D’un point de vue pratique, les problèmes de diagnostic
et de conduite à tenir se posent différemment selon que
l’on a affaire à une céphalée ou algie de la face inhabituelle,
de survenue aiguë, ou à une symptomatologie
douloureuse évoluant de façon chronique.
Céphalées de survenue inhabituelle
:
Les causes envisagées sont extrêmement nombreuses et
le diagnostic sera orienté par les circonstances de survenue
et le contexte clinique.
A - Contexte fébrile :
Dans un contexte fébrile, on évoque 3 types d’affection.
• Souvent, c’est une affection saisonnière de type
grippal, mais en sachant qu’en fait tous les états infectieux
avec fièvre peuvent donner des céphalées.
En dehors d’une éventuelle thérapeutique à visée étiologique,
salicylés ou paracétamol seront souvent utiles.
• Une sinusite aiguë est évoquée car dans la sinusite
frontale, la douleur siège en région sus-orbitaire et a
souvent un horaire évocateur (matin et fin de soirée),
tandis que la pression locale est douloureuse.
Dans la
sinusite maxillaire, la douleur est souvent orbito-malaire
avec parfois des irradiations dentaires.
Il existe souvent
une douleur provoquée à l’émergence du nerf sousorbitaire.
Dans l’ethmoïdite aiguë, la pression au niveau
de l’angle interne de l’oeil est très douloureuse.
Les
sinusites sphénoïdales sont moins faciles à mettre en
évidence avec une douleur profonde, postérieure, localisée
au vertex et à l’occiput.
La notion d’un écoulement
pharyngé, l’accentuation de la douleur au froid et à
l’humidité vont contribuer au diagnostic clinique qui
sera confirmé par un examen local et des radiographies
des sinus.
Les vasoconstricteurs locaux avec antiinflammatoires
et antibiotiques par voie générale seront
habituellement efficaces. Parfois, des lavages de sinus
peuvent être nécessaires.
• Un syndrome méningé est soupçonné si l’on met en
évidence une raideur de nuque.
B - Syndrome méningé
:
La mise en évidence d’une raideur de nuque chez un
sujet céphalalgique, couché en chien de fusil, photophobique,
parfois confus, fait porter le diagnostic de
syndrome méningé.
• Si celui-ci s’est installé brutalement sans fièvre
initiale, le malade ressentant une impression d’éclatement
dans la tête, un diagnostic d’hémorragie méningée
est le plus probable.
Un scanner cérébral doit être effectué
immédiatement de manière à visualiser le sang dans
les espaces sous-arachnoïdiens.
La présence de sang justifie
la pratique d’une artériographie cérébrale à la
recherche d’un anévrisme ou d’un angiome.
Un scanner
trop tardif devient beaucoup moins performant pour diagnostiquer
une hémorragie sous-arachnoïdienne.
La
ponction lombaire met alors en évidence un liquide rosé
ou xanthochromique.
• Si le scanner ne montre pas de sang, ou si d’emblée
le diagnostic de méningite paraît le plus vraisemblable
du fait des antécédents (fracture de la base du crâne,
mastoïdite), d’un état infectieux local (otite, mastoïdite,
accident dentaire) ou général, une ponction lombaire
sera pratiquée sans délai.
L’aspect du liquide oriente souvent le diagnostic : clair et sortant sous pression, il
fait penser à une méningite lymphocytaire (virale ou
bactérienne), louche ou franchement purulent, il évoque
une méningite purulente, rosée, il oriente vers une
hémorragie méningée, en se souvenant qu’une méningite
peut donner un liquide hématique.
Cela justifie que
dans tous les cas, un examen clinique et cytobactériologique
du liquide céphalorachidien soit effectué.
La
moindre suspicion de méningite bactérienne justifie la
mise en oeuvre sans tarder d’une antibiothérapie par
ampicilline (8 à 12 g de Totapen), des modifications
pouvant être apportées secondairement à cette orientation
thérapeutique, en fonction de l’évolution clinique et
des données bactériologiques.
C - Contexte post-traumatique récent :
• Localisées au niveau de l’impact traumatique, les
douleurs ne traduisent souvent que la contusion des parties
molles.
