Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins
avec de 25 à 30 000 nouveaux cas par an en France, 23 %
des cancers de la femme sont des cancers du sein. Statistiquement,
on estime qu’une femme sur 11 développera un
cancer du sein au cours de sa vie.
L’incidence annuelle, régulièrement croissante (1,5 % par an), est
estimée à environ 80 pour 100 000 femmes.
L’âge moyen du diagnostic est de 55 ans, et 60 % des patientes ont
entre 45 et 75 ans.
Il est rare avant 40 ans (10 %).
C’est une maladie grave, responsable d’environ 10 000 décès par an.
Le cancer du sein représente la première cause de mortalité chez les
femmes de 35 à 55 ans.
Il occupe le premier rang de mortalité par cancer chez la femme.
L’incidence annuelle de décès par cancer du sein est de 20 à 25 pour
100 000 femmes.
La survie globale, tous stades confondus (avec des écarts importants
selon les stades) est d’environ 65 % à 5 ans.
Ainsi le cancer du sein constitue un problème majeur de santé
publique, justifiant la mise en place et la poursuite des actions de
prévention, de dépistage et de recherche thérapeutique.
B - Facteur de risque :
1- Risque familial
:
Il est un des plus importants. Une histoire familiale de cancer
du sein est un facteur de risque dont l’importance est
variable :
– risque relatif (RR) > 4 en cas d’existence chez une femme
de la famille d’un cancer du sein bilatéral ;
– risque relatif de 2 à 3 en cas d’existence d’un cancer chez
une parente au premier degré (mère, soeur, fille) ;
– risque relatif de 1,5 en cas de lien de parenté au second
degré (cousine, grand-mère, tante).
Le risque familial est d’autant plus élevé que la maladie
s’est déclarée de façon plus précoce chez la parente.
Si la
femme est porteuse d’un ou plusieurs gènes de prédisposition
familiale au cancer du sein (type BRCA 1 ; Breast
Cancer gene 1), le risque relatif est de 10.
2- Risque histologique
:
Il concerne :
– antécédents personnels de cancer du sein (risque relatif
> 4) ;
– hyperplasie atypique, canalaire ou lobulaire (risque relatif
de 4 à 5, en l’absence d’antécédent familial).
– hyperplasie sans atypie, adénoses (risque relatif < 2) ;
– pas de risque pour la mastose sclérokystique et les adénofibromes.
3- Risque hormonal
:
• Facteurs endogènes (risque relatif de 2).
Ce sont : puberté précoce ; cycles anovulatoires ; nulligestité
; première grossesse tardive ; absence d’allaitement
; ménopause tardive.
• Facteurs exogènes
L’absence d’impact des traitements hormonaux substitutifs
ou de la contraception orale est remise en cause actuellement,
en particulier en fonction de la durée d’exposition.
4- Risque environnementaux
:
Ils sont représentés par des conditions socio-économiques
élevées, et des facteurs alimentaires (obésité, régime riche
en graisses animales, alcool).
5- Risque radique
:
Il est classique, et constitue une situation à risque relatif
de 3.
Anatomie pathologique
:
A - Carcinomes primitifs du sein :
Ce sont des adénocarcinomes (tumeurs épithéliales
malignes à différenciation glandulaire).
1- Carcinomes in situ
:
Il sont soit canalaires (galactophore) soit lobulaires (unité
terminale ducto-lobulaire) et présentent tous les critères
cytologiques de la malignité, sans dépasser la membrane
basale ni infiltrer le tissu conjonctif sous-jacent.
Ils n’ont
pas de risque métastatique.
2- Carcinomes infiltrants
:
On distingue :
– carcinome canalaire infiltrant de forme commune (forme
la plus fréquente (81 %)) ;
– formes particulières : carcinome mucineux ou colloïde
(1 %), de la femme âgée, de bon pronostic ; carcinome
médullaire, de bon pronostic ; carcinome tubuleux, de bon
pronostic ; carcinome adénoïde hystique ou cylindrome,
de bon pronostic ; carcinome papillaire (très rare).
3- Cancers inflammatoires
:
Ils sont liés à des emboles lymphatiques disséminés avec
invasions multiples atteignant le derme profond. Ils présentent
un haut risque métastatique.
