Carcinome épidermoïde de la langue

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Épidémiologie :

Les chiffres d’incidence ou de mortalité donnent aux cancers de la langue en matière de santé publique une place malheureusement privilégiée en France.

L’incidence brute se définit comme le nombre de nouveaux cas apparus au cours d’une année pour 100 000 habitants : elle est évaluée à 7,4 (contre 3,8 en Italie et 0,7 en Allemagne) avec quelques variations géographiques (incidence plus forte dans l’Ouest, le Nord et le grand Est du pays : image en « chapeau de gendarme »).

La répartition par sexe est de 9,8 hommes pour 1 femme.

Carcinome épidermoïde de la langue

L’incidence varie avec l’âge : elle est forte entre 55 et 66 ans (40), mais demeure élevée à 80 ans (30).

La mortalité brute liée aux cancers de la langue est en France la plus forte : 16 pour 100 000.

Alors qu’elle avait augmenté de manière significative jusqu’en 1990, elle semble aujourd’hui stabilisée.

Les taux standardisés confirment une surmortalité en milieu urbain, affectant une population d’ouvriers et d’employés.

Cette mortalité augmente avec l’âge. L’épidémiologie analytique s’efforce de déterminer les facteurs de risque, de dégager la notion de risque relatif afin, dans la mesure du possible, de prévoir une politique interventionnelle de dépistage.

Facteurs de risque :

1- Tabac et alcool :

• Expérimentalement prouvé, le rôle carcinogène du tabac fait augmenter le risque de voir apparaître un cancer de la langue de 6 à 25 chez les fumeurs.

Ce risque augmente après 20 ans d’intoxication tabagique.

Si le type de tabac a peu d’influence, le risque est plus grand chez le fumeur de cigarettes que chez le fumeur de cigares ou de pipe.

D’autre part, la persistance de l’intoxication tabagique fait passer le risque de récidive des cancers de langue de 3 à 30 ou 40 %.

Quatre-vingt-huit pour cent des patients porteurs d’un cancer de la langue sont des fumeurs.

• Par contraste, l’alcool n’est pas carcinogène, son ingestion habituelle est cependant retrouvée chez la plupart des malades porteurs d’un cancer des voies digestives.

C’est le couple alcool-tabac, habituellement rencontré, qui est nocif.

L’alcool aurait une action nulle chez les non-fumeurs.

Les facteurs de risque sont multipliés par 4 en cas d’intoxication conjointe.

Le rôle potentialisateur de l’alcool semble indépendant de la nature de la boisson (bière, vin…).

2- Facteurs hygiéno-diététiques :

Une mauvaise hygiène dentaire est retrouvée chez 80 % des patients porteurs de carcinomes des voies aérodigestives supérieures.

Ce chiffre, qui pourrait être lié aux conditions socio-économiques de cette population, recouvre en fait une réalité : le risque relatif lié à cet état bucco-dentaire est ainsi multiplié par 2 pour les cancers de la cavité buccale.

Par contre, aucune étude chiffrée n’étaye l’hypothèse de la responsabilité directe des prothèses dentaires.

De manière corollaire, la dénutrition vitaminique et protidique est fréquemment retrouvée chez ces patients, même si des études plus fines suggèrent que non seulement quantité, mais aussi qualité des nutriments, sont en cause.

3- Facteurs toxiques :

Même si nombre de cancers de la langue sont répertoriés chez les travailleurs de métaux, la notion de maladie professionnelle n’est pas reconnue, ne serait-ce qu’à cause de l’intrication de facteurs multiples.

De même, hors cas ponctuels, l’irradiation préalable ne peut être mise en cause.

4- Lésions préépithéliomateuses :

Si la plupart des cancers de la langue se déclarent sur une muqueuse saine, des dysplasies préépithéliomateuses, longtemps suivies et traitées, peuvent être retrouvées dans 15 % des cas environ.

Alors que la leucoplasie peut être simplement liée à l’usage du tabac, certaines formes de lichen (lichen atrophique, érosif), l’érythroplasie, dégénèrent à parité chez l’homme et la femme.

La papillomatose orale floride, qui évolue vers le cancer à un moment de son histoire, suggère en outre le rôle possible de certains virus (PVH 11 : papillomavirus humain qui a été mis en évidence dans certaines papillomatoses orales florides) dans la carcinogenèse de ces lésions.

