autres, de signes en rapport avec l’HTIC ou la compression des
structures de voisinage par un processus tumoral.
5- Approche de la topographie lésionnelle en fonction
du type de déficit périmétrique :
En fonction du type de déficit périmétrique, on peut tenter de localiser la
topographie de la lésion au niveau chiasmatique :
– une hémianopsie bitemporale complète signe une atteinte chiasmatique
médiane ;
– une quadranopsie bitemporale inférieure est en rapport avec une lésion
suprachiasmatique ;
– une quadranopsie bitemporale supérieure signe l’existence d’une lésion
infrachiasmatique ;
– les scotomes centraux hémianopsiques bitemporaux sont en rapport avec
une atteinte de la partie postérieure du chiasma. ;
– le scotome de jonction de Traquair oriente vers le genou antérieur du
chiasma, la lésion étant située du côté de l’oeil atteint de cécité ou de baisse
visuelle ;
– l’association d’une cécité monoculaire ou d’un scotome central
monoculaire avec un déficit périphérique temporal controlatéral est
l’expression de l’atteinte d’un angle du chiasma, soit antérieur soit postérieur,
la lésion étant située du côté de l’oeil malvoyant.
C - Lésions suprachiasmatiques :
Les atteintes des voies visuelles suprachiasmatiques donnent lieu à des
déficits homonymes qui se rencontrent à partir des lésions qui atteignent le
genou postérieur du chiasma.
On entend par là des déficits qui siègent dans
les moitiés de même nom des deux champs visuels.
Pour aboutir au diagnostic topographique de la lésion causale sur les VOS, il
faut prendre en compte un certain nombre de paramètres en relation directe
avec la systématisation des VOS, mais également les manifestations
neurologiques cliniques engendrées par l’implication des structures
environnantes.
1- Caractéristiques du déficit homonyme :
* Étendue :
Le déficit homonyme peut être total ou partiel et selon la classification
habituelle on distingue :
– des déficits homonymes sectoriels qui sont inférieurs à un quadrant ;
– des déficits homonymes quadrantaux supérieurs ou inférieurs ;
– des déficits homonymes hémianopsiques partiels où l’atteinte dépasse celle
d’un quadrant ;
– des déficits homonymes totaux ;
– des scotomes hémianopsiques ;
– des hémianopsies doubles ;
– des déficits cunéiformes soit de la ligne médiane verticale, soit de la ligne
médiane horizontale ;
– des atteintes isolées du faisceau de la demi-lune temporale.
* Congruence :
L’hémianopsie est dite congruente lorsque les déficits ont la même taille, le
même siège dans les deux yeux et sont donc superposables.
Mais le champ
temporal le plus périphérique correspondant au croissant monoculaire est sans
correspondance nasale sur l’oeil opposé.
En corollaire, une hémianopsie
latérale homonyme complète ne doit pas être qualifiée de congruente.
Pour
juger si un déficit du champ visuel est congruent ou incongruent, le déficit
doit être incomplet.
C’est pourquoi, la congruence est toujours évaluée dans
le champ central.
Enfin, une hémianopsie latérale homonyme complète, n’a
qu’une valeur de latéralisation de la lésion, mais ne fournit aucune
information sur son siège rétrochiasmatique.
* Profondeur :
Le déficit peut être absolu ou relatif, homogène ou inhomogène.
Si la périmétrie cinétique reste le mode privilégié d’exploration en neuroophtalmologie,
la supériorité de la périmétrie statique réside dans sa capacité
de mesure de la profondeur des déficits et de leur suivi.
* Limites
:
Elles peuvent être en pente douce ou raide.
La périmétrie cinétique détecte mieux les déficits à bords nets, la périmétrie
statique ceux à bords moins systématisés.
Il faut rappeler que le phénomène de Riddoch ou dissociation statocinétique
(1917) qui consiste en une différence importante des déficits visuels relevés
en périmétries cinétique et statique, est fréquemment observé dans les
atteintes visuelles suprachiasmatiques : le déficit est plus profond et plus
étendu en périmétrie statique.
Il faut cependant se rappeler que ces deux techniques, complémentaires,
n’utilisent pas les mêmes paramètres de détection (mouvement pour l’un,
sensibilité différentielle pour l’autre).
Les déficits en pente douce se retrouveraient dans les atteintes proches du
chiasma, les déficits en pente raide seraient l’apanage des atteintes proches
du cortex occipital.