4- Maladie de Paget du mamelon (2 %)
:
Cette lésion correspond à une extériorisation au niveau du
mamelon d’un carcinome mammaire sous-jacent, de nature canalaire, in situ et parfois infiltrant.
Elle se manifeste par une érosion ou une lésion eczématiforme
du mamelon et correspond à une infiltration des
couches épidermiques par les cellules carcinomateuses.
B - Autres tumeurs malignes du sein :
1- Sarcomes primitifs du sein
:
Ils se subdivisent en 2 catégories :
– sarcomes phyllodes et sarcomes stromaux : rares (< 1 %),
ils peuvent survenir à tout âge et il n’existe pas de terrain
prédisposant tant sur le plan des lésions mammaires préexistantes
que des facteurs hormonaux ; l’évolution est donnée
par l’extension locale ; l’extension ganglionnaire est
exceptionnelle ;
– angiosarcomes : de pronostic défavorable.
2- Lymphomes malins non hodgkiniens du sein
:
3- Métastases mammaires
:
Elles sont rares et peuvent témoigner d’un cancer primitif
de nature variable : mélanome, ou cancers pulmonaire,
digestif, uro-génital.
Dépistage
:
A - But :
D’intérêt majeur, son objectif est de dépister le cancer à un
stade précoce, au mieux infra-clinique et surtout avant l’atteinte
ganglionnaire afin d’améliorer le taux de survie et
de permettre une chirurgie conservatrice.
Deux types de dépistage peuvent être envisagés : le dépistage
de masse, visant 65 à 70 % d’une tranche d’âge de la
population totale ; et le dépistage individuel orienté par
l’âge et les facteurs de risque.
B - Technique :
L’autopalpation et l’examen clinique sont certes utiles, mais
ne sont plus recommandés comme des techniques de dépistage,
même si l’examen clinique des seins reste un élément
essentiel de l’examen systématique.
Le dépistage de masse comporte un à deux clichés par sein
avec double ou triple lecture.
Les campagnes les plus efficaces
concernent la tranche d’âge 50-65 ans avec une mammographie
tous les 2 ans.
Le dépistage individuel commence plus tôt (5 ans avec le
premier cas de cancer familial) et sa fréquence dépend de
l’« intensité » du risque.
Diagnostic
:
A - Circonstances de découverte :
Elles sont variées :
– tuméfaction découverte par la patiente ou lors d’un examen
systématique ;
– mammographie systématique ou de dépistage ;
– écoulement mamelonnaire séreux ou sanglant ;
– anomalie du mamelon : maladie de Paget (ulcération, prurit,
lésion eczématiforme) ; rétraction du mamelon ;
– déformation du sein par une masse tumorale ou par le
« capiton » d’une attraction cutanée ; voire une tumeur
infiltrant ou ulcérant la peau ;
– sein inflammatoire ;
– rarement une adénopathie ou une métastase, et beaucoup
plus rarement une gêne fonctionnelle (mastodynie).
B - Examen clinique
:
Il comporte trois étapes.
1- Interrogatoire
:
Il précise : l’âge, la profession, le statut familial ; les antécédents médico-chirurgicaux et gynéco-obstétricaux
(facteurs de risque, ménopause, traitement hormonal, antécédent
d’irradiation…) ; les antécédents familiaux du cancer du sein
(intérêt de réaliser un arbre généalogique s’il existe plus d’un
cas) ; le délai passé depuis le premier symptôme ; le mode évolutif
; le caractère douloureux ou non ; s’il existe d’anciens clichés de
mammographie ou des échographies.
2- Examens cliniques :
• À l’inspection, il recherche : une asymétrie, une déformation
du contour mammaire, une modification du galbe
(fossette, tuméfaction) ; une anomalie de surface : ride cutanée, peau d’orange, signes inflammatoires ; un nodule
cutané ou une ulcération dans les cas avancés ; une anomalie
du mamelon : rétraction, déviation de son axe, surélévation,
érosion.
• À la palpation, on retrouve le plus souvent une tumeur
unique, unilatérale et indolore.
