Les bronchiolites sont une infection virale des voies respiratoires basses
caractérisée par une obstruction bronchiolaire prédominante
accompagnée de wheezing et/ou de sibilants expiratoires.
Elles
touchent l’enfant âgé de moins de 2 ans, les nouveau-nés n’étant pas
épargnés.
Lors des récentes épidémies (1996-1998), 12,5 %des enfants
atteints étaient en effet âgés de moins de 28 jours.
Les bronchiolites
s’observent préférentiellement de septembre à mars chaque année, avec
un pic épidémique, qui survient de façon variable dans les différentes
régions de France, habituellement en décembre en Île-de-France.
Données épidémiologiques
:
En 1901, Holt a décrit la bronchiolite comme une bronchite catarrhale
aiguë des petites voies aériennes.
En 1956, Chanok isole le VRS et
affirme son rôle pathogène dans cette infection des voies aériennes de
l’enfant.
Les bronchiolites posent un problème de santé publique
puisqu’elles touchent chaque année en France environ un enfant sur
quatre âgés de moins de 2 ans.
Quatre grandes familles de virus en sont responsables : les rhinovirus,
les adénovirus, notamment les sérotypes 3, 7 et 21, les virus grippaux
(influenzae A et B) et paragrippaux, dont le myxovirus para-influenza
de type III, et enfin le VRS. Ce dernier est le grand responsable de
l’épidémie annuelle et concerne 70 % des cas.
Les épidémies depuis le début des années 1980 sont la conséquence de
l’accroissement du nombre de collectivités d’enfants (crèches
collectives, halte-garderies) et de l’acceptation en maternelle d’enfants
de plus en plus jeunes, parfois âgés de 2 ans.
Cela est à relier au plus
grand nombre de femmes qui travaillent (une sur deux actuellement, au
lieu de une sur trois voici 20 ans), qu’il s’agisse d’un couple ou du seul
parent responsable dans les familles monoparentales (1 200 000 dont
1 000 000 de femmes avec un ou plusieurs enfants).
La contamination est donc facile et massive dans ces collectivités, avec
de très nombreux enfants atteints.
Il existe également une contamination
par les adultes, dans le cadre de la famille, mais aussi par le personnel
soignant hospitalier, rendant compte d’infections nosocomiales chez des
enfants hospitalisés, notamment des nouveau-nés et de jeunes
nourrissons.
L’épidémie est automno-hivernale et induit des difficultés
d’accueil aux urgences, d’hospitalisation, un surcoût financier pour les
hôpitaux (dépenses supplémentaires en personnel et en matériel) et des
conséquences économiques pour les parents et les entreprises.
Le réseau de surveillance épidémiologique mis en place par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis l’épidémie sévère de 1991-
1992 a montré une augmentation régulière du nombre de consultants :
+ 32 % entre 1992 et 1993, + 50 % entre 1993 et 1994,
+ 45 % entre 1994 et 1995, + 10 % entre 1996 et 1997.
Dénommé « ERBUS » (épidémiologie et recueil des bronchiolites en
urgence pour surveillance), ce réseau a été étendu à l’ensemble de l’Îlede-France pour l’épidémie 1997-1998 qui a été particulièrement sévère.
Du 13 octobre 1997 au 25 janvier 1998, les 44 hôpitaux pédiatriques
(11 AP-HP et 33 hors AP-HP) ont enregistré 17 564 consultations
d’urgence pour bronchiolite, qui ont été suivies de 6 428 hospitalisations,
dont 87 directement en réanimation et 29 hospitalisations à
domicile.
Ce sont les nourrissons de moins de 3 mois qui sont le plus hospitalisés
(73 % des consultants). Le plan bronchiolite de l’AP-HP, déclenché au
début de la poussée épidémique chaque année, permet de renforcer les
mesures prises par chaque hôpital : augmentation transitoire des
capacités en lits, possibilités de recrutement de personnel intérimaire en
plus d’une mobilité accrue des effectifs infirmiers propres à
l’établissement, disponibilité de vacations supplémentaires de durée temporaire pour des kinésithérapeutes et des médecins, reports
d’hospitalisations programmées.
Malheureusement, les moyens offerts
par les hôpitaux n’ont pas toujours été à la hauteur de la demande,
puisqu’en 1997-1998, 314 transferts ont dû être effectués entre centres
hospitaliers.
Une étude menée à l’hôpital Trousseau (AP-HP) sur 118 enfants
hospitalisés en réanimation pour bronchiolite de 1986 à 1992 a révélé
un âge moyen de 3 mois et 65 % d’enfants ayant des antécédents
(prématurité, bronchodysplasie, bronchiolites antérieures). Presque tous
(97 %) ont nécessité une assistance mécanique respiratoire et 12 %
présentaient une grave insuffisance respiratoire aiguë (hypercapnie
majeure et hypoxie profonde avec apnées).