* Notion d’épargne ou de partage maculaire :
Le partage maculaire se réfère à l’hémianopsie homonyme qui respecte le
méridien vertical en passant par le point de fixation.
L’épargne maculaire est
définie de façon variable selon les auteurs comme la préservation de 0,5 à 10° de vision autour du point de fixation dans l’hémichamp aveugle.
Elle plaide
en faveur d’une atteinte distale des voies optiques.
Si l’organisation hémiopique des voies optiques suprachiasmatiques
s’accorde bien avec le partage maculaire, à l’inverse le mécanisme par lequel
la macula peut être épargnée par une hémianopsie, a été et reste l’objet de
controverses.
La réalité du phénomène peut être mise en doute, lorsque l’épargne fovéolaire
ne dépasse pas 1 à 2°, en invoquant une mauvaise coopération du malade, une
technique d’examen inadaptée, puisqu’en périmétrie conventionnelle,
l’exploration du champ central de 1 à 2° autour de la foveola est très difficile :
le champ fovéolaire tombe généralement dans la cible de fixation.
Une
absence de fixation stable est possible ; mais en toute logique, l’épargne
devrait apparaître tout le long du méridien vertical et non constituer une petite
enclave autour du point de fixation.
Aussi, certains auteurs ont-ils fait appel à une représentation maculaire
bilatérale dans le cortex strié, pour expliquer le phénomène de l’épargne
maculaire.
Dans les 3° centraux, les fibres nerveuses des cellules
ganglionnaires de la rétine fovéolaire ne respecteraient pas la séparation
verticale fonctionnelle des deux hémirétines.
D’autres invoquent la double vascularisation de la pointe postérieure du lobe
occipital (artères cérébrales postérieure et moyenne) pour justifier par le jeu
de collatérales la préservation du cortex maculaire.
Plus récemment, pour Horton et Hoyt, Gray et al : la révision de la carte
rétinotopique de Holmes du cortex strié humain souligne le concept de la
représentation corticale unilatérale de la fovea.
En raison du grandissement
du champ visuel central dans le cortex visuel (les 10° centraux sont
représentés par 60 % de la surface de l’aire striée corticale !), il n’est pas
surprenant que la conservation de la vitalité de l’extrémité toute postérieure
de la scissure calcarine qui correspond au méridien horizontal du champ
visuel puisse s’accompagner d’une épargne fovéolaire.
Des corrélations anatomocliniques grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
viennent appuyer cette hypothèse moderne.
Que l’hémianopsie soit complète avec partage ou avec épargne maculaire,
l’acuité visuelle centrale reste normale ; s’il existe une asymétrie entre les
deux yeux, une autre cause doit être recherchée.
Cependant, en cas de partage maculaire, l’acuité visuelle de près est plus gênée (difficulté à retrouver la
ligne suivante).
* Évolution du déficit :
Le déficit homonyme peut être transitoire rapidement résolutif comme on le
voit dans la migraine, ou au cours de poussée de sclérose en plaques (SEP).
Il peut à l’inverse rester inchangé, lentement évoluer, transformant une quadranopsie en une hémianopsie, aboutir à une hémianopsie totale comme
dans la cécité corticale, ou devenir à bascule.
* Au total
:
L’interprétation des déficits homonymes par lésions suprachiasmatiques de
la voie optique repose sur cinq règles essentielles :
– la règle du respect du méridien vertical ;
– la règle de l’absence de valeur de localisation rétrochiasmatique d’une
hémianopsie latérale homonyme complète ; inversement l’hémianopsie
incomplète fournit une information à la fois sur la latéralisation et sur la
localisation de la lésion ;
– la règle de la congruence : plus la lésion est profonde, c’est-à-dire proche
du chiasma, plus fréquente est l’incongruence.
Inversement, la congruence
augmente en se rapprochant du cortex.
Mais pour juger de la congruence ou
de l’incongruence d’un déficit homonyme, il doit être incomplet ;
– la règle du gradient : plus la lésion est profonde, plus souvent les déficits
ont des pentes douces. Inversement, les pentes raides s’observent avec une
fréquence croissante vers le cortex ;
– la règle de l’épargne maculaire dans l’hémichamp aveugle : sa fréquence
est faible dans les lésions profondes et augmente en allant vers le cortex.
