Avantages de l'allaitement maternel Cours de
Gynécologie
Obstétrique
Introduction
:
La composition du lait de chaque espèce de mammifère est unique.
Elle est
adaptée aux exigences des petits en croissance et leur fournit l’énergie et les
nutriments dont ils ont besoin en fonction des caractéristiques propres de leur
espèce.
En dépit de leur très grande variabilité interspécifique, les laits
poursuivent tous le même objectif : permettre la croissance des petits et leur
développement jusqu’à ce qu’ils soient capables d’acquérir, par eux-mêmes,
leur nourriture et de survivre en l’absence de leur mère.
Le lait maternel constitue, sans aucun doute, l’aliment idéal des nouveau-nés,
quelle que soit la région du monde dans laquelle ils vivent.
À côté de ses
qualités nutritionnelles (apport de matière et d’énergie) qui sont de mieux en
mieux connues, les caractéristiques immunologiques du lait de mère (facteurs
de résistance à l’infection) et celles qui jouent un rôle dans la régulation de la
croissance (des cellules et de l’organisme), font l’objet d’études actuelles.
L’allaitement maternel représente plus que l’apport d’un lait spécifique de
l’espèce tel qu’il peut être réalisé par l’apport de lait provenant d’un lactarium.
Le lait de la mère biologique aura des qualités particulières, parfaitement
adaptées aux besoins de son enfant.
Enfin, l’allaitement est un vecteur
renforçant le lien mère-enfant par la relation de plaisir mutuel qu’il permet.
Propriétés du lait maternel :
A - Aspect nutritionnel :
1- Composition :
* Composition globale :
Par rapport au lait des autres espèces étudiées, le lait humain se caractérise par la teneur la plus élevée en lactose et la plus basse en protéines, notamment
en caséine.
Cette dernière caractéristique est d’ailleurs responsable de l’aspect
opalescent du lait humain écrémé, qui contraste avec l’aspect blanc opaque
du lait de vache écrémé.
Le lait humain est composé de plusieurs phases particulaires.
La première est
constituée par la suspension de particules (micelles) de caséine dont le
diamètre (40-45 nm) est environ deux fois plus faible que celui des micelles
du lait de vache et rend compte, aussi, de la relative faible opacité du lait
humain.
Comme dans les autres laits, la matière grasse du lait humain est aussi
présente sous forme de particules sphériques, beaucoup plus grosses
(2-3 µm).
Les cellules, cellules d’origine épithéliales et leucocytes,
représentent la troisième phase particulaire.
La phase aqueuse du lait renferme des protéines (protéines solubles ou
protéines du lactosérum), du lactose et des oligosaccharides, des minéraux,
des vitamines, des hormones, des facteurs de croissance.
* Énergie
:
Le contenu énergétique du lait humain est de l’ordre de 60 à 70 kcal/dL, un
peu plus faible que celui du lait de vache (65-75 kcal/dL).
Les graisses représentent plus de 50 % de l’énergie totale.
Leur taux varie toutefois
considérablement, non seulement au cours de la journée mais aussi au cours
de la tétée.
Il est intéressant de souligner que le taux de protéines du lait
humain étant remarquablement faible, celles-ci ne contribuent que pour 6 %
de l’apport énergétique total.
Cette proportion est toutefois beaucoup plus
importante pour le colostrum, plus riche en protéines mais plus pauvre en
graisses et en glucides.
* Protéines
:
Le lait humain possède deux grandes caractéristiques qui le distinguent des
laits provenant des autres espèces animales :
– sa teneur très élevée en azote non protéique (environ 25 %contre 2 %dans
le lait de vache), l’urée en représentant environ la moitié ;
– sa faible teneur en protéines totales puisque leurs taux se situent entre
0,9 et 1,1 g/100 mLsoit un taux environ trois fois moindre que celui du lait de
vache (entre 3 et 3,5 g/100 mL).
Le lait contient un mélange très hétérogène de protéines que l’on peut
subdiviser en deux grands groupes : la caséine et les protéines solubles (ou
protéines du lactosérum).
La caséine du lait de femme représente approximativement 30 %du contenu
protéique total.
Sa teneur est beaucoup plus faible que dans le lait de vache.
La caséine du lait maternel est constituée de sous-unités protéiques, surtout
par de la â-caséine et par de faibles quantités de j-caséine.
En revanche, on
ne trouve pas d’alpha-caséine, la fraction prédominante de la caséine du lait de
vache.
La capacité des caséines à fixer le calcium et le phosphate, en formant
des structures micellaires de petite taille, permet la disponibilité de ces
minéraux en quantité importante.
Les protéines solubles du lait humain sont, tant au plan qualitatif qu’au plan
quantitatif, très différentes de celles du lait de vache.
Elles représentent
environ 70 % du contenu protéique total.
La protéine soluble prédominante
du lait de vache est la â-lactoglobuline (très allergisante) qui est absente du
lait humain.
En revanche, le lait humain est beaucoup plus riche en
lactalbumine, lactoferrine, immunoglobulines et lysozyme que le lait de
vache.
Ensemble, ces protéines représentent 75 % des protéines solubles du
lait mature.
Les autres protéines sont constituées d’un grand nombre de
protéines douées de propriétés fonctionnelles diverses (enzymes, facteurs de
croissance, protéines de liaison).
Au total, à côté de leurs propriétés nutritionnelles (source d’acides aminés
essentiels et d’azote pour la synthèse protéique), les protéines du lait ont des
fonctions physiologiques spécifiques les faisant intervenir comme facteurs de
défense contre les infections et facteurs de croissance.
