• L’incidence annuelle est de 15 à 20 pour 100 000, des
variations géographiques existent avec de faibles incidences
notées en Extrême-Orient (1,6 pour 100 000) et de
plus fortes aux États-Unis (38,5 pour 100 000).
L’alimentation
serait la clé de ces variations.
• Terrain de prédilection de survenue de ce cancer :
– la femme ménopausée avec un pic de prévalence à 59 ans ;
• Le facteur causal essentiel est l’hyperoestrogénie relative
ou absolue.
Par conséquent, les états favorisant ce déséquilibre sont :
– une puberté précoce ;
– une ménopause tardive ;
– la nulliparité ;
– un traitement hormonal substitutif mal conduit (sans progestatifs)
;
– une pilule séquentielle ;
– un syndrome de Stein-Leventhal, tumeur ovarienne
oestrogéno-sécrétante, les inductions de l’ovulation ;
– l’obésité (par augmentation de l’oestrone sérique) ;
– l’hypertension et le diabète : facteurs de corrélation de
terrain avec l’obésité ;
– une hyperplasie endométriale, conséquence de ce déséquilibre.
• Autre facteur de risque : le tamoxifène par action paradoxale
à fortes doses, et en traitement de longue durée.
Diagnostic
:
1- Circonstances de découverte
:
• Métrorragies : classiquement spontanées et indolores suvenant chez la femme en péri- ou postménopause.
Bien
que le cancer endométrial ne soit pas la cause la plus fréquente
de métrorragies périménopausiques, c’est le premier diagnostic à éliminer.
• Leucorrhées sales survenant dans le même contexte, évoquant
une pyométrie.
• Douleurs pelviennes traduisant en général une forme évoluée.
• Découverte fortuite : imagerie, examen anatomopathologique
d’une pièce d’hystérectomie, frottis cervico-vaginal
de dépistage.
• Le cancer n’est que rarement révélé par une métastase
prévalente ou des signes de compression pelvienne.
2- Conduite clinique
:
• L’interrogatoire recherche des facteurs de risques, une
altération de l’état général , d’autres signes fonctionnels,
des tares associées.
• Examen physique
– Gynécologique : patiente en position gynécologique, vessie
vide :
• inspection de la trophicité vulvo-vaginale témoin de l’imprégnation
oestrogénique ;
• l’examen au spéculum permet d’apprécier l’état du col et
recherche un saignement endo-utérin ;
• le toucher vaginal recherche un utérus augmenté de
volume, mou et sensible, caractérisant une forme déjà évoluée
;
• le toucher rectal recherche un envahissement des paramètres,
de la cloison rectovaginale, et des nodules au niveau
du cul-de-sac de Douglas traduisant une carcinose péritonéale.
– Général :
• recherche d’adénomégalies métastatiques (sans oublier le
ganglion de Troisier), d’une hépatomégalie tumorale, d’une
ascite ;
• palpation des seins ;
• examen physique complet (cardiaque, etc.).
Les constatations de l’examen clinique sont consignées par
écrit dans le dossier avec schéma daté.
3- Investigations paracliniques
:
• Cytologie : les frottis cervico-vaginaux doivent être réalisés,
leur positivité témoigne d’une lésion étendue ou d’une
lésion cervicale associée.
La cytologie endométriale sera réalisée par frottis endométrial
par cytobrush par exemple. Ces 2 examens sont réalisés
au cabinet en simple consultation.
• Histologie : la biopsie d’endomètre (canule de Novak,
pipelle de Cornier) permet d’affirmer le diagnostic mais
sans l’éliminer si cette dernière est négative.
Si le col est infranchissable, on réalise un curetage biopsique sous anesthésie
générale.
L’hystéroscopie, qui peut être pratiquée en ambulatoire si le
col est perméable, permet une exploration visuelle de la cavité
utérine, de voir les lésions et de pratiquer des biopsies dirigées.
Elle permet aussi de juger de l’extension en surface du processus
tumoral.
Une cartographie biopsique pourra être faite
en cas de doute.
Classiquement, la tumeur est exophytique, sanguinolente et
friable ; plus rarement, on retrouve une forme ulcérée traduisant
une forme très agressive.