2- Signes associés au déficit homonyme :
* Acuité visuelle :
Elle est normale sauf dans le cas de lésions touchant le bord postérieur du
chiasma.
Si elle est atteinte, il faut en rechercher la cause.
Déficit campimétrique
Il est diversement perçu par le patient : la plupart ont une hémianopsie
négative, certains une hémianopsie positive (vision noire ou grise), quelquesuns
ont une hémianopsie lumineuse.
* Gêne fonctionnelle et complétion
:
La gêne fonctionnelle engendrée par la perte campimétrique est vécue
différemment par le sujet ; elle dépend de son étendue et de sa profondeur.
La complétion est très variable d’un sujet à l’autre, aboutissant parfois à une
hyperactivité fonctionnelle dans le champ hémianopsique avec «un certain
degré de négligence» dans le champ voyant (mise en évidence par les tests
neuropsychologiques et les enregistrements de stratégie du regard).
C’est le
« phénomène de pseudonégligence paradoxale ».
* Signes pupillaires :
Ils sont très discutés ; ils ne sont présents que dans les atteintes du tractus
optique puisque la voie afférente du réflexe photomoteur accompagnent la
VOS jusqu’au voisinage du CGL :
– le signe de Behr est caractérisé par une anisocorie : la pupille du côté
hémianopsique est plus dilatée, le contingent de fibres pupillaires destiné au
noyau controlatéral serait plus important ; cette théorie est fausse ;
– le réflexe hémiopique de Wernicke se traduit par l’absence de réaction
pupillaire à l’éclairement par un fin pinceau lumineux (au biomicroscope) de
l’hémirétine aveugle alors que la stimulation de l’hémirétine saine déclenche
un myosis.
Ce signe est impossible à vérifier en pratique.
En revanche, un déficit pupillaire afférent relatif, du côté où la perte du champ visuel est la plus
étendue, signe l’origine prégéniculée de l’atteinte de la VOS.
* Fond d’oeil :
On peut trouver, dans les atteintes du tractus optique, une atrophie optique
par dégénérescence du neurone rétinogéniculé ; il s’agit d’une décoloration
partielle de la papille en « aile de papillon » du côté du champ visuel sain.
Bien entendu, un oedème papillaire peut être mis en évidence au cours de
processus tumoraux.
* Cortège oculomoteur :
– Déviation conjuguée : déviation des yeux du côté opposé à la lésion mise
en évidence dans l’obscurité (signe de Bell).
– Mouvement de poursuite saccadée unidirectionnel lors du déplacement du
test vers le côté sain.
– Nystagmus optocinétique asymétrique : quand le test se déplace vers
l’hémichamp sain, la réponse est altérée alors qu’elle est normale lors du
déplacement du test vers l’hémichamp aveugle dans certains cas.
– Abolition unilatérale du réflexe de clignement à la menace.
– Abolition unilatérale du réflexe d’attraction visuelle.
* Visions anormales :
Il s’agit essentiellement d’hallucinations élémentaires ou figurées, de palinopsie, de métamorphopsies par déformations perceptives ou par illusions
de mouvement.
* Vision des couleurs :
On a décrit au cours des hémianopsies latérales homonymes (HLH) aussi bien
droite que gauche des troubles de la vision des couleurs qui se manifestent
soit par une atteinte de l’axe bleu-jaune, soit par une pseudoachromatopsie ou
achromatopsie cérébrale que l’on rencontre dans les lésions occipitales
d’origine vasculaire.
Mais il existe également des troubles gnosiques.
* Potentiels évoqués visuels :
Les déficits suprachiasmatiques n’entraînent pas d’asymétrie constante des
PEV.
On note, dans un certain nombre de cas, une asymétrie de la réponse
évoquée, asymétrie qui peut être concordante avec le siège de la lésion ou plus
souvent siégeant du côté sain, réponse apparemment paradoxale mais qui est
sous la dépendance de facteurs physiques et physiologiques (voies
d’association interhémisphériques, mais également orientation des dendrites
horizontales ou radiaires, prise en compte des champs électriques lointains et
des phénomènes de « mur » à l’extrémité ou à la courbure d’une fibre à
l’interface de deux milieux).
Il conviendrait, pour s’affranchir d’un certain nombre de ces problèmes, de
disposer plusieurs électrodes sur le scalp occipital.