La répartition
de l’ensemble des acides aminés du lait humain est différente de celle du lait
de vache.
Les études récentes ont porté un intérêt particulier à la taurine, absente du lait
de vache.
Elle intervient dans la conjugaison des acides biliaires, agirait
comme neurotransmetteur et aurait un rôle modulateur de la croissance.
* Glucides
:
Les glucides totaux du lait humain sont plus abondants (7 g/100 mL) que ceux
du lait de vache (5 g/ 100 mL).
– Le lactose est le sucre dominant (6 g/ 100 mL).
– Le autres glucides sont constitués essentiellement par des oligosaccharides
qui, dans le lait humain, sont caractérisés par leur richesse (environ 1 g/
100 mL) mais aussi par leur variété (plus de 40 espèces moléculaires alors
que quelques-unes seulement sont présentes dans le lait de vache).
Ces
oligosaccharides entrent dans la composition d’un certain nombre de
glycoprotéines comme la lactoferrine ou les immunoglobulinesAsécrétoires
(IgAs).
Ils constituent aussi un facteur de croissance responsable de la
prédominance de l’espèce Bifidobacterium bifidus dans l’intestin des
nouveau-nés nourris au sein.
Cette flore intestinale particulière est
responsable de la transformation du lactose en acides lactique et acétique et
donc de l’abaissement du pH du contenu distal de l’intestin, ce qui contribue
à prévenir la croissance d’un bon nombre de bactéries entéropathogènes.
* Lipides :
La fraction lipidique du lait humain est quantitativement la plus variable.
Elle
varie notamment selon l’état nutritionnel de la mère, le stade de la lactation et
l’heure de la journée.
Elle se situe entre 3 et 4,5 g/100 mL dans les pays à
niveau de vie élevé.
Les triglycérides représentent 98 % des lipides du lait maternel.
Les autres
lipides sont des phospholipides, le cholestérol, la lécithine, des acides gras
libres, des mono- et des diglycérides.
La différence essentielle entre les laits de femme et de vache est dans la nature
des acides gras qui entrent dans la composition des triglycérides.
Le lait
humain est plus riche en acides gras insaturés, c’est-à-dire possédant une ou
plusieurs doubles liaisons entre les carbones de leurs molécules.
Parmi ces
acides gras insaturés, l’acide linoléique et l’acide alpha-linolénique, non
synthétisés par l’organisme humain, ont un intérêt tout particulier : ils jouent
un rôle important dans l’édification des structures neuronales et dans la
synthèse des prostaglandines.
* Minéraux :
Le lait humain contient environ quatre fois moins de minéraux que le lait de
vache.
Cela correspond à des besoins faibles chez le nouveau-né et contribue
à diminuer la charge osmotique rénale pendant la période de maturation de la
fonction rénale des premiers mois de vie.
Il y a quatre fois moins de calcium et six à sept fois moins de phosphore dans
le lait humain que dans le lait de vache.
Cela tient aux richesses différentes de
ces laits en caséine qui incorporent du calcium et du phosphore dans leurs
molécules.
Ces apports limités du lait humain sont cependant suffisants : en
effet, d’une part l’absorption intestinale du calcium du lait de femme est très
élevée et, d’autre part, le rapport calcium/phosphore y est meilleur (2 contre
1,3 pour le lait de vache).
Le fer se trouve à des taux comparables dans les deux laits mais son utilisation
est nettement supérieure dans le lait humain.
* Vitamines :
L’apport vitaminique est dépendant de l’état nutritionnel de la mère, mais est
globalement suffisant pour l’ensemble des vitamines sauf pour les vitamines
D et K.
– La vitamineDest en concentration faible (40 UI/L) mais dépend beaucoup
du pool vitaminique de la mère, celui-ci étant plus élevé durant les saisons
ensoleillées (été, automne).
– La vitamine K est à une concentration inférieure à celle du lait de vache et
insuffisante pour couvrir les besoins d’un nouveau-né nourri exclusivement
au sein.
2-
Variabilité et évolutivité :
* Stade de lactation :
– Le colostrum (du premier au cinquième jour de lactation) est
particulièrement concentré en protéines (et notamment en IgAs) et en cellules
immunitaires.
Il est relativement pauvre en lactose et en lipides.
– Le lait transitionnel correspond à un lait plus abondant et dont la
composition se modifie plus rapidement pour atteindre celle du lait mature
vers le 15e jour de lactation.
La composition de ce dernier peut faire l’objet
d’une évolution progressive au cours du temps.
On observe notamment un
appauvrissement progressif du lait en protéines et notamment en lactoferrine
et en IgAs.
* Au cours de la tétée
:
Les variations concernent essentiellement le taux des lipides qui augmentent
en fin de tétée.
Cette évolution serait responsable de la réaction de satiété de
l’enfant coïncidant avec l’épuisement du contenu mammaire.
Elle constitue
l’un des facteurs évidents de supériorité de l’allaitement maternel par rapport
à tout autre mode d’alimentation (lait de lactarium, lait de vache modifié).
* Âge gestationnel :
Chez la mère d’un enfant prématuré, la concentration protéique du lait est
significativement plus élevée.
À l’inverse, la concentration en lactose et en
graisse est plus faible avec, cependant, une élévation secondaire de ces deux
nutriments pendant le premier mois de vie.
Le lait d’une mère de prématuré
est plus riche en sodium et en chlore alors que sa concentration en calcium et
en phosphore ne diffère pas de celui d’une mère allaitant un enfant à terme.
B - Aspect immunologique :
Le lait humain comporte des facteurs humoraux et cellulaires lui permettant
d’apporter une protection passive et active à l’intestin du nouveau-né vis-à-vis
des micro-organismes et des antigènes étrangers.