• À l’opposé, l’existence de céphalées diffuses et
intenses, dans un contexte d’obnubilation témoigne
souvent d’une hémorragie méningée avec ou sans contusion
cérébrale.
• Des douleurs postérieures associées à une contracture
cervicale peuvent traduire une fracture, une luxation
ou une simple entorse cervicale.
Un traitement
orthopédique ou plus simplement la pose d’une minerve
peut s’imposer.
Secondairement, une rééducation progressive
évite les contractures musculaires génératrices
de la chronicité des douleurs.
• Des céphalées avec obnubilation, surtout s’il y a un
trait de fracture pariéto-temporale, doivent faire craindre :
– un hématome extra-dural qui est confirmé au scanner
sous forme d’une lentille biconvexe bien limitée.
Son
évacuation ne souffre aucun délai ;
– la possibilité d’un hématome sous-dural doit rester
une préoccupation constante dans les mois qui suivent
un traumatisme même bénin.
Les céphalées sont de
topographie fixe, d’intensité croissante, souvent dans un
contexte de troubles de la vigilance et de la conscience.
La moindre anomalie de l’examen neurologique ou électroencéphalographique, ou même la simple suspicion
clinique justifie la pratique d’une tomodensitométrie
qui va révéler une hyperdensité arciforme diffuse.
Le traitement consiste le plus souvent en une évacuation
chirurgicale.
D - Signes neurologiques en foyer
:
L’existence de signes neurologiques en foyer, hémiplégie,
syndrome cérébelleux d’installation brutale et
contemporaine de la céphalée fait penser à un accident
vasculaire hémorragique ou même ischémique.
Le scanner
visualise d’emblée un accident hémorragique tandis
que l’hypodensité d’une zone ischémique n’apparaît
qu’au bout de 2 à 4 jours.
Ces céphalées s’estompent en
quelques jours.
Des céphalées aiguës, surtout si elles
sont majorées par l’effort ou par un changement de position, plus encore s’il existe un déficit ou une perturbation
de l’examen neurologique, peuvent faire suspecter
une hypertension intracrânienne.
Là encore, le scanner
ou l’imagerie par résonance magnétique oriente le diagnostic
et précise le siège et la nature de la néoformation.
E - Causes locales
:
Des perturbations locales peuvent être en cause.
• Des douleurs oculaires des kératites, des conjonctivites,
du spasme irien justifient des thérapeutiques
locales.
• Du glaucome aigu donne des douleurs très vives, unilatérales,
ou irradiant à toute la tête.
Les signes locaux
facilitent le diagnostic : globe oculaire rouge, cornée
trouble, mydriase, sensation de bille de verre à la palpation
du globe oculaire.
Un examen ophtalmologique
spécialisé et la mise en oeuvre d’une thérapeutique spécifique
par voie générale (Diamox intraveineux,
Glycérotone per os) et locale (Timoptol, pilocarpine)
constituent une véritable urgence.
• Des douleurs dentaires, maxillaires ou faciales, irradiant
vers l’oreille, doivent faire rechercher un abcès
dentaire, un accident de la dent de sagesse.
L’ensemble de ces diverses causes doit également être
envisagé chez un céphalalgique habituel dont les céphalées
se modifient soudainement et qui ne reconnaît pas
leurs caractéristiques ordinaires.
Céphalées d’évolution chronique
:
L’interrogatoire permet de savoir s’il s’agit de céphalées
ou d’algies de la face, paroxystiques et récidivantes, ou
au contraire s’il s’agit de douleurs plus continues, sans
intervalle libre.
A - Céphalées paroxystiques et récidivantes :
La durée de la crise permet de distinguer 3 tableaux bien
différents.
1- Migraine :
Cette maladie, souvent délaissée par les médecins
touche 12 % de la population adulte, soit plus de 5 millions
de Français.
Les crises vont rythmer l’évolution de
cette maladie chronique qu’est la migraine, le malade
restant asymptomatique entre ses crises.
À large prédominance
féminine (près de 4 femmes pour 1 homme), la
maladie migraineuse débute souvent aux alentours de la
puberté.