La persistance de ce tableau,
malgré l’assistance respiratoire conventionnelle, a motivé six fois une
assistance respiratoire extracorporelle (AREC) avec deux décès.
Les
enfants sont restés hospitalisés de 1 à 37 jours (moyenne 7 jours) ; il y
eut au total quatre décès (3,7 %).
Une étude multicentrique du groupe francophone de réanimation
pédiatrique dans 18 centres de réanimation français a évalué
l’importance des formes graves de bronchiolite aiguë hospitalisées dans
ces centres chez des enfants de moins de 1 an au cours d’une étude
rétrospective pour l’épidémie 1991-1992 et prospective pour l’épidémie
1992-1993, soit respectivement 243 et 213 nourrissons.
Le rôle
pathogène du VRS a été affirmé dans 75,5 % des cas en 1991-1992 et
81 % en 1992-1993. L’âge moyen des enfants est peu différent :
respectivement 2,7 ± 2,3 mois et 3,6 ± 3,3 mois.
Les facteurs de risque
sont la prématurité (29 %), la ventilation assistée en période néonatale
(12 et 19 %), la dysplasie bronchopulmonaire (DBP) (4,9 et 6,9 %),
l’existence d’une cardiopathie congénitale (5,8 et 3,7 %), d’une
immunodépression primitive (0,4 et 2,3 %).
Les pauses respiratoires
sont un motif fréquent d’hospitalisation (un quart des cas) et l’assistance
respiratoire a été nécessaire dans 90 %des cas.
Malgré les complications
(pneumothorax, syndrome inapproprié de sécrétion d’hormone
antidiurétique, convulsions, surinfections pulmonaires), la mortalité est
faible (2,2 %).
Les réseaux de médecins sentinelles, pédiatres et médecins généralistes,
ont permis de bien étudier les deux dernières épidémies nationales de
bronchiolites aiguës au cours des hivers 1996-1997 et 1997-1998
(système de recueil des données Bronchoservice mis au point avec le
concours de la firme Théraplix).
En 1996-1997, cinq régions ont été moins touchées : la Picardie, la
Basse-Normandie, l’Alsace, la Bourgogne et la Franche-Comté.
C’est
l’Île-de-France qui s’est placée au premier rang des régions touchées,
avec un quart des cas de bronchiolite aiguë estimés sur l’ensemble du
territoire, suivie par la région Rhône-Alpes et le Nord-Pas-de-Calais.
Il
apparaîtrait que les grandes concentrations urbaines ont connu
proportionnellement plus de cas de bronchiolites.
Comme chaque année,
on constate que si de très nombreux enfants de moins de 2 ans sont
touchés et le nombre de consultants aux urgences hospitalières
augmente, moins de 5 % des malades cependant ont nécessité une
hospitalisation.
En 1997-1998 en revanche, c’est la Haute-Normandie qui arrive en tête,
suivie de la région Midi-Pyrénées, des Pays-de-Loire et de la région
Province-Alpes-Côte-d’Azur.
L’Île-de-France est reléguée au 5e rang,
la région Rhône-Alpes au 9e et le Nord-Pas-de-Calais au 18e.
Comme ces données épidémiologiques l’attestent, l’intensité des
épidémies de bronchiolite aiguë varie d’une région à l’autre et d’une
année sur l’autre, pas toujours en fonction des critères attendus (régions
industrielles, pollution automobile, mauvaises conditions
atmosphériques).
Au cours de chaque épidémie, un certain nombre de bronchiolites graves
doivent être transférées dans un autre hôpital que celui qui a accueilli
l’enfant aux urgences ou dans une salle d’hospitalisation, faute de place
disponible ou parce que l’enfant doit être admis en réanimation.
Ce sont
les unités pédiatriques des services mobiles d’urgence et de réanimation
(SMUR) qui assurent ces transferts. Ils prennent aussi en charge des
enfants directement à leur domicile en raison de l’aggravation de leur
état ou de signes d’épuisement.
Nous rapportons ici l’expérience des quatre SMUR pédiatriques de
l’AP-HP en Île-de-France pour l’année 1997 : 232 nouveau-nés et
nourrissons ont été ainsi transportés, soit une augmentation de 45 %par
rapport à l’année précédente, conséquence directe de la gravité et de la
sévérité de l’épidémie de cette année-là.
Si 66 enfants ont été pris en charge à domicile, la plupart (72 %)
provenaient d’un service hospitalier ou d’un service d’urgence.