Les arguments en faveur de la malignité sont : le caractère
mal limité ; la dureté ; l’adhérence à la peau soit spontanée
réalisant une fossette, soit lors du pincement avec signe
du capiton ; une peau d’orange ; l’adhérence au plan profond
(muscle grand pectoral) qui se recherche par la
manoeuvre d’adduction contrariée de Tillaux : la mobilité
du nodule en l’absence de contraction musculaire et sa
fixité lors de la contraction signent l’adhérence au grand
pectoral ; l’existence d’adénopathies dures voire fixées.
L’examen de l’autre sein doit être systématique car 10 %
des cancers sont bilatéraux d’emblée.
3- Examen gynécologique (frottis cervicovaginaux)
et général complet
C - Examens complémentaires :
1- Mammographie :
Examen essentiel, réalisé dans les 10 premiers jours du
cycle, elle est bilatérale et comparative avec des clichés de face, de profil et des prolongements axillaires.
Son interprétation
est parfois difficile chez les femmes jeunes (seins
denses) et pour les tumeurs très postérieures ou du prolongement
axillaire.
Elle est très évocatrice de la malignité si elle retrouve les
anomalies suivantes.
• Opacité stellaire : c’est la traduction mammographique la
plus classique du cancer du sein.
Elle est constituée d’un
centre dense associé à une collerette de spicules plus ou
moins longues.
Il peut s’y associer des microcalcifications,
un halo clair périlésionnel, un épaississement et (ou) une
rétraction cutanée en regard de la lésion, une désorganisation
architecturale, des adénopathies axillaires à centre dense.
• Opacité nodulaire arrondie ou ovalaire, à contours réguliers
ou non.
Elle peut parfois simuler une lésion bénigne
(carcinome médullaire).
Elle peut aussi présenter un bord
en queue de comète, correspondant à des spicules localisés.
Une opacité à limites apparemment nettes doit faire
rechercher des signes évocateurs de malignité : densité élevée,
perte partielle du contour, microcalcifications dans ou
au voisinage de l’opacité.
• Une désorganisation architecturale : aspects de désaxation
et de convergences des travées fibreuses.
• Microcalcifications : elles peuvent être associées à une
opacité tumorale ou, à l’inverse, être isolées.
Elles sont
alors le seul marqueur radiologique d’un cancer infraclinique.
Les aspects possibles des microcalcifications sont très polymorphes.
Il faut rechercher des critères de malignité
parmi les suivants : forme vermiculaire, irrégulière,
polymorphisme, taille et densité différentes, nombre important,
regroupement en foyer, foyer de forme triangulaire à
sommet mamelonnaire.
Elle peut parfois retrouver : une image d’aspect bénin,
homogène et bien limitée ; un kyste à paroi épaisse ; une
lésion multifocale ; une lésion controlatérale ; l’absence
d’anomalie radiologique, dans 3 % des cas.
2- Échographie
:
Examen de complément indispensable de la mammographie
dès lors qu’il existe une anomalie clinique, radiologique
ou une suspicion de cancer, elle permet une meilleure
définition chez la femme jeune aux seins denses.
L’image échographique maligne typique est celle d’une
masse hypoéchogène, hétérogène, solide, à cône d’ombre
postérieur, non compressible, à contours irréguliers et présentant
des dimensions antéro-postérieures supérieures à
ses dimensions transversales (à grand axe vertical).
Il existe parfois des végétations à l’intérieur d’une tumeur
nécrosée d’aspect kystique.
3- Cytologie
:
Intéressante en cas de tumeur palpable, de nodule mammographique
et surtout échographique, elle est réalisée par
ponction à l’aiguille fine de la masse.
Sa fiabilité représente
une spécificité supérieure à 95 % et une valeur prédictive
positive de cancer de 99 %. Néanmoins sa négativité
n’élimine pas le diagnostic (5 à 10 % de faux négatif).
Sa performance est améliorée lorsqu’elle est pratiquée sous
contrôle échographique. Elle est toutefois non significative
dans 5 à 10 % des cas.
4- Anatomopathologie
:
Seule l’étude anatomopathologique affirme avec certitude
le caractère néoplasique de la lésion.
Elle est le préalable
indispensable à toute attitude thérapeutique, ainsi qu’au
bilan d’extension. elle permet, en outre, de préciser les
caractéristiques histologiques de la tumeur, de réaliser la
gradation histopronostique de Scarff, Bloom et Richardson
(SBR) et, enfin, d’effectuer
une évaluation des récepteurs hormonaux aux oestrogènes
et à la progestérone par dosage biochimique et (ou)
par immunohistochimie.
