Avancées médicales et progrès techniques en réanimation néonatale Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
L’évolution fulgurante de la technologie médicale et les progrès accomplis
dans de nombreuses disciplines fondamentales et cliniques (physiologie du
développement, génétique, obstétrique, chirurgie, imagerie médicale) ont
transformé le paysage de notre spécialité ces 20 dernières années.
Ont été
sélectionnées pour cette mise au point les avancées les plus marquantes dans
les domaines suivants :
– la prise en charge des détresses respiratoires incluant les approches
pharmacologiques anténatales absolument essentielles ;
– les divers progrès techniques responsables d’une réduction de la gravité et
de l’incidence de plusieurs complications non respiratoires et non
neurologiques liées à la grande prématurité ;
– la prévention des hémorragies intraventriculaires et l’état actuel de nos
connaissances sur la leucomalacie périventriculaire ;
– l’évaluation pronostique des encéphalopathies anoxo-ischémiques du
nouveau-né à terme.
Prise en charge des détresses
respiratoires néonatales
:
A - Méthodes pharmacologiques d’accélération
de la maturation foetale :
1- Maturation pulmonaire et surfactant :
Sous le terme de maturation pulmonaire est entendu l’ensemble des processus
permettant au poumon foetal d’acquérir la capacité d’assurer des échanges
gazeux normaux après la naissance.
Cette maturation a plusieurs dimensions :
morphologique, cytologique (différenciation de l’épithélium de l’arbre
respiratoire, du tissu conjonctif et des vaisseaux sanguins et lymphatiques),
biomécanique et biochimique.
L’aptitude à élaborer et sécréter le surfactant
pulmonaire est l’un des objectifs majeurs de la maturation biochimique du
poumon.
En démontrant que le mécanisme physiopathologique essentiel
responsable du syndrome de détresse respiratoire (SDR) idiopathique du
prématuré (maladie des membranes hyalines : MMH) est un déficit fonctionnel en surfactant pulmonaire, Avery et Mead ouvrent en 1959 la voie
à un nombre considérable de travaux de recherche fondamentaux et cliniques
ayant pour objectif l’étude de la régulation de la maturation biochimique du
poumon.
Le surfactant pulmonaire est un complexe multimoléculaire synthétisé par la
cellule épithéliale alvéolaire de type II et constitué essentiellement par des
phospholipides, des lipides neutres et des apoprotéines spécifiques.
Ses fonctions sont nombreuses et essentielles.
Le
phospholipide majoritaire est la dipalmitoyl phosphatidylcholine (DPPC).
Un
autre phospholipide important du surfactant est le phosphatidylglycérol (PG),
phospholipide insaturé présent à l’état de traces dans la plupart des tissus,
mais qui représente environ 8 %des phospholipides totaux dans le surfactant
pulmonaire humain.
L’enrichissement en DPPC et la présence de PG
distinguent très nettement le surfactant pulmonaire des membranes
cellulaires.
Le surfactant pulmonaire comporte aussi des protéines
spécifiques, en faible abondance en masse (2 à 3 %), mais dont l’importance
fonctionnelle est apparue ces dernières années de plus en plus clairement.
Ces protéines spécifiques sont classées en deux catégories.
Les petites
protéines très hydrophobes SP-B et SP-C, intimement liées aux
phospholipides, ont pour principale fonction d’accélérer considérablement
l’adsorption des phospholipides, de stabiliser le film phospholipidique et de
protéger le matériel tensioactif de l’effet inhibiteur des protéines sériques.
Ces
protéines apparaissent suffisantes pour conférer aux phospholipides, les
caractéristiques biophysiques d’un surfactant actif in vitro et in vivo.
Les
protéines SP-A et SP-D sont des lectines appartenant à la sous-famille des
colectines, protéines multimériques possédant un domaine hélicoïdal
apparenté au collagène et un domaine globulaire reconnaissant les
carbohydrates en présence de calcium.
La protéine SP-A est essentielle, en
collaboration avec SP-B et l’ion calcium, à la formation de la myéline
tubulaire, forme de transition entre le surfactant intracellulaire et le surfactant
alvéolaire.
Elle joue aussi un rôle important dans la régulation du
métabolisme du surfactant et constitue avec la protéine SP-D, plus récemment
identifiée, un élément important de l’immunité non spécifique dans le
poumon.
L’ontogenèse du surfactant prend place tardivement au cours de la
gestation.
Les premières inclusions lamellaires, formes intracellulaires de
stockage du surfactant, apparaissent entre 20 et 24 semaines de gestation.
Ce
n’est que lors des dernières semaines que ces inclusions deviennent
nombreuses et riches d’un matériel tensioactif fonctionnel.
Cette accélération
de la biosynthèse des différentes composantes du surfactant dans la dernière
partie de la grossesse correspond à une augmentation importante des activités
enzymatiques du métabolisme des phospholipides.
Durant cette période
d’accélération de la maturation pulmonaire, le rôle crucial des
glucocorticoïdes endogènes est amplement démontré.
Par exemple, le
poids de la glande surrénale (rapporté au poids de l’organisme) et la fraction
du débit sanguin qui l’irrigue deviennent 10 à 20 fois plus importants que chez
l’adulte.
Cette action maturative des glucocorticoïdes ne se limite pas à
l’épithélium respiratoire.
Elle s’exerce aussi sur de nombreux autres organes
dérivés de l’endoderme comme le pancréas, l’intestin grêle et le foie.
D’autres
hormones jouent aussi un rôle important dans cette maturation, notamment
les hormones thyroïdiennes qui agissent en synergie avec les glucocorticoïdes
sur différentes étapes enzymatiques de la voie de biosynthèse du
surfactant.
2- Bases expérimentales de la corticothérapie anténatale :
C’est en étudiant l’effet de l’administration de glucocorticoïdes sur le
déclenchement du travail de brebis gestante, et en observant incidemment un
taux de survie élevé chez des agneaux prématurés nés de mère traitée, que Liggins ouvre la voie aux méthodes pharmacologiques d’accélération de la
maturation foetale.
Favorisés par la chance pour avoir choisi d’emblée le
glucocorticoïde administré à la mère le plus efficace, Liggins et Howie
montreront, seulement 4 années plus tard et par une première étude contrôlée,
que cet effet accélérateur entraîne une diminution importante de l’incidence
de la MMH et du taux de mortalité après un accouchement prématuré.
L’effet accélérateur des glucocorticoïdes sur la maturation pulmonaire
globale est depuis largement démontré dans de nombreuses espèces,
notamment l’agneau, le lapin et les primates.
Cet effet se mesure en termes
de mortalité et de morbidité chez l’animal prématuré et se traduit par une
avance de la maturation architecturale et morphologie du parenchyme
pulmonaire.
Le traitement hormonal améliore les caractéristiques
biomécaniques du poumon de l’animal et les propriétés tensioactives du
surfactant extrait après lavage pulmonaire.
Il favorise l’incorporation de
précurseurs marqués dans les composants essentiels du surfactant que sont la DPPC et le PG.
Le même traitement induit une augmentation de l’activité de
nombreuses enzymes clés du métabolisme phospholipidique.
Les
glucocorticoïdes exogènes ont un effet activateur sur la biosynthèse des
protéines spécifiques du surfactant, notamment les protéines SP-B, S-C, et
SP-D.
En revanche, les glucocorticoïdes ont, selon l’espèce et le stade du
développement, un effet variable et complexe sur l’expression du gène de la
protéine SP-A.
La biosynthèse du surfactant n’est pas la seule cible pulmonaire de la
corticothérapie anténatale.
Celle-ci modifie aussi les propriétés
biomécaniques du poumon par des voies indépendantes du métabolisme du
surfactant.