La répartition géographique montre que 42 % des enfants provenaient
des trois départements de la petite couronne (92, 93, 94), 30 % de ceux
de la grande couronne (95, 77, 78, 91), 22 %de Paris intra-muros et 6 %
de la province limitrophe de l’Île-de-France (départements 60, 28, 27,
45).
Quarante-huit étaient des nouveau-nés et 101 des nourrissons de
29 jours à 3 mois, soit 149 enfants âgés de moins de 3 mois (64 %).
Soixante-quatre pour cent des enfants ont été admis en réanimation,
23 % transportés aux urgences hospitalières ou dans quelques unités
spécifiques (cardiologie, neurologie) et 13 % en pédiatrie générale.
Avant leur prise en charge par les équipes des SMUR, beaucoup de ces
enfants avaient reçu des bronchodilatateurs, soit isolément (95 cas), soit
en association avec des anticholinergiques (88 cas).
Dix-neuf ont même
reçu des bronchodilatateurs par voie intraveineuse (salbutamol en dose
d’attaque IV, 5 µg/kg en 10 minutes, puis perfusion d’entretien débutée
à 0,5 µg/kg/min) ; 28,4 %ont reçu des corticoïdes par voie intraveineuse
et 49 % des antibiotiques ; 107 enfants (48 %) ont dû être intubés et
soumis à une ventilation mécanique assistée (60 % par l’équipe locale,
surtout pédiatrique ; 40 %par l’équipe duSMURpédiatrique) ; 83 %de
ces enfants intubés sont des nourrissons de moins de 3 mois.
Par ailleurs, 99 (44 %) ont reçu une oxygénothérapie soit par sonde
nasale, lunettes nasales ou cloche de Hood (enfant laissé en ventilation
spontanée), soit sous forme de ventilation nasale avec PEEP (positive
end expiratory pressure) par un système de canulation nasale type
Infant-Flow avec un insufflateur mécanique.
L’agent causal était le VRS dans les deux tiers des cas.
Les
complications observées au cours de l’hospitalisation sont classiques :
troubles de ventilation (44 %), surinfections bactériennes (46 %)
essentiellement dues à deux germes, Haemophilus influenzae et
pneumocoque. Deux décès seulement sont survenus dans cette
importante série de 232 enfants (moins de 1 %), malgré une assistance
respiratoire extracorporelle pour l’un d’eux.
La durée moyenne de
séjour en réanimation est de 6 jours et la durée moyenne
d’hospitalisation de 9 jours.
Dans les antécédents de ces enfants, on relève une forte incidence de la
prématurité (40 %), l’existence de nombreux cas de reflux gastrooesophagien
associé ou non à une oesophagite active (20 %), des
antécédents de bronchiolites (15 %), de DBP (9 %) et de cardiopathie
congénitale (5,8 %).
Par ailleurs, 30 % des enfants ont des antécédents
d’atopie, d’asthme du nourrisson ou des antécédents familiaux d’allergie
sévère.
Un autre travail a porté sur les bronchiolites prises en charge par le SMUR pédiatrique Necker-Enfants
Malades au cours des épidémies
1995-1996-1997 : 48 % des cas ont été observés au mois de décembre,
correspondant au pic épidémique.
Un enfant sur dix provenait d’un
cabinet médical ou de kinésithérapie (la séance de kinésithérapie doit
être courte pour ne pas fatiguer l’enfant ou l’épuiser).
Sur le plan clinique, si 27,7 % étaient polypnéiques, 52 % toussaient et
18,5 % avaient des sibilants expiratoires, beaucoup d’entre eux
présentaient des signes de gravité :
Beaucoup ont dû être
intubés rapidement, après une courte ventilation au masque à
l’insufflateur manuel de type AMBU en O2 pur avec un débit de 4 litres
par minute.
Un enfant sur deux a été admis en réanimation, 37 %
conduits aux urgences hospitalières, 9 %en pédiatrie générale, 3,5 %en
soins intensifs et 1,8 % en cardiopédiatrie.
Physiopathologie
:
Les virus sont transmis par voie aérienne au contact d’enfants infectés et
d’adultes porteurs sains et après réplication au niveau du pharynx,
l’agression se propage en 1 à 3 jours aux dépens de l’épithélium bronchiolaire.
La sévérité de l’atteinte chez les jeunes nourrissons et les nouveau-nés
est expliquée par le faible calibre des bronchioles à cet âge et par l’effet cytopathogène du VRS qui entraîne une nécrose épithéliale avec
desquamation de l’épithélium, à l’origine de la destruction de l’appareil
mucociliaire, ce qui réduit la clairance ciliaire.
On note la formation de
syncytium et la présence d’inclusions éosinophiles intracellulaires en
histologie.
Il existe aussi une inflammation de la paroi bronchique avec oedème et
hypersécrétion.