Parfois, déclenchée par une émotion, une
contrariété, un excès alimentaire, un moment particulier
du cycle menstruel (ovulation et surtout règles), un
changement de rythme de vie ou sans cause décelable,
l’accès peut survenir à n’importe quelle heure, mais le
début « au petit matin » est le plus caractéristique.
• La crise migraineuse sans aura (migraine commune)
est de loin la plus fréquente.
Elle peut être précédée
de prodromes permettant au sujet de prévoir sa crise : asthénie, nausées, mal à l’aise général, excitation,
boulimie, sentiments d’euphorie, etc.
La douleur débute généralement en région sus-orbitaire
droite ou gauche, plus rarement en région occipitale.
Elle peut rester localisée mais habituellement se diffuse
en quelques heures à l’hémicrâne (d’où le nom de
migraine), parfois à l’ensemble du crâne.
La douleur est
souvent pulsatile, mais peut donner une impression de
serrement.
L’intensité peut être variable mais cette douleur,
exacerbée par les efforts, gênant les activités, peut
contraindre le sujet à se coucher.
Des signes d’accompagnement fréquents contribuent au
caractère pénible de l’accès migraineux. Nausées et
vomissements surviennent soit d’emblée, soit au bout de
quelques heures.
Bilieux ou alimentaires, ils accréditent
la notion erronée de « crise de foie ».
Photophobie, phonophobie,
sensations vertigineuses, irritabilité, prostration,
contribuent au malaise du patient.
Laissée à elle-même, la crise migraineuse va durer de 4
à 72 heures.
Le plus souvent, elle finit progressivement
au cours du sommeil, laissant le malade fatigué ou, au
contraire, libéré, euphorique, comme si rien ne s’était
passé.
• Les crises de migraine avec aura (migraines ophtalmiques,
migraines accompagnées) sont beaucoup plus
rares (1 malade sur 8 environ), tout en sachant qu’un
même malade peut faire des crises avec ou sans aura.
La phase céphalalgique est alors précédée de signes
visuels et (ou) neurologiques durant d’un quart d’heure
à une heure.
Il peut s’agir d’un scotome scintillant : un
point brillant apparaît devant les yeux et s’étend en ligne
brisée comme des « fortifications à la Vauban ».
Un scotome
lumineux s’étend en tache d’huile avant de disparaître
et peut laisser place à un trouble visuel purement
déficitaire, la survenue de la phase céphalalgique annonçant
sa disparition.
On peut rencontrer également des
paresthésies intéressant le pourtour buccal et la main
(cheiro-orale), mais pouvant envahir progressivement
un hémicorps de façon plus ou moins extensive.
Des épisodes aphasiques et parétiques transitoires sont
plus rares.
Dans ces migraines avec aura, la phase
céphalalgique est habituellement plus courte, 6 à 8
heures en moyenne.
• La migraine basilaire est beaucoup plus rare que les
précédentes mais pose souvent des problèmes diagnostiques
délicats.
Elle débute par des troubles de vision
bilatéraux pouvant aller jusqu’à une cécité transitoire,
accompagnée de vertiges, de troubles de l’équilibre, de
fourmillements des extrémités des membres, parfois
d’hypersomnie et même de troubles de la conscience
dans un contexte de céphalées diffuses. Bien que passagère,
cette forme est très impressionnante et peut faire
errer le diagnostic.
• La migraine ophtalmoplégique est exceptionnelle.
Elle est ainsi appelée parce que l’accès céphalalgique est
accompagné d’une diplopie en relation avec une paralysie
intermittente d’un nerf moteur de l’oeil.
En fait, il
s’agit le plus souvent d’une fausse migraine liée à la rupture
d’une malformation vasculaire de type anévrismal.
• Le diagnostic se fait par l’interrogatoire et ne nécessite
aucun examen complémentaire.
Il se fait sur la conjonction
d’un certain nombre d’arguments : notion d’hérédité,
début dans l’adolescence ou chez l’adulte jeune,
parfois dans l’enfance, notion d’évolution par crise, avec
intervalles asymptomatiques, hémicrânie alternante,
caractère pulsatile de la douleur, nausées et (ou) vomissements,
photo- et (ou) phonophobie, signes ophtalmologiques
et (ou) neurologiques précédant l’hémicrânie,
déclenchement par des aliments privilégiés, les épisodes
de la vie génitale, les variations du tonus émotionnel,
l’efficacité des dérivés de l’ergot de seigle lors des crises.
