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Chirurgie
Atrésie des voies biliaires Traitement chirurgical
Cours de Chirurgie
 

 

 

Introduction :

L’atrésie des voies biliaires (AVB) est une anomalie de l’ensemble de l’appareil biliaire observée chez le jeune nourrisson et dont l’évolution spontanée se fait rapidement vers une cholestase complète et une cirrhose biliaire irréversible.

C’est une des causes les plus fréquentes de cholestase néonatale.

La fréquence de l’affection en France métropolitaine est estimée à 5,12 cas pour 100 000 naissances vivantes.

Sa cause est, à ce jour, inconnue. Deux étapes principales ont marqué les progrès du traitement chirurgical de l’AVB : la première est l’opération de Kasai, commencée en Europe dès 1969 et la deuxième, le recours à la transplantation hépatique (TH) effectuée d’abord par Starzl pour cette indication.

Les résultats de la chirurgie réparatrice sont inconstants et parfois seulement transitoires.

Dans le meilleur des cas, une récidive tardive de la cholestase avec le développement d’une cirrhose biliaire reste une menace qui pèse sur l’avenir à très long terme de ces malades

Ainsi, c’est l’AVB qui constitue à l’heure actuelle la principale indication de la TH pédiatrique, et parfois aussi beaucoup plus tard, chez dez adultes dont l’opération de Kasai faite au cours de la première enfance avait semblé être un succès.

Données générales :

ÉTIOLOGIE. FORMES ANATOMIQUES :

L’origine de l’anomalie est inconnue.

Il ne semble pas s’agir d’un défaut de développement des voies biliaires, mais plutôt de leur atteinte secondaire au cours de la vie foetale.

La dénomination d’« atrésie » est d’ailleurs mal adaptée puisque la lésion ne se limite pas à une solution de continuité accompagnée d’une dilatation canalaire en amont, comme dans une atrésie du tube digestif, mais qu’elle est diffuse, atteignant aussi les voies biliaires intrahépatiques (VBIH), et de manière non systématisée1.

Il faut en tout cas admettre qu’il s’agit dans tous les cas d’une atteinte anténatale du système biliaire, même si dans de rares cas, les selles ne sont pas complètement décolorées les premiers jours de vie.

Le diagnostic par échographie avant la naissance en reste cependant exceptionnel, seules les formes comportant un petit kyste hilaire pouvant être suspectées.

De multiples hypothèses pathogéniques ont été évoquées, sans qu’aucune n’ait encore été considérée comme une référence parfaitement fiable.

Le rôle éventuel d’un virus a été recherché depuis fort longtemps.

Deux virus, le réovirus et le rotavirus, ont été considérés comme des facteurs à l’origine de la lésion par un mécanisme immunitaire faisant intervenir un néoantigène fixé sur l’épithélium biliaire.

L’association d’une AVB avec le cytomégalovirus, ou le virus d’Epstein-Barr, ou encore le papillomavirus humain a été rapportée, alors qu’il n’a pas été trouvé d’association avec les virus de l’hépatite A, B ou C.

Le réovirus de type 3 provoque chez la souris un état de cholangite qui ressemble à l’AVB, et pourrait être responsable d’atrésie biliaire chez le singe.

Le rotavirus de type A peut provoquer une obstruction ressemblant à l’AVB chez la souris ; les effets délétères de cette infection peuvent aussi être prévenus par l’interféron alpha.

L’origine génétique a aussi été évoquée, du fait de rares cas familiaux, alors qu’il existe pourtant des observations discordantes de cas survenant chez un seul de deux jumeaux homozygotes.

Une variation raciale a aussi été observée dans des études faites chez des populations multiraciales, notamment à Hawaï.

Dans un nombre non négligeable de cas, il faut cependant admettre le rôle éventuel d’un facteur tératogène, ou tout au moins des circonstances favorisantes.

S’il est en effet rare de voir associées à l’AVB des malformations congénitales, il arrive que des anomalies spécifiques intra-abdominales (regroupées sous la dénomination de « syndrome de polysplénie »), soient retrouvées en association à l’AVB avec une fréquence estimée aux alentours de 10 %.

Le syndrome complet associe aux plus ou moins nombreuses petites rates, une veine porte en situation préduodénale, un situs inversus partiel ou complet, l’absence totale ou partielle de veine cave rétrohépatique, avec un retour cave par le système azygos, un drainage sus-hépatique du foie directement dans l’oreillette droite, et une disposition intestinale en mésentère commun.

À côté de cette association rare, il faut savoir que la description des formes anatomiques de l’AVB a été l’objet de classifications diverses, et notamment de la part des auteurs japonais.

Ces dernières sont fort complexes et à notre avis sans grande portée pratique.