Cet examen tend aujourd’hui à
remplacer la classique hystérosalpingographie.
Il va sans dire que ces prélèvements sont réalisés en dehors de
toute infection génitale.
• Imagerie
– L’échographie endovaginale retrouve une épaisseur de la
muqueuse utérine anormale (supérieure à 7 mm pour les deux
faces chez la femme ménopausée non traitée).
L’accentuation
du contraste (EVAC) permet de bien situer la lésion.
Le point
essentiel de cet examen est d’évaluer l’extension au myomètre
en profondeur.
En outre, elle permet de chercher une lame d’ascite,
des adénomégalies iliaques, de vérifier les annexes, et les
ovaires.
– Le doppler montre une vascularisation anormale au niveau
de la tumeur et une diminution importante des index utérins.
– L’imagerie par résonance pelvi-abdominale fournit des renseignements
similaires à l’échographie endovaginale, avec une
sensibilité et une spécificité à peine supérieures, d’un coût beaucoup
plus élevé ; mais cet examen a l’avantage de moins
dépendre de l’opérateur et donc d’être d’interprétation plus
sûre.
– Radiographie du thorax, échographie hépatique sont réalisées
de façon systématique à la recherche de métastases.
– Urographie intraveineuse, la cystoscopie et la colonoscopie
ne sont réalisées que sur signe d’appel.
– Des travaux récents montrent l’intérêt pronostique du dosage
de la protéine P53 et du CA-125 sériques, du dosage des récepteurs
hormonaux sur la pièce, de la détermination de la ploïdie
et de l’index de prolifération sur la pièce opératoire.
4- Formes histologiques
:
• Les hyperplasies endométriales sont de véritables états
précurseurs du cancer endométrial.
Elles regroupent celles qui sont sans atypies (simples, glandulokystiques
et adénomateuses) et répondent en général
au traitement hormonal, et celles avec atypies cellulaires
qui devront être traitées de façon radicale par la chirurgie
car, si certaines régressent, 40 % vont persister et évoluer
vers le carcinome.
• Les adénocarcinomes (80 %) ne comportent qu’un
contingent cellulaire glandulaire.
On distingue parmi ces
cancers des formes plus ou moins différenciées.
• Les adéno-acanthomes (10 %) comportent un contingent
glandulaire malin et des plages malpighiennes bénignes.
• Les carcinomes adénosquameux (2,5 %) ont des plages
glandulaires et malpighiennes malignes.
Leur pronostic est
très péjoratif, de même que celui des carcinomes adénosquameux.
• Carcinomes (2,5 %).
• Les cancers à cellules claires (2,5 %) dont l’aspect
évoque les tumeurs urothéliales.
• Les cancers papillaires séreux (2,5 %) dont l’aspect est
proche de celui des cancers épithéliaux de l’ovaire, rencontrés
surtout chez la femme âgée, leur pronostic est dans
l’ensemble mauvais.
• Les sarcomes (point de départ conjonctif).
On distingue 3 grades de différenciation : du grade I le
mieux différencié au grade III le moins différencié et donc
de plus mauvais pronostic.
5- Formes cliniques
:
• L’endométriose stromale qui se caractérise par une prolifération
de la seule composante choriale de l’endomètre
dans le myomètre susceptible d’envahir les vaisseaux lymphatiques
et sanguins est en réalité un sarcome de l’endomètre
très rare dont le diagnostic repose essentiellement
sur l’histologie.
• Le cancer de l’endomètre découvert de façon fortuite
sur une pièce d’hystérectomie est rare mais non exceptionnel
et pose le problème de son traitement si l’on a pratiqué
une chirurgie partielle.
Une intervention secondaire
suivie de curiethérapie est indiquée dans tous les cas au
minimum.
• Les formes associées à un cancer de l’ovaire qui posent
le problème de savoir si le cancer primitif est ovarien ou si
la tumeur ovarienne est secondaire à une lésion endométriale.