La corticothérapie anténatale a notamment un effet bénéfique sur
la fuite capillaire postnatale dans les espaces alvéolaires, sur la synthèse
fibroblastiques des composantes de la matrice extracellulaire et sur l’activité
d’enzymes jouant un rôle postnatal important, notamment les enzymes aux
activités antioxydantes.
Les différents stéroïdes comparés dans les essais cliniques ont été la cortisone,
l’hydrocortisone, la méthylprednisolone, et les deux dérivés fluorés en
position 9, la bêtaméthasone et la dexaméthasone.
Tous les essais utilisant
les dérivés fluorés (20 à 28 mg de dexa- ou bêtaméthasone administrés en
deux à huit injections sur 48 heures) confirment leur efficacité.
En revanche,
la méthylprednisolone s’avère inefficace, et les doses d’hydrocortisone
administrées doivent être très élevées pour obtenir une efficacité comparable
à celle des dérivés fluorés.
Ces différences d’activité en faveur des dérivés
fluorés traduisent une aptitude plus importante de ces derniers à résister à
l’inactivation placentaire par la 11 bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase.
L’administration de dérivés fluorés aux posologies recommandées et en cure
unique s’accompagne transitoirement d’une diminution des concentrations
sériques en ACTH (adrenocorticotrophic hormone), DHA
(déhydroépiandrostérone), et hormone de croissance.
Cependant, le taux
sérique de cortisol, après stimulation par l’ACTH 24 heures ou 4 semaines
après la naissance, est identique au taux observé chez le nouveau-né non
soumis au traitement anténatal.
Lorsque, malgré la corticothérapie anténatale,
le nouveau-né développe une MMH, la cortisolémie dosée durant la période
aiguë est non significativement différente de celle des nouveau-nés avec
MMH et non traités.
Ceci confirme que l’administration d’une cure de
glucocorticoïdes avant la naissance n’interfère pas avec l’adaptation surrénalienne à un stress postnatal.
Ce point n’a pas fait l’objet d’étude
contrôlée en cas de cures multiples, mais la description récente d’un
syndrome cushingoïde avec inhibition de l’axe hypophyse-surrénale chez un
nouveau-né soumis à sept cures in utero invite à la plus grande prudence.
3- Conséquences de la corticothérapie anténatale sur la mortalité, la
prévention de la maladie des membranes hyalines et de ses
complications :
C’est à Patricia Crowley que revient le mérite d’avoir démontré par des métaanalyses
régulièrement remises à jour, l’intérêt de l’administration anténatale
de glucocorticoïdes pour la prévention de la MMH.Ne sont
prises en compte que les études avec les dérivés fluorés et celle utilisant de fortes doses d’hydrocortisone, soit quinze séries regroupant environ
3 000 patientes.
Lorsque est considérée l’intégralité des enfants (foetus et
nouveau-nés) au moment de l’inclusion dans l’étude, l’incidence de la MMH
diminue d’un facteur 2, soit de 20,2 à 11,2 %.
Si seuls les enfants nés
prématurés avant 34 semaines d’aménorrhée (SA) et vivants sont considérés,
les chiffres sont sensiblement différents mais leur différence reste largement
significative : diminution de l’incidence de 30,9 à 17,3 %.
Parce que les
critères de gravité d’une MMH sont différents selon les études, il n’est pas
facile de démontrer par une méta-analyse que le traitement diminue
l’incidence des formes graves de la maladie respiratoire, lorsque celle-ci
survient malgré le traitement hormonal.
C’est cependant un effet positif du
traitement observé dans certaines séries.
Le traitement est sans conséquence
sur la mortinatalité, mais diminue très significativement la mortalité après la
naissance.
Contrairement aux premières observations de Liggins, il n’y a pas de différence d’efficacité en fonction du sexe de l’enfant
ou de son origine ethnique.
L’effet thérapeutique est dépendant de la durée de l’intervalle entre le moment
du début de la cure (première injection) et le moment de l’accouchement.
Lorsque celui-ci est inférieur à 24 heures, il existe une tendance non
significative (effectifs insuffisants) mais réelle dans le sens d’une diminution
de l’incidence de la MMH.
En fait, cet intervalle, artificiellement fixé à
24 heures mais très certainement variable selon chaque enfant, correspond au
délai physiologique nécessaire à l’adsorbtion du produit, au transfert
transplacentaire (pic sérique foetal entre 1 et 2 heures après l’administration
maternelle), à la translocation du complexe hormone-récepteur, à l’initiation
et à la poursuite de la transcription, à la maturation des transcrits, à leur
traduction, à la maturation post-traductionnelle du peptide ou de l’enzyme, et
à l’élaboration du produit final (biosynthèse enzymatique des différents
phospholipides, organisation supramoléculaire et « routage » dans les
différents organelles intracytoplasmiques).
Lorsque l’accouchement a lieu
après ce délai de 24 heures et avant 7 jours, l’efficacité est très
significativement augmentée : elle permet une réduction de l’incidence de la MMHde 24 à 9 %.
À quelques heures près, la différence d’efficacité est ainsi
considérable; ce qui suggère que l’indication d’une corticothérapie néonatale
doit être discutée et décidée le plus tôt possible, chaque fois qu’est présente
une menace d’accouchement prématuré avant 34 SA.
Lorsque
l’accouchement a lieu 7 jours après le début du traitement, il existe une
tendance nette mais non significative en faveur d’une réduction de l’incidence
de la MMH.
La non-significativité est due au faible nombre
d’enfants non nés avant les 7 jours et à la diminution de l’incidence de la
MMH dans le groupe témoin liée à l’avance de maturation.
Cette absence de
significativité en faveur ou non d’une efficacité prolongée est très
dommageable, puisqu’elle conduit de nombreux centres à répéter les cures
sans qu’aucune étude prospective n’ait validé cette attitude (notamment
l’intervalle de 7 jours) et évalué les effets secondaires.
L’efficacité de la corticothérapie anténatale dépasse la seule diminution de
l’incidence de la MMH.
En analysant rétrospectivement les études donnant
les informations souhaitées, la gravité de la dysplasie bronchopulmonaire
(DBP) semble moindre après corticothérapie anténatale.
Il est vrai que, dans
le cas de la DBP dont la physiopathologie est multifactorielle, la
corticothérapie anténatale n’est qu’un parmi de multiples facteurs pouvant
influencer l’évolution respiratoire.
Le bénéfice de la corticothérapie
anténatale sur l’incidence des complications barotraumatiques
(épanchements gazeux, emphysème interstitiel) n’a pas été spécifiquement
évalué.
4- Corticothérapie, maladie des membranes hyalines
et grande prématurité :
Si l’efficacité de la corticothérapie anténatale en termes de réduction de
l’incidence de la MMH dans un sous-groupe d’enfants nés avant 30 SA est
suggérée dès le premier essai multicentrique conduit par Liggins, l’effectif
des sous-populations de grands prématurés dans beaucoup des études qui ont
suivi est souvent trop faible pour mettre en évidence une différence
statistiquement significative.
Cette absence de significativité
a conduit certains, au début des années 1980, à préconiser l’abstention
thérapeutique en cas de menace d’accouchement prématuré avant 30 SA.
Le
bénéfice spectaculaire de la thérapeutique substitutive par les surfactants
exogènes (SE) sur la mortalité des grands prématurés à la fin des années 1980
a entretenu cette désaffectation.
Ce sont les travaux expérimentaux de
plusieurs groupes, dont notamment ceux de Ballard et de Jobe, et les
premières méta-analyses démontrant sans ambiguïté une efficacité de la
corticothérapie anténatale sur la prévention de la MMH chez le grand
prématuré, qui vont finalement conduire à un changement d’attitude de la part
des obstétriciens et des pédiatres au début des années 1990.