Il faut bien voir qu’il ne s’agit pas de lésions systématisées et qu’à ce titre, nous pensons qu’il est sage de s’en tenir à une classification générale se limitant aux différences nettes qui peuvent être effectivement observées d’un cas à l’autre. Ainsi, il y a lieu de distinguer :

– type 1 : l’atrésie complète, où la « voie biliaire » que l’on voit (extrahépatique) lors de la dissection est remplacée par un tissu fibreux plus ou moins individualisé.

La vésicule, souvent enfouie dans sa fossette, est très petite, blanchâtre, avec une paroi épaisse, ou avec un contenu minime de quelques millimètres cubes de liquide incolore, ou plus souvent à cavité virtuelle, sans aucun contenu.

Le reste de la voie biliaire est constitué d’éléments fibreux, parfois difficiles à distinguer de simples lymphatiques, avec par place des zones plus épaisses.

Au niveau de la plaque hilaire, là où l’on doit faire porter la réparation, on ne voit à la section que ce tissu blanchâtre, fibreux, au sein duquel il arrive assez rarement que l’on puisse distinguer à la loupe une ou deux taches verdâtres correspondant à un « thrombus biliaire ».

L’étude histologique postopératoire de ce « reliquat fibreux » renseigne sur l’existence éventuelle à cet endroit de canaux microscopiques, mesurant quelques dizaines ou centaines de microns de diamètre ;

– type 2 : l’atrésie qui a respecté la voie biliaire accessoire, avec une perméabilité continue de la vésicule jusqu’au duodénum.

Dans ce cas, l’aspect opératoire des reliquats des canaux hépatiques est semblable à ce qui est observé dans le cas précédent ;

– type 3 : l’atrésie du segment distal de la voie biliaire, où la vésicule est intacte, contient de la bile, et apparaît reliée au système intrahépatique, souvent par l’intermédiaire d’un petit kyste soushilaire ; toute le reste de la voie biliaire extrahépatique (VBEH) est le siège des lésions d’atrésie ;

– type 4 : l’atrésie avec un kyste sous-hilaire.

Il s’agit de ces formes autrefois considérées comme les seules curables, puisque le plus souvent, on peut y mettre en évidence une communication entre la formation kystique et les VBIH, permettant d’y raccorder sans peine le tube digestif.

Le kyste, de volume variable, de quelques millimètres cubes, à 1 ou 2cm3, est visible en soulevant la lèvre antérieure du hile, émergeant en totalité ou seulement en partie du parenchyme hépatique.

Cette formation, qui résulte vraisemblablement d’une extravasation locale de bile au moment du développement de l’atrésie avec le développement secondaire d’une paroi non épithélialisée, contient de la bile verte ou jaune, avec parfois quelques concrétions noirâtres.

Ce sont ces formes, dont l’image du kyste est visible en échographie, où le diagnostic d’AVB peut être suspecté avant la naissance.

Il arrive aussi que le contenu de ces « kystes » ne soit que du liquide incolore, du fait de la disparition de la communication avec le système intrahépatique et ce type est à rapprocher de l’atrésie complète.

L’état anatomique des VBIH est particulier aussi, comme si la lésion visible sous le foie n’était que le reflet de l’ensemble de l’arbre biliaire.

Le plus souvent, du fait qu’aucune opacification rétrograde n’est possible en l’absence de canal ou de cavité accessible à une ponction, aucune information ne sera apportée lors de l’opération ; l’échographie préopératoire n’aura d’ailleurs pas permis de les visualiser, hormis le cas du kyste, ou de la vésicule encore perméable.

Les VBIH sont cependant présentes au moins à l’échelle microscopique, comme le montre la biopsie peropératoire en périphérie du foie, et l’image est tout à fait différente du syndrome d’hypoplasie ductulaire (syndrome d’Alagille).

Un cas particulier est celui des formes avec kyste sous-hilaire : l’opacification intrahépatique obtenue parfois par une injection sous pression du kyste peut mettre en évidence un réseau divergent de traînées opaques, à bords souvent peu nets, s’élargissant sous forme de petites flaques opaques.

Cet aspect peut correspondre en partie au passage du produit dans des voies biliaires parahilaires pathologiques plus ou moins perméables, mais aussi et surtout à une extravasation du produit le long des travées interlobulaires.

Lors de l’évolution ultérieure, et pas seulement lorsque l’opération n’a pas donné de résultat sur la reprise de la cholérèse, il arrive que l’on voit apparaître à l’échographie des images kystiques intrahépatiques, souvent importantes et nombreuses, et dont le contenu biliaire témoigne de la rétention intrahépatique et de son extravasation dans le parenchyme avoisinant.