L’obstruction bronchique est plus le résultat de la
destruction cellulaire, de l’inflammation et du ralentissement de
l’épuration mucociliaire, que du bronchospasme qui est absent ou peu
important.
Les sibilants expiratoires perçus à l’auscultation pulmonaire
sont secondaires à l’inflammation et à l’obstruction bronchiolaire.
Il se
produit donc des troubles de ventilation (emphysème,
atélectasie), de graves troubles de l’hématose et une
surinfection bactérienne fréquente et précoce.
Les virus ont une cible privilégiée : le
poumon.
Mais certains d’entre eux, notamment les sérotypes 3, 7 et 21
des adénovirus ou le myxovirus influenza de type III chez les virus
paragrippaux, peuvent donner d’autres atteintes : cardiaque (myocardite
interstitielle générant des troubles du rythme cardiaque par
atteinte élective des faisceaux de conduction), cérébrale
(méningoencéphalite d’évolution tout à fait imprévisible), digestives
(diarrhée, gastroentérite avec déshydratation, atteinte hépatique
cytolytique).
La sévérité de l’atteinte chez certains tout-petits peut aboutir à une mort
apparemment brutale ; la bronchiolite représente une cause essentielle
parmi les infections responsables des morts subites du nourrisson
actuellement recensées, après disparition de la plupart des causes
asphyxiques accidentelles.
L’existence d’apnées inaugurales,
récidivantes, de durée prolongée par atteinte du centre respiratoire
bulbaire et la survenue de troubles du rythme à type de fibrillation
ventriculaire ou de torsades de pointe pourraient en expliquer certaines.
Clinique
:
Le cycle du virus évolue en une dizaine de jours : progression de
l’affection, plateau et décroissance de la symptomatologie avant
guérison.
Le début est brutal, marqué par une infection banale des voies aériennes
supérieures (rhinopharyngite, coryza), puis en 2 à 3 jours s’installe
progressivement une tachypnée superficielle avec distension thoracique,
une toux sèche, irritative, répétitive, volontiers quinteuse, fatigante
s’accompagnant fréquemment de vomissements alimentaires.
La
fièvre est modérée ou absente.
Au 4e-5e jour, à l’acmé de l’affection, la distension thoracique est nette.
La polypnée et la dyspnée sont importantes, avec ce wheezing bien
caractéristique et audible à distance. Les sibilants expiratoires sont
retrouvés à l’auscultation.
Ce tableau, où l’inflammation et la bronchoconstriction bronchiolaire
dominent, correspond à la bronchite dite asthmatiforme, du fait de la
prédominance du wheezing et des sibilants expiratoires.
Mais l’existence de crépitants fins et de sous-crépitants, diffus en fin
d’inspiration, signe l’atteinte alvéolaire associée.
Car dans d’autres cas,
l’atteinte virale entraîne une hypersécrétion bronchique.
L’enfant ne
peut éliminer ces sécrétions bronchiques malgré la toux, qui change
alors de caractère et devient moins sèche et quinteuse.
À cette phase de la maladie, la radiographie thoracique confirme la
distension thoracique avec abaissement des coupoles diaphragmatiques, horizontalisation des côtes, images d’atélectasies et de foyers
pulmonaires.
On peut même noter un pneumomédiastin par rupture
d’alvéoles médiastinales avec réalisation d’un thymus volant uni- ou
bilatéral, les lobes du thymus étant alors soulevés par
l’épanchement aérien.
Même si c’est exceptionnel, ce pneumomédiastin
peut s’évacuer vers le cou du nourrisson, entraînant un
emphysème sous-cutané cervical extensif, qu’on perçoit bien par
la crépitation qu’il génère à la palpation du cou, l’air passant
d’une logette à une autre.
Cet enfant devra
être immédiatement conduit pour surveillance en unité de réanimation
dans la crainte d’une asphyxie par compression laryngée externe et de
spasme glottique ou de la survenue d’un pneumothorax.
En l’absence de complication pulmonaire ou infectieuse, l’enfant guérit
en 2 à 3 jours avec restitutio ad integrum de l’épithélium bronchique en
quelques jours.
Une réinfection survient dans un quart des cas, car il n’y a pas de bonne
réponse immunitaire de l’enfant (moins de 20 %).
L’enfant peut
également faire une nouvelle bronchiolite à un virus différent de celui
qui a été identifié lors du premier épisode.