Selon une
récente méta-analyse, l’odd-ratio (OR) s’avère finalement très
peu différent de l’OR déterminé par une méta-analyse portant sur la
population des prématurés d’âge gestationnel (AG) égal ou inférieur à 34 SA
(OR : 0, 54 ; 5-95 % ; IC : 0, 44 - 0.66), seul l’intervalle de confiance (IC) est
plus large compte tenu de l’effectif global plus faible des grands
prématurés.
La MMH étant la première cause de décès dans cette
population, la réduction de l’incidence de la MMH s’accompagne d’une
réduction significative de la mortalité d’environ 40 %.
Ceci est indirectement
confirmé par la diminution très significative de la mortalité observée dans le
sous-groupe de prématurés d’AG égal ou inférieur à 34 SAtraités (OR : 0.61;
5-95 % ; IC : 0.48-0.78), puisque les grands prématurés contribuent à la
majeure partie des décès.
La contribution de la corticothérapie anténatale à l’augmentation de la survie
chez le grand prématuré est aussi confirmée par des études rétrospectives
portant sur de très larges populations d’enfants et réalisées après 1990 (« ère postsurfactants »).
La mortalité à 28 jours de vie dans la sous-population
soumise à une cure complète avant la naissance est inférieure à 10 % dans les
deux études multicentriques récemment publiées.
La réduction de
la mortalité par rapport au groupe non traité avoisine là aussi 50 %.
Ces études confirment ainsi indirectement la persistance d’un bénéfice majeur du
traitement hormonal en termes de mortalité chez les grands prématurés à l’ère postsurfactants.
4- Corticothérapie, maladie des membranes hyalines
et très grande prématurité :
L’impact sur le pronostic respiratoire de la corticothérapie anténatale, que les
autorités nord-américaines par la voie du NIH (National Institute of Health)
conseillent à partir de 24 semaines de gestation en cas de menace
d’accouchement prématuré et quelle qu’en soit l’origine, n’est pas connu pour
la tranche d’AG comprise entre 24 et 26 SA.
On ne dispose d’aucune étude
prospective comportant une stratification à ces AG.
L’essai thérapeutique le
plus récent de l’équipe de Garite est le seul parmi tous les essais, avec les
glucocorticoïdes, qui rapporte des résultats d’une étude portant sur une
population d’AG compris entre 24 et 28 SA, menée entre 1984 et 1990 (ère
présurfactant) avec la bêta-méthasone (Célestènet Chronodoset).
Le nombre
d’enfants inclus et nés 24 heures après le début du traitement est faible (27
enfants traités versus 29 soumis au placebo) ; l’incidence du syndrome de
détresse respiratoire (SDR) est moins importante parmi les enfants soumis à
une cure complète (55 % versus 68 %) et les pressions maximales
d’insufflation sont plus faibles mais, dans les deux cas, la différence n’est pas
statistiquement significative.
Plus récemment, une étude rétrospective
multicentrique portant sur une importante population de grands prématurés
nés entre 1982 et 1986 (ère présurfactant) a rapporté des résultats pour la
tranche d’âge 26 - 28 SA avec la bêta-méthasone.
Le nombre d’enfants
soumis à une cure complète est très faible (13 versus 133 non traités ou soumis
à une cure incomplète).
La mortalité et l’incidence du SDR sont toutes deux
significativement plus faibles parmi les enfants traités (respectivement
0 versus 35 % et 54 versus 87 %).
5- Synergie corticothérapie anténatale – administration d’un surfactant
exogène après la naissance
:
La biosynthèse du surfactant n’est pas la seule cible pulmonaire de la
corticothérapie anténatale.
Celle-ci modifie expérimentalement les
propriétés biomécaniques du poumon par des voies indépendantes du
métabolisme du surfactant.
L’architecture des espaces alvéolaires est
modifiée et le volume pulmonaire est augmenté.
La fuite capillaire postnatale
dans les espaces alvéolaires est significativement diminuée.
La synthèse
fibroblastique des composantes de la matrice extracellulaire (élastine,
collagène) est modifiée qualitativement.
Chez le lapin prématuré, les
propriétés biomécaniques du poumon après administration de cortisol sont
améliorées sans changement significatif du pool de surfactant intra-alvéolaire.
La corticothérapie anténatale stimule aussi l’activité d’enzymes susceptibles
de jouer un rôle postnatal important : c’est ainsi le cas des enzymes aux
activités antioxydantes, et de canaux impliqués dans la résorption du liquide
pulmonaire.
Toutes ces données suggèrent que la corticothérapie anténatale
améliore le pronostic respiratoire immédiat selon des mécanismes surfactants
et non surfactants-dépendants.
Il est donc logique d’observer
expérimentalement une synergie entre la corticothérapie anténatale et
l’administration d’un surfactant exogène.
Les mécanismes biochimiques
sous-tendant cette synergie sont a priori nombreux : diminution de la fuite
capillaire transépithéliale susceptible de limiter l’inactivation secondaire du
surfactant exogène, effet maturatif sur les enzymes du métabolisme
phospholipidique modifiant le turn-over et la réutilisation du surfactant
administré, combinaison apoprotéines endogènes- phospholipides exogènes.
Récemment, le groupe de Jobe a montré qu’une partie du pool fonctionnel du
surfactant intra-alvéolaire peut être enzymatiquement convertie en une forme
inactive.
Cette conversion implique une sérine protéase appelée convertase.
L’activité de cette enzyme semble plus importante chez le prématuré que chez
l’adulte.
La corticothérapie anténatale diminuerait chez l’agneau prématuré
le pool de surfactant non fonctionnel en diminuant l’activité de
conversion.
La synergie corticothérapie anténatale-surfactants exogènes apparaît évidente
lors de l’analyse rétrospective des essais contrôlés avec les surfactants
exogènes artificiels ou naturels.
Le bénéfice de la corticothérapie sur
la mortalité à 28 jours, la mortalité d’origine respiratoire et l’incidence des
hémorragies intraventriculaires est clairement présent dans les populations
traitées par surfactant naturel ou exogène.
Dans l’une des plus
récentes études prospectives évaluant le bénéfice de la corticothérapie à l’ère
du surfactant exogène, les besoins en surfactant, la durée de ventilation et
d’oxygénothérapie, l’incidence des HIVsont moindres dans le groupe soumis
au traitement anténatal.
6- Corticothérapie anténatale et rupture prématurée
des membranes avant terme (PROM) :
Lorsque survient une PROM (premature rupture of membranes),
l’accouchement survient dans plus de 60 %des cas entre 24 heures et 7 jours
après la rupture, quel que soit le traitement institué.
C’est l’intervalle de temps
où l’effet bénéfique de la corticothérapie anténatale, toutes populations
confondues, est maximal.
Il est donc pertinent de s’interroger sur le bienfondé
de l’indication d’une corticothérapie anténatale dans cette souspopulation
dès la survenue de la rupture, d’autant plus que la PROM est
considérée en soi comme un facteur accélérateur de la maturation.
Cet adage
a cependant été récemment remis en question : la chorioamniotite, et non la
PROM, pourrait être associée à une accélération de la maturation pulmonaire,
par le biais d’une production importante d’interleukine 1.
La plupart des
études entreprises pour répondre spécifiquement à cette question, et celles
plus générales mais pour lesquelles est individualisé un sous-groupe avec PROM, n’ont pas mis en évidence de différence significative pour l’incidence
de la MMH entre les groupes traités et contrôles.
Pour beaucoup de ces
études, les cohortes sont malheureusement trop faibles pour mettre en
évidence une différence significative.