Les cholangiograhies transhépatiques tardives qui ont été faites plusieurs années après l’opération n’ont jamais objectivé des images normales des VBIH.

Quand on réussit à les opacifier, elles apparaissent fines, moniliformes, irrégulières, en partie masquées par des flaques d’extravasation du produit de contraste dans le parenchyme et les structures avoisinantes (veines, lymphatiques).

Le rôle de ces lymphatiques dans la réapparition de l’excrétion biliaire vers le montage digestif réalisé lors de l’opération de Kasai est certainement loin d’être négligeable.

On peut rappeler à ce sujet qu’une très ancienne opération, celle de Sterling, reposait sur la mise en place dans le parenchyme d’un système de drainage lymphatique, à base de tubes métalliques...

Éléments diagnostiques et âge à l’intervention :

L’AVB est la principale cause de cholestase « chirurgicale » chez le nourrisson.

Son diagnostic repose sur la sagacité clinique du pédiatre : un nourrisson né à terme, apparemment normal, développe très tôt, parfois dès les premiers jours, un ictère qui persiste et s’accompagne dès le début de selles complètement décolorées, d’aspect « mastic ».

En dehors de l’échographie, il n’y a pas d’examen complémentaire spécifique de l’AVB.

Alors que toutes les investigations spécifiques d’autres causes d’ictère du nourrisson sont négatives, l’échographie apporte un argument de poids en ne permettant pas, même après plusieurs examens, de mettre en évidence une image vésiculaire.

Il existe même des signes échographiques directs, avec l’image d’une zone triangulaire hypoéchogène dans le hile, dont la topographie pourrait aussi être retrouvée à l’imagerie par résonance magnétique.

Une notion fondamentale : connaissant le fait que les risques importants d’échec des tentatives de réparation sont d’autant plus grands que l’enfant est opéré plus tard2, il importe que l’intervention soit programmée dès que l’on suspecte ce diagnostic.

La fibrose intrahépatique qui accompagne toujours cette cholestase devient de plus en plus importante à partir du premier mois, pour transformer le foie en un gros bloc fibreux et verdâtre dès le quatrième ou cinquième mois, en même temps que se développent et menacent une hypertension portale et une ascite.

Ces conditions peuvent rendre alors illusoire la tentative de réparation chirurgicale.

On doit cependant reconnaître qu’un bon nombre d’enfants opérés après les 2 ou 3 premiers mois ont été nettement améliorés.

Les chirurgiens du King’s College à Londres considèrent d’ailleurs que la relation de la « survie avec l’âge de l’opération n’est pas si simple et n’est pas linéaire ».

Ainsi peut se poser la question de la décision thérapeutique pour un enfant dont le diagnostic serait fait tardivement, et par exemple après l’âge de 4 mois : faut-il tenter l’opération de Kasai, ou doit-on d’emblée envisager dès que possible une TH ?

Si son état nutritionnel est encore correct, il y a certainement lieu de procéder à ce traitement dit « conservateur ».

La pénurie chronique d’organes qui rendrait très faibles ses possibilités de bénéficier d’une TH dans un délai raisonnable est un argument supplémentaire pour tenter le Kasai.

Principes de la réparation chirurgicale : opération de Kasai et ses limites

Pendant longtemps, seules étaient considérées comme « curables » ces formes d’AVB avec kyste biliaire au niveau du hile, ce dernier permettant de faire une véritable anastomose biliodigestive sur une anse montée en Y.

Dans les autres cas, de loin les plus fréquents, la chirurgie se limitait à une simple exploration, ou encore à des tentatives de drainage de la bile intrahépatique par l’interposition de prothèses entre le foie et le tube digestif.

C’est en 1954 que Kasai eut l’idée de réséquer le reliquat fibreux de la voie biliaire principale, avec le but d’ouvrir ainsi la lumière de canalicules biliaires qui pourraient encore être perméables et fonctionnels au niveau du hile.

C’est cette intervention qui porte le nom d’ « hépato-porto-entérostomie » (HPE) (ou selon les cas, celui d’ « hépato-porto-cholécystostomie » [HPC]) parce que le raccordement de ces canalicules au tube digestif (ou à la voie biliaire accessoire, si elle est intacte), n’est possible que par une suture au pourtour de la tranche de section de la plaque hilaire où se trouvent ces canaux, en appuyant les points sur le parenchyme hépatique en avant, et sur la capsule du hile en arrière.

Ce montage particulier, qui est plutôt un ventousage qu’une anastomose au sens chirurgical du terme, est en réalité le seul qui permette de rétablir un flux biliaire chez ces enfants.