Plusieurs méthodes peuvent être employées :
– le forage biopsique (tru-cut, forage biopsique), sur une
tumeur palpable ;
– la microbiopsie sous repérage en cas de lésion infraclinique
(on utilise la stéréotaxie en cas de lésion radiologique,
et le repérage échographique en cas de lésion visible
en échographie) ;
– la biopsie/exérèse chirurgicale avec examen histologique
extemporané.
5- Radiographie numérisée
:
Sa résolution spatiale est très inférieure à celle obtenue en
mammographie traditionnelle.
Elle peut cependant se révéler
utile dans la recherche de microcalcifications ou d’altérations
structurales dans les seins très denses.
Elle permet
d’améliorer la surveillance des seins opérés et en particulier des seins porteurs de prothèses (aide au diagnostic
de rupture prothétique et aide à la détection de petits
cancers juxtaprothétiques).
6- Galactographie :
Elle est systématiquement pratiquée devant un écoulement mamelonnaire à la recherche d’un refoulement, d’une
lacune irrégulière ou d’une amputation d’un galactophore.
7- Écho-doppler couleur
:
L’étude par écho-doppler couleur de la vascularisation ne
permet pas de prédire de façon fiable la malignité d’un
nodule.
8- Imagerie par résonance magnétique
:
Encore réservée à certains centres, elle semble prometteuse,
en particulier dans les cas de diagnostic difficile, notamment
lorsque le couple mammographie-échographie est le
moins performant : récidive après traitement conservateur,
récidive sur reconstruction, apparition de zones carcinomateuses
au sein d’une mastopathie à risque.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) présente aussi
un intérêt diagnostique dans la recherche de la multifocalité
d’une lésion maligne déjà décelée.
Enfin, certains l’utilisent pour étudier la réponse à la chimiothérapie.
Sa valeur prédictive négative est excellente : l’absence de
rehaussement du signal une minute après injection de gadolinium
élimine quasi totalement le diagnostic de malignité
(moins de 3 % de faux négatifs).
9- Triplet diagnostique
:
En cas de triplet concordant (tumeur cliniquement maligne
+ mammographie typique + cytologie positive), le diagnostic
de cancer est fiable dans 99 % des cas.
Si le triplet
est discordant, la vérification histologique s’impose.
D - Formes cliniques :
1- Cancers infracliniques
:
Leur nombre augmente du fait du dépistage.
Il peut s’agir :
soit de cancers in situ, découverts à l’occasion de microcalcification,
qui peuvent être multifocaux et/ou bilatéraux
(en particulier pour les lobulaires in situ) ; soit de petits
cancers invasifs ou micro-invasifs.
2- Cancers avec écoulement mamelonnaire
:
L’écoulement suspect est typiquement uni-orificiel, sanglant
et unilatéral.
Mais il peut être pluriorificiel ou simplement
sale. L’examen cytologique avec frottis de l’écoulement
peut orienter le diagnostic en montrant des cellules
néoplasiques.
La mammographie, l’échographie et la galactograophie
doivent être systématiques, permettant de visualiser
une petite lésion. Mais seule l’exérèse chirurgicale du
galactophore pathologique avec examen histologique
affirme le diagnostic de cancer.
3- Formes topographiques
:
On distingue les formes suivantes :
– cancer des glandes mammaires accessoires (du prolongement
axillaire au sillon sous-mammaire) ;
– cancer du prolongement axillaire : caractérisé par sa localisation
le long du bord inférieur du grand pectoral et par
leur adhérence précoce à la peau, il faut le différencier
d’une adénopathie axillaire ; le pronostic et le traitement
sont identiques à ceux d’une tumeur des quadrants externes
du sein ;
– cancer du sillon sous-mammaire : de diagnostic parfois
difficile chez la femme obèse aux seins lourds, il répond
souvent à une tumeur de petite taille adhérent à la peau et
(ou) au plan profond ;
– cancer des quadrants externes : diffusant vers les ganglions
axillaires ;
– cancer des quadrants internes ou central : diffusant vers
les chaînes axillaires et mammaires internes ;
– cancers bilatéraux ;
– cancers multifocaux.