La classification de l’IHS (International Headache
Society) a précisé ces critères diagnostiques.
2- Algie vasculaire de la face :
Encore appelée céphalée histaminique de Horton (cluster headache), elle atteint avec prédilection l’homme de
la trentaine, rarement la femme.
Les caractéristiques de la douleur, les signes d’accompagnement
et le rythme évolutif, permettent un diagnostic
facile.
• La douleur est unilatérale, ne changeant jamais de
côté, temporo-orbitaire ou orbito-faciale, pouvant irradier
vers les gencives, l’oreille, le cou et même l’épaule.
Sa topographie ne correspond pas à la systématisation
des branches du trijumeau.
• Il s’agit d’une douleur insupportable à type de brûlure
profonde, de broiement, de déchirure.
• Les signes d’accompagnement se rencontrent dans
70 % des cas et sont du même côté que la douleur.
Sensation de narine bouchée, avec ou sans rhinorrhée,
larmoiement, érythrose de la pommette, saillie de l’artère
temporale sont plus fréquents que le myosis et le ptosis
de la paupière supérieure, traduisant un syndrome de
Claude Bernard-Horner.
• Le rythme évolutif est très particulier et sa mise en évidence
est l’un des éléments essentiels du diagnostic.
Chaque accès, à début et fin brusques, dure de 20 min à
1 h.
L’horaire des crises est très stéréotypé pour un
même malade, souvent après les repas et pendant la nuit.
Un à 3 accès quotidiens vont ainsi se répéter pendant 3 à
8 semaines, rarement plus.
Puis pendant des mois, un an
au plus, le sujet ne ressent plus rien… en attendant une
nouvelle période douloureuse pouvant survenir avec un
rythme saisonnier.
La forme intermittente est la plus fréquente.
Plus rarement, on a à faire à des formes d’évolution
chronique.
3- Névralgies du trijumeau :
• La névralgie primitive du trijumeau ou « tic douloureux
de la face » : il s’agit d’une maladie du sujet
vieillissant puisque, 3 fois sur 4, la douleur est ressentie
après l’âge de 50 ans.
La douleur résume la symptomatologie.
C’est une douleur
paroxystique, en éclair, à type de décharge électrique,
de brûlure, de broiement, d’une intensité
effroyable, entraînant parfois une grimace (tic douloureux).
La douleur est strictement unilatérale, touchant
1 ou 2 branches du nerf trijumeau, tant dans le territoire
cutané que muqueux.
Cette douleur a donc une topographie
extrêmement stricte. La douleur fulgurante peut se
répéter de façon itérative, réalisant un accès de quelques
secondes à quelques minutes avec des intervalles libres
de toute douleur.
Celle-ci peut survenir spontanément ou
être déclenchée par la parole, l’attouchement de points
précis que l’on appelle les zones gâchettes.
Fait essentiel, cette symptomatologie majeure s’accompagne
d’un examen clinique rigoureusement normal.
Le
diagnostic est purement clinique sur les données de l’interrogatoire.
Le traitement repose sur la prescription de Tégrétol, plus rarement du Rivotril mais, très vite, il faut savoir orienter le malade vers un neurochirurgien en vue
d’une thermolyse du ganglion de Gasser.
Certains préfèrent
des interpositions de fragments aponévrotiques
entre le nerf et des boucles artérielles susceptibles de
léser le nerf.
• Les névralgies secondaires du trijumeau se voient à
tous les âges.
La douleur est plus continue, avec des paroxysmes
moins nets et un fond douloureux permanent.
On ne
retrouve pas de zone gâchette.
Les 3 branches du trijumeau
peuvent être touchées successivement ou d’emblée.
Il existe des signes neurologiques objectifs : hypo-esthésie
dans le territoire du trijumeau, abolition du réflexe
cornéen, les autres signes neurologiques dépendant du
siège et de la nature de la lésion causale.