Lorsque sont prises en compte
l’ensemble des études prospectives (c’est-à-dire les études précédemment
citées et les études générales pour lesquelles a été individualisé le sousgroupe
avec PROM), les méta-analyses concluent à une différence
significative entre les deux groupes.
La possibilité que le risque infectieux déjà important en situation de rupture
puisse être accru par la corticothérapie anténatale doit être sérieusement
envisagée.
La récente méta-analyse de Crowley, prenant en compte les
résultats de dix études, conclut à l’absence de risque d’infection
supplémentaire chez le nouveau-né.
En revanche, le risque semble réel
pour la mère.
Plusieurs publications prenant spécifiquement en compte cet
item, confirment une augmentation faible du risque d’endométrite après
corticothérapie.
Bien entendu, la corticothérapie ne représente que l’un des
facteurs favorisant le risque infectieux dans ces études.
Il a bien démontré que,
en l’absence de toute corticothérapie et antibiothérapie prophylactique, le
risque de chorioamniotite augmente de façon très significative après 48 heures
de rupture.
De nombreux facteurs non systématiquement analysés dans ces
études, et susceptibles de favoriser la chorioamniotite et l’endométrite dans
une situation où le facteur infectieux est non seulement une complication mais
aussi souvent l’un des facteurs responsables de la rupture, peuvent aussi
conduire à un biais important : fréquence des examens gynécologiques et
hospitalisation prolongée, durée et modalités de la tocolyse, antibiothérapie
prophylactique, voie d’accouchement.
Sa réalisation sous couverture
antibiotique courte, si possible adaptée selon la bactériologie du liquide
amniotique obtenu par voie basse ou amniocentèse, est préconisée par
certains.
7- Effets extrarespiratoires de la corticothérapie anténatale
et amélioration de la survie du grand prématuré
:
L’effet bénéfique de la corticothérapie anténatale sur la mortalité chez le
grand prématuré n’est pas seulement lié à une diminution de l’incidence de la MMH.
Ce bénéfice est aussi démontré pour la prévention de
deux complications potentiellement létales de la grande prématurité : les
formes graves d’ HIVet l’entérocolite ulcéronécrosante (ECUN).
Le bénéfice
non respiratoire le plus spectaculaire de la corticothérapie anténatale est la
diminution de l’incidence des HIV, complication très spécifique de la grande
prématurité.
Celui-ci est mise en évidence par la dernière méta-analyse
de Crowley portant sur six essais (OR : 0, 38 ; 5, 95 % ; IC : 0, 23 - 0, 94).
Des
analyses rétrospectives portant sur plusieurs milliers de grands prématurés
démontrent une réduction très significative de l’incidence des HIV
grades 3 et 4 dans le groupe traité avec une cure complète (18 %à 8 %).
Cette réduction d’environ 50 % s’observe aussi parmi les très grands
prématurés, ce qui corrobore l’étude prospective de Garite.
La diminution de l’incidence des HIV sévères n’est pas liée uniquement à une meilleure
adaptation hémodynamique à la naissance et à une moindre gravité de la
pathologie respiratoire.
Cette constatation suggère que la corticothérapie
anténatale a peut-être un effet direct sur la maturation de la paroi des vaisseaux
de la matrice gérminale.
Un autre bénéfice de la corticothérapie anténatale, qui pourrait contribuer à
diminuer à la fois la mortalité et la morbidité neurologiques, est la meilleure
adaptation cardiocirculatoire à la vie extra-utérine observée chez le grand
prématuré soumis au traitement anténatal.
Les grands prématurés traités ont
une pression artérielle moyenne (PAM) plus élevée à la naissance et un besoin
moindre de soutien inotrope et d’expension volémique.
L’administration de bêta-méthasone à la brebis gestante ou directement au foetus améliore
l’adaptation hémodynamique postnatale de l’agneau prématuré en
augmentant la contractilité cardiaque.
L’animal soumis au traitement
hormonal avant la naissance présente une tension artérielle et un débit
cardiaque significativement plus élevés.
Chez le très immature d’AG égal ou
inférieur à 27 SA, l’extrapolation de ces données expérimentales est délicate
car les valeurs références de la tension artérielle sont inconnues.
Néanmoins,
selon une étude rétrospective portant sur un grand nombre de patientes,
l’imprégnation hormonale anténatale augmente très significativement la PAM
entre 12 et 48 heures de vie, et réduit l’importance des besoins postnatals en
soutien hémodynamique (dopamine).
Cette observation est à mettre en
parallèle avec la démonstration de l’intérêt de l’administration postnatale
précoce d’hémisuccinate d’hydrocortisone chez des grand immatures
manifestant une hypotension artérielle réfractaire aux inotropes classiques.
La corticothérapie anténatale a enfin un retentissement très significatif sur le
coût global des soins délivrés aux enfants prématurés.
Il est démontré que,
dans une population d’enfants nés prématurés, elle diminue significativement
la durée de l’hospitalisation.
Avery avait, dès 1984, suggéré que le traitement
de seulement 25 % des 40 000 prématurés qui développent une MMH sur
1 année aux États-Unis économiserait l’équivalent de 40 millions de dollars
américains.
Plus récemment, dans une population de prématurés d’AG
inférieur à 35 SA, la réduction du coût par enfant traité a été évaluée à 10 %,
et celle du coût par survivant à 14 %.
Sur une population de grands prématurés
d’AG inférieur à 31 SA, la corticothérapie augmenterait le coût global de 7 %
(conséquence directe de la diminution de la mortalité), mais diminuerait le
coût par survivant d’environ 9 %.
8- Synergie glucocorticoïdes - TRH chez le grand prématuré
:
L’effet des hormones thyroïdiennes (TRH) sur la maturation pulmonaire est
expérimentalement bien établi.
Les poumons de foetus de lapin soumis à un
traitement par la T4 ont une meilleure aération, un nombre plus important
d’inclusions lamellaires, une maturation morphologique accélérée.
Ex
vivo, dans des explants pulmonaires, l’effet des hormones thyroïdiennes
seules sur la biosynthèse des phospholipides est modéré, mais l’effet d’un
traitement par les glucocorticoïdes est multiplié en présence de T4.
La très
faible perméabilité du placenta des primates à laT4 ne permet pas d’envisager
de traiter le foetus avec une administration maternelle, et a conduit à tester
l’administration de TRH à la mère.
Plusieurs essais randomisés et
contrôlés ont été publiés.
Les populations concernées sont
essentiellement de grands prématurés.
Tous comparent l’effet de la bêta- méthasone seule à celui de l’association bêta-méthasone-TRH.
La méta-analyse
des résultats de quatre des cinq essais conclut à une diminution dans le groupe
TRH-glucocorticoïdes de l’incidence de la MMH(OR : 0, 7 ; IC95 % : 0, 55-
0, 89), et de celle de la DBP(OR : 0, 55 ; IC 95 % ; 0, 39-0, 78).
C’est surtout
sur l’incidence des formes graves de MMH que l’action semble la plus
bénéfique (OR : 0,50 ; IC 95 % : 0, 34-0, 72).
En revanche, tout récemment,
l’étude australienne ACTOBAT incluant 1 234 patientes conclut à l’absence
de différence significative entre les deux groupes en termes d’incidence de la
MMH, de besoins en surfactant exogène, de durée de ventilation et
d’oxygénation.
Il existe même une tendance à l’augmentation de
l’incidence de la MMH dans le groupe soumis à la bithérapie (OR : 1, 1 ; IC
95 % : 1, 00-1, 36), tendance qui disparaît dans le sous-groupe des enfants
nés 10 jours après l’administration de TRH.