Devant toute bronchiolite, le médecin devra rechercher les signes de
gravité de l’affection :
– tachypnée atteignant ou dépassant 70 cycles par minute, soit au moins
le double de la fréquence habituelle pour l’âge ;
– encombrement majeur par les sécrétions trachéobronchiques ;
– irrégularité du rythme respiratoire avec pauses brèves ou apnées plus
ou moins prolongées, pouvant retentir sur la coloration et le rythme
cardiaque ;
– cyanose des extrémités des membres (doigts et orteils) et en
péribuccal, se généralisant plus ou moins rapidement ;
– signes de lutte : battement des ailes du nez, tirage intercostal, sussternal
et sus-claviculaire majeur, balancement abdominothoracique,
creusement xiphoïdien sternal ;
– aspect gris, pâleur, apparition de sueurs (tardives) ;
– enfant fatigué, peu réactif, hypotonique, pouvant présenter des
épisodes d’agitation lors de la mobilisation traduisant l’asphyxie ;
– troubles digestifs : anorexie, refus de boire, vomissements favorisés
par la toux ;
– retentissement cardiovasculaire : tachycardie, tendance à
l’hypertension artérielle.
Des facteurs de risque seront identifiés chez un certain nombre
d’enfants :
– enfant de moins de 3 mois ;
– ancien prématuré âgé de moins de 6 mois ;
– nourrisson présentant une DBP, une cardiopathie congénitale, une
mucoviscidose, un déficit immunitaire primitif congénital ou acquis.
Diagnostic différentiel
:
Il ne faut pas prendre toutes les gênes ou difficultés respiratoires du
nourrisson, notamment en période épidémique, pour des bronchiolites.
Les diagnostics différentiels sont nombreux, mais doivent pouvoir être
aisément éliminés : corps étranger méconnu (unilatéralité des signes
auscultatoires et radiologiques, syndrome de pénétration retrouvé
parfois à l’interrogatoire, mais négligé initialement par l’entourage, car
l’enfant a repris rapidement une respiration normale), mucoviscidose
(épisodes de bronchites surinfectées à répétition, troubles digestifs
parfois associés), anomalie des arcs aortiques, compression trachéobronchique extrinsèque par un tronc artériel brachiocéphalique
précroisant la trachée ou l’artère pulmonaire gauche cravatant l’axe
aérien, dyskinésie ciliaire primitive mise en évidence par fibroscopie
bronchique et biopsie.
Conduite à tenir
:
A - Bronchiolite banale sans signes de gravité
:
Le traitement d’une bronchiolite banale n’est que symptomatique, car
aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité, qu’il s’agisse des bronchodilatateurs et des corticoïdes par voie orale prescrits
régulièrement en pédiatrie de ville (sirop de Ventolinet et Célestènet
en gouttes buvables, 10 à 15 gouttes par kg chaque matin vers les
8 heures).
L’échec de ces médicaments résulte très probablement de la
prépondérance des phénomènes obstructifs sur des voies aériennes de
très petit calibre, le bronchospasme étant plutôt le fait des formes graves.
Le maintien de la liberté des voies aériennes supérieures, par
désobstruction nasopharyngée grâce à un petit aspirateur bucconasal et
du sérum physiologique, paraît largement suffisant.
Les parents seront
invités à ne pas forcer l’enfant sur le plan alimentaire et à fractionner
transitoirement les repas pour ne pas aggraver la gêne respiratoire et
entraîner des vomissements, favorisés par la toux, dans la crainte de
fausses routes alimentaires trachéobronchiques.
Les séances de kinésithérapie respiratoire ne seront indiquées que s’il
existe une hypersécrétion bronchique avec un encombrement des voies
respiratoires, la toux étant inefficace à cet âge pour obtenir un
désencombrement physiologique suffisant.
Bien entendu, l’efficacité de
cette thérapeutique nécessite des spécialistes compétents en
kinésithérapie respiratoire du nourrisson et une permanence de soins à
domicile grâce à un réseau fonctionnant en garde permanente 24 heures
sur 24, quel que soit le jour de la semaine.
Certains enfants peuvent
nécessiter plusieurs séances par jour à l’acmé de l’affection.
La qualité
de l’entourage familial est également importante à apprécier.
L’objectif de la kinésithérapie respiratoire est d’assurer la capacité
d’alimentation de l’enfant en maintenant la vacuité des voies aériennes
supérieures (VAS), nécessaire à la respiration pendant la tétée.
La libération desVAS est obtenue par éternuement provoqué (lavage de
la cavité nasale au chlorure de sodium à 0,9 %) et par mouchage.
La mobilisation des sécrétions distales est provoquée par l’accélération
du flux expiratoire avec accompagnement de l’expiration par pression
accentuée et prolongée, mais douce, sur le thorax avec maintien de la
paroi abdominale pour éviter le reflux.
L’évacuation des sécrétions dans l’axe trachéobronchique est assurée
par pression plus vigoureuse sur le thorax, qui permet la montée des
sécrétions au niveau trachéal et laryngé avec extériorisation des
sécrétions par la toux spontanée.