En cas de cécité corticale, on retrouve une abolition des PEV.
La récupération
de l’acuité visuelle, quand elle se produit, peut être précédée de la réapparition
d’un PEV individualisable.
3- Diagnostic topographique d’un déficit homonyme
:
Pour aboutir au diagnostic topographique d’une atteinte des voies visuelles suprachiasmatiques, il convient de déterminer successivement :
– le côté lésé : l’HLH est toujours croisée, uneHLHdroite est en rapport avec
une lésion gauche, une HLH gauche avec une lésion droite, une HLH double
avec une lésion bilatérale ;
– les faisceaux intéressés : une HLH totale implique l’atteinte de toutes les
fibres d’un nerf hémiopique, une HLH partielle relève de l’atteinte élective
de certains faisceaux.
Un scotome central homonyme correspond à une
atteinte du faisceau maculaire.
Une quadranopsie latérale homonyme (QLH)
supérieure ou inférieure correspond à l’atteinte des faisceaux quadrantaux
correspondants.
Une perte de la demi-lune correspond à l’atteinte du faisceau
périphérique monoculaire correspondant ;
– la hauteur des fibres atteintes sur la VOS : le diagnostic dans ce cas est
facile puisque l’on sait que l’atteinte des hémichamps inférieurs est en relation
avec une lésion des fibres supérieures, que l’atteinte des hémichamps
supérieurs est en relation avec une lésion des fibres inférieures ;
– le segment de la VOS atteint : il sera la résultante de la prise en compte du
type, du siège et des caractères du déficit campimétrique (homogénéité ou
non, congruence ou incongruence, épargne ou partage).
La topographie de la lésion causale sera tirée de la bonne connaissance de la
systématisation de la VOS et des règles qui lui sont propres.
* Atteintes du tractus optique :
Les déficits périmétriques sont classiquement des HLH incongruentes, sans
épargne maculaire, l’incongruence du déficit étant plus importante dans la
partie antérieure de la bandelette.
Il existe également des variations de la
profondeur et des pentes du déficit.
Une compression latérale du tractus
optique entraîne un déficit ipsilatéral plus important.
Une compression
médiane aboutira à un déficit controlatéral plus net par suite de l’atteinte
primitive des fibres visuelles provenant de l’oeil controlatéral.
Les atteintes
postérieures sont cliniquement superposables aux atteintes du corps genouillé
latéral et de la partie antérieure des radiations optiques.
Des signes associés
peuvent contribuer à la localisation : signes pupillaires, atrophie optique au
fond d’oeil, baisse de l’acuité visuelle.
Le type I, associe des signes d’atteinte du nerf optique et du tractus.
Il résulte
le plus souvent d’une compression à la jonction nerf optique-chiasma.
Le type II correspond à une lésion plus postérieure (signe d’atteinte du tractus
sans atteinte du nerf optique), soit par infarctus, soit par affection
démyélinisante, soit par compression.
* Atteintes du corps genouillé latéral :
Les lésions qui affectent exclusivement cet organe sont extrêmement rares.
Les observations ont été rapportées par Gunderson, Hoyt, Fite, Smith et
Harrington ; elles montrent que le déficit périmétrique est incongruent.
Shacklett a relevé des déficits congruents et incongruents.
Compte tenu de la
disposition lamellaire et de la distribution vasculaire de cette structure, divers
types de déficit peuvent se rencontrer :
– déficit quadranopsique supérieur ou inférieur ;
– déficit sectoriel cunéiforme de la ligne médiane horizontale.
En raison de la proximité d’autres structures, une paralysie controlatérale, une
hémianesthésie, un syndrome de Dejerine-Roussy peuvent aider au
diagnostic, mais c’est l’IRM qui en apportera la preuve de façon péremptoire
en évitant la confusion entre infarctus, tumeur ou malformation
artérioveineuse.
* Atteintes des radiations optiques :
Dans les lésions atteignant la partie moyenne ou postérieure des RO, la perte
fonctionnelle souvent massive est perçue par le sujet de façon minime voire
même absente (syndrome d’Anton-Babinski : Harrington, 1981).
Ce
phénomène peut être tout particulièrement important dans la cécité corticale.
Les atteintes du lobe temporal intéressent l’anse de Meyer et se manifestent
par une QLH supérieure incongruente.