Les effets maternels (flush,
nausées, vomissements, élévation de la pression artérielle) sont fréquents, et
ce malgré des bolus de TRH de 200 mg.
L’absence d’efficacité de la
bithérapie dans cette étude n’est pas expliquée par la posologie moindre de TRH : cette dernière dose stimule aussi efficacement l’axe foetal hypophysethyroïde.
Dans l’attente des résultats d’études complémentaires, il est pour
l’instant non recommandé d’avoir recours hors étude contrôlée à cette
association thérapeutique en l’état actuel des connaissances.
9- Effets secondaires de la corticothérapie anténatale :
Chez le singe, un traitement par la b-méthasone durant la gestation diminue
le nombre d’alvéoles par unité de volume et la surface des échanges gazeux,
et altère la distribution des composantes du tissu conjonctif.
Chez le rat
nouveau-né, la dexaméthasone perturbe la septalisation alvéolaire et la
transformation des pneumocytes de type II en type I.
Ces altérations
morphologiques s’accompagnent d’une réduction importante et durable du
contenu en acide désoxyribonucléique (ADN) du poumon.
La croissance
cérébrale peut aussi être compromise par une réduction irréversible de la
population neuronale.
Dans toutes ces études expérimentales, les doses
cumulées sont largement supérieures à celles administrées par voie transplacentaire dans les différents protocoles cliniques.
À court terme,
l’incidence des infections néonatales et maternelles n’est globalement pas
augmentée dans la population traitée, qu’il y ait ou non rupture prématurée.
Cependant, dans les populations de faible poids de naissance, les études
rétrospectives sont en faveur d’une plus grande fréquence des infections
néonatales dans le groupe traité.
Certaines des études évaluant l’efficacité de
la corticothérapie en cas de PROM soulignent aussi un risque infectieux
augmenté chez la mère.
À distance, les études de suivi pour certaines jusqu’à
12 ans des cohortes traitées concluent dans leur globalité à l’absence de
retentissement délétère à long terme sur la croissance staturopondérale et du
périmètre crânien, les fonctions respiratoires, la fréquence des infections, le
développement intellectuel et les performances scolaires.
Dans les études de
suivi de la cohorte néo-zélandaise de Liggins et de la Collaborative Study,
comportant, hélas, une fraction importante d’enfants perdus de vue (12 à
36 %), l’incidence des anomalies neurologiques à long terme est même
légèrement plus faible dans le groupe traité (OR : 0, 61, IC 95 % : 0, 34-
1, 08).
Depuis le premier essai de Liggins dans les années 1970, aucun effet
secondaire qui puisse être spécifiquement lié à l’administration anténatale de
glucocorticoïdes n’a été rapporté.
Il convient de rappeler que l’innocuité de la
corticothérapie à court et à long termes n’est démontrée que chez les enfants
soumis à une cure unique.
Il est légitime de s’interroger sur le retentissement
de multiples cures sur l’axe hypophyse-surrénale et sur la croissance anté- et
postnatale.
10- Conclusions
:
Depuis 25 ans, plusieurs milliers d’enfants prématurés ont été enrôlés dans
des essais thérapeutiques contrôlés avec pour objectif de démontrer
l’efficacité d’une imprégnation anténatale par les glucocorticoïdes.
Pour le
nouveau-né prématuré de sexe féminin ou masculin et d’âge gestationnel
inférieur à 34 SA, le bénéfice de l’administration anténatale et maternelle d’un
corticostéroïde fluoré (b-méthasone acétate + phosphate = Célestènet
Chronodoset : 2 x 12 mg/j IM pendant 48 heures, ou dexaméthasone =
Soludécadront 4 x 6 mg/12 h IM pendant 48 heures) sur la mortalité et
l’incidence de la MMH est parfaitement établi grâce à ces multiples essais et
à leur méta-analyse.
Lorsque la naissance a lieu entre 24 heures et 7 jours
après le début du traitement, la mortalité et l’incidence de la MMH sont
diminuées d’environ 50 %.
Quoique non statistiquement significatif, ce
traitement reste bénéfique lorsque l’accouchement a lieu entre 34 et 37 SA ou
lorsqu’il survient avant 24 heures après la première cure ou après 7 jours.
Ce
bénéfice persiste chez les grands prématurés d’AG inférieur à 31 SA.
La
survenue d’uneMMHmalgré le traitement ne doit pas être considérée comme
un échec : la détresse respiratoire est moins grave et l’efficacité de différentes
méthodes de ventilation et des surfactants exogènes est renforcée par
l’imprégnation hormonale anténatale.
Le large recours à la corticothérapie
anténatale est sûrement l’un des facteurs qui contribue au succès, dans le
traitement des détresses respiratoires du grand prématuré, de modes de
ventilation peu barotraumatiques comme la pression positive continue nasale
(PPC nasale) ou l’association surfactant exogène naturel modifié-PPC nasale.
Le bénéfice non respiratoire le plus spectaculaire de la corticothérapie
anténatale est la diminution de l’incidence des hémorragies intracrâniennes.
Selon plusieurs études rétrospectives ou prospectives, l’incidence des formes
graves d’HIV (grade 3 et 4) est diminuée d’environ 50 %.
Ce résultat plaide
pour un large recours à cette thérapeutique chez le grand et le très grand
prématuré, pour lesquels l’incidence des HIV tous grades confondus dépasse
40 %.
Les conséquences sur la maturation pulmonaire de l’imprégnation
hormonale, son effet positif sur l’hémodynamique néonatale, et peut-être
aussi un effet maturatif direct sur la régulation de la perfusion cérébrale
expliquent ce bénéfice.
La corticothérapie anténatale diminue aussi, selon
plusieurs études, l’incidence de l’entérocolite ulcéronécrosante et celle de la
persistance du canal artériel.
Le délai d’environ 24 heures, nécessaire pour que l’hormone exerce ses effets
biologiques, justifie de débuter la cure le plus rapidement possible.
Même si
la probabilité que l’accouchement ait lieu avant la fin de ce délai est forte, le
traitement doit être néanmoins commencé, car un effet bénéfique sur
l’incidence de laMMHet celle des HIV est malgré tout démontré.
L’analyse
rétrospective de l’étude multicentrique OSIRIS conduite en 1989 et 1990 et
ayant pour objectif d’évaluer l’efficacité d’un surfactant artificiel montre que
en moyenne seulement 15 % des enfants ont été soumis au traitement
hormonal anténatal avec des variations selon les centres de 0 % à plus de
50 %.
Dans les études récemment conduites par des centres américains ayant
pour objectif de comparer l’efficacité de différents surfactants, l’incidence de
la corticothérapie anténatale est comprise entre 26 et 36 %.
Elle atteindrait
plus de 50 % dans certains pays scandinaves.
En France, l’incidence est
difficile à évaluer, mais il est certainement possible de l’améliorer par une
meilleure coordination obstétricopédiatrique et une diffusion la plus large
possible de l’information.
Si l’efficacité de la corticothérapie anténatale sur l’incidence de la MMH en
cas de rupture prématurée des membranes est plus controversée, elle reste
justifiée pour ses autres effets maturatifs et protecteurs, notamment pour la
prévention des HIV graves.
Le risque infectieux doit être évalué au mieux, en
ayant pour certains éventuellement recours à l’amniocentèse, car l’incidence
des complications infectieuses maternelles est peut-être augmentée dans cette
particulière situation.
Très rares sont les circonstances où le recours à la
corticothérapie anténatale peut donner lieu à des complications : elles sont
alors toujours en rapport avec une pathologie maternelle (diabète grave et de
contrôle difficile, infection mal contrôlée, traitement prolongé par les bmimétiques,
oedème pulmonaire).