Cependant, il peut être nécessaire de
provoquer le réflexe de toux par un appui bref et léger sur la trachée ou
le larynx au-dessus de la fourchette sternale, voire avec un
abaisse-langue.
L’efficacité de la kinésithérapie est attestée par l’auscultation, mais surtout par la facilité retrouvée de l’enfant à respirer et la régression progressive de la toux.
La séance de kinésithérapie ne doit pas excéder
10 minutes.
Il faut la faire à distance d’un repas ou juste avant un repas
pour éviter vomissements et fausses routes.
Il faut faire une pause au
cours de la séance dès l’apparition de sueurs ou de pâleur.
Comme on l’a
vu, les séances seront au minimum biquotidiennes, notamment au 3e-4e
jour de l’évolution, réglées par l’importance de l’encombrement.
Les
séances seront à renouveler pendant au moins 1 semaine.
L’antibiothérapie ne doit pas être systématique, mais réservée aux
enfants à risque, aux co-infections et aux surinfections.
En cas de fièvre, ce qui est peu fréquent, l’administration de paracétamol
à raison de 15 mg/kg toutes les 6 heures sera suffisante, par voie buccale
ou rectale, associée au traitement physique classique : déshabillage,
boissons supplémentaires, bain de 2 °C en dessous de la température
corporelle du nourrisson pendant 10 minutes ou enveloppements répétés
avec des linges trempés dans de l’eau à la même température que pour le
bain.
On n’oubliera pas de rappeler aux parents la nécessité de coucher
l’enfant sur le dos et d’éliminer tout risque supplémentaire d’asphyxie
(pas d’oreiller, de couette ou de couverture) et de maintenir une
température à 19-20 °C dans la pièce où dort l’enfant.
Il faut maintenir une hydratation correcte pour compenser
l’augmentation des pertes insensibles dues à la polypnée, à la fièvre et
celles dues aux troubles digestifs éventuels (vomissements, diarrhée).
Elle permet d’assurer également une bonne hydratation des sécrétions
bronchiques et leur évacuation plus aisée.
B - Bronchiolite avec signes de gravité
:
Position dorsale avec soulèvement des épaules pour obtenir une
déflexion modérée de la tête en arrière et permettre une meilleure liberté
des VAS, le massif lingual n’ayant pas, dans cette position, tendance à
basculer en arrière vers la paroi pharyngée postérieure.
Aspiration rhinopharyngée à la demande lors d’encombrement par les
sécrétions.
Installation de la diode digitale cutanée de l’oxymètre de pouls, pour
apprécier au mieux la SaO2 sur la face externe du pied, le pouce ou le
gros orteil selon l’âge.
Monitoring cardiovasculaire par Dinamap (pression artérielle [PA]
maxima, minima, moyenne, pouls) et électrocardiographie (rythme
cardiaque, aspect du tracé).
En cas de désaturation cutanée (SaO2 < 95 %), mise sous
oxygénothérapie par sonde nasale enfoncée seulement de 1 cm ou
lunettes nasales dont le débit en L/min sera ajusté selon la SaO2 et la
tolérance (l’humidification de l’O2 réchauffé est toujours indispensable)
ou par Hood avec un débit de gaz de plus de 5 L/min, mélange d’air
comprimé médical et d’oxygène, dont la concentration sera, elle aussi,
adaptée à la valeur souhaitée de la SaO2 (> 98 %).
Pose d’une sonde gastrique avec aspiration du contenu de l’estomac,
puis ouverte au sac en déclive pour une aspiration douce et permanente
(dépression naturelle de 15 à 20 cm d’eau) des sécrétions gastriques,
mais surtout de l’air en excès en raison de la polypnée du nourrisson.
Perfusion systématique par un cathéter court de calibre 24 ou 22 G pour
alimenter l’enfant (G 10 % et électrolytes), afin de l’hydrater
normalement et de garder une voie d’abord de sécurité (un robinet à trois
voies est utile).
Commencer les séances de kinésithérapie selon le procédé déjà envisagé
(technique des vibrations expiratoires).
Ce n’est qu’après avoir assuré la sécurité du malade qu’on fera les
prélèvements pour examens complémentaires à la recherche d’une
surinfection (prélèvement pharyngolaryngé, numération formule
sanguine [NFS], CRP [C reactive protein]), à la mise en évidence de
lésions pulmonaires provoquées directement par le virus (infiltrats,
foyers, accentuation des traînées hilifuges sur la radiographie
thoracique) ou indirectement par son action sur les parois bronchiolaires
(atélectasie, plages d’emphysème) et ses conséquences sur le poumon
(pneumomédiastin, pneumothorax).