4- Formes selon le terrain
:
• Chez l’homme : il est 100 fois plus rare que chez la
femme, mais grave avec extension lymphatique précoce.
• Chez la femme enceinte : sa fréquence est de l’ordre de
1 à 3 cancers pour 10 000 grossesses (2 % de l’ensemble
des cancers du sein).
La grossesse ne semble pas en soi aggraver le pronostic de
ces cancers, mais il faut préciser que les cancers survenant
en cours de grossesse sont déjà diagnostiqués à un stade
avancé, que l’âge médian de survenue est de 35 ans, que
l’atteinte ganglionnaire est plus fréquente et qu’il s’agit
souvent de formes peu différenciées (SBR 3, récepteurs
hormonaux négatifs).
Ces éléments sont des facteurs pronostiques
péjoratifs indipendants de la grossesse.
Étant donné qu’il existe souvent un important retard au diagnostic
du fait d’une grossesse et des difficultés cliniques
d’examen liées aux modifications gravidiques mammaires,
il importe de ne pas différer les explorations, et ce quel que
soit le stade de la grossesse.
Rappelons que la palpation
des seins doit systématiquement être effectuée dès le premier
examen de grossesse.
Sur le plan thérapeutique, la chirurgie est toujours possible.
La radiothérapie est déconseillée et sera effectuée en postpartum.
La chimiothérapie, sauf nécessité vitale (cancer
inflammatoire en poussée évolutive, forme métastatique),
ne sera administrée qu’à partir du 2e trimestre (risque tératogène
au 1er trimestre).
L’interruption thérapeutique de grossesse est à réserver aux
formes graves nécessitant une prise en charge thérapeutique
urgente.
Si le cancer survient dans la seconde moitié
du 2e trimestre, ou au 3e trimestre de la grossesse et que la
femme souhaite mener celle-ci à terme, il importe de traiter
la patiente sans retard et d’effectuer l’accouchement une
fois la viabilité foetale établie.
5- Formes anatomiques
:
On distingue :
– maladie de Paget du mamelon ;
– squirrhe atrophique de la femme âgée : d’évolution lente,
avec adénopathies tardives, cette forme est caractérisée par
l’importance de la réaction fibreuse entraînant une rétraction
progressive avec disparition de la glande mammaire,
puis une ulcération plaquée sur le gril costal ;
– cancers en poussée évolutive : ils correspondent à une
entité clinique regroupant les carcinomes présentant des
signes cliniques d’inflammation au niveau de la peau susjacente
(rougeur, chaleur, douleur, oedème).
Ils représentent 5 à 10 % des cancers quel
que soit l’âge et contre-indiquent une prise en charge chirurgicale
première.
E - Diagnostic différentiel :
1- Devant un nodule du sein
:
• L’adénofibrome, tumeur bénigne de la femme jeune,
ferme, mobile et indolore, répond à la mammographie à
une image régulière avec parfois des macrocalcifications,
et dont la taille clinique est identique à la taille radiologique.
• Le kyste, tumeur rénitente, douloureuse, est variable suivant
le cycle, anéchogène à l’échographie ; la ponction
ramène un liquide citrin de cytologie négative, et affaisse
le kyste.
• L’hématome et la cytostéatonécrose post-traumatique
sont envisagés selon le contexte ; la mammographie peut
révéler des calcifications, mais celles-ci sont souvent arciformes
et situées en périphérie de la lésion traumatique.
• L’abcès du sein peut poser des problèmes diagnostiques
avec les formes inflammatoires de cancer.
Néanmoins, le cancer du sein peut simuler toutes ces
formes ou y être associé. Ainsi, tout nodule du sein doit
faire l’objet d’une exploration minutieuse et complète pour
écarter une suspicion de malignité.
2- Devant un écoulement mamelonnaire
:
L’ectasie galactophorique et le papillome sont de diagnostic
histologique sur pièce d’exérèse chirurgicale.
3- Devant des microcalcifications
:
Il importe de définir le type, le nombre, l’aspect et la disposition
des microcalcifications : la classification de Legal
est la plus couramment employée.
Néanmoins seule l’analyse
histologique permet d’affirmer un diagnostic de bénignité
ou de malignité.
Évolution
:
A - Bilan d’extension :
1- Extension locorégionale
:
Elle est jugée sur l’examen clinique et les explorations
radiologiques, permettant de classer la tumeur selon sa
taille et l’existence ou non d’adénopathies satellites.