Le déficit est appelé pie in the sky, « tranche de gâteau au ciel » : c’est un
déficit sectoriel débutant dans le quadrant supérieur, appuyé le long du
méridien vertical.
Les bords du déficit sont en pente douce du fait de la
fréquence de l’étiologie tumorale dans cette région.
Les lésions vasculaires
entraînent des déficits à bords nets. Des signes aident à la détermination de
cette localisation :
– aphasie, agraphie, alexie, hémiplégie, paralysie faciale supranucléaire en
cas d’atteinte de l’hémisphère dominant ;
– hémiplégie, anosognosie en cas d’atteinte de l’hémisphère dominé ;
– hallucinations d’origine temporale structurées ; on peut avoir des
hallucinations colorées (origine mystérieuse) ;
– hallucinations olfactives et gustatives décrites, comme les crises uncinées.
Les atteintes pariétales entraînent une classique QLH inférieure peu
incongruente.
Le déficit est souvent plus dense dans la partie inférieure du
champ visuel : c’est pie on the floor, « tranche de gâteau au sol ».
L’atteinte du gyrus angulaire de l’hémisphère dominant s’accompagne
classiquement de quatre signes essentiels : agnosie digitale, confusion droitegauche,
dyscalculie et agraphie (Benton, 1961 et Critchley, 1966).
+ Signes périmétriques :
Deux signes périmétriques permettent de rattacher le déficit à une atteinte de
l’hémisphère non dominant : l’impersistance motrice et le phénomène
d’extinction.
L’impersistance motrice correspond à l’incapacité à réaliser un acte moteur
volontaire durablement, que ce soit ici de garder les yeux fermés ou la fixation
sur une cible.
Alors que le patient apparaît intellectuellement apte à subir un
examen du champ visuel, que le périmétriste l’exhorte à garder la fixation
centrale, le sujet ne le fait pas.
Son regard est attiré de façon incoercible vers
le stimulus présenté dans l’hémichamp sain, c’est-à-dire côté de la lésion.
Le périmétriste inexpérimenté peut s’irriter contre le patient jugé non coopérant.
La suspicion d’impersistance motrice peut être confirmée par un test rapide et
ainsi comprendre le comportement du patient.
Il suffit de lui demander de
fermer les yeux et de ne les ouvrir que lorsqu’on lui commande.
Après
quelques secondes, le patient ouvrira ses yeux, sans attendre la consigne alors
qu’il semblait avoir bien compris le message (l’impersistance motrice
palpébrale).
Face à tel patient, il est préférable de recourir à un examen du champ visuel
par confrontation monoculaire ou de décompte des doigts.
Le phénomène d’extinction de Bender se traduit par la disparition du stimulus
placé dans l’hémichamp lésé ou par son atténuation lorsque l’on introduit un
stimulus simultanément dans le champ sain.
Ce phénomène d’extinction,
qualifié à tort d’hémianopsie relative, correspond en fait à une héminégligence visuelle spatiale.
Elle peut être associée ou non à un vrai
déficit hémianopsique du champ visuel.
Dans ce dernier cas, alors que
l’examen par confrontation par le décompte des doigts, à deux mains pour
tester simultanément les deux hémichamps d’un seul oeil évoque
l’hémianopsie, l’exploration du champ visuel par les moyens instrumentaux
usuels, témoigne de l’absence de déficit hémianopsique complet dans
l’hémichamp suspect.
+ Nystagmus optocinétique (NOC)
:
Il a été considéré comme ayant une valeur localisatrice dans les lésions pariéto-occipitales (Smith et Cogan).
De nombreuses observations cliniques
sont à l’actif de cette assertion.
Actuellement, on considère qu’une réponse
normale du NOC n’exclut pas plus une localisation pariétale qu’une réponse
anormale ne l’assure.
Les atteintes occipitales qui portent sur la partie postérieure des RO donnent
lieu à uneHLHcomplète ou incomplète, congruente, avec un déficit de même
profondeur et des limites nettes.
Il n’y a pas de différence périmétrique entre
les lésions localisées au RO et celles en rapport avec une atteinte occipitale.
Dans chacun des trois lobes cérébraux traversés par les RO, on ne retrouve
pas d’éléments périmétriques caractéristiques ; ce sont les signes cliniques
associés qui aideront à la distinction topographique.
Les déficits sont supposés respecter le méridien vertical, mais on retrouve
dans la littérature des observations où son atteinte supérieure et inférieure est
signalée.