Quelle que soit la forme, la prévalence de ces lésions préépithéliomateuses diminue à mesure que l’on pénètre dans le fond de l’oropharynx.

Les études épidémiologiques isolent une population sujette à développer un cancer de la langue (comme des autres localisations des voies aérodigestives supérieures) : homme de 50 ans, de bas niveau socio-économique, alcoolo-tabagique avec dénutrition et mauvaise hygiène dentaire.

Isolant des groupes d’individus à risque, s’aidant au besoin des colorations vitales (bleu de toluidine), les enquêtes qui ont pu être menées se sont révélées peu rentables, car les populations à risque sont difficiles à atteindre et le taux des faux positifs est encore important.

L’absence de marqueurs biologiques spécifiques rend par ailleurs ce dépistage compliqué.

Diagnostic :

A – Circonstances de découverte :

Partant des principes que plus la lésion est postérieure, plus sa reconnaissance est difficile, et que le cancer est volontiers asymptomatique dans sa phase initiale de développement, les circonstances de diagnostic sont variables :

• découverte fortuite lors d’un examen de la cavité buccale pour un autre motif (odontologique, anesthésique…) ;

• suivi régulier d’une lésion préépithéliomateuse connue qui vient se modifier cliniquement ou dont l’aspect cytologique ou histologique révèle des signes de dégénérescence ;

• reconnaissance par le malade lui-même d’une anomalie volontiers indurée du revêtement muqueux ;

• à un stade plus évolué, gêne fonctionnelle exprimée sous la forme d’un défaut d’élocution, d’un trouble ou d’une douleur à la déglutition (odynophagie), d’une limitation à la protection linguale ;

• mise en évidence d’une lésion suspecte lors du diagnostic étiologique d’une adénopathie cervicale, étant entendu qu’il n’y a pas de correspondance obligée entre la taille de la tumeur et le degré d’envahissement ganglionnaire ;

• altération de l’état général…

B – Caractéristiques de la lésion :

1- Aspect macroscopique :

Quelles que soient ces circonstances, la lésion, volontiers circonscrite, revêt de multiples aspects : simple plage érythroplasique non ulcérée ; ulcération à l’emporte-pièce d’un bord libre ; tumeur bourgeonnante, parfois exophytique, rarement pédiculée ; ombilication de surface recouvrant une infiltration profonde ; fissuration en feuillet de livre de la face inférieure de la langue ; volumineux cratère sphacelé de la base de la langue ; plus rarement abcédation chronique ou masse centrolinguale.

Tout le revêtement lingual peut être également concerné, même si, macroscopiquement, il est très différent.

Si la répartition portion mobile-base de langue, à la mesure de leur surface respective, est de l’ordre de deux tiers-un tiers, l’atteinte de la face dorsale de la langue est rare, alors que bords marginaux et face ventrale sont plus souvent atteints.

Les premiers sont accessibles à la vision directe par opposition aux seconds qui doivent, pour être vus, être examinés au miroir.

2- Palpation :

Davantage que la vision de la lésion elle-même, c’est la palpation de la tumeur, de l’ulcération, qui, peu douloureuse au stade initial de la maladie, révèle l’induration des tissus et permet d’apprécier l’infiltration tumorale.

Certes, cette appréciation demeure grossière, et elle ne permet pas de faire la part de l’inflammation péritumorale constante, mais si elle n’est pas totalement spécifique, elle doit conduire l’observateur à effectuer le geste unique et obligé du diagnostic positif : la biopsie chirurgicale de la lésion.

3- Biopsie :

Obligatoire sur le plan médico-légal avant toute mise en oeuvre thérapeutique, la biopsie chirurgicale obéit à des règles de réalisation : on prélève un fragment suffisamment important, en pleine tumeur, et profondément dans l’induration ; la biopsie est effectuée par le même praticien que celui qui participe à la mise en oeuvre des modalités du traitement ; elle est réalisée immédiatement avant la phase thérapeutique, de peur de lui voir reprocher d’avoir accéléré l’évolution du processus tumoral.

