Cancers de l’hypopharynx et du larynx Cours
d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
Cancer de l’hypopharynx :
A -
Épidémiologie
:
Les cancers de l’hypopharynx représentent 10 à 15%
des cancers des voies aérodigestives supérieures.
Parmi les cancers hypopharyngés, le cancer du sinus
piriforme est le plus fréquent (85 à 89 % des cas).
Ces cancers s’observent essentiellement chez l’homme
(95% des cas).
L’âge moyen de survenue est de 55 ans.
En revanche, les cancers rétro-crico-aryténoïdiens
surviennent surtout chez la femme avec une
association fréquente avec une anémie sidéropénique
(syndrome de Kelly-Paterson) essentiellement dans
les pays anglo-saxons.
B - Facteurs prédisposants :
L’association tabac alcool est quasi constante pour ces
patients ayant un cancer de l’hypopharynx.
Le risque
encouru est fortement potentialisé par l’action synergique
du tabac et de l’alcool.
La mauvaise hygiène buccodentaire,
certains facteurs alimentaires, la répartition
socioprofessionnelle et certains facteurs génétiques
semblent entrer en ligne de compte.
C - Diagnostic :
1- Circonstances de découverte :
• La gêne pharyngée est discrète, caractérisée par un
accrochage à l’alimentation ou par une sensation de
corps étranger.
À un stade plus tardif, une dysphagie
haute peut apparaître.
• Une odynophagie peut être révélatrice (douleurs
irradiant à l’oreille lors de la déglutition).
• La dysphonie et la dyspnée sont des signes tardifs.
• Une adénopathie cervicale métastatique peut être
révélatrice d’un cancer de l’hypopharynx.
• Un amaigrissement, une hypersialorrhée et une
odeur nécrotique de l’haleine sont des signes plus tardifs.
2- Examen clinique :
La laryngoscopie indirecte au miroir est souvent associée
à la fibroscopie nasolaryngée surtout pour les patients
dont le réflexe nauséeux est important.
Cet examen permet de visualiser la lésion au niveau
pharyngé et d’en apprécier son aspect macroscopique
(lésion bourgeonnante, ulcérée).
Parfois les signes sont
plus trompeurs, limités à un simple comblement du
sinus piriforme ou à une stase salivaire.
L’inspection de la cavité buccale et du pharyngolarynx
recherche une autre localisation associée et apprécie
l’état buccodentaire du patient.
La palpation cervicale recherche une déformation du
fût laryngé et étudie de manière méthodique les aires
ganglionnaires bilatérales.
Un schéma détaillé et daté est réalisé à l’issue de cet
examen, ainsi que la classification TNM (tumor-nodemetastasis).
D - Bilan d’extension :
• La tomodensitométrie permet d’évaluer l’extension
tumorale, l’infiltration du mur pharyngolaryngé
et de l’aile thyroïdienne, la présence d’adénopathie
cervicale ou rétropharyngée.
• L’imagerie par résonance magnétique reste d’un
intérêt très limité.
• La laryngoscopie directe complétée par une panendoscopie
sous anesthésie générale est systématique.
Elle
précise l’extension locale de la tumeur et sa topographie
exacte.
Les éléments importants à contrôler sont la limite
inférieure de la lésion par rapport à la bouche de l’oesophage,
la limite haute à la margelle laryngée ou la région sous-amygdalienne.
Enfin, les limites internes au niveau
de la paroi pharyngée postérieure et aussi au niveau de
la région rétro-crico-aryténoïdienne.
Cet examen endoscopique
est complété par une panendoscopie permettant
de rechercher une 2e localisation au niveau pharyngolaryngé
et au niveau de l’oesophage.
Des biopsies à visée anatomopathologiques sont réalisées.
• Extension à distance : la radiographie pulmonaire est
systématique.
Au moindre doute, un scanner thoracique
est associé.
La fibroscopie bronchique peut être demandée.
La fibroscopie digestive est réalisée si l’oesophagoscopie
au tube rigide n’a pas été possible.
L’état buccodentaire
est contrôlé. L’appréciation de l’état général et la
recherche de tares associées sont systématiques.