6- Diagnostic différentiel
:
Il permet de déceler :
– une atrophie ou hypertrophie endométriales ;
– des polypes et léiomyomes sous-muqueux ;
– un cancer du col utérin, et surtout glandulaire de l’endocol
(adénocarcinome) ;
– un cancer ovarien (si lésion annexielle associée).
En fait, les autres causes de métrorragies à cet âge.
7- Classification de la FIGO*
:
Stade I IA
Tumeur in situ
IB
Invasion de moins de 50 % du myomètre
IC
Invasion de plus de 50 % du myomètre
Stade II
IIA
Atteinte de l’épithélium endocervical
IIB
Atteinte du stroma cervical
Stade III
IIIA
Atteinte du péritoine pelvien, des annexes ou
cytologie péritonéale positive
IIIB
Métastases vaginales
IIIC
Métastases au niveau des ganglions pelviens et (ou)
lombo-aortiques
Stade IV
IVA Atteinte vésicale et (ou) de la séreuse digestive
IVB Métastases à distance y compris les ganglions intraabdominaux
ou inguinaux.
Évolution
:
Issu d’un endomètre normal ayant subi tous les stades évolutifs
liés à l’hyperoestrogénie : endomètre normal, prolifératif,
hyperplasie sans atypie cellulaire puis avec atypie
cellulaire, carcinome in situ (CIS), enfin cancer invasif.
Le cancer de l’endomètre naît classiquement au niveau
d’une corne utérine, son extension se fait dans 2 directions :
en surface, et en profondeur vers le myomètre.
Dans un
second temps le vagin, les trompes, les ovaires, puis les
organes voisins sont intéressés par la néoplasie.
L’extension
lymphatique se fait via les ganglions para-aortiques
(corne utérine), alors que le corps et l’isthme sont drainés
par les ganglions iliaques externes.
L’extension hématogène plus tardive entraîne l’apparition
de métastases dans les organes tels que le foie, les poumons
ainsi que dans les os.
Les récidives post-thérapeutiques existent et se localisent
le plus fréquemment au niveau de la tranche vaginale,
le vagin, les paramètres, le péritoine, les ganglions
sans omettre les organes à distance.
Pronostic
:
• Âge : la survie sans récidive et la survie globale diminuent
avec l’augmentation de l’âge lors du diagnostic.
• Type histologique et grade histopronostique : les tumeurs
les moins différenciées sont associées à une augmentation
importante du risque de récidive locale ou à distance.
En
cas de tumeur mixte, le pronostic est altéré par le caractère
agressif du contingent non adénocarcinomateux.
• Degré de pénétration du myomètre : évalué par l’examen
de la pièce opératoire ou à défaut par l’échographie ou l’imagerie
par résonance magnétique ; quand celle-ci dépasse le
tiers interne du myomètre, la survie diminue de façon significative.
• Envahissement ganglionnaire.
• Cytologie péritonéale : positive, elle majore le risque de
récidive extrapelvienne (risque multiplié par 3).
• Récepteurs hormonaux aux oestrogènes et à la progestérone
: leur présence constitue un indice de bon pronostic.
• Plus récemment le dosage de la protéine P53 sérique,
la détermination de la ploïdie ainsi que de l’index de prolifération
constituent des marqueurs participant à l’évaluation
du pronostic.
Pronostic en fonction du stade FIGO (survie à 5 ans) :
– Stade I 80 %
– Stade II 60%
– Stade III 30%
– Stade IV < 10%
Principes thérapeutiques
:
1- Méthodes
:
• La chirurgie représente la technique de choix :
– hystérectomie totale non conservatrice avec annexectomie
bilatérale et collerette vaginale par voie abdominale
avec cytologie péritonéale première et exploration de la
cavité abdomino-pelvienne avec biopsie des lésions suspectes
;
– ou hystérectomie totale non conservatrice avec annexectomie
bilatérale et collerette vaginale par voie vaginale. La
voie vaginale peut être exclusive ou précédée d’un temps
coelio-chirurgical de préparation ;
– le geste ganglionnaire : en fonction du stade, on effectue
un curage sous-veineux iliaque externe, associé ou non à
un curage para-aortique.