1- Facteurs humoraux :
* Immmunoglobulines :
Tous les types d’immunoglobulines sont présents dans le lait maternel mais la
catégorie la plus abondante est de loin celle des IgAs qui sont particulièrement
abondantes dans le colostrum où elles représentent jusqu’à 80 % du contenu
protéique total.
La principale fonction de ces IgAs est de bloquer l’adhésion
des agents microbiens pathogènes (bactéries et virus) à la surface de
l’épithélium intestinal.
Elles constituent des anticorps spécifiquement dirigés
contre des antigènes (micro-organismes en particulier) qui se trouvent dans le
tractus gastro-intestinal de la mère.
Ces anticorps transmis à l’enfant ne sont
pas actifs contre les bactéries non pathogènes constituant la flore
normalement présente dans le système digestif de l’enfant.
* Lactoferrine :
Il s’agit d’une glycoprotéine susceptible de fixer deux atomes de fer et dont le
lait humain est particulièrement riche, surtout le colostrum.
Le lait de vache
en contient environ dix fois moins.
La lactoferrine non ou partiellement
saturée en fer présente une affinité élective pour le fer du milieu où elle se
trouve.
C’est la raison essentielle de son activité bactériostatique, le fer étant
un élément indispensable à la croissance de nombreuses bactéries pathogènes.
En outre, elle aurait une activité bactéricide s’expliquant par d’autres
mécanismes.
* Lysozyme :
La lysozyme est une enzyme présente dans toutes les sécrétions mais dont la
teneur dans le lait humain est environ 3 000 fois plus élevée que celle du lait
de vache.
Son activité antibactérienne est liée à son action sur la paroi
bactérienne qu’elle lyse en hydrolysant la liaison entre deux sucres. Associée
à la lactoferrine, la lysozyme est bactéricide.
* Agents de croissance du Bifidobacterium bifidus
* Autres facteurs non spécifiques
:
Il s’agit notamment de la fibronectine qui amplifie l’activité antimicrobienne
des macrophages, du complément (et spécialement de la fraction C3 qui peut
être une opsonine pour les cellules phagocytaires du lait humain), de mucines,
d’oligosaccharides, d’acides gras...
2- Facteurs cellulaires
:
Le lait humain contient des cellules qui sont aussi responsables de ses
propriétés bactériostatiques et antimicrobiennes.
Durant la phase colostrale,
les cellules ont une concentration élevée (de l’ordre de 105 à 107/mL).
Elle
chute assez rapidement à la fin de la première semaine d’allaitement.
* Macrophages :
Ils représentent environ 40 %des leucocytes présents dans le lait humain. Ils
ont une activité de phagocytose.
Ils sont bien plus mobiles dans le lait que
dans le sang.
À côté de leurs propriétés phagocytaires, ils semblent jouer un
rôle de transporteur d’immunoglobulines.
Ils sont susceptibles de sécréter
d’autres protéines spécifiques du lait humain et notamment le lysozyme.
* Polynucléaires neutrophiles :
Ils ne sont retrouvés de façon significative dans le lait humain qu’au début de
la lactation.
Ils ont également une activité phagocytaire mais moins
importante que celle des mêmes cellules du sang circulant.
* Lymphocytes :
Ils représentent 10 à 15 % des cellules du colostrum.
Ils sont représentés
majoritairement par les lymphocytes T qui semblent jouer un rôle dans le
transfert passif de l’immunité cellulaire au nourrisson pendant l’allaitement.
Les lymphocytes B du lait sont les cellules porteuses des IgAs synthétisées
chez la mère au niveau du tractus intestinal et qui vont coloniser la muqueuse
intestinale du nouveau-né.
Les moyens de défense apportés par le lait maternel sont essentiellement
passifs.
Ils assurent la défense de la muqueuse intestinale vis-à-vis des microorganismes
et contribuent à l’établissement d’une flore intestinale normale.
Ils limitent l’absorption intestinale des antigènes alimentaires.
Cette
protection est caractéristique : d’une part, par son évolutivité, la diminution
de la concentration des différents facteurs devant être compensée
secondairement par l’installation des défenses propres de l’enfant, d’autre
part, par l’absence de phénomènes inflammatoires associés.
C - Aspect trophique :
Le lait humain contient des substances biologiquement actives appelées
facteurs trophiques ou modulateurs de croissance qui exercent directement
ou indirectement des effets mitogéniques et métaboliques régularisant la
croissance et la différenciation du tractus gastro-intestinal du nouveau-né.
1- Hormones et peptides trophiques du lait
:
Un nombre important d’hormones et de peptides bioactifs sont retrouvés dans
le colostrum et le lait humain.
Les hormones dont le rôle est actuellement le
plus reconnu sont l’insuline, l’insulin-like growth factor I (IGF I) et
l’epidermal growth factor (EGF).
Ces substances ont surtout un rôle dans
l’accélération de la croissance et de la maturation intestinale. Elles ont
également un rôle systémique régulateur.
Par son action cytoprotectrice visà-
vis de substances toxiques ou toxiniques, l’EGF aurait un rôle dans la
prévention de l’entérocolite nécrosante chez le nouveau-né.
2- Nucléotides
:
Les nucléotides et leurs dérivés métaboliques (nucléosides, bases puriques et
pyrimidiques, acides nucléiques) sont présents en quantité relativement
importante dans le lait humain alors que le lait de vache en est totalement
dépourvu.
Ils servent de médiateurs physiologiques, de coenzymes et de
source d’énergie cellulaire pouvant ainsi stimuler le métabolisme et la
différenciation de nombreux organes et tissus.