C – Bilan d’extension :

La présomption d’une tumeur maligne de la langue doit faire réaliser l’examen de l’ensemble des voies aérodigestives supérieures accessibles avec les moyens optiques habituels au cabinet (laryngoscopie indirecte, nasofibroscopie…) ; à la recherche d’une 2e localisation, elle doit étendre cet examen aux aires ganglionnaires cervicales et interroger sur les signes d’une éventuelle métastase (hépatique, pulmonaire…).

Schéma et mensuration de la tumeur (et des adénopathies) concluent ce premier examen clinique et permettent la classification première selon le barème de l’UICC (Union internationale contre le cancer).

Faute de posséder marqueurs tumoraux spécifiques et éléments objectifs de vitesse d’évolution tumorale, la classification TNM (tumor-node-metastasis) demeure, en l’état actuel de nos connaissances, le meilleur élément pronostique des cancers des voies aérodigestives supérieures.

1- Examen locorégional :

Lymphophilie et 2e localisation sont les caractéristiques des épithéliomas épidermoïdes de la muqueuse oropharyngée.

Le bilan d’extension locorégional suit donc, de manière obligée, l’étape du diagnostic clinique et, sans aucun doute, c’est au moment de la panendoscopie que se situe le meilleur moment pour réaliser la biopsie chirurgicale, quand le diagnostic clinique a été fortement présomptif.

La panendoscopie au tube rigide permet d’explorer en une étape, sous anesthésie générale, l’ensemble des muqueuses des voies aériennes et digestives supérieures.

L’usage des colorants vitaux est utile, notamment pour l’oesophage, afin de dépister les lésions débutantes.

L’endoscopie bronchique, en l’absence de signes d’appel, demeure peu contributive, elle n’est pas systématique.

Cette vision locorégionale, qui est répétée à intervalles réguliers au long de la surveillance du malade, se justifie par la fréquence des lésions synchrones ou métachrones.

La vision directe d’une lésion, même aidée de la palpation, donne une certaine idée de la surface tumorale (encore que le relief lingual soit fait tout de courbes et de replis), moins du volume de la tumeur, de son extension aux structures de voisinage.

C’est donc à l’imagerie médicale (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique…) que revient ce rôle d’appréciation d’atteinte des structures nobles (os mandibulaire, par exemple) ou des espaces de diffusion (loge hyothyro-épiglottique).

Il est remarquable de constater comment les coulées tumorales suivent le chemin indiqué par l’orientation des fibres musculaires et qu’il n’y a guère de barrières anatomiques qui bloquent la diffusion tumorale.

Certes, périoste et corticale osseuse résistent un temps à l’envahissement, de même que les cloisonnements fibreux qui isolent la langue des espaces laryngés.

Mais il faut comprendre que les « septums » intermusculaires sont, au sein de la masse musculaire linguale, des espaces de glissement, donc de propagation.

L’imagerie médicale, étendue à la région cervicale, complète et affine l’appréciation clinique de l’atteinte ganglionnaire.

La mise en évidence d’adénopathies supracentimétriques constitue a priori un signe d’envahissement et justifie l’évidement cervical chirurgical, seul moyen d’apporter la preuve histologique de la métastase ganglionnaire (avec ou sans rupture capsulaire).

2- Recherche de métastases à distance :

Quelle que soit sa forme histologique, le cancer tumeur de la langue est devenu cancer maladie.

La dimension générale de l’examen clinique évalue donc l’état leucode « l’hôte » dans sa nouvelle relation avec la tumeur.

La recherche de métastases à distance est positive dans 1 cas sur 2, souvent infraclinique et dont la présence témoigne d’un stade évolué de la maladie.

Si radiographie pulmonaire (complétée sur signe d’appel par un examen tomodensitométrique et bronchoscopique) et échographie hépatique, complétant l’examen clinique général orienté par des signes d’appel, sont simples à effectuer avant tout traitement, aucune autre investigation invasive n’est indiquée de principe, risquant de surcharger chez un malade fatigué un bilan important.

Mais métastases osseuses et (ou) cérébrales (rarement uniques) peuvent se révéler très tôt dans l’histoire de la maladie.

Découvertes, elles remettent totalement en cause thérapeutique et pronostic du cancer.

3- Bilan préthérapeutique :

• Score d’état général : les indices de performance, qu’il s’agisse de l’échelle établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1979 ou celle de Karnofsky ne constituent qu’une approche globale du caractère plus ou moins valide et autonome du malade.