Il n’y a pas de contre-indication d’ordre
pédiatrique à la corticothérapie anténatale.
L’administration de dexaméthasone ou de bêta-méthasone peut entraîner des altérations transitoires
du rythme cardiaque foetal : réduction de la variabilité avec la bêta-méthasone,
augmentation avec la dexaméthasone.
Cet effet des hormones doit être
reconnu pour éviter une extraction précipitée car attribuée à tort à une
souffrance foetale. Certains arguments plaident pour le recours à la bêta- méthasone plutôt qu’à la dexaméthasone :
– la rémanence de la composante retard du Célestènet Chronodoset
(acétate) si l’accouchement a lieu dans les 12 heures suivant la première
injection (l’enfant reçoit alors la moitié effective de la cure avec la bêta-méthasone mais seulement un quart avec la dexaméthasone) ;
– les résultats des méta-analyses distinguant dexaméthasone et bêta-méthasone : en termes de mortalité, la différence est significative pour la bêta-méthasone (OR : 0,52 ; IC 95 % : 0,39 - 0,70), mais non significative pour la
dexaméthasone (OR : 0,89, IC 95 % : 0,60 - 1,32).
L’absence de différence
pour la dexaméthasone n’est pas expliquée par un effet moindre sur
l’incidence de laMMHcar, pour les deux drogues, la réduction de l’incidence
de la MMH est très significative ;
– la présence de sulfite dans la préparation à base de dexaméthasone pour
laquelle une imputabilité dans la survenue d’accident allergique chez l’adulte
a été suggérée ;
– le confort maternel (deux injections au lieu de quatre injections).
Le bénéfice des cures itératives hebdomadaires, proposées par certains en
situation à risque comme les grossesses multiples, n’est pas démontré par une
étude prospective.
L’évaluation de la maturation pulmonaire foetale après
amniocentèse, pour décider de la poursuite des cures, pourrait être envisagée,
mais un test de maturation négatif dans le liquide amniotique n’exclut pas une
maturité pulmonaire satisfaisante, et l’amélioration de l’adaptation
respiratoire postnatale n’est pas uniquement dépendante des effets maturatifs
sur la biosynthèse du surfactant.
Les conséquences sur le développement
foetal (accélération de la différenciation ralentissement de la croissance) et
sur l’axe hypophyse-surrénale de ces cures multiples n’ont pas été évaluées.
En l’absence d’études prospectives et de suivi, le recours à des cures itératives
doit être envisagé avec beaucoup de prudence et discuté au cas par cas.
Il faut
savoir mettre en balance le risque potentiel et non connu de cures multiples et
les avantages escomptés.
Par exemple, est-il nécessaire chez une patiente
parvenue au terme de 31 SA, et ayant déjà reçu trois cures, de poursuivre les
cures systématiques si, au-delà de cet AG, le risque de MMH en l’absence de
tout traitement préventif est inférieur à 20 %et celui de complications graves
d’une MMH bien prise en charge (décès, DBP, HIV) est quasi nul ?
En
pratique, deux statégies sont envisageables :
– administration systématique entre 7 et 10 jours, après la première cure,
d’une deuxième cure.
Possibilité d’une cure supplémentaire (soit trois au
total) si l’âge gestationnel au moment de la première cure est inférieur à
29 SA ;
– administration d’une première cure et indication de deuxième cure, au delà
de 7 à 10 jours après la première cure, uniquement en cas de
modifications obstétricales laissant suspecter un accouchement imminent.
Cette stratégie pourrait être étendue à toutes les grossesses multiples avec une
première cure systématique vers 26-27 SA et une deuxième cure éventuelle
selon l’évolution du risque d’accouchement prématuré.
B - Surfactants exogènes en néonatologie :
1- Différents surfactants exogènes :
Depuis 1980, date du premier succès thérapeutique rapporté avec un
surfactant exogène (SE) naturel purifié à partir de poumons de veau et
supplémenté en phospholipides, de nombreux produits ont fait l’objet de
multiples études prospectives et contrôlées démontrant leur efficacité.
Le SE exogène est le premier médicament conçu en premier lieu et produit à
grande échelle pour un usage exclusivement néonatologique.
Plusieurs de ces
SE sont maintenant commercialisés et utilisés quotidiennement dans les
services de réanimation néonatale.
Il existe actuellement trois types de SE :
– le SE naturel humain, homologue, extrait du liquide amniotique, contient
les phospholipides et toutes les protéines spécifiques du surfactant naturel,
incluant les glycoprotéines SP-A et SP-D.
Il reste « l’étalon or » des SE, mais
son coût de purification est trop élevé, et son administration comporte un
risque inacceptable de transmission d’organismes pathogènes ;
– les SE naturels modifiés d’origine animale (hétérologues), purifiés à partir
de broyats ou de lavages, sont extraits à l’aide de solvants organiques
(chloroforme/méthanol) de poumons de boeuf, de veau, ou de porc.
Certains
subissent un ajustement final des concentrations en DPPC et une
supplémentation en acides gras libres.
Tous ces surfactants naturels ont des
concentrations en phospholipides >= 80 %.
Le procédé d’extraction préserve
les protéines très lipophiles SP-B et SP-C, mais élimine les glycoprotéines
SP-A et SP-D ;
– les SE artificiels sont tous à base de DPPC.
La première génération est
exempte de protéines naturelle ou artificielle.
Son représentant le plus connu
et utilisé est l’Exosurf-Surfexot (DPPC additionnée d’agents chimiques
favorisant l’adsorption et l’étalement des phospholipides : tyloxapol et
hexadécanol).
La deuxième génération, au stade maintenant des essais
cliniques, est constituée par l’addition de peptides synthétiques ou
recombinants, mimant ou reproduisant les domaines actifs des protéines SP-B
et/ou SP-C à des phospholipides (majoritairement ou exclusivement de la
DPPC).
2- Propriétés des surfactants exogènes :
La principale propriété exigée d’un SE est sa capacité à abaisser la tension
superficielle.
Les propriétés tensioactives sont d’abord testées in vitro sur
balance de Langmuir-Wilhelmy ou à l’aide d’un surfactomètre à bulle.
L’effet
tensioactif et la stabilité, après plusieurs cycles de compressiondécompression,
du SE testé sont variables selon le type de SE : excellents
avec le SE naturel entier et les SE naturels modifiés, moins marqués avec les
SE artificiels.
Les SE sont ensuite testés in vivo chez l’animal prématuré
(lapin, agneau, babouin) ou chez l’animal adulte ayant préalablement subi un
lavage alvéolaire.
L’efficacité est démontrée par amélioration de la
gazométrie et de la mécanique ventilatoire : expansion alvéolaire, volume
pulmonaire, et augmentation de la compliance.
Cette efficacité est plus nette
avec les SE naturels qu’avec les SE artificiels.
L’importance fonctionnelle des
protéines hydrophobes est ainsi indirectement démontrée et
expérimentalement, le Surfexot substitué avec ces mêmes protéines acquiert
des propriétés fonctionnelles voisines de celles des surfactants naturels.
Les SE sont enfin testés dans des études pilotes chez le grand prématuré :
l’efficacité clinique immédiate est démontrée par une amélioration des
échanges gazeux après instillation.
Cette amélioration est en général très
rapide (quelques minutes), majeure, et soutenue avec un surfactant naturel.
La réponse est plus lente avec un surfactant artificiel (quelques heures), moins marquée mais en règle aussi soutenue.
L’amélioration clinique s’accompagne
d’une augmentation des volumes pulmonaires et d’un éclaircissement
radiologique.
Un monitorage rigoureux s’impose dans les heures après
administration du SE pour éviter hyperoxie, hyperventilation et distension
pulmonaire.