Et plutôt qu’une réparation stricto sensu de l’anomalie, on devrait plutôt évoquer une dérivation palliative de la bile, puisqu’il n’est pas possible de rétablir une anatomie normale chez ces enfants.

Par ailleurs, lorsque le montage devient fonctionnel et que la preuve en est apportée par la recoloration des selles, la chute du taux de bilirubine et la disparition progressive de l’ictère, il importe de signaler qu’ il y a alors un risque de voir s’installer un état infectieux sévère en rapport avec une « cholangite ».

Un point qui ne doit pas être perdu de vue au cours de l’intervention est la notion que certains de ces enfants risquent malheureusement d’être exposés tôt ou tard à l’obligation de subir une TH, et donc une hépatectomie.

Il faut donc penser à cette chirurgie future, en limitant dans la dissection ce qui peut être source d’adhérences, d’accolements vasculaires et digestifs anormaux qui ne feraient qu’ajouter des risques à la réalisation de la greffe hépatique.

Malgré l’indiscutable progrès apporté par l’opération de Kasai, les effets de celle-ci sont en effet inconstants et bien souvent temporaires.

Même si les résultats précoces peuvent sembler encourageants avec un taux de reprise de la cholérèse de 80 %, tout au moins pour ceux qui ont été opérés avant 6 semaines de vie, la proportion d’enfants classés « bons résultats » après l’intervention diminue au fil des années3.

Kasai, de son côté, fait état d’une proportion relativement importante de sujets anictériques parmi les survivants de plus de 10 ans, mais admet aussi que les effets de la réparation sont aléatoires si l’enfant est opéré après l’âge de 2 mois.

Dans les facteurs de gravité, il y a la fibrose hépatique, constante et persistante malgré la reprise de la cholérèse, et dont la conséquence la plus menaçante est l’hypertension portale.

L’évolution cirrhogène est plus ou moins inéluctable, même lorsqu’il n’y a pas eu de cholangites (comme après une HPC, par exemple).

À cet effet de la cirrhose, il faut ajouter les shunts pulmonaires artérioveineux, complications des lésions hépatiques et aussi de l’hypertension portale elle-même, avant ou après dérivation.

La cause pourrait en être la libération de substances vasoactives libérées de l’intestin et non éliminées du fait des shunts portosystémiques.

Outre des complications cardiopulmonaires, cette complication expose aussi à la mort subite.

Toutes ces raisons sont l’explication du taux important d’AVB dans les indications de TH pédiatrique : en 2000, en France, 32 greffes pour AVB ont été faites, dont trois chez l’adulte, pour un total de 813 greffes hépatiques, dont 82 chez l’enfant4.

Intervention de Kasai :

A - INFORMATION DES PARENTS :

À côté de la nécessité habituelle de fournir aux parents de l’enfant une information complète sur la nature de l’opération, les résultats que l’on peut en attendre et ses complications éventuelles, il faut insister avec eux sur les particularités du principe de l’opération de Kasai et le caractère aléatoire des résultats.

En rappelant qu’un tel entretien ne peut être mené que par une équipe rompue au traitement de cette affection rare qu’est l’AVB, voici quelles sont les informations qu’il faut savoir communiquer de manière claire à la famille, comme d’ailleurs au médecin traitant.

– La cause de la maladie est inconnue ; elle n’aurait pas un caractère héréditaire.

– La réparation ne donne pas une anatomie normale, mais une dérivation palliative.

– Si l’intervention en elle-même ne comporte pas de risque vital, c’est bien son résultat qu’il est impossible de prévoir lors de l’entretien que l’on a immédiatement après.

– La description schématique de ce qu’est l’atrésie biliaire et de l’état du foie est indispensable pour que les parents comprennent ensuite qu’on ne pourra avant longtemps faire une évaluation pronostique.

– C’est surtout la couleur des selles dans les jours postopératoires qui permet cette évaluation : d’abord blanches, témoignant de l’évacuation du contenu colique d’avant l’opération, puis franchement vertes et ensuite jaune d’or, autant d’éléments permettant d’affirmer la reprise de la cholérèse.

En revanche, leur caractère mastic persistant plusieurs jours constituerait un élément très péjoratif.

– Le risque de fièvre postopératoire préoccupante (cholangite) doit être signalé, tout en précisant que sa survenue témoignerait du caractère positif du résultat, puisqu’elle ne surviendrait pas sans reprise de la cholérèse.

– Surtout, l’éventualité d’une TH, à échéance plus ou moins lointaine, doit impérativement être évoquée.

B - PRÉPARATION À L’INTERVENTION :

Lorsque le diagnostic a été fait dans de bonnes conditions et sans retard, à l’âge de quelques semaines, l’enfant est encore en bon état général et en mesure de supporter l’intervention sans préparation particulière.