De la périphérie
vers le centre, on pense à la possibilité de lésions de
branches du V (infection sinusienne ou dentaire, traumatisme
facial, tumeur de la base du crâne), lésions du
ganglion de Gasser, lésions de la racine sensitive (neurinome
de VIII, méningiome, cholestéatome), lésions
bulbo-protubérantielles (sclérose en plaques, syndrome
de Wallenberg).
La suspicion du caractère symptomatique d’une névralgie
du V conduit à une enquête systématique et à des
explorations parfois complexes (tomographies de la
base du crâne, scanner cérébral, imagerie par résonance
magnétique, artériographie vertébrale).
4- Autres névralgies
:
D’autres névralgies se rencontrent plus rarement.
• Névralgie du glossopharyngien où la douleur siège
en région amygdalienne sur la paroi postérieure du
pharynx et de la partie postérieure de la langue. Elle
peut s’accompagner d’épisodes syncopaux.
• La névralgie d’Arnold intéresse l’écaille de l’occipital
et irradie vers le haut et en avant, s’arrêtant en région
pariétale.
Elle justifie la recherche d’une cause locale
venant irriter la racine C2. Elle peut être liée également
à un enclavement de l’émergence du nerf au niveau du
scalp.
Les infiltrations locales de corticoïdes autour de
la racine ou du nerf sont habituellement efficaces.
Bien
souvent, des céphalées myogènes sont prises à tort pour
des névralgies d’Arnold, somme toute assez rares.
5- Circonstances de survenue particulières :
Certaines céphalées paroxystiques peuvent attirer
l’attention du fait de circonstances de survenue particulières.
Si elles surviennent à l’effort (défécation, toux,
coït) ou lors d’un changement de position, on doit
rechercher systématiquement une lésion cérébrale
(kyste colloïde du troisième ventricule, malformation de
la charnière, tumeur de la fosse postérieure, etc.) mais ce
bilan s’avère souvent normal et l’on retient le diagnostic
de céphalée d’effort de Tinel attribué à des phénomènes
de distension veineuse.
Une céphalée paroxystique avec
sueurs et pâleur doit faire rechercher l’hypertension
paroxystique d’un phéochromocytome.
B - Céphalées continues :
1- Hypertension intracrânienne
:
• L’hypertension intracrânienne est une cause rare de
céphalée mais représente néanmoins une préoccupation
constante.
La céphalée de siège frontal ou fronto-occipital
peut réveiller le sujet, s’estomper au cours de la matinée
pour devenir continue par la suite, avec une accentuation
progressive. Isolée ou plus encore si elle est associée à
des vomissements, à des troubles de la vigilance ou de
l’humeur, elle doit faire rechercher une stase papillaire
au fond d’oeil qui peut d’ailleurs être absente et pratiquer
un scanner cérébral avec injection de produit de
contraste.
Cet examen permet un diagnostic
précis de processus expansif tumoral ou non tumoral,
l’hydrocéphalie, d’obstacle sur les voies d’écoulement
du liquide céphalorachidien.
• En cas d’urgence, une perfusion rapide en moins de
2 h de 500 cm3 de mannitol, parfois en association avec
80 à 160 mg de Solu-Médrol peut permettre de gagner
quelques heures pour pratiquer d’autres explorations
(imagerie par résonance magnétique, artériographie)
précisant le diagnostic et la conduite neurochirurgicale.
Dans quelques cas, une dérivation ventriculaire peut être
d’emblée nécessaire.
2- Causes locales :
Des causes locales peuvent être à l’origine des céphalées
chroniques mais leur importance est souvent surestimée.
• Causes ophtalmologiques : on évoque un glaucome
chronique (traitement local), des vices de réfraction
(prescription de verres adaptés), une hétérophorie, une
insuffisance de convergence (rééducation orthoptique).
• Causes ORL et stomatologiques : les sinusites chroniques
sont rarement en cause et il faut être prudent
avant de retenir le rôle pathogène d’un nez étroit, d’une
déviation de la cloison, d’un mucocèle ou d’un dysfonctionnement
de l’articulation temporo-maxillaire [syndrome
algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur
(SADAM)].
Ce dernier entraîne des douleurs irradiant
souvent à distance de l’articulation, vers la mâchoire,
l’oreille et la fosse temporale.
La douleur s’exagère lors
de la mastication ou d’une conversation prolongée ou de
soins dentaires.