• La radiothérapie, seule ou associée à la chirurgie, peut
être réalisée de 2 façons :
– curiethérapie utérovaginale préopératoire avec du césium
137 ou de l’iridium 192, ou curiethérapie vaginale postopératoire.
Elle délivre une dose de 50 Gy, réduite à 30Gy
en cas d’association à une irradiation externe ; elle vise à
limiter les récidives vaginales et de la partie proximale des
paramètres ;
– la radiothérapie externe délivre une dose de 45 Gy sur la
partie distale des paramètres et les aires ganglionnaires
iliaques et éventuellement lombo-aortiques ; elle peut être
utilisée seule à la dose de 60 à 70 Gy.
• La chimiothérapie, peu utilisée, fait appel aux antimitotiques
suivantes : sels de platine, anthracyclines, alkylants
et taxanes.
• L’hormonothérapie vise à inhiber l’action des oestrogènes.
On utilise soit le tamoxifène soit un progestatif fortement
anti-oestrogénique.
2- Indications
:
• Cancer in situ : l’hystérectomie totale avec ovariectomie
bilatérale suffit si l’étude histologique confirme le caractère
non invasif de la tumeur.
• Stade I
– Malade opérable : le traitement débute par une colpohystérectomie
avec annexectomie bilatérale et curage sousveineux,
ce dernier pouvant être discuté pour les bas grades
histologiques.
L’intervention est classiquement réalisée par
laparotomie, mais la voie vaginale éventuellement coeliopréparée
avec lymphadénectomie laparoscopique est une
alternative intéressante.
Une curiethérapie vaginale délivrant
20 Gy est effectuée 6 à 8 semaines plus tard si elle
n’a pas été effectuée en préopératoire.
Une radiothérapie
externe est indiquée en cas d’envahissement ganglionnaire,
d’envahissement dépassant le tiers interne du myomètre ou
de tumeur de grade III.
– Malade inopérable : une radiothérapie exclusive est réalisée.
L’irradiation externe intéresse la cavité pelvienne et
les aires ganglionnaires lombo-aortiques en cas de suspicion
de dissémination (lésion de grade III, invasion profonde
du myomètre…).
La curiethérapie utéro-vaginale
complète l’irradiation 2 à 3 semaines plus tard.
• Stade II
L’extension au col aggrave le risque de récidive locale.
– Malade opérable : la curiethérapie utéro-vaginale est suivie
6 semaines plus tard d’une colpohystérectomie élargie
avec curage iliaque complet. Une lymphadénectomie
lombo-aortique peut être réalisée en cas d’atteinte ganglionnaire
iliaque et pour certains, elle est systématique.
La radiothérapie externe postopératoire (45 Gy) complète
le traitement.
En cas de ganglions envahis ou d’infiltration
massive du col, une chimiothérapie peut être proposée, de même s’il existe un risque important de diffusion métastatique.
– Malade inopérable : une radiothérapie exclusive est réalisée,
associant curiethérapie et irradiation externe. Une
chimiothérapie peut être associée.
• Stade III
Le traitement se rapproche de celui des cancers de l’ovaire.
– Malade opérable : la chirurgie de réduction tumorale est
complétée par une irradiation externe et une chimiothérapie
en cas d’atteinte péritonéale ou ovarienne.
– Malade inopérable : à la radiothérapie, on associe la chimiothérapie
et l’hormonothérapie par tamoxifène ou progestatif.
• Stade IV
Seule une chirurgie palliative peut être réalisée.
Les pelvectomies
gardent peu d’indication à l’heure actuelle.
L’irradiation
externe, la chimiothérapie et l’hormonothérapie
complèteront le traitement.
3- Surveillance post-thérapeutique
:
L’examen clinique est quadriannuel la première année puis
bisannuel ; il est bien entendu complet.
Il recherche des
signes de récidive locale ou à distance et les complications
imputables au traitement.
Les examens paracliniques réalisés sont les suivants : radiographie
pulmonaire, ACE, CA-125.
Les autres seront
demandés sur signe d’appel (urographie intraveineuse,
tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique,
biologie hépatique…).
Concernant le traitement hormonal substitutif, il est raisonnable
d’attendre un délai post-thérapeutique de
5 ans.