La correction du déficit vitaminique dû à la cholestase nécessite cependant l’apport parentéral correspondant en vitamines liposolubles.

Un jeûne hydrique de 12 heures sans évacuation provoquée de l’intestin assure une vacuité digestive suffisante pour l’intervention.

Il n’est pas souhaitable d’instituer une antibiothérapie de principe afin de ne pas masquer une éventuelle cholangite postopératoire dont il est très important de pouvoir isoler le germe en cause.

C - ANESTHÉSIE :

Ne comportant pas d’halothane, c’est une association de drogues à effet général (hypnotiques, morphiniques et curarisants) et d’une injection péridurale de bupivacaïne.

Celle-ci permet de limiter l’emploi des morphiniques, facilitant ainsi la reprise précoce du transit intestinal.

La conduite de la réanimation peropératoire vise particulièrement à prévenir la chute du débit cardiaque provoquée par l’extériorisation du foie et la traction sur la veine cave inférieure (VCI) qu’elle provoque.

Pour les équipes entraînées, il n’apparaît pas nécessaire de mettre en place un cathéter central pour la surveillance de la pression veineuse centrale.

Le remplissage vasculaire est assuré par une solution d’albumine à 10 % à raison de 10 mg/kg.

Parmi les recommandations communes à toute chirurgie abdominale du nourrisson, il faut retenir surtout la lutte contre l’hypothermie, grâce au matelas chauffant et la douceur dans les manipulations, anesthésiques et chirurgicales.

D - INTERVENTION :

1- Installation :

L’enfant est installé à plat dos avec un billot de 5 cm de hauteur placé sous la base du thorax.

Le chirurgien est placé à droite avec un seul aide en face, et secondé d’une instrumentiste.

L’équipe chirurgicale est assise.

2- Incision :

L’incision est transversale, horizontale, au-dessus de l’ombilic, atteignant de chaque côté le niveau de la dixième côte.

Cette voie d’abord permet l’extériorisation du foie pour la dissection du reliquat fibreux de la voie biliaire, tout en n’exposant pas particulièrement aux complications pariétales postopératoires, malgré la section transversale des deux muscles grands droits.

Le ligament rond est isolé immédiatement pour la prise de la pression portale.

3- Exploration :

Dès l’ouverture de l’abdomen, le diagnostic est en règle évident devant l’aspect atrophique de la vésicule.

L’état des VBEH va être l’objet d’une exploration précise, en sachant toutefois que dans le cas le plus fréquent (type 1), les tentatives d’opacification sont vouées à l’échec et n’apportent donc rien aux modalités de réparation.

Il est important de souligner que le diagnostic d’AVB peut aujourd’hui être posé avec certitude, avant l’intervention, et que l’époque de la laparotomie exploratrice à visée diagnostique est révolue.

L’aspect habituel est caractéristique du fait que la vésicule est représentée par un cordon fibreux à peine plus large que l’artère cystique qui l’accompagne, et que, à l’emplacement de la convergence des canaux hépatiques et du canal hépatique commun, on ne trouve qu’un « reliquat fibreux » plus ou moins bien individualisé.

Identifié grâce à sa position sur le flanc droit du pédicule hépatique, il est composé de quelques travées fibreuses longitudinales, ressemblant encore par endroits extérieurement à un conduit ; il est inutile d’en tenter une opacification, comme d’ailleurs par la vésicule atrophique, sous peine de voir immédiatement une extravasation du produit de contraste.

C’est la dissection de ce reliquat qui constitue le premier temps de la réparation.

Lorsqu’au contraire, la vésicule est intacte, ou tout au moins présente sous forme d’une petite poche (un cas sur six environ), il faut commencer par son opacification avant toute dissection, afin de préciser l’intégrité de la voie accessoire avec la possibilité éventuelle de réaliser une HPC.

La ponction est faite à l’aide d’une aiguille épicrânienne reliée à un cathéter ; le contenu de la vésicule est constitué de 2 à 3mL de liquide sirupeux incolore.

Au cas où son contenu serait de couleur verte ou jaune, le diagnostic d’AVB devrait être remis en question, sauf dans les cas où la vésicule est reliée directement à une formation kystique sous-hépatique contenant de la bile (type 3).

L’opacification par le cathéter, en s’aidant d’une valve radiotransparente, afin de bien dérouler l’ensemble de la voie biliaire, permet dans ces cas de mettre en évidence la présence d’un canal cystique prolongé d’un cholédoque long et de calibre très fin, laissant cependant passer très facilement le liquide opaque dans le duodénum.

En cas de reflux dans le canal de Wirsung, la confluence biliopancréatique apparaît en règle normale, sans canal commun comme on peut l’observer parfois dans les dilatations congénitales de la voie biliaire principale.