E - Forme topographique :
• Le cancer du sinus piriforme est le plus fréquent. Il
est rarement limité. Par contre, une infiltration du mur pharyngolaryngé est souvent présente.
• Les cancers de la paroi pharyngée postérieure et les
cancers rétro-crico-aryténoïdiens sont plus rares avec une
extension fréquente au niveau de la bouche oesophagienne.
F - Diagnostic différentiel :
Il n’y a pas à proprement parler de diagnostic différentiel.
Il se pose avec des tumeurs bénignes (fibrome, schwannome) ou une réaction inflammatoire de l’hypopharynx
à la suite d’un traumatisme par un corps
étranger alimentaire.
G - Complications à long terme
du traitement :
Les principaux traitements sont : la radiothérapie
exclusive, la chirurgie suivie de radiothérapie.
Des
essais de radiochimiothérapie sont en cours d’évaluation
en vue d’une préservation laryngée.
La décision thérapeutique se fait toujours lors d’une
consultation pluridisciplinaire.
• Après radiothérapie, les principales complications
sont : l’asialie quasi constante, l’ostéoradionécrose si le
traitement par le fluor n’est pas suivi par le patient, la
sclérose cervicale.
• Après chimiothérapie, des complications auditives ou
rénales (sels de platine) et cardiaques (5 fluoro-uracile)
peuvent s’installer.
• Après chirurgie large, incluant une laryngectomie
totale : une dysphagie par sténose de l’entonnoir
pharyngé est peu fréquente.
La principale séquelle est la
mutilation vocale avec trachéotomie définitive.
La
rééducation par voix oesophagienne permet de la
compenser. L’apparition des prothèses phonatoires a
notablement enrichi les possibilités de la rééducation
vocale.
Les séquelles des curages sont essentiellement
représentées par des troubles moteurs et sensitifs de
l’épaule et du membre supérieur par section nerveuse en
particulier du nerf spinal.
• Séquelles thyroïdiennes : une hypothyroïdie doit toujours
être recherchée biologiquement après résection
thyroïdienne partielle et (ou) après irradiation, et doit
être corrigée.
• Le pronostic des cancers de l’hypopharynx est nettement
moins favorable que celui des cancers du larynx.
Toutes localisations confondues, la survie est de 15 à
20 % à 5 ans.
Cancer du larynx
:
A - Épidémiologie :
En France, 7,5% de la mortalité par cancer est due au
cancer du larynx entre 40 et 59 ans.
Les régions du Nord
de la France sont les plus concernées.
Ces cancers s’observent
essentiellement chez l’homme (95% des cas)
entre 45 et 70 ans.
La répartition des cancers laryngés
selon le point de départ est de : 40 à 50% pour l’étage
glottique, 40 à 50 % pour l’étage sus-glottique, 15%
pour l’étage sous-glottique.
B - Facteurs prédisposants :
• Le tabac reste la cause principale dans l’apparition
des cancers laryngés quel que soit l’étage considéré.
• Le rôle cancérigène direct de l’alcool reste flou.
• Un effet synergique entre le tabac et l’alcool est réel
pour les cancers sus-glottiques.
• D’autres facteurs sont évoqués : exposition prolongée
au nickel, au chrome, à l’arsenic, à l’amiante, à l’acide
sulfurique…
• Le surmenage vocal associé au tabagisme peut être
responsable de laryngite chronique, susceptible de
dégénérer.
C - Diagnostic :
1- Circonstances de découverte :
• La dysphonie est le signe majeur de diagnostic puisqu’elle
est présente dans 95 % des cas.
Toute dysphonie
persistant plus de 3 semaines chez un patient tabagique
nécessite un examen laryngé.
• La dyspnée traduit souvent un cancer laryngé évolué.
• La gêne pharyngée, la dysphagie, l’otalgie réflexe ou
une adénopathie cervicale métastatique sont plus rares
et plus tardives.
Ces signes concernent surtout les
lésions sus-glottiques et les cancers laryngés évolués.