Elle
est complétée par l’exploration chirurgicale. L’appréciation
clinique de l’évolutivité locale permet la codification PeV (poussée évolutive) de valeur pronostique.
2- Extension générale
:
La réalisation d’un examen clinique complet et de divers
examens paracliniques permet d’orienter la recherche de
métastases :
– hépatiques (bilan biologique avec dosage de la gamma
GT et des phosphatases alcalines, transaminases, bilirubine
et échographie hépatique) ;
– osseuses (scintigraphie osseuse corps entier, radiographies
osseuses orientées par des signes fonctionnels) ;
– pulmonaires et pleurales (radiographie pulmonaire de
face et de profil, scanner thoracique si anomalies) ;
– cutanées (examen clinique) ;
– cérébrales (examen neurologique complet et scanner sur
signe d’appel) ;
– ovaires (échographie pelvienne pour le cancer lobulaire).
Le dosage initial des marqueurs tumoraux (CA 15-3) a surtout
un intérêt lors de la surveillance ultérieure.
3- Évolution du terrain
:
Elle permet de préciser l’état général de la patiente, et
recherche une éventuelle contre-indication à un traitement.
B - Pronostic :
1- Facteurs pronostiques
:
L’analyse des facteurs pronostiques permet d’identifier les
patientes à haut risque métastatique et (ou) de récidive
locale. Ils sont subdivisés en trois classes.
• Éléments cliniques et morphologiques de mauvais pronostic
:
– taille anatomique de la tumeur (> 3 cm) ;
– caractère multifocal ou bilatéral ;
– envahissement histologique des ganglions axillaires (surtout
si leur nombre est supérieur à trois et s’il existe une
rupture capsulaire) ;
– âge (< 40 ans) ;
– grade histopronostique (SBR) coté à III ;
– type histologique de la tumeur ;
– présence d’emboles lymphatiques ou vasculaires ;
– envahissement cutané ou pariétal profond ;
– dissémination au mamelon si mastectomie.
• Éléments évaluant l’activité proliférative tumorale : le
taux des récepteurs hormonaux systématiquement utilisés,
est corrélé au degré de différenciation de la tumeur ; ils
définissent des indices de bon pronostic et une hormonosensibilité
de la tumeur.
L’étude du cycle cellulaire par cytométrie de flux permet
de déterminer deux critères : l’index d’ADN et le pourcentage
de cellules en phase S de synthèse d’ADN sont de
plus en plus utilisés.
Les oncogènes et anti-oncogènes : C-erb b2, c-myc.
• Éléments évaluant le potentiel invasif tumoral
On peut évaluer :
– protéases : cathepsine D (sélectionne en cas de taux élevé
les patientes à haut risque métastatique, notamment chez
les N-) ; inhibiteurs et activateurs du plasminogène ;
– collagénases.
2- Survie
:
La survie globale est de 65 % à 5 ans, et de 50 % à 10 ans
(tous stades confondus).
Elle dépend de nombreux facteurs pronostiques et thérapeutiques
et l’on peut schématiquement individualiser trois
grands groupes :
– un groupe de très mauvais pronostic dont la survie sans
récidive à 5 ans est inférieure à 30 % (cancers inflammatoires
et cancers à forte invasion axillaire avec plus de
8 ganglions histologiquement envahis) ;
– un groupe de très bon pronostic dont la survie sans récidive
à 5 ans est proche de 95 % (cancers de moins de 1 cm,
de grade SBR I, sans invasion axillaire, et a fortiori cancers
in situ) ;
– un groupe de pronostic intermédiaire, représentant la
majorité des cancers du sein, et dans lequel la survie est
corrélée au T, au N, au SBR et aux paramètres biopathologiques
(récepteurs hormonaux, ploïdie, phase S…).
Principes du traitement
:
A - Méthodes :
Le cancer du sein est à considérer comme une maladie hétérogène
à la fois locale et générale.
Schématiquement, le
traitement devra avoir pour but le contrôle locorégional
(rôle de la chirurgie et de la radiothérapie) et la prévention
ou le traitement des métastases (rôle de la chimiothérapie
et de l’hormonothérapie).