En revanche, dans ces cas d’AVB ayant respecté la voie biliaire accessoire, le produit opaque n’atteint pas le hile du fait du caractère complet de l’obstruction à ce niveau.

Parfois, avant toute dissection, c’est dès l’inspection de la région hilaire que l’on voit une petite formation kystique à paroi épaisse et verdâtre (type 4).

L’opacification par ponction peut objectiver une communication du kyste avec des formations pseudocanalaires intrahépatiques sous forme d’un fin chevelu divergeant du sommet de la cavité et où il est difficile de faire la part de ce qui revient à des canaux biliaires altérés, une extravasation parenchymateuse, et des lymphatiques.

En règle, le bilan abdominal ne montre pas d’autres anomalies que l’AVB.

La région splénique doit être examinée à la recherche d’une éventuelle polysplénie ; l’intestin complètement déroulé pour apprécier la disposition normale ou pas de ses accolements (mésentère commun éventuel) et l’existence ou non d’un diverticule de Meckel.

Plus rarement, on trouve la veine porte en position très particulière, devant le duodénum, de petite taille, et associée alors aux anomalies précédentes.

Avant l’exploration biliaire proprement dite, il faut aussi apprécier l’état du foie : une biopsie large doit être faite en fin d’intervention.

Schématiquement, à l’inspection et à la palpation, trois aspects peuvent être décrits selon la gravité du retentissement hépatique :

– foie lisse, encore souple et violacé ;

– encore lisse, nettement ferme, et violet verdâtre ;

– granuleux, dur, vert en surface.

Bien qu’il y ait une corrélation habituelle entre l’aspect du foie et l’âge de l’enfant au moment de l’opération, on peut noter parfois un aspect nettement cirrhotique dès les premières semaines de vie.

Il faut aussi mesurer la pression portale, sachant qu’elle est augmentée dans près de deux tiers des cas dès les premiers mois, du fait de la fibrose hépatique très précoce.

Elle atteint souvent des chiffres de deux ou trois fois la normale.

La mesure en est aisément effectuée en reperméabilisant le ligament rond, dès l’ouverture de l’abdomen, pour introduire par cette voie un cathéter dans le système porte intrahépatique.

Outre la mesure de pression, une opacification du système porte peut éventuellement être réalisée : elle peut objectiver déjà une diminution du diamètre du tronc porte et même une circulation qui se ferait à contre-courant avec l’amorce de dérivations hépatofuges.

Un tel document radiologique peut servir comme élément de comparaison ultérieur, lorsque du fait de l’évolution de la cirrhose, on assiste à une diminution du débit portal au profit de la circulation artérielle, et que l’on est amené à établir un bilan vasculaire avant une éventuelle TH.

4- Réparation :

L’exploration du pédicule hépatique et surtout sa dissection sont grandement facilitées par la « luxation » du foie hors de l’abdomen , artifice qui nous a été suggéré par des chirurgiens pédiatres italiens en visite dans le service.

Pendant longtemps, nous avions fait la dissection sans faire cette manipulation, dans des conditions souvent difficiles du fait de l’hypertrophie hépatique, d’un lobe carré souvent très gênant, et de la profondeur relative du champ opératoire.

Le foie est donc extériorisé de la cavité abdominale, après section du ligament falciforme et des ligaments triangulaires.

Il est maintenu dans cette position en faisant glisser les deux berges de l’incision pariétale sous lui.

Attention ! : la traction sur la veine cave entraînée par cette manoeuvre comporterait un risque de désamorçage cardiaque si un remplissage vasculaire adéquat n’était pas assuré au préalable par les anesthésistes.

L’objectif est d’accéder à l’emplacement de l’émergence des voies biliaires du hile, afin d’ouvrir celles qui seraient encore perméables à ce niveau.

Les examens anatomopathologiques de ce que l’on nomme le « reliquat fibreux », c’est-à-dire la pièce de résection qui tient lieu de VBEH, ont montré qu’au lieu de deux canaux hépatiques droit et gauche normaux, on trouvait sur la tranche de section au niveau du hile, soit une multitude de canalicules biliaires, dont le diamètre n’excède pas en général 200 ou 300 µm, soit aucune structure qui puisse évoquer un canal, ni aucun épithélium biliaire, mais seulement du tissu fibreux avec quelques vaisseaux sanguins et lymphatiques.

Pour ouvrir en regard dans le hile les éventuels canaux encore fonctionnels, on procède à une dissection de proche en proche, en commençant par décoller le cordon qui représente le reliquat de la vésicule, pour s’aider par sa traction à la poursuite de l’isolement du reliquat fibreux, le long du pédicule hépatique jusqu’au hile, après l’avoir séparé au passage de l’artère hépatique droite qu’il croise par en avant.