• L’état nutritionnel est apprécié par la mesure du poids, de la circonférence musculaire brachiale, de l’épaisseur du pli cutané tricipital.

Toute perte de poids supérieure à 15 % doit être considérée comme grave et justifie une renutrition avant traitement.

La mesure de la protidémie (souvent élevée) doit être corrigée du facteur d’hémoconcentration : celle-ci est constante.

En corollaire, l’urémie est basse alors que la créatinémie est normale.

• L’équilibre métabolique : l’incidence du diabète sur la capacité de cicatrisation, le risque de nécrose et la sensibilité aux infections justifie un équilibrage soigneux de la glycémie avant et pendant la phase du traitement.

La fonction respiratoire : de sa qualité dépendent les suites opératoires éventuelles.

Il faut prendre la mesure, en s’aidant le cas échéant des tests spirométriques, de la fréquente insuffisance respiratoire du fumeur invétéré, des risques inhérents aux troubles de la déglutition du sujet opéré de l’oropharynx, ou à l’oedème laryngé postirradiation.

La kinésithérapie orientée, si le sevrage tabagique a pu être obtenu, facilite la prise en charge chirurgicale éventuelle.

• Les fonctions cardiaque et rénale : parce que les protocoles actuels de chimiothérapie néoadjuvante font volontiers appel à des médicaments cardio- (5 fluorouracile*) ou néphrotoxiques (sels de platine), les fonctions cardiaques et rénales (clairance de la créatinine) sont évaluées avec précision.

• La crase sanguine : si le bilan hépatique montre volontiers les signes indirects de toxicité alcoolique, il est rare qu’un net retentissement sur le bilan d’hémostase soit retrouvé.

Le cas échéant, cette insuffisance, même traitée par vitaminothérapie K, peut constituer une contre-indication au traitement sanglant.

• L’état vasculaire : on est en droit d’attendre d’une population tabagique une forte proportion de manifestations artéritiques, même si le territoire céphalique est relativement protégé.

L’appréciation de l’état veineux périphérique est utile dès lors qu’une chimiothérapie est envisagée (recours fréquent à la mise en place d’un dispositif implantable).

• Prise en charge bucco-dentaire : même en cas de traitement palliatif, un bilan de l’état bucco-dentaire est indispensable ; denture, parodonte, muqueuse sont examinés.

Cette évaluation précise l’hygiène et la motivation du malade pour la poursuivre ou l’améliorer, facteur essentiel d’une prophylaxie fluorée ultérieure.

La radiographie (panoramique, rétro-alvéolaire) est indiquée, même chez l’édenté.

Complications à long terme du traitement :

Il n’y a pas de thérapeutique du cancer de la langue (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie…) qui ne soit, à plus ou moins longue échéance, iatrogénique.

L’inégalité des malades devant ces complications, le caractère difficilement prévisible de leur survenue, compliquent encore le difficile compromis que constitue la décision thérapeutique établie par le comité qui ne saurait se résoudre à n’appliquer que des protocoles.

Qui plus est, l’association des moyens de traitement multiplie les effets délétères de chacun d’entre eux.

A – Complications de la chimiothérapie :

1- Toxicité aiguë :

La toxicité aiguë des médicaments efficaces dans le traitement des carcinomes linguaux est bien connue : accidents allergiques liés à la bléomycine, au VP16 (étoposide), à l’interféron… ; accidents gastro-intestinaux (sels de platine) ; hypoplasie médullaire (anthracyclines, alkylants) ; insuffisance rénale en rapport avec l’usage du méthotrexate et des sels de platine ; nécrose myocardique (cyclophosphamide et 5 fluoro-uracile) ; neurotoxicité centrale (comitialité) ou périphérique (paresthésies).

À cette toxicité générale, liée à la dose instituée, en règle réversible, il faut ajouter les conséquences d’une possible extravasation du produit injecté aux lieux de perfusion.

2- Toxicité chronique :

À l’opposé, la toxicité chronique de la chimiothérapie, également appelée toxicité cumulative, n’est pas toujours réversible.

Cette toxicité, évaluée selon la sévérité de ces manifestations est exprimée en grades (0 à 4) par l’Organisation mondiale de la santé.