La prise en charge thérapeutique ne se conçoit qu’en équipe
pluridisciplinaire.
1- Traitement locorégional
:
• Chirurgie : le traitement chirurgical aura trois objectifs :
– la confirmation du diagnostic : examen histologique
extemporané de la pièce de tumorectomie ;
– le recueil des principaux éléments du pronostic ;
– le traitement locorégional proprement dit : la mammectomie
radicale modifiée selon Patey, retire la totalité de la
glande mammaire, la plaque aréolo-mamelonnaire et
conservant les muscles pectoraux ; on y associe un curage
axillaire homolatéral.
Dans certains cas, la mammectomie
est complétée par une radiothérapie ; la chirurgie limitée
(tumorectomie, quadrantectomie) associée à un curage axillaire
homolatéral (étages inférieur et moyen du creux axillaire)
est de plus en plus fréquente.
Elle est toujours suivie
d’une irradiation complémentaire.
Elle est pratiquée chez
une femme prévenue du risque de mammectomie.
• Radiothérapie : l’irridiation externe utilise des photons
de haute énergie : Cobalt 60 (puissance énergétique de
1,25 MeV) ou accélérateurs de particules (6 MeV). Cette
irradiation doit inclure la totalité de la glande mammaire
(traitement conservateur) et (ou) de paroi thoracique (mammectomie),
ainsi que les aires ganglionnaires (axillaires,
sus- et sous-claviculaires et la chaîne mammaire interne).
L’irridiation de base délivre de 45 à 50 Gray en 5 à
6 semaines.
En cas de traitement conservateur, le lit tumoral
est susceptible de recevoir un complément soit par une
radiothérapie externe localisée, soit par une irradiation
interstitielle (curiethérapie par des fils d’iridium 192
implantés localement).
2- Traitement général
:
Il comporte deux volets volontiers associés : la chimiothérapie
et l’hormonothérapie.
Le rôle du traitement général est d’éradiquer la maladie micro-métastatique infraclinique
potentiellement présente au moment du diagnostic.
Schématiquement,
40 % des cancers du sein sont virtuellement
guéris après un traitement locorégional exclusif.
Les traitements
systémiques sont donc administrés à des patientes
sélectionnées comme étant à haut risque métastatique (facteurs
pronostiques).
• Chimiothérapie : les protocoles, à type de polychimiothérapie,
varient selon les équipes mais les agents les
plus utilisés sont : le 5FU, le cyclophosphamide, le
méthotrexate, les anthracyclines et les taxoïdes.
Les indications sont les suivantes :
– formes métastatiques, permettant d’améliorer la survie
(médiane légèrement inférieure à 2 ans) ;
– chimiothérapie néoadjuvante : avant tout traitement locorégional
dans les formes évoluées (en particulier si un traitement
conservateur est recherché), ou en poussée inflammatoire
;
– chimiothérapie adjuvante afin de diminuer la fréquence
des métastases, son efficacité n’a été démontrée que chez
les femmes ayant des facteurs de pronostic défavorable.
Auparavant réservée aux patientes préménopausées, elle
est aujourd’hui également utilisée en postménopause.
• Hormonothérapie : elle est employée pour les tumeurs
présentant des récepteurs aux oestrogènes.
On utilise des
anti-oestrogènes (tamoxifène) de façon isolée chez les
patientes ménopausées ou associés chez les femmes non
ménopausées à une castration chimique (analogues de la
LH-RH luteiniging hormone
Ces molécules en se fixant
sur le récepteur des oestrogènes (avec une grande affinité)
provoquent une inhibition compétitive, bloquant l’action
des oestrogènes sur le sein et l’os, d’où la nécessité d’une
castration (spontanée ou provoquée).
Il faut noter l’action
agoniste de ce traitement sur la muqueuse endométriale.
L’hormonothérapie est aussi utile en cas d’échappement
thérapeutique.
B - Indications thérapeutiques :
1- Tumeurs limitées
:
• Les tumeurs de petit volume : T1, T2 < 3 cm, N0, N1,
M0, peuvent bénéficier d’un traitement conservateur associant tumorectomie, curage axillaire et irradiation postopératoire.
• Les tumeurs T2 > 3 cm sont traitées par mammectomie,
curage axillaire et irradiation postopératoire.