On peut aussi laisser le reliquat vésiculaire en place dans sa fossette, et en ouvrant le péritoine audessous de l’artère hépatique droite, poursuivre à partir de là la dissection de bas en haut.

Vers le haut, là où le reliquat s’évase de manière à peu près triangulaire, il s’agit alors de procéder à sa section au ras du parenchyme hépatique.

Cette dernière portion du reliquat est d’épaisseur variable, soit relativement bien individualisée et facile à séparer du plan vasculaire postérieur (bifurcation portale), soit, au contraire, très ténue et fragile.

La section doit être faite franchement, sans chercher à poursuivre la dissection dans le parenchyme hépatique pour ne pas risquer de provoquer un saignement qui serait ensuite très gênant pour les sutures.

Cette pièce de résection (qui n’est constituée que par un petit filet d’à peine 1 ou 2 cm de long) doit être orientée par un fil à une extrémité pour l’anatomopathologiste, afin qu’il y recherche et mesure d’éventuels canalicules biliaires résiduels.

L’examen à la loupe de la tranche de section [X 2,5], côté foie, doit s’attacher aussi à y déceler la lumière des mêmes canalicules.

Même après hémostase minutieuse par coagulation bipolaire, en évitant l’excès de coagulation pour ne pas obturer les canaux qui seraient encore fonctionnels, il peut être encore difficile de savoir si l’écoulement qu’on aperçoit correspond à de la bile ou à de la lymphe ; l’expression manuelle du foie extériorisé peut accentuer cet écoulement, aidant ainsi à localiser les orifices qu’il faut à tout prix éviter d’inclure dans les sutures.

Une notion très importante au sujet de ce montage est la suivante : cette opération ne doit pas être considérée de la part de son réalisateur comme étant « satisfaisante », puisqu’il est impossible d’en prédire le résultat au sortir de la salle d’opération.

Parfois, cependant, alors qu’il n’a pas été décelé de canalicule fonctionnel au niveau de la tranche de section du reliquat fibreux de la voie biliaire, et que le chirurgien peut avoir l’impression d’avoir fait un montage inutile, il est tout à fait possible d’assister dans les suites à une recoloration des selles, prouvant ainsi l’efficacité de l’HPE par la reprise d’un flux biliaire au travers des minuscules canalicules biliaires et lymphatiques qui ont été reperméabilisés.

Lorsque c’est une formation kystique hilaire qui a été exposée par la dissection, et que seule sa portion superficielle émerge du hile, l’opération est plus simple, puisqu’elle se limite à l’ouverture du kyste, après la radiographie, afin d’y faire porter la suture digestive ; c’est alors une « kystojéjunostomie ».

En revanche, si le kyste est entièrement sous-hépatique avec une accessibilité simple à son pôle supérieur, il faut poursuivre la dissection de ses connexions avec le hile, et l’on se retrouve dans la situation d’avoir à pratiquer une HPE « standard ».

La réparation proprement dite consiste à anastomoser autour de la tranche de section du hile, soit l’extrémité d’une anse en Y (HPE), soit le fond de la vésicule si elle est encore utilisable du fait d’une voie accessoire perméable (HPC).

Pour l’anse intestinale, il faut prévoir une longueur suffisante, le minimum étant de 40 cm à partir du pied de l’anse.

Cette anse risque de devoir être utilisée de nouveau lors d’une future TH.

L’anastomose au hile doit être faite sur le bord antémésentérique de l’anse montée, à 1 cm de l’extrémité refermée ; enfin, l’anse doit être passée au travers du mésocôlon transverse, en veillant à ce que l’orifice créé à cet effet soit suffisamment large pour ne pas brider le mésentère de l’anse ni l’anse elle-même.

Pour la vésicule, il faut qu’elle soit dégagée de son lit, en ménageant l’artère cystique, et retournée vers le hile ; l’anastomose doit être faite sur la tranche de section du fond de la vésicule qui aura été réséqué, si elle est de grande taille, ou sur une simple incision de sa convexité dans le cas contraire.

Il est nécessaire d’utiliser des loupes pour ces sutures pour mieux repérer les zones qu’on veut inclure dans l’anastomose ; les fils doivent être très fins (6/0) et résorbables.

En outre, il faut savoir que du fait d’un risque relativement élevé de fuite anastomotique dans l’HPC, les sutures doivent être aussi étanches que possible.

En revanche, il ne faut pas chercher à drainer par cholécystostomie, du fait de la fragilité de la vésicule et des risques de dysfonctionnement postopératoire.