2- Signes d’examen :
• La laryngoscopie indirecte au miroir est souvent
associée à la fibroscopie nasolaryngée, surtout pour les
patients dont le réflexe nauséeux est important.
Cet examen permet : de visualiser la topographie de la
lésion (cordes vocales, épiglotte, sous-glotte…) ; d’apprécier
l’aspect macroscopique de celle-ci (bourgeonnante,
ulcérante, infiltrante) ; d’étudier la mobilité laryngée de
la corde vocale et de l’aryténoïde.
Une immobilité
aryténoïdienne à la toux et en phonation permet de porter
le diagnostic d’hémilarynx fixé contre-indiquant toute
chirurgie partielle.
• La laryngoscopie indirecte ainsi que l’examen à
l’abaisse-langue de la cavité buccale et de l’oropharynx
recherchent une 2e localisation associée.
• La palpation cervicale des aires ganglionnaires est
méthodique.
• Un schéma est réalisé au terme de cet examen précisant
la localisation tumorale, l’extension tumorale, la
mobilité laryngée bilatérale, la présence d’adénopathie
associée.
La classification TNM est
aussi utilisée.
D - Bilan d’extension :
• La tomodensitométrie permet d’apprécier
l’extension tumorale au niveau de : la loge hyothyroépiglottique
; l’espace paraglottique, la commissure
antérieure, le cartilage, la région sous-glottique et de
rechercher des adénopathies cervicales.
• L’imagerie par résonance magnétique est d’un intérêt
plus limité actuellement. Pour ne pas gêner l’interprétation
des clichés, l’imagerie doit être, si possible, effectuée
avant l’endoscopie et les biopsies, surtout pour les
petites tumeurs.
• La laryngoscopie directe complétée par une panendoscopie
sous anesthésie générale est systématique.
Elle
précise l’extension locale de la tumeur en s’aidant éventuellement
d’optique.
Elle recherche une localisation
associée au niveau des voies aérodigestives supérieures.
L’oesophagoscopie et une bronchoscopie sont souvent
réalisées dans le même temps.
• La laryngoscopie directe permet d’effectuer les
biopsies nécessaires au diagnostic anatomopathologique
(le plus souvent ce sont des carcinomes épidermoïdes).
• Extension à distance : la radiographie pulmonaire est
systématique.
Au moindre doute, un scanner thoracique
est associé.
La fibroscopie bronchique peut être demandée.
La fibroscopie digestive est réalisée si l’oesophagoscopie
au tube rigide n’a pas été possible.
L’état buccodentaire
est toujours contrôlé. L’appréciation de l’état général et
la recherche de tares associées sont systématiques.
E - Formes topographiques :
1- Cancer glottique :
Son diagnostic est plus précoce que pour les autres
localisations et son pronostic meilleur.
La tumeur concerne une ou les 2 cordes vocales.
Une
extension à la commissure antérieure peut être associée.
La présence d’adénopathie métastatique est rarement
révélatrice d’un cancer glottique débutant.
La mobilité cordale et un bilan endoscopique précis sont des éléments
fondamentaux à apprécier afin de poser au mieux l’indication
thérapeutique.
2- Cancer sus-glottique :
Les symptômes sont souvent tardifs, représentés par une
gêne à la déglutition, une otalgie réflexe, une dysphonie.
Plus tardivement, une dyspnée peut apparaître. Une
adénopathie est révélatrice dans 30% des cas.
3- Cancer sous-glottique :
La symptomatologie est tardive : dyspnée progressive,
toux.
La gravité de cette localisation est due au drainage
lymphatique qui se fait vers les chaînes récurrentielles et
médiastinales supérieures.
4- Cancer étendu à 2 ou 3 étages laryngés :
Le point de départ est souvent impossible à préciser.
La
symptomatologie est souvent ancienne et polymorphe.
Les adénopathies cervicales sont présentes dans plus de
30% des cas.
F - Diagnostic différentiel :
• La tuberculose laryngée reste rare et peut, dans sa
forme laryngée, présenter un aspect voisin du cancer du
larynx.
Elle s’associe toujours à une tuberculose pulmonaire
évolutive.