Cette attitude
est discutée, certaines équipes proposant une chimiothérapie néoadjuvante pour réduire le volume tumoral afin de
réaliser un traitement conservateur.
• S’il existe un envahissement axillaire histologique ou
des facteurs de mauvais pronostic, on associe une chimiothérapie
adjuvante et (ou) une hormonothérapie (avec
castration en préménopause).
Elles bénéficient d’une chimiothérapie néoadjuvante, suivie
du traitement locorégional (mammectomie + curage + irradiation), puis chimiothérapie adjuvante (+ ou - hormonothérapie).
3- En cas de métastases
:
On associe au traitement locorégional, une chimiothérapie néoadjuvante puis adjuvante et une hormonothérapie.
Le
traitement local des métastases sera fonction de leur siège
(radiothérapie, chirurgie de stabilisation d’une fracture…).
4- Formes particulières
:
• Carcinome canalaire in situ : le traitement se limite en
principe au traitement locorégional.
La fréquente multifocalité
des lésions invite à un geste chirurgical très large
(mammectomie), d’autant préférable qu’il s’agit d’une
lésion de haut grade et de taille supérieure à 2 cm.
En cas
de cancer in situ très localisé et peu agressif, on peut proposer
un traitement conservateur radiochirurgical.
• Carcinome lobulaire in situ : l’absence de transformation
infiltrante de cette forme histologique conduit à une
attitude thérapeutique très peu agressive.
L’exérèse de la
lésion suivie d’une surveillance attentive est désormais
reconnue par la plupart des auteurs.
Cependant, certains
complètent par une radiothérapie.
• Tumeur phyllode : l’évolution des tumeurs phyllodes est ambigüe, parfois toujours bénigne, parfois récidivante sur
le plan local, exceptionnellement métastatique.
La récidive
locale est le plus souvent la règle, essentiellement fonction
de l’étendue de l’exérèse chirurgicale initiale, mais aussi
du grade histologique de la tumeur.
Le traitement est chirurgical,
soit tumorectomie large, soit mammectomie dans
les tumeurs de très grande taille.
C - Surveillance :
L’examen clinique rigoureux, la mammographie et le
dosage du CA 15-3 constituent les trois éléments de base
de la surveillance du cancer du sein traité.
Pour de nombreuses
équipes les autres examens ne sont prescrits qu’en
présence de signes d’appels cliniques ou biologiques.
Il
faut aussi nuancer cette surveillance en fonction de la sévérité
du pronostic.
Enfin, pour certains, radiographie pulmonaire,
échographie abdominale et scintigraphie osseuse
sont pratiquées systématiquement.
Quelle que soit la prise en charge thérapeutique, la surveillance
doit être poursuivie à vie.
Le rythme de la surveillance est adapté en fonction des éléments
pronostiques initiaux :
– en cas de pronostic péjoratif, on pratique un examen clinique
tous les 4 mois pendant 2 ans, tous les 6 mois pendant
3 ans, puis 1 fois par an ;
– dans les autres cas, la surveillance clinique a lieu tous les
6 mois pendant 2 ans, puis 1 fois par an ;
– dans tous les cas, une mammographie est pratiquée tous
les ans ; quant au CA 15-3, il n’existe pas de consensus sur
la périodicité de sa surveillance (1 à 3 fois par an selon le pronostic et le délai écoulé depuis le traitement)
1-
Par ailleurs, la prescription de tamoxifène doit faire pratiquer
une surveillance spécifique, en particulier gynécologique
annuelle avec échographie pelvienne endovaginale
(vérification de l’endomètre) et hystéroscopie en cas d’anomalie,
notamment des métrorragies
2- Au point de vue thérapeutique, les traitements hormonaux oestroprogestatifs restent classiquement contre-indiqués.
Il n’existe pas d’attitude consensuelle sur le délai entre traitement
d’un cancer du sein et survenue d’une grossesse,
on admet que la grossesse n’aggrave pas le risque de
rechute locale ou métastatique.
Il paraît raisonnable d’attendre
que la probabilité de ce risque devienne plus faible,
c’est-à-dire en moyenne 3 à 5 ans (et ce pour des formes
de bon pronostic).
Le dépistage chez les descendantes et les collatérales est
utile avec conseil génétique, en cas de suspicion de forme
familiale.