* Atteintes du cortex occipital :
La projection des faisceaux supérieurs et inférieurs est très différenciée de part
et d’autre de la scissure calcarine.
Autre particularité : du fait de la proximité anatomique des deux scissures calcarines et de leur vascularisation par le tronc basilaire, les atteintes à ce
niveau sont souvent bilatérales.
La congruence des déficits à ce niveau est de règle, avec bords nets et déficit
de même densité.
Divers types de déficits se rencontrent dans les lésions corticales :
– des quadranopsies ;
– des hémianopsies complètes ;
– des hémianopsies altitudinales ;
– des déficits en quadrants croisés encore appelés déficits en « sablier », en
rapport avec une atteinte du champ visuel supérieur d’un côté et du champ
inférieur de l’autre ;
– des scotomes paramaculaires homonymes avec ou sans épargne
maculaire ;
– des scotomes centraux hémianopsiques, unilatéraux ou doubles comme
dans la cécité après anoxie cérébrale ;
– des déficits de la ligne médiane verticale, supérieure, inférieure ou les deux
à la fois.
4- Approche de la topographie lésionnelle en fonction
du type de déficit périmétrique :
Si les explorations neuroradiologiques ont fait perdre de l’intérêt au
raisonnement clinique devant des anomalies du champ visuel, il n’en reste pas
moins évident qu’une bonne connaissance de la clinique et de la
systématisation de la VOS est nécessaire pour aboutir à la tentative de
localisation du déficit relevé.
Le champ visuel reste l’examen de choix néanmoins pour suivre l’évolution
spontanée ou postchirurgicale.
Il est à la base, dans un certain nombre de cas,
de la prise en charge thérapeutique.
* Déficits hémianopsiques :
Ce type de déficit se rencontre à partir du genou postérieur du chiasma.
L’incongruence est l’élément caractéristique d’une lésion du tractus optique
et du corps genouillé latéral.
La congruence est une caractéristique des
atteintes siégeant au niveau des radiations optiques et du cortex calcarin.
L’hémianopsie double signe une atteinte occipitale bilatérale.
* Déficits quadrantaux :
Ils se retrouvent dans les régions où les faisceaux sont séparés :
– les radiations optiques ;
– le cortex calcarin ;
– très rarement au niveau du corps genouillé latéral.
Une quadranopsie supérieure peut relever :
– d’une lésion temporale ;
– d’une atteinte de la lèvre inférieure de la scissure calcarine.
Une quadranopsie inférieure peut relever :
– d’une lésion du lobe pariétal ;
– d’une atteinte de la lèvre inférieure de la scissure calcarine.
Arguments diagnostiques :
– limite inférieure nette du déficit en faveur d’une atteinte des radiations ;
– limite supérieure irrégulière du déficit en faveur d’une atteinte du cortex.
* Scotomes hémianopsiques :
Ils peuvent être centraux ou périphériques.
Les scotomes périphériques :
– incongruents, ils relèvent d’une localisation au niveau du tractus optique ;
– congruents, ils relèvent d’une atteinte occipitale.
Les scotomes centraux peuvent être uni- ou bilatéraux, congruents ou incongruents ; ils sont le plus souvent à rattacher à une étiologie occipitale.
* Déficits cunéiformes
:
Ils atteignent soit la ligne médiane verticale, soit la ligne médiane horizontale.
Les déficits de la ligne médiane verticale sont en rapport avec :
– une lésion touchant la partie supérieure des radiations optiques : l’atteinte
supérieure est en rapport avec une lésion temporale, l’atteinte inférieure est
en rapport avec une lésion pariétale ;
– une lésion axiale occipitale entraîne un déficit supérieur et inférieur.
Les déficits de la ligne médiane horizontale sont en rapport avec une lésion de
la partie antérieure des radiations optiques (partie médiane interne).
* Atteintes de la demi-lune temporale
:
Compte tenu de la projection de ce faisceau monoculaire, les lésions
entraînant son déficit ou amputation se situent :
– au niveau des radiations optiques où elles peuvent donner lieu à un hémidéficit supérieur ou inférieur ;
– au niveau du cortex occipital pour un déficit total.
Par ailleurs des lésions occipitales peuvent laisser intact ce faisceau à
représentation monoculaire.
On dit alors qu’il y a conservation de la demilune
temporale.