Elle affecte les mêmes organes cibles : accidents hématologiques avec un risque de cytopénies irréversibles ; accidents rénaux : insuffisance rénale chronique pour des doses cumulées de cisplatine supérieures à 600 mg/m2 ; accidents gastro-intestinaux à type de cirrhoses hépatiques ; accidents neurologiques : leucoencéphalopathies liées au méthotrexate ; accidents cardiaques : insuffisances cardiaques (anthracycline) ; accidents métaboliques : hyperuricémie…

L’âge souvent avancé de certains malades porteurs de cancers linguaux (sans parler de leur âge physiologique) les rend particulièrement exposés aux complications à long terme des traitements médicaux.

L’indication de leur emploi, à quelque niveau de l’évolution de la maladie cancéreuse, demeure donc liée étroitement aux complications engendrées.

B – Accidents de la radiothérapie :

La iatrogénie post-radiothérapique, acceptable à long terme pour certaines complications correctement tolérées (xérostomie), peut mettre en jeu le pronostic vital.

Elle est favorisée par les associations thérapeutiques (chirurgie et radiothérapie, chimiothérapie et radiothérapie) et certains protocoles d’irradiation.

Même s’il existe une susceptibilité individuelle, elle est proportionnelle à la dose délivrée.

• La radiomucite précoce précède la xérostomie, la radio-épithélite précède la pigmentation cutanée.

Dépilation et jabot mentonnier constituant les conséquences précoces et tardives obligées de la radiothérapie faciale. Les séquelles sévères apparaissent dans un peu moins de 10 % des cas.

• L’ostéoradionécrose mandibulaire, bien que prévenue en principe grâce à la « mise en état » de la cavité buccale et la fluoration préventive des dents restantes, est la plus fréquente de ces complications et semble favorisée par une chimiothérapie préalable.

La curiethérapie est souvent mise en cause.

Ostéite spontanée, ou plus souvent provoquée par un geste d’extraction dentaire post-irradiation survient en moyenne une année et demie après la fin de l’irradiation.

Les traitements médicaux (antibiothérapie, oxygénothérapie hyperbare) guérissent certaines formes débutantes.

La chirurgie (amputation mandibulaire terminale, apport d’os vascularisé) est le seul moyen de limiter l’évolution de cette ostéoradionécrose vers l’oropharyngostome.

• L’oedème laryngé post-radique expose à la dyspnée aiguë, et donc à la trachéotomie.

Il est plus fréquent dans les lésions basilinguales irradiées, comme la chondrite des cartilages laryngés.

• La rupture carotidienne tardive, classique mais rare (5 ‰), est favorisée par l’association radiothérapiechirurgie, sans qu’il ait pu être statistiquement admis que le recouvrement de l’axe vasculaire par les lambeaux de reconstruction en ait diminué la fréquence de survenue.

• Les nécroses cutanées ou muqueuses tardives (les nécroses muqueuses post-curiethérapie sont habituelles) surviennent en moyenne 2 années après la fin des traitements.

Elles sont accessibles à une thérapeutique chirurgicale réparatrice.

• Des lésions neurologiques (myélite, plexite cervicale, paralysie du XII) ont pu être rapportées à l’irradiation d’un carcinome lingual.

• Les cancers radio-induits, sténoses carotidiennes, scléroses cervicales (cou de bois), peuvent apparaître au-delà de 10 années chez tout malade irradié sur les aires cervicales.

• Si nombre de complications peuvent être prévenues, la simulation préalable à toute irradiation, les fractionnements, la multiplication des champs d’incidence diminuent d’autant l’atteinte des tissus sains.

Mais, certains protocoles de réirradiation récemment mis en oeuvre vont délivrer des doses cumulées telles que les malades qui en bénéficient (2e localisation) développeront inéluctablement de telles complications.

C – Complications de la chirurgie :

L’acte chirurgical d’exérèse d’une tumeur linguale engendre à long terme une mutilation que les techniques de reconstruction immédiate s’efforcent de diminuer.

Le principe des exérèses en monobloc (évidement uni- ou bilatéral/tumeur), admis par tous aujourd’hui, met en communication espaces cervicaux et cavité oropharyngée, majorant les risques septiques précoces.