Si la situation est inquiétante, devant l’existence d’apnées primitives ou
obstructives, du fait d’une hypersécrétion bronchique majeure, ou de
signes de lutte avec cyanose, aspect gris, tachycardie et hypotonie,
l’intubation du nourrisson est nécessaire.
Procéder à la libération immédiate des VAS par déflexion modérée de la
tête en arrière et aspiration des sécrétions des fosses nasales, de la
bouche, de la gorge et rapidement de l’estomac.
Ventiler le nourrisson au masque à l’insufflateur manuel de typeAmbut
ou Laerdalt enO2 pur, en attendant de préparer le matériel d’intubation.
Prendre une voie d’abord veineuse (cathlon 24 G) pour prémédiquer le
malade par Atropinet (20 íg/kg en IV) et Hypnovelt (50 à 100
µg/kg
en IV lente), car ces malades sont difficiles à intuber.
Mise sous cardiomoniteur (fréquence cardiaque, électrocardiogramme).
En cas d’hypersécrétion, un aide se tiendra à côté de l’opérateur pour
aspirer en permanence les sécrétions, qui proviennent de l’axe trachéobronchique et gênent l’opérateur en noyant en permanence les
repères anatomiques.
Intubation avec une sonde (SIT) sans ballonnet de calibre approprié aux
paramètres physiologiques du nourrisson, en s’aidant éventuellement
d’un prolongateur de tubulure dit raccord de Beaufils adapté à la sonde
d’intubation d’un côté et au raccord de Cobb de l’autre, pour apporter au
moins 40 à 50 % de FiO2 au niveau du pharyngolarynx lors de la
réalisation du geste.
Dès la mise en place de la SIT, un flot de sécrétions blanchâtres épaisses
gicle de l’orifice proximal obligeant à aspirer rapidement en trachéobronchique, avant de ventiler l’enfant en O2 pur avec des
pressions modérées et un rythme respiratoire le plus proche possible au
départ de celui de l’enfant, puis on essaiera de le ralentir en augmentant
le temps inspiratoire (rapport I/E proche de 1).
Bien fixer les poignets aux racines des cuisses par des menottes reliées
entre elles par-dessus des compresses pour éviter une extubation
accidentelle dramatique, mais sans entraîner de striction trop forte des
poignets.
La sédation sera poursuivie par l’Hypnovelt ou le Fentanylt
(1 µg/kg/h).
Le transfert en unité de réanimation sera effectué par un SMUR, si
possible pédiatrique.
Traitement des enfants présentant
des bronchiolites à répétition
ou des épisodes sifflants répétés :
Devant une bronchiolite chez un nourrisson ayant des antécédents
personnels et/ou familiaux d’atopie, lorsqu’il existe des antécédents de
bronchodysplasie ou de maladie chronique pulmonaire héréditaire ou
non, enfin lorsqu’il existe des bronchiolites antérieures, un bêta2-mimétique inhalé pourra être testé, sous surveillance médicale stricte,
car ces nourrissons peuvent être des asthmatiques pour lesquels un
traitement bronchodilatateur se justifie.
La maturation des récepteurs
bêta2
bronchiques apparaît individuelle selon les enfants et est souvent plus
précoce chez ceux qui sont atteints d’une pathologie sous-jacente
(asthme, dilatation des bronches [DDB]).
Il existe cependant un risque dans l’utilisation des
bêta2-mimétiques chez
les enfants de moins de 1 an par bronchospasme paradoxal et hypoxie
aggravée en raison de l’apparition d’un effet shunt intrapulmonaire par
modification des rapports ventilation-perfusion (territoires perfusés non
ou mal ventilés), et ce d’autant plus que la PaO2 initiale est basse.
C’est pourquoi la nébulisation doit toujours se faire avec de l’oxygène
comme vecteur et la surveillance par l’oxymétrie de pouls ou par le
monitorage de la PaO2 est fondamentale, afin de s’assurer de la bonne
tolérance du médicament.
Si la première série de trois nébulisations d’une durée de 20 minutes
chacune, avec un temps de repos équivalent entre chaque nébulisation,
ne fait pas la preuve de son efficacité, il faut arrêter ce traitement.
On
utilise habituellement la solution de Salbutamolt concentrée à 0,5 %
(flacon de 10 mL pour 50 mg) avec une quantité de 0,03 mL/kg par
nébulisation additionnée de 4 mL de chlorure de sodium à 0,9 %, dans
lequel barbotera l’oxygène au débit de 4 à 5 L/min.
Médicaments inutiles
:
Il n’y a aucune indication à la corticothérapie inhalée ou par voie
générale, ni aucune justification scientifique à la prescription de mucomodificateurs, qui peuvent augmenter les sécrétions et encombrer
le nourrisson au point de le noyer et de l’asphyxier, celles-ci étant déjà
abondantes et fluides.