Une douleur à la pression, une sensation
de craquement : des radiographies locales permettent de
confirmer le diagnostic.
L’intervention d’un orthodontiste
est habituellement plus efficace que la prescription
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de
myorelaxants.
• Causes rachidiennes : plus que l’arthrose, il faut incriminer
des ténomyalgies, des syndromes articulaires postérieurs
cervicaux, des troubles posturaux justifiant des
thérapeutiques locales et une rééducation adaptée.
À notre avis, ces causes locales sont trop souvent mises
en avant et font rater le diagnostic de migraines et plus
encore de céphalées de tension.
3- Céphalées chroniques post-traumatiques :
Elles sont faciles à reconnaître, mais de mécanisme complexe.
Quatre grandes variétés de céphalées peuvent être
individualisées.
Des céphalées unilatérales habituellement
du côté de l’impact traumatique se rencontrent dans
un tiers des cas.
Elles peuvent réaliser des hémicrânies
pulsatiles, paroxystiques, réalisant un véritable accès
migraineux et sont d’ailleurs justiciables des thérapeutiques
antimigraineuses.
Des névralgies peuvent apparaître
des semaines, et des mois après l’accident.
Il s’agit
de douleurs fulgurantes, spontanées ou déclenchées par
l’attouchement ou le simple effleurement d’une cicatrice
cutanée. Les céphalées d’origine cervicale se rencontrent
dans un quart des cas.
La douleur est cervico-occipitale,
parfois symétrique mais plus souvent unilatérale ou à
prédominance unilatérale.
Elle réalise une impression de
tension douloureuse, de contracture postérieure, d’enraidissement
cervical et se trouve exacerbée par les mouvements
de la tête.
L’examen clinique objective une attitude
guindée et met en évidence une contracture des
masses musculaires postérieures.
Des massages locaux,
une rééducation rachidienne, plus rarement des manipulations
permettent de les faire disparaître en s’aidant de
la prescription d’antalgiques et de décontracturants.
Les céphalées permanentes sont les plus fréquentes.
Elles sont plus souvent fronto-occipitales, en casque,
que localisées.
La douleur est à type de lourdeur, de sensation
d’étau, s’exacerbant à l’occasion d’un effort physique
ou intellectuel.
Elle s’accompagne le plus souvent
de sensations vertigineuses, de troubles de la mémoire,
de troubles du sommeil et de modifications du caractère,
réalisant le noyau de ce qu’il est convenu d’appeler le
syndrome subjectif post-traumatique.
En dehors des
causes propres aux traumatismes, il faut retenir le rôle
important des facteurs psychosociaux dans la genèse de
ces syndromes post-commotionnels.
4- Causes générales :
• Certaines sont facilement identifiables sur un contexte
qu’il suffit de mettre en évidence : hypertension artérielle,
anoxie (anémie, insuffisance respiratoire), intoxication
aiguë ou chronique à l’oxyde de carbone, intoxication
professionnelle (nitrates, colles, solvants), intoxications
médicamenteuses (dérivés nitrés, indométacine, tartrate
d’ergotamine, antalgiques contenant de la caféine…).
• L’éventualité d’une artérite temporale de Horton est
systématiquement évoquée devant des céphalées survenant
chez un sujet âgé de plus de 55 ans dans un contexte d’asthénie,
de fièvre et d’amaigrissement rapide.
On doit
rechercher des signes locaux : artère temporale dure, non
battante et accélération importante de la vitesse de sédimentation.
L’existence d’une panartérite segmentaire granulomateuse
à cellules géantes est confirmée par la biopsie. Une
corticothérapie (0,5 à 1 mg/kg de poids de deltacortisone)
est mise en oeuvre rapidement.
Elle est prolongée sur 12 à
30 mois à doses lentement dégressives.
Le risque évolutif
majeur est celui d’une cécité brutale par névrite optique
ischémique ou thrombose de l’artère centrale de la rétine.
5- Céphalées psychogènes, dites de tension :
Elles représentent avec la migraine le groupe des causes
les plus importantes des céphalées chroniques.