Leurs fonctions s’exercent
notamment au niveau intestinal (développement du fonctionnement et de la
flore normale), hépatique (stimulation de la régénération cellulaire
hépatique), immunologique (stimulation des fonctions immunitaires) et au
niveau du métabolisme lipidique (augmentation de la synthèse des acides gras
poly-insaturés à longue chaîne).
3- Polyamines :
Ce sont des substances polycationiques jouant un rôle essentiel dans la
croissance et la différenciation cellulaire.
Elles sont essentiellement
représentées, dans le lait humain, par la spermine et la spermidine dont la
concentration augmente de façon marquée au cours des premiers jours de la
lactation.
Leur rôle dans la croissance et la maturation intestinales semble
probable au vu des données expérimentales.
Bénéfices de l’allaitement maternel
pour le nouveau-né :
A - Protection contre les infections :
Il faut souligner les difficultés de l’interprétation des données de la littérature
en raison des problèmes méthodologiques retrouvés dans un grand nombre
d’études et du caractère hétérogène de celles-ci.
1- Infections digestives :
Malgré ces difficultés d’interprétation, de nombreuses études permettent
d’établir une relation entre l’alimentation de l’enfant pendant les premiers
mois de vie et la survenue d’épisodes de diarrhée ou de gastroentérite.
Il existe
un effet protecteur du lait de mère vis-à-vis de l’infection par des bactéries
pathogènes : Escherichia coli, Salmonella, peut-être Campylobacter et visà-
vis des giardiases.
La protection est beaucoup plus difficile à affirmer vis-à-vis des infections à Rotavirus.
Quel qu’en soit le germe, il existe un effet
protecteur global du lait maternel vis-à-vis des épisodes d’infections
digestives.
De plus, il y a un effet sur l’intensité des symptômes, l’épisode
digestif étant, en règle, moins sévère en cas d’allaitement maternel, surtout si
ce dernier est poursuivi.
Deux mécanismes sont en cause :
– d’une part, l’apport d’une alimentation autre que le lait de mère augmente
le risque d’infection par introduction de germes dans le tube digestif de
l’enfant en raison d’une hygiène insuffisante ; ce mécanisme est surtout en
cause dans les pays en voie de développement ;
– d’autre part, le lait maternel contient des anticorps synthétisés au niveau de
l’intestin maternel à la suite d’un contact, même ancien, avec un agent
infectieux.
Il convient de citer ici le bénéfice apporté par le lait humain pour la prévention
de l’entérocolite nécrosante du prématuré bien que l’infection ne soit pas le
seul mécanisme en cause dans cette pathologie sévère.
2- Infections non digestives :
Les conclusions que permet l’étude de la littérature sont ici moins tranchées.
Concernant les infections des voies aériennes supérieures, il ne semble pas y
avoir de protection par l’allaitement maternel sauf pour les otites moyennes
aiguës.
Cette protection concernerait aussi les otites moyennes chroniques
avec un allaitement maternel prolongé.
Il semble y avoir une diminution des infections des voies aériennes
inférieures.
Concernant les infections à virus respiratoire syncytial, bien que
le colostrum ait une activité neutralisante vis-à-vis de ce virus, il ne semble
pas y avoir de protection sauf chez les nouveau-nés ayant un taux faible
d’anticorps dans le sang du cordon.
Plusieurs études montrent une diminution du risque d’infection à Haemophilus influenzae B, diminution proportionnelle à la durée de
l’allaitement et qui est à rapprocher du renforcement de la réponse
immunitaire après vaccination Hib pendant la première année de vie.
De façon étonnante mais indiscutable, il existe un risque accru pour les
enfants nourris au sein vis-à-vis du botulisme.
Cependant, la rareté de cette
affection chez le nourrisson limite considérablement cet inconvénient surtout
si on le compare à l’effet protecteur de l’allaitement vis-à-vis d’infections
graves comme les infections à Haemophilus ou fréquentes comme les otites.
B - Protection contre l’allergie
:
Plusieurs mécanismes sont susceptibles d’expliquer une diminution de
survenue des affections allergiques chez les enfants nourris au sein : moindre
exposition aux antigènes alimentaires, maturation de la muqueuse intestinale,
réduction de l’incidence des infections digestives, propriétés antiinflammatoires
du lait humain qui, par ailleurs, contient des cytokines
susceptibles d’interférer avec le développement de phénomènes allergiques.
Cependant, l’étude de la littérature montre des résultats discordants avec
tantôt un effet protecteur de l’allaitement, tantôt l’absence d’effet protecteur
voire une augmentation de fréquence des manifestations d’atopie.
Il est
cependant possible que la prévention de la pathologie allergique par le lait
humain ne soit effective que chez les enfants de parents eux-mêmes
allergiques.
Ces difficultés d’interprétation s’expliquent par la présence de nombreux
problèmes méthodologiques ; il n’est pas exclu que l’absence d’effet
protecteur retrouvé ne soit en rapport avec un allaitement trop court ou non
exclusif avec introduction précoce de protéines allergisantes ou avec
l’absorption, par la mère allaitante, de substances susceptibles de provoquer
une réaction allergique chez son enfant.
Par ailleurs, il n’est pas sûr que des
manifestations respiratoires ne soient améliorées par le lait humain qu’en
raison de son effet protecteur vis-à-vis des infections respiratoires et non par
un effet directement protecteur vis-à-vis de l’allergie.