À long terme, les complications peuvent affecter chacun des temps de la chirurgie.

Elles sont plus fréquentes et plus graves si cette chirurgie est effectuée en terrain irradiée.

1- Complications liées à la voie d’abord :

L’accessibilité à la lésion linguale oblige à contourner ou à franchir le rempart osseux de l’arc mandibulaire.

L’ostéotomie symphysaire ou parasymphysaire de la mandibule, en avant du trou mentonnier, permettant par transpelvitomie latérale, l’accès aux tumeurs de la zone de jonction linguale, peut malgré une reconstitution soigneuse de la continuité osseuse par ostéosynthèse, entraîner une pseudarthrose (infectée ou non) retardant la radiothérapie ou transformée par elle en ostéoradionécrose.

La buccopharyngectomie transmandibulaire (qui en réalité se transforme en une mandibulectomie terminale d’accès) laisse persister une latérodéviation mandibulaire avec défaut d’articulé dentaire et hypoesthésie du V3 du côté amputé.

2- Complications liées à l’exérèse :

En dépit des techniques de reconstruction (lambeaux musculo-cutanés, lambeaux libres) l’amputation linguale engendre des séquelles fonctionnelles à la mesure de son volume (hémiglossectomie, glossectomie des deux tiers, basiglossectomie, glossectomie totale…) et de la localisation plus postérieure (oropharyngée) : simple défaut d’élocution (articulation du langage), stase salivaire et alimentaire, gêne à la déglutition, voire impossibilité complète à recouvrer une déglutition efficace : à cette extrémité rare, la laryngectomie de totalisation avec trachéostomie peut s’avérer nécessaire.

3- Complications liées à l’évidement chirurgical :

La voie d’abord cervicale rendue nécessaire par la réalisation de l’évidement ganglionnaire est bien souvent en même temps voie d’accès à la tumeur (pull through lingual) et voie de passage de la reconstruction.

S’il n’y a pas de complication septique précoce, la séquelle cicatricielle s’intègre bien aux rides naturelles du cou.

Le volume des adénopathies, les difficultés de dissection exposent les malades à des séquelles à long terme (souvent liées aux sacrifices obligés de nerfs, muscles, vaisseaux…) telles que : paralysie du rameau mentonnier du nerf facial ; paralysie spinale (avec chute du moignon de l’épaule) ; scapulalgies (à type de périarthrite scapulohumérale) ; paralysie récurrentielle (quand le X doit être réséqué) ; syndrome de Claude Bernard-Horner ; oedème facial (lymphoedème majoré par les sacrifices veineux) ; rupture carotidienne secondaire (en cas d’irradiation secondaire ou de mauvaise protection des vaisseaux du cou).

4- Complications liées aux techniques de reconstruction :

Censées corriger les séquelles fonctionnelles de l’amputation tumorale et prévenir certaines complications infectieuses ou vasculaires, les lambeaux (musculocutanés, libres…) ont leurs propres complications :

• au site donneur : séquelles nerveuses ou cicatricielles d’un site de prélèvement antibrachial, séquelles fonctionnelles de l’épaule d’un prélèvement de lambeau musculo-cutané de grand dorsal ou de grand pectoral ;

• au site récepteur : pilosité intrabuccale d’une palette cutanée, en l’absence d’irradiation, sécrétion acide d’un lambeau digestif.

Le passage cervical des pédicules d’un lambeau musculocutané, tout en apportant une bonne couverture à l’axe vasculaire dénudé par l’évidement radical, peut induire des rétractions cicatricielles, sorte de cordes cervicales, qui loin d’améliorer la mobilité linguale résiduelle ajoutent à la gêne cervicale.

5- Complications liées à un traitement antérieur :

Chacune de ces complications tardives sera amplifiée ou consacrée par la radiothérapie adjuvante.

Mais l’acte chirurgical peut être indiqué chez un patient antérieurement irradié (chirurgie de rattrapage, chirurgie de 2e localisation, chirurgie des complications de la radiothérapie).

Les conditions locales étant moins favorables (hypovascularisation, terrain cicatriciel), les complications en sont majorées dans leurs conséquences : pharyngostomies, orostomies.

Seule une nouvelle chirurgie, avec ses propres risques, et donc dans une spirale potentielle de complications, peut conduire à la guérison.

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