Le diagnostic
de céphalée psychogène n’est pas un diagnostic
d’élimination où l’on dit « c’est psy » parce qu’on ne
trouve rien par ailleurs sur le plan organique.
Le diagnostic
positif repose sur les modalités de la douleur, les
signes d’accompagnement, sur la mise en évidence d’un
terrain psychique particulier, l’examen somatique s’avérant
par ailleurs normal.
• Les caractères propres de la céphalée et son évolutivité
permettent souvent d’orienter le diagnostic.
La douleur est des plus variée, à type de brûlure, de
fourmillements, d’écoulement liquide, de pesanteur et
surtout d’étau.
L’intensité de la douleur est difficile à
objectiver mais elle est vécue comme très pénible, bien
qu’elle n’ait pas le caractère empêchant d’une crise
migraineuse. Le siège de la douleur peut être fixe ou
variable mais ne correspond à aucune systématisation.
Quatre sièges sont évocateurs : occipito-nucal, occipitofrontal
en casque, vertex et racine du nez.
L’allure évolutive est particulière : continue, présente
dès le réveil, parfois à renforcement vespéral.
Les
céphalées psychogènes évoluent sur des semaines, des
mois, des années, volontiers exacerbées par tout ce qui
augmente l’état de tension psychologique, elles sont au
contraire atténuées par tout ce qui est facteur de détente.
Ni les caractères sémiologiques, ni la normalité de
l’examen clinique ne sont cependant suffisants pour parler
de céphalées psychogènes.
• Seul un approfondissement du terrain psychologique
permet réellement de comprendre la genèse du symptôme.
Depuis plus de 25 ans, un mécanisme myalgique a été
mis en avant pour expliquer les céphalées psychogènes.
La mise en tension excessive et prolongée d’une masse
musculaire cervicale et temporale créerait la douleur, la
tension musculaire étant la conséquence d’un désordre psycho-affectif sous-jacent.
Il apparaît cependant qu’il
n’existe pas une relation simple et directe entre l’importance
de la tension musculaire et la céphalée.
Même
lorsqu’elle existe, la tension musculaire n’est probablement
qu’un des éléments explicatifs de la céphalée.
Dans un certain nombre de cas, les céphalées ne sont pas
en relation avec un désordre psychique majeur mais ne
sont que le reflet d’un état de tension psychique excessive
lié à un surmenage, à un effort soutenu, au stress de la
vie courante, à des problèmes émotionnels.
La personnalité
sous-jacente n’est pas perturbée et la céphalée
n’est alors qu’un élément réactionnel.
Les céphalées réalisent un symptôme fréquent dans les
états dépressifs.
Dans quelques cas, la céphalée est isolée
et réalise un véritable équivalent dépressif.
Le plus
souvent, on retrouve d’autres symptômes de l’état
dépressif : asthénie physique, psychique, sexuelle, sentiment
de désintérêt, de tristesse, inhibition, insomnie,
etc..
D’autres fois, les idées dépressives et l’angoisse
sont exprimées comme secondaires à la céphalée, ce qui
peut d’ailleurs être partiellement exact.
L’anxiété sous toutes ses formes, de la banale anxiété
réactionnelle à la véritable névrose d’angoisse, est une
grande pourvoyeuse de céphalées.
Celle-ci peut être isolée
ou associée à d’autres expressions de l’anxiété, pseudovertiges,
palpitations, oppression thoracique, etc.
La
nosophobie de la tumeur, du caillot dans la tête, exacerbe
cette anxiété, d’où aggravation des céphalées et installation
d’un véritable cercle vicieux.
Dans d’autres cas, la tête va être le lieu spécifique d’un
symptôme, expression d’une organisation névrotique le
plus structurée.
Il peut s’agir d’une hystérie de conversion,
d’une hypocondrie ou d’une atteinte psychosomatique
proprement dite.
Les céphalées représentent un des symptômes les plus
fréquents de la pratique quotidienne.
Symptôme parfois
banal ne justifiant qu’une prescription simple d’antalgiques,
elle peut être le symptôme d’affections fort
diverses.
Une approche de type interniste abordant l’ensemble
des problèmes somatiques et psychosociologiques,
permet de déceler les causes et de mettre en
oeuvre une thérapeutique adaptée à chaque problème.