C - Protection contre des affections de l’enfant
ou de l’adulte :
Il n’y a pas de protection évidente apportée par le lait maternel vis-à-vis de la
survenue chez l’enfant d’un diabète insulinodépendant ou d’une affection
cancéreuse.
Le bénéfice à long terme, dans les pays développés, de l’allaitement maternel
vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, a été étudié en Grande-Bretagne
et aux États-Unis.
Les résultats ne sont pas en faveur d’un effet protecteur
mais ils doivent être confirmés par d’autres études.
D - Allaitement et mortalité infantile :
Il est couramment admis que l’allaitement maternel prévient un grand nombre
de morts infantiles (1,5 million par an d’après l’Unicef).
La situation est
complètement différente dans les pays en voie de développement où la
mortalité est élevée, et dans les pays occidentaux où la mortalité infantile est
basse.
1- Pays en voie de développement
:
Globalement, on assiste à une diminution de la mortalité infantile qui est
associée à une diminution parallèle de l’allaitement maternel.
L’étude critique
des travaux réalisés avec des résultats contradictoires montre de nombreux
problèmes méthodologiques.
Cependant, les études prospectives prenant en
compte les facteurs de confusion potentielle révèlent une diminution de la
mortalité infantile associée à l’allaitement maternel.
Ce bénéfice est à mettre
en parallèle avec les données biologiques et notamment les propriétés
immunologiques du lait maternel. L’importance de ce bénéfice est difficile à
apprécier.
2- Pays développés :
Les études ont essentiellement porté sur l’effet protecteur éventuel de
l’allaitement maternel vis-à-vis de la survenue de la mort subite inexpliquée
du nourrisson.
Cet effet protecteur ne peut être prouvé si l’on prend en compte
les facteurs de confusion et notamment le tabagisme maternel.
E - Effets sur la croissance et l’état nutritionnel
:
1- Pays développés :
Les travaux de la littérature montrent que les enfants exclusivement nourris
au sein ont, après les 3 ou 4 premiers mois, un poids inférieur aux enfants
nourris au biberon, avec une diminution marquée du tissu graisseux.
Ces
différences ne persistent pas au-delà des premières années de vie.
2- Pays en voie de développement :
Les courbes de croissance des enfants alimentés au sein par des mères
dénutries peuvent s’infléchir entre 3 et 6 mois.
Cependant, les circonstances
(insuffisance d’une autre alimentation adaptée, risque d’infection digestive)
rendent peu probable l’intérêt pour la croissance d’une alimentation
diversifiée avant l’âge de 6 mois.
F - Effets sur le développement intellectuel
:
La majorité des études réalisées chez l’enfant normal né à terme sont en faveur
d’un niveau intellectuel légèrement supérieur chez les enfants nourris au sein
par rapport aux autres.
Cette constatation a également été faite chez des
enfants prématurés.
L’effet semble être d’autant plus marqué que l’allaitement
a été plus prolongé.
Cet effet persiste, que le lait soit donné directement au
sein ou par une sonde gastrique, mais il disparaît lorsque le lait a été
préalablement pasteurisé.
Cet avantage pourrait être en rapport avec la
présence dans le lait humain de lipides à longue chaîne mais aussi de
différentes substances hormonales et trophiques susceptibles d’interférer avec
la croissance et la maturation cérébrale.
Cependant, ces études ne prennent pas en compte un certain nombre de biais
et notamment des facteurs liés à l’éducation, à la constitution génétique ou
surtout au quotient intellectuel des parents.
C’est également la composition particulière en lipides du lait humain qui est
avancée pour expliquer l’association entre l’allaitement maternel et la
fonction visuelle explorée par les potentiels évoqués.
Cet effet pourrait, à lui
seul, expliquer les différences observées quant au développement intellectuel
pour les enfants allaités.
Une autre explication pourrait résider dans la prévention des infections
apportée par le lait humain dont les conséquences pourraient retentir sur le
développement cérébral.
En conclusion, les bénéfices les plus évidents de l’allaitement maternel sont
liés à la protection apportée contre les infections.
Directement ou
indirectement, elle rend compte des bénéfices de l’allaitement maternel pour
la population des pays en voie de développement.
Pour les pays développés,
à condition que la population puisse bénéficier de conditions d’hygiène
correctes, les bénéfices de l’allaitement maternel sont plus limités et doivent
faire l’objet d’évaluation prenant en compte les facteurs de confusion,
notamment ceux liés au milieu socioculturel.
Inconvénients et limites de l’allaitement
maternel pour le nouveau-né :
A - Difficultés et complications initiales :
1- Ictère au lait de mère :
Globalement, le nouveau-né au sein a un ictère physiologique qui est un peu
plus intense et un peu plus prolongé que celui de l’enfant nourri avec un lait
industriel.
Parfois, dans environ 2 % des cas, l’enfant nourri au sein présente un ictère
qui prolonge l’ictère simple du nouveau-né ou apparaît à la fin de la première
semaine de vie.
Cet ictère persiste tant que dure l’allaitement, tout en
régressant lentement et spontanément en plusieurs semaines.
Dès que
l’allaitement est interrompu, il disparaît en quelques jours ; s’il est repris à
court terme, l’ictère réapparaît ou réaugmente ; s’il est repris au bout de
1 semaine environ, il ne réapparaît pas.
Il s’agit d’un ictère à bilirubine non
conjuguée, complètement isolé.
En pratique, il s’agit d’un diagnostic
d’exclusion qui ne peut être retenu qu’après avoir éliminé les autres causes
d’élévation de la bilirubine non conjuguée.
Il n’a jamais été décrit d’ictère
nucléaire au décours de ces ictères au lait de mère.