Environ 20 % des grands prématurés traités répondent
médiocrement ou pas du tout à l’installation de surfactant.
La non-réponse est
un facteur de mauvais pronostic vital (risque multiplié par 2 de décès).
3- Essais thérapeutiques :
Les bénéfices des SE sont surtout jugés sur la diminution des complications
respiratoires secondaires et sur l’amélioration du pronostic en termes de
survie et de séquelles.
Actuellement, plus d’une trentaine d’essais
thérapeutiques contrôlés ont été publiés, ce qui représente plus de
6 000 enfants.
Les méta-analyses de ces essais permettent
de tirer les conclusions suivantes :
– les SE diminuent significativement la mortalité (40 %) et ceci d’autant plus
que la population d’étude est immature (diminution de près de 50 % chez les
« grands » prématurés) ;
– les SE diminuent la fréquence des complications barotraumatiques
pneumothorax et emphysème interstitiel de 30 à 50 % ;
– l’incidence de la DBP est peu modifiée mais le nombre de survivants sans
DBP est augmenté, et l’incidence de la DBP parmi les moins immatures a
considérablement diminué ;
– la morbidité non respiratoire en particulier neurologique (hémorragie intraventriculaire et ischémie périventriculaire) n’est pas augmentée, mais
n’est pas non plus diminuée, et ce malgré une meilleure survie.
Sauf pour les
plus immatures (AG < 26 SA), l’impact de l’administration d’un SE sur la
mortalité des grands prématurés est quasi indépendant de la nature
du surfactant administré (naturel ou artificiel) et du moment de
l’administration (administration prophylactique dans les 10 premières
minutes de vie ou stratégie curative dans les premières heures, une fois la
détresse respiratoire installée).
L’administration d’un SE augmente d’un
risque évalué par les méta-analyses inférieur à 1,5 l’incidence des
hémorragies pulmonaires, notamment chez le grand prématuré hypotrophe ou
le très grand prématuré.
Les SE ont une faible toxicité inflammatoire,
infectieuse et immunologique : aucun effet secondaire spécifiquement lié à
cette toxicité n’a été rapporté à ce jour.
4- Le délai d’administration du surfactant exogène a-t-il une influence
sur le pronostic vital ?
Des données expérimentales suggèrent que l’administration du SE à un
animal prématuré immédiatement à la naissance permet une distribution plus
homogène et limite le barotraumatisme lié à la ventilation mécanique. Une méta-analyse des essais comparant l’efficacité d’une stratégie prophylactique
par rapport à un traitement une fois la détresse respiratoire constituée
(instillation effectuée 6 heures en moyenne après la naissance) démontre
l’existence d’une différence significative en termes de mortalité (OR = 0,72,
5 - 95 %IC [0,52 - 0,98]) et en termes de complications barotraumatiques (OR
= 0,66, 5 - 95%IC [0,36 - 0,91]).
L’administration systématique en salle
de naissance d’un SE sur la simple base de l’AG a cependant plusieurs
inconvénients :
– elle impose un traitement systématique non justifié pour un large
pourcentage d’enfants aux poumons matures.
Ce pourcentage est évalué à
50 %parmi les grands prématurés d’AG inférieure ou égale à 31 SAet connaît
encore une augmentation compte tenu d’un plus large recours à la
corticothérapie anténatale ;
– elle implique une intubation systématique potentiellement source de
complications, notamment dans des mains peu expérimentées ;
– elle représente un surcoût considérable.
Pour les grands prématurés d’AG
supérieure à 26 SA, un compromis entre les deux stratégies est peut-être à
trouver dans une prise en charge ventilatoire du grand prématuré par PPC
nasale dès la naissance, avec l’objectif d’identifier les enfants aux poumons
matures.
Malgré la PPC nasale, le nouveau-né aux poumons immatures, et
tout particulièrement le grand prématuré, va très rapidement manifester une
détresse respiratoire avec une majoration rapide des besoins en oxygène :
l’instillation après intubation endotrachéale peut être alors réalisée, dans un
délai inférieur à 2 heures de vie, c’est-à-dire largement plus court que celui de
la stratégie curative classique.
Ces essais démontrent néanmoins clairement l’avantage d’une administration
la plus précoce possible du surfactant lorsque les manifestations cliniques ou
des données radiologiques ou biochimiques suggèrent fortement l’existence
d’un déficit en matériel tensioactif.
Ceci est particulièrement le cas des enfants
extrêmement immatures, d’AG inférieur ou égal à 26 SA.
Le bénéfice d’une
administration la plus précoce possible, et réalisée dans des conditions de
sécurité optimales à ces âges gestationnels, est l’un des arguments plaidant
pour le développement de la régionalisation des soins et le transfert in utero
en centre de niveau III des patientes à risque d’accouchement très prématuré.
5- Autres indications du surfactant exogène en néonatologie :
Les pathologies du surfactant en période néonatale ne se résument pas au seul
déficit fonctionnel lié à l’immaturité pulmonaire.
Le méconium, des
protéines d’origine plasmatique, des phospholipases de micro-organismes
sont de puissants inactivateurs de composantes essentielles du surfactant.
Dans les formes graves d’inhalation, l’inactivation du surfactant par la
fraction hydrophobe du méconium participe, avec l’alvéolite chimique et
l’hypertension artérielle pulmonaire, à la genèse de l’hypoxémie sévère ou
réfractaire fréquemment observée dans cette situation.
Sur la base de données
expérimentales encourageantes, plusieurs essais cliniques, pilotes ou
contrôlés, ont été entrepris.
Celui le plus récemment publié rapporte des
résultats très prometteurs : l’administration précoce de plusieurs doses d’un
surfactant naturel, le Survanta, à des nouveau-nés souffrant d’inhalation
méconiale sévère permet une amélioration des échanges gazeux, une
réduction de la fréquence des complications barotraumatiques et de la
nécessité d’avoir recours aux méthodes d’oxygénation extracorporelle.
Des
résultats très prometteurs ont aussi été rapportés, lors d’essais pilotes et
préliminaires, chez des enfants présentant une hypoxémie sévère associée à
une infection (streptoccoque B) ou une hémorragie pulmonaire.
6- Surfactants de nouvelle génération :
Si l’efficacité et la relative innocuité des surfactants naturels dont nous
disposons aujourd’hui sont bien établies, la production par nature limitée de
ces produits d’origine animale (interdisant si indication était d’en envisager
une large utilisation chez l’enfant et chez l’adulte), et la recherche d’une
sécurité virale « absolue » (même si les étapes de purification sont
particulièrement drastiques et efficaces dans l’élimination des virus et des
agents non conventionnels) ont conduit plusieurs équipes à se tourner vers
l’élaboration de surfactants synthétiques de composition plus proche de celle
du surfactant naturel humain.
C’est de l’étude des relations structure-fonction
des protéines hydrophobes et de la démonstration de leur rôle essentiel qu’est
née l’idée d’incorporer des protéines recombinantes ou des analogues
peptidiques de ces protéines à un mélange phospholipidique.
* Protéines recombinantes
:
Les formes matures des protéines SP-B et SP-C sont de petits peptides, ne
comportant pas de modifications post-traductionnelles complexes, et sans
structure tertiaire ou quaternaire élaborée.
Leur synthèse procaryote après
recombinaison et transformation bactérienne d’un ADNc humain
recombinant a pu être réalisée.
L’addition de l’une ou l’autre de ces protéines
recombinantes confère à un mélange phospholipidique des propriétés
tensioactives in vitro et chez l’animal, voisines sans être tout à fait
équivalentes de celles d’un surfactant naturel d’origine animale.