Les antitussifs ne sont pas indiqués, car ils aggraveraient également
l’état du nourrisson en ne lui permettant pas, par sa toux spontanée, de
tenter de se désencombrer seul ou avec l’aide de la kinésithérapie
respiratoire.
La toux doit être respectée, car elle contribue, même si c’est
insuffisant, à l’évacuation des sécrétions bronchiques.
En outre, les
antitussifs comportant des dérivés morphiniques sont contre-indiqués
avant 30 mois, car ils ont des effets dépresseurs respiratoires, tout
comme les phénothiazines.
Les aérosols de ribavirine, nucléoside de synthèse qui interfère avec
l’expression de l’acide ribonucléique (ARN)-messager et inhibe la
synthèse de protéine virale, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité,
bien que son activité ait été démontrée contre tous les virus impliqués
dans les bronchiolites virales.
Lors d’un premier épisode de bronchiolite, l’utilisation d’un
bêta2-mimétique n’est pas souhaitable.
Une méta-analyse portant sur
333 patients a montré l’absence d’efficacité des bêta2-mimétiques dans le
traitement de la bronchiolite aiguë.
Les autres molécules bronchodilatatrices (adrénaline, bromure
d’ipatropium) n’ont pas d’efficacité nettement démontrée.
Pronostic des bronchiolites
:
Les conséquences de ces bronchiolites peuvent être sévères, car ces
infections interviennent alors que la période de croissance rapide du
tissu pulmonaire n’est pas encore achevée.
Si elles se répètent au cours
d’une même année (au moins trois épisodes sifflants), et ce d’autant plus
que la première survient précocement dans la vie de l’enfant, le
nourrisson est exposé à la survenue, d’une part, d’un véritable asthme
du nourrisson, allergique ou non, d’autre part, à l’acquisition d’une
hyperréactivité bronchique.
En outre, les infections à virus influenza, para-influenza et à adénovirus
exposent au risque de séquelles bronchopulmonaires à type de dilatation
des bronches par des phénomènes de bronchiolite oblitérante.
Prophylaxie
:
Lorsqu’un enfant est atteint de bronchiolite, on doit recommander une
éviction de la crèche pendant la phase aiguë de la maladie.
Il est
préférable de le garder à la maison pendant 4 à 5 jours.
Il faut aussi lutter
contre le tabagisme passif, qui augmente la fréquence des atteintes respiratoires des nourrissons de 20 à 25 % et facilite l’agression
microbienne, donc virale, par l’irritation permanente du pharynx et la
paralysie des cils vibratiles de la muqueuse trachéobronchique par les
constituants de la fumée.
Bien que difficile à apprécier, la pollution environnementale joue
également un rôle (particules solides, dioxyde de soufre et oxyde
d’azote).
Même si l’allaitement maternel n’empêche pas obligatoirement la
survenue d’une bronchiolite, les substances anti-infectieuses naturelles
(lysozyme, ferritine, anticorps IgA sécrétoires) apportées de façon
passive dans le lait maternel permettent d’aider ces nourrissons, qui
présentent tous un déficit immunitaire naturel physiologique dans les
premiers mois de vie, à mieux lutter contre les infections en général.
Il est également indispensable de corriger une anémie ferriprive du
nourrisson par un apport approprié en fer.
Enfin, pour les prématurés et tous les nouveau-nés et nourrissons à
risque (hypotrophes, cardiopathes), le corps médical doit recommander
aux parents d’envisager un moyen de garde qui ne soit pas collectif,
plutôt une assistante maternelle ou une garde à domicile qu’une crèche
collective.
Prévention des infections nosocomiales
:
Dans la dernière décennie, on a vu se multiplier le nombre de
bronchiolites atteignant des nouveau-nés, toujours hospitalisés dans des
unités néonatales et contaminés par l’entourage, notamment des
soignants, porteurs sains de virus.
On rappelle que les virus se transmettent très facilement par les
sécrétions nasales et les gouttelettes de Pflügge.
Ils restent contaminants
plusieurs heures et peuvent aussi se transmettre par les mains du
personnel soignant, voire des objets (jouets dans les crèches).
Des
précautions d’hygiène renforcées doivent être prises pour éviter la
propagation de l’infection à VRS dans les services hospitaliers :
chambre individuelle d’isolement, blouse de protection, masque pour
toute personne entrant dans la chambre, lavage des mains en entrant et
en sortant de la chambre, nettoyage et désinfection du matériel
contaminé par les sécrétions dans la chambre du malade.
Certains hôpitaux ont décidé de mettre sur pied un plan de lutte contre
les bronchiolites nosocomiales dans le cadre des actions contre les
infections nosocomiales.