En cas de doute
diagnostique ou d’inquiétude familiale importante, il peut être utile de donner
à l’enfant, pendant quelques jours, le lait de sa mère au biberon après l’avoir
chauffé à + 56 °C, ce qui permet d’observer la régression de l’ictère.
L’hypothèse habituellement avancée pour expliquer le mécanisme de
survenue de cet ictère fait appel au rôle inhibiteur de la conjugaison hépatique
de la bilirubine par les acides gras non estérifiés contenus dans certains laits
maternels, anormalement riches en activité lipoprotéine-lipase (qui sera
détruite par le chauffage à + 56 °C).
2- Coliques du nourrisson au sein :
Il s’agit d’une agitation douloureuse de l’enfant survenant juste après la tétée,
dont la fréquence est estimée à 20 % des enfants nourris au sein.
Le
mécanisme habituellement avancé est une fermentation colique du lactose.
La prise, quelques minutes avant la tétée, d’une petite quantité d’eau de chaux
officinale a souvent un effet bénéfique.
Ces coliques traduisent cependant
assez souvent des difficultés relationnelles entre la mère et son enfant
auxquelles il faudra être attentif.
Dans certains cas, ces coliques seront à
rattacher à l’ingestion par la mère d’un aliment particulier (lait de vache,
poisson, oeuf...) dont l’exclusion par la mère entraînera la disparition des
troubles chez l’enfant.
B - Insuffisances nutritionnelles du lait maternel :
1- Enfant à terme :
* Vitamine D :
Le lait de femme contient des quantités faibles de vitamine D ; une supplémentation est donc nécessaire dès la période néonatale, de l’ordre de
400 à 800 UI/j, éventuellement plus pour les enfants à peau très pigmentée.
* Vitamine K :
Le lait de femme contient beaucoup moins de vitamine K que le lait de vache
et la flore intestinale de l’enfant nourri au sein contient moins de bactéries
capables de synthétiser de la vitamine K que la flore intestinale de l’enfant
nourri avec un lait industriel.
Les concentrations de vitamines K1 des enfants
nourris au sein sont beaucoup plus basses que chez les enfants recevant un
lait artificiel.
Des manifestations hémorragiques tardives (au-delà de 1 mois)
et graves (avec une morbidité neurologique et une mortalité élevées) ont été
rapportées chez des enfants nourris exclusivement au sein depuis la naissance.
Outre l’apport initial au moment de la naissance, systématique chez tout
nouveau-né, le comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie
recommande la supplémentation hebdomadaire orale de 2 à 5 mg de vitamine
K1 pour tout enfant soumis à un allaitement maternel exclusif et pendant toute
la durée de celui-ci.
* Fer
:
La concentration en fer dans le lait de femme est relativement faible mais son
coefficient d’absorption est élevé.
Une supplémentation martiale
systématique n’est pas recommandée chez l’enfant né à terme, nourri au sein
pendant les premiers mois de vie sauf chez les jumeaux et en cas de faible
poids de naissance.
Après l’âge de 6 mois, la poursuite de l’allaitement
maternel exclusif justifie une supplémentation en fer chez le nourrisson.
* Fluor
:
La teneur en fluor du lait de femme est faible et peu influencée par la teneur en
fluor de l’eau de boisson. Ainsi, dans le cadre de la prévention de la carie
dentaire, un apport de 0,25 mg/j de fluor est préconisé chez l’enfant nourri au
sein.
2- Enfant prématuré
:
Le lait de mères ayant accouché prématurément a des caractéristiques
différentes de celles ayant accouché à terme, avec notamment une
concentration plus élevée en protéines et en sodium et une concentration plus
basse en lactose.
Cependant, surtout s’il s’agit de grands prématurés, le lait
utilisé est le plus souvent du lait de lactarium dont la composition correspond
à celle du lait de femme ayant accouché à terme et n’est donc pas adapté à
l’alimentation d’un prématuré.
Une supplémentation est donc indispensable
et elle doit notamment permettre d’augmenter l’apport en protéines, en
sodium, en phosphore et en vitamines.
3- Situations particulières
:
Il est des circonstances très particulières où le lait de femme est inadapté à
l’enfant en raison de particularités dans sa composition ou d’une pathologie
de l’enfant.
Quelques observations de déshydratation hypernatrémique ont été rapportées
à une teneur très élevée en sodium du lait de mère.
Il s’agissait de nouveaunés
à la succion faible et dont la sécrétion lactée maternelle quotidienne était
insuffisante.
Les troubles observés étaient en rapport avec l’insuffisance
d’apport hydrique et avec un excès d’apport sodé par ces laits de femmes dont
la lactation se tarissait.
Dans quelques cas, il s’agissait de femmes atteintes de
mucoviscidose.
Exceptionnellement, certaines femmes peuvent produire
un lait électivement déficient en un nutriment.
Le plus souvent, cela s’observe
chez des femmes elles-mêmes carencées en vitamines du groupe B, en
vitamine C ou en vitamine D.
On a pu observer ainsi de graves déficiences en
vitamine B12 du lait maternel chez des femmes végétariennes.
Enfin, l’inadaptation du lait de mère peut être reliée à une pathologie de
l’enfant comme une galactosémie qui rend inacceptable le lactose du lait ; ou
une phénylcétonurie de la mère dont le traitement diététique interrompu
entraîne une richesse en phénylalanine du lait qui peut être nocive pour son
enfant également atteint de la maladie.
C - Transmission d’agents infectieux
:
1- Infections bactériennes :
La transmission d’une infection bactérienne à l’enfant peut s’observer dans
deux circonstances :
– il peut s’agir d’une contamination contemporaine de l’expression manuelle
ou mécanique du lait en raison d’une hygiène insuffisante au niveau des mains
ou du tire-lait.