* Peptides synthétiques :
Selon des modèles théoriques fondés sur la séquence primaire de la protéine
et confirmés par diverses approches physicochimiques, l’organisation spatiale
de plusieurs domaines de SP-B est une hélice amphipathique : la face hydrophile de l’hélice est chargée positivement et contracte des liaisons
électrostatiques avec l’extrémité anionique du PG, alors que la face
hydrophobe interagit avec les chaînes aliphatiques.
Plusieurs équipes ont
élaboré des peptides synthétiques mimant structurellement l’un des ces
domaines amphipathiques.
Le surfactant combinant le peptide
(ArgLeuLeuLeuLeu) 4Arg à un mélange DPPC-POPG (palmitoyl-oléoylphosphatidyl
glycérol) est dénommé KL4.
L’administration de ce surfactant
à des lapins prématurés augmente significativement la compliance.
Ce
surfactant a été évalué dans plusieurs autres modèles d’animaux prématurés
ou dans un modèle d’ARDS (Acute respiratory distress syndrome).
Son
administration permet une amélioration rapide et durable de l’oxygénation et
une augmentation des volumes pulmonaires.
Une étude préliminaire a été
récemment rapportée chez des prématurés avec MMH.
L’administration
d’une ou deux doses avant H4 chez 39 enfants s’accompagne d’une
diminution rapide et durable de l’index d’oxygénation, d’une diminution
significative des constantes de ventilation, et d’un recrutement alvéolaire
radiologique comparable à celui observé avec les surfactants naturels.
La
tolérance immédiate du produit est bonne et aucune complication habituelle
de la grande prématurité n’a été observée avec une fréquence inhabituelle.
Des essais contrôlés sur de plus grandes populations comparant ce nouveau
surfactant avec les surfactants naturels seront nécessaires avant d’envisager
leur commercialisation.
7- Surfactant exogène et dysplasie bronchopulmonaire :
La DBP est une forme d’insuffisance respiratoire prolongée apparaissant au
décours d’une détresse respiratoire néonatale de l’enfant prématuré.
La
définition clinique habituellement admise est la persistance de besoins en O2
au-delà de 28 jours de vie.
Les formes sévères de DBP sont définies par une
oxygénodépendance au-delà de 36 semaines d’âge corrigé ou 3 mois d’âge
postnatal.
Si l’utilisation des SE ne permet pas, par rapport au groupe témoin,
une diminution significative de l’incidence de la DBP définie selon les critères
classiques, il est indéniable que l’incidence de la DBP chez les enfants d’âge
gestationnel supérieure à 28 SA et celle des formes graves de DBP, tous âges
gestationnels confondus, ont considérablement diminué.
Si une diminution
significative de l’incidence de la DBP n’est pas observée, c’est avant tout
parce que beaucoup plus de très grands prématurés survivent à la période
immédiatement postnatale.
Sauf chez les très grands prématurés, la DBP est
maintenant une cause exceptionnelle de décès.
De plus, les formes sévères de DBP s’observent aujourd’hui essentiellement chez les prématurés d’AG
inférieur ou égal à 27 SA, avec une incidence très variable selon les équipes.
La majorité des enfants atteints de DBP sont désormais sevrés relativement
tôt du ventilateur, et plus de 90 % d’entre eux sont en mesure de rentrer au
domicile au voisinage du terme, moyennant pour les formes sévères une prise
en charge adéquate (oxygénothérapie pendant le sommeil, hospitalisation à
domicile).
Outre le bénéfice apporté par la corticothérapie anténatale et les
SE, il faut voir ici (sans que cela soit statistiquement démontrable avec la
rigueur des méta-analyses) le résultat de la convergence de plusieurs progrès :
– les nouveaux modes de ventilation (PPC et ventilation à l’aide d’une sonde
nasale) permettant un sevrage plus précoce de la ventilation assistée et une
diminution du risque de lésions trachéobronchiques et de surinfections
respiratoires, ventilation asservie par « trigger » assurant une adaptation
du respirateur à l’enfant et supposée diminuer le barotraumatisme ;
– le monitorage non invasif et continu (PO2 et PCO2 transcutanées,
enregistrement continue de la saturation par oxymètre de pouls) facilitant un
meilleur ajustement des paramètres ventilatoires après administration du SE
et contribuant à éviter l’hyperoxie les formes graves de rétinopathie sont
maintenant exceptionnelles chez les prématuré d’AG >= 27 SA et l’hypoxie
chronique l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) posthypoxique est
aujourd’hui très rare et habituellement réversible ;
– l’introduction au lit du patient de l’échocardiographie doppler, qui permet
une analyse physiopathologique plus fine de l’hypoxémie (hypoperfusion
pulmonaire, HTAP, incompétence myocardique) et une évaluation de
l’efficacité de la prise en charge hémodynamique de l’enfant (expansion
volémique, inotropes, vasodilatateurs) ;
– un meilleur contrôle de l’état nutritionnel et du confort, prérequis à une
cicatrisation et une croissance optimales ;
– le recours plus large et plus précoce à des thérapeutiques spécifiques de la DBP : bronchodilatateurs inhalés et corticothérapie générale.
Chez le prématuré extrêmement immature, l’incidence de la DBP reste très
élevée parmi les survivants.
Calculée par rapport au nombre de survivants et
définie comme la nécessité de prolonger le soutien ventilatoire ou
l’oxygénothérapie au-delà de 28 jours, elle est d’environ 60 à 80 % selon les
séries.
À l’inverse de la mortalité précoce très liée à la gravité de la pathologie
respiratoire initiale, l’incidence de la DBP dans cette tranche d’âge est
relativement indépendante du degré de sévérité de la pathologie initiale.
En
revanche, sur ce terrain, sa gravité est très liée à la survenue de certaines
complications postnatales : emphysème interstitiel précoce, troubles
hémodynamiques sévères, hémorragie pulmonaire, surinfections
nosocomiales.
Dans notre expérience, environ 50 % des prématurés de moins
de 26 SA évoluent vers une DBP sévère (définie comme la nécessité de
poursuivre l’oxygénothérapie au-delà de 36 SA).
Aujourd’hui, c’est
essentiellement dans cette population que se recrutent les enfants requérant
encore une oxygénothérapie à domicile pour plusieurs semaines voire
plusieurs mois.
Différentes stratégies ventilatoires (ventilation à haute
fréquence par oscillations, ventilation conventionnelle synchronisée, pression
positive continue nasale précoce) ayant toutes pour objectif de diminuer
l’incidence et la gravité de la pathologie respiratoire secondaire, sont en cours
d’évaluation chez le grand prématuré.
Si la corticothérapie postnatale permet
un sevrage de la ventilation assistée plus précoce, son bénéfice en termes de
réduction des durées d’oxygénation et d’hospitalisation n’est pas certain.
Des
études récentes réalisées chez des enfants extrêmement immatures sont en
faveur d’une efficacité de la corticothérapie postnatale précoce pour la
prévention des DBP sévères, mais les complications sont nombreuses, et
certaines d’entre elles sont plus graves et fréquentes en début de traitement
chez l’enfant très immature, notamment arrêt de la croissance,
hypercatabolisme, et intolérance glucidique sévère.
Une courte
corticothérapie initiée tôt et répétée tous les 10 jours permet de diminuer
l’incidence de la DBPà 36 SAchez les enfants très immatures (AG moyen de
26 SA).
Ces nouvelles modalités thérapeutiques (cure alternée ou « ultracourte
» avec dose initiale plus faible) feront sûrement l’objet dans les
prochaines années d’une évaluation plus approfondie dans cette population,
tant la pathologie respiratoire secondaire y est précoce, fréquente et sévère.