• Les laryngocèles sont des diverticules situés dans
l’épaisseur de la bande ventriculaire.
L’association laryngocèle-cancer est classique.
• Une paralysie laryngée pose le problème de sa cause
et nécessite un bilan précis.
• Les tumeurs bénignes rares sont les schwannomes,
les angiomes et surtout la laryngite chronique qui nécessite
une surveillance prolongée et un arrêt du tabac.
G - Complications à long terme
du traitement :
La chirurgie et la radiothérapie, isolément ou en association,
sont les principaux traitements des cancers laryngés.
Des essais de radiochimiothérapie sont en cours
d’évaluation en vue d’une préservation laryngée.
La décision thérapeutique se fait lors d’une consultation pluridiscipinaire regroupant au minimum chirurgien
ORL et radiothérapeute.
• Après radiothérapie exclusive, les séquelles dépendront
de l’importance du champ d’irradiation.
Pour des
tumeurs limitées de l’étage glottique, les résultats
fonctionnels sont habituellement très satisfaisants.
A contrario, après radiothérapie par des grands champs
pour des tumeurs étendues du larynx, les séquelles sont
plus fréquentes à type d’oedème, d’asialie par exemple.
Néanmoins les séquelles majeures sont peu fréquentes
et représentées par la sclérose cervicale et plus rarement
par une nécrose thyroïdienne imposant à elle seule une
laryngectomie totale.
• Après chirurgie partielle, les résultats fonctionnels
dépendent de l’importance de la résection chirurgicale.
Après cordectomie, les résultats sont satisfaisants pour
la phonation, excellents pour la déglutition et la respiration.
Pour les autres laryngectomies partielles, la voix obtenue
n’est pas toujours suffisamment claire et intelligible
pour permettre une réinsertion professionnelle lorsque
les exigences vocales sont importantes et ce, malgré une
rééducation orthophonique.
Peuvent persister aussi des
fausses routes alimentaires discrètes mais permanentes surtout aux liquides, sans complication pulmonaire.
Il en résulte un handicap variable mais difficilement
prévisible lors du choix thérapeutique.
• Après laryngectomie totale, les séquelles alimentaires
sont rares car la majeure partie de la muqueuse pharyngée
est conservée.
Les sténoses de l’entonnoir pharyngé
sont de ce fait peu fréquentes.
Le problème respiratoire
est réglé par une trachéostomie définitive.
La principale
séquelle est la mutilation vocale. Une rééducation postopératoire
par voie oesophagienne permet de la compenser
avec des résultats qui sont fonction d’un certain nombre
d’éléments : la motivation du patient, son âge, son
environnement familial et socioculturel, sa nervosité.
L’apparition des prothèses phonatoires a notablement
enrichi les possibilités de réhabilitation vocale ; elles
permettent d’obtenir une voix de très bonne qualité dans
environ 60% des cas avec néanmoins des soins réguliers.
• Les séquelles des curages cervicaux sont essentiellement
représentées par les troubles moteurs et sensitifs
de l’épaule et du membre supérieur par section nerveuse
en particulier du nerf spinal.
• Séquelles thyroïdiennes : une hypothyroïdie doit toujours
être recherchée biologiquement après résection
thyroïdienne partielle et (ou) après irradiation et doit
être corrigée.
• Réinsertion des patients laryngectomisés : la laryngectomie
totale bouleverse notablement la vie des
patients, au niveau de leur vie sociale et professionnelle.
Globalement, 25 à 40% des opérés reprennent une
activité professionnelle selon les cas.
• Le pronostic dépend du siège et de l’extension de la
tumeur lors de la prise en charge.
Les cancers de la corde vocale ont la meilleure survie :
de l’ordre de 70% à 5 ans pour l’ensemble des tumeurs
du plan glottique, jusqu’à plus de 90% à 5 ans pour les
cancers très limités des cordes vocales.
Les cancers susglottiques
ont un pourcentage de survie de 50 à 60% à 5 ans.
Les cancers sous-glottiques ont un pronostic plus
sombre : moins de 40 % de survie à 5 ans.