De rares observations d’infections, avec éventuellement
méningite et des entérocolites survenues dans ce contexte ont été rapportées.
La conservation du lait tiré à une température adéquate et les précautions
prises pour la préparation du lait de lactarium, permettent d’éviter ces
complications ;
– il peut s’agir de la transmission de germes à partir d’une infection cutanée
du sein ou d’une infection du tissu mammaire.
Dans ce dernier cas, l’épisode
commence par un engorgement mammaire suivi d’une lymphangite.
Le
traitement anti-inflammatoire local et général doit permettre d’éviter l’arrêt
de l’allaitement.
Une antibiothérapie antistaphylococcique sera instituée si les
symptômes ne s’amendent pas rapidement.
2- Infections virales
:
* Virus de l’immunodéficience humaine (VIH) :
Le VIH peut être transmis d’une mère à son enfant par l’allaitement maternel.
Dans l’étude française concernant 117 enfants suivis pendant 18 mois, cinq
des six enfants nourris au sein étaient infectés alors que le taux de
transmission de l’infection était de 25 % chez les enfants nourris au
biberon.
La transmission du virus par l’allaitement maternel explique, au
moins en partie, la différence entre le taux d’infection périnatale en Afrique
où l’allaitement est presque universel (30 à 50 %) et celui observé en Europe
ou aux États-Unis où l’allaitement est rare (20 à 30 % avant les traitements antirétroviraux).
Dans la mesure où les risques d’une alimentation artificielle chez les nouveaunés
des pays en voie de développement, et notamment en Afrique, dépassent
les risques de la transmission du VIH par le lait maternel, il ne doit pas y avoir
de contre-indications à l’allaitement dans ces populations.
En revanche, dans
les pays où l’allaitement artificiel est sans risque infectieux, l’allaitement
maternel doit être contre-indiqué chez les femmes infectées.
* HTLV-1 :
Un autre rétrovirus, l’HTLV-1 (human T-cell lymphoma virus), est également
susceptible d’être transmis par le lait d’une femme contaminée.
Bien que très
inconstamment responsable au sud-ouest du Japon et dans une partie des
Caraïbes, de pathologies hématologiques malignes et de pathologies
neurologiques sévères ne survenant pas dans l’enfance, le risque de
transmission de ce virus ne peut être négligé et, par conséquent, l’allaitement
maternel doit être évité chaque fois que cela est possible.
* Hépatite B :
Le virus de l’hépatite B peut être transmis de la mère à l’enfant au moment de
l’accouchement.
La transmission par le lait maternel apparaît marginale.
L’enfant d’une mère porteuse de cette infection doit bénéficier, dès la salle de
naissance, d’une protection par l’injection d’immunoglobulines spécifiques
puis, dans les 48 heures, de la première injection du vaccin qui sera suivie de
deux autres injections à 1 et 2 mois.
Dans ces conditions, l’allaitement peut
être encouragé.
* Hépatite C
:
Le virus de l’hépatite C, responsable de la majorité des hépatites nonAnon B,
est largement répandu puisque la prévalence de l’infection est de l’ordre de
1 % dans la population française.
La transmission est parentérale dans la
grande majorité des cas.
Le risque de transmission verticale, de la mère au
foetus, est de l’ordre de 10 %.
Quant au risque de transmission par le lait, il est
extrêmement faible, au moins en l’absence d’hépatite chronique active ou de
charge virale circulante importante.
* Cytomégalovirus
:
La transmission du cytomégalovirus par le lait maternel est démontrée depuis
longtemps.
Il est clair que l’allaitement maternel est le mode de contamination
habituelle de la population des pays en voie de développement où tous les
sujets sont séropositifs à l’âge adulte.
La transmission du cytomégalovirus par
le lait maternel ne peut être dangereuse que chez un enfant prématuré né d’une
mère non immunisée.
Cela justifie les précautions prises dans la préparation
du lait de lactarium.
D - Contamination par des médicaments ou des toxiques :
1- Généralités :
Pratiquement toutes les substances médicamenteuses ou toxiques présentes
dans le plasma maternel pénètrent dans le lait, habituellement par diffusion
passive.
Le caractère potentiellement dangereux d’une substance pour
l’enfant au sein va dépendre :
– de la concentration du produit dans le plasma maternel ;
– des caractéristiques pharmacologiques du produit : poids moléculaire, liposolubilité, degré d’ionisation, liaison aux protéines plasmatiques ;
– de données pharmacocinétiques propres à l’enfant, et notamment de la
biodisponibilité du produit lors de son ingestion digestive par celui-ci.
2- Médicaments :
Il existe un nombre limité de médicaments formellement contre-indiqués chez
la femme allaitante.
La prescription d’un médicament chez une femme qui allaite doit prendre en
compte le rapport entre le bénéfice maternel et le risque néonatal.
Quelques
règles de prescription doivent être respectées :
– limiter strictement les prescriptions ;
– utiliser le médicament de la même classe posant le moins de problèmes ;
– suspendre transitoirement l’allaitement si un traitement à risque est
indispensable ;
– limiter la durée du traitement ;
– recommander la prise du médicament juste après une tétée ;
– se méfier des traitements locaux appliqués sur les seins.
3- Drogues
:
Pour autant qu’elle le souhaite, on ne peut recommander à une femme
consommant des produits illicites d’allaiter son enfant.
À côté du risque
directement lié aux produits consommés, d’autres risques existent en rapport
avec la transmission d’une infection et, plus généralement, avec le mode de
vie des toxicomanes.
Chez une femme ancienne héroïnomane, sous traitement de substitution, il
est possible d’autoriser l’allaitement à condition d’être certain qu’elle ne
continue pas à se droguer et que la posologie quotidienne du produit de
substitution soit faible.
Enfin, le désir d’allaiter chez une femme consommant de l’alcool, du tabac
ou du café, doit être discuté. Une consommation limitée de ces produits à
distance des tétées paraît acceptable après information de la patiente.
4- Toxiques industriels :
Les intoxications maternelles chroniques par des toxiques industriels sont
susceptibles de retentir chez le nourrisson par le biais de l’allaitement
maternel.
Effets de la lactation chez la mère :
A - Complications locales
:
Pendant le séjour en maternité, il s’agit essentiellement des crevasses qu’il
faut savoir prévenir en positionnant l’enfant correctement et de
l’engorgement contemporain de la montée laiteuse qui doit régresser avec un
traitement symptomatique.
Secondairement, on peut observer une mastite qui, dans un premier stade, sera
inflammatoire, liée à une mauvaise vidange localisée du sein, et qui pourra
évoluer vers une mastite infectieuse ou galactophorite.
La mise en place, à ce
stade, d’un traitement antibiotique doit éviter l’évolution vers l’abcès du sein
imposant un drainage chirurgical.
B - Conséquences sur la fertilité :
L’allaitement entraîne une dépression de l’activité ovarienne aboutissant à
une aménorrhée et à une infertilité.
C’est la stimulation du mamelon par la
succion qui en est à l’origine, et cet effet se maintient d’autant plus que les
tétées sont fréquentes et prolongées, et qu’elles ont encore lieu pendant la nuit.
L’introduction d’autres aliments à côté du lait maternel, en diminuant la
fréquence des tétées, lève l’inhibition gonadotrope.
En revanche, l’état
nutritionnel de la mère a un rôle certain : les femmes en état de malnutrition
ont une période d’aménorrhée plus longue que celles dont l’état de nutrition
est correct.
Au total, l’allaitement maternel au niveau d’une population a un effet certain
sur la fertilité des femmes, permettant un espacement naturel des naissances,
ce qui est crucial dans les pays en voie de développement.
Il ne peut être
considéré comme une méthode contraceptive efficace à l’échelle individuelle.
C - Conséquences nutritionnelles :
Dans les pays en voie de développement, les femmes carencées risquent de
voir leur état nutritionnel s’aggraver, surtout si les grossesses se répètent à
intervalle rapproché.
Les conséquences à long terme de ces faits ne sont pas
connues.
Dans les pays développés, les femmes allaitantes retrouvent plus rapidement
le poids qu’elles avaient avant la grossesse.
D - Allaitement et cancer
:
Plusieurs études montrent une réduction du risque de cancer du sein avant la
ménopause et de cancer de l’ovaire chez les femmes ayant allaité de façon
prolongée.
Autres bénéfices de l’allaitement maternel
:
Pour n’être pas strictement médicaux, ces avantages n’en ont pas moins un
impact important, voire déterminant sur l’enfant, sa mère et sa famille.
A - Bénéfices économiques :
Le bénéfice économique direct est évident même si l’augmentation de la
ration calorique de la femme allaitante a un certain coût.
Le gain financier de
l’allaitement maternel par rapport à l’allaitement artificiel a été évalué à un
minimum de 400 dollars par enfant pendant la première année.
En France,
en terme de budget pour une famille, l’économie liée à l’achat de lait artificiel
et du matériel nécessaire à sa préparation a pu être évalué à environ trois
quarts du SMIC au cours de la première année.
Des bénéfices indirects de l’allaitement peuvent également être escomptés en
raison de l’incidence moindre de la survenue d’épisodes pathologiques chez
l’enfant allaité au sein, réduisant ainsi d’autant les coûts de santé liés aux
conséquences sociales de ces pathologies (absentéisme professionnel).
B - Bénéfices psychologiques :
Quelques études sembleraient montrer une plus grande tendance à la
dépression du post-partum chez les femmes allaitant leur enfant que chez
celles qui utilisent un lait artificiel.
Ces observations doivent être
confirmées et éventuellement explicitées par d’autres études.
L’observation
quotidienne est celle de femmes qui expriment fierté et satisfaction d’apporter
à leur enfant un lait idéal et de prolonger, par la proximité de l’allaitement, le
plaisir de la symbiose mère-foetus de la grossesse.
L’allaitement au sein a un avantage biologique pour la mère :
l’espacement des naissances.
Il a un avantage pratique pour l’enfant :
il évite les risques infectieux et les erreurs nutritionnelles liées à la
préparation des biberons.
Il est, sans doute, le plus favorable à
l’établissement des liens psychologiques entre la mère et son enfant.
Il
sera sans doute difficile de « copier » le lait de femme, mais on peut le
faire en partie ou, tout au moins, essayer de le faire, et de mieux en
mieux.
En revanche, l’allaitement maternel est un acte très complexe
que, dans l’état actuel des choses, il est malaisé de remplacer.
C’est
pourquoi, dans les pays en voie de développement, l’allaitement au
sein reste un impératif absolu en raison de la sécurité qu’il apporte
dans la prévention des infections respiratoires et digestives et de son
rôle dans la régulation des naissances.
Dans les pays développés,
après une période de désuétude, son usage renaît ; cette renaissance
s’inscrit dans le cadre de l’élaboration par les parents, avant la
naissance, d’un « projet » d’enfants dont l’équilibre de la famille ne peut
être, dans l’avenir, que bénéficiaire.