Après fixation péritonéale de l’anse montée, il faut veiller à positionner le grêle en bon ordre, sachant qu’un risque d’occlusion postopératoire par simple plicature fixée de l’intestin est possible.

Enfin, aucun drainage abdominal n’est souhaitable afin de limiter les adhérences intestinales et pariétales qui rendraient l’abord de la région plus compliqué lors d’une éventuelle transplantation.

5- Compléments techniques :

C’est pour la prévention des cholangites que différentes modalités de dérivation externe de l’intestin ont été imaginées par les chirurgiens japonais.

Destinés à limiter les phénomènes de stase et de reflux, divers procédés du montage initial en Y ont été imaginés pour limiter la stase dans l’anse en dérivation et dans la mesure du possible aussi le reflux.

Il s’agit des techniques suivantes :

– montage en « double Y » (Kasai II).

On sectionne l’anse montée anastomosée au hile, pour extérioriser son segment proximal en stomie abdominale sous l’incision pariétale, le circuit étant rétabli par une anastomose terminolatérale sur le segment distal.

La dérivation n’est ainsi pas totale ;

– une fistule externe complète (Sawaguchi).

L’anse montée au hile est isolée du reste de l’intestin et extériorisée en stomie ;

– la technique de Suruga est une stomie en « canon de fusil » sur l’anse montée au hile ;

– une anastomose de l’anse montée au hile au duodénum a aussi été proposée ;

– l’accolement d’amont au pied de l’anse en Y a été rapporté aussi, dans le but de limiter le reflux.

Toutes ces techniques avec stomie impliquaient la suppression de celle-ci, dans un délai de 1 à 2 ans, période au bout de laquelle les risques de cholangites deviennent moins importants.

En réalité, les inconvénients entraînés par les méthodes comportant une dérivation externe contrebalancent largement la prévention contre la cholangite qu’elle est sensée assurer.

Après plusieurs années, ces procédés ont fini par être abandonnés du fait de leur inefficacité habituelle, et aussi des complications inhérentes aux procédés eux-mêmes.

Les fuites de bile et de liquide intestinal entraînées par la fistule digestive ont pafois été importantes au point d’entraîner un déséquilibre hydroélectrolytique majeur, obligeant à sa suppression presque en urgence.

Le site de la stomie digestive constitue aussi un endroit d’élection pour des hémorragies du fait du développement d’une circulation collatérale intense provoquée par les anastomoses portosystémiques avec le réseau veineux de la paroi abdominale, du fait de l’hypertension portale persistante, malgré la reprise de la cholérèse.

Enfin, le temps d’hépatectomie pour ceux qui devront subir une TH a été très souvent compliqué par les adhérences très hémorragiques entraînées par ces procédés.

Actuellement, l’opération initiale de Kasai, sans dérivation externe (dite « Kasai 1 »), est la seule qui est pratiquée dans les centres de référence pour cette chirurgie.

Traitement des complications :

Toutes les complications relèvent à la fois de la cirrhose biliaire, de la fibrose hépatique et aussi de l’infection qui peut survenir à tout moment au sein de cavités biliaires intrahépatiques.

Le foie devient très dur, tout en s’atrophiant parfois au niveau d’un lobe ; la circulation sanguine y est modifiée, avec la chute, et parfois l’inversion, du flux portal et l’augmentation du flux artériel, tandis que se développent les veines collatérales du système porte.

Ces modifications hémodynamiques intrahépatiques ont d’ailleurs une signification pronostique indiscutable au point qu’elles peuvent laisser prévoir une décompensation à plus ou moins brève échéance.

La surveillance de ces enfants doit être poursuivie tout au long de leur croissance, et même plus tard, puisque les lésions à type de fibrose hépatique ne disparaissent jamais complètement.

En dehors des examens visant à apprécier les fonctions hépatiques principales, il faut périodiquement faire pratiquer une échographie abdominale et cardiaque, une scintigraphie pulmonaire et compléter le bilan selon l’évolution par des explorations endoscopiques ou une biopsie hépatique. Une série d’enfants opérés à Bicêtre ont subi il y a quelques années et à titre systématique une exploration par cholangiographie transhépatique.

Ces examens, pratiqués alors que les enfants ne présentaient aucun signe de rétention biliaire, n’ont jamais montré une disposition normale des voies biliaires intrahépatiques.

A - SUITES OPÉRATOIRES :

Une sonde gastrique avec recueil en déclive sans aspiration est laissée en place 2 ou 3 jours, tant que l’abdomen reste un peu météorisé.

À côté des prescriptions ordinaires, avec compensation des pertes hydroélectrolytiques par voie intraveineuse, en attendant la reprise du transit, il est préférable de ne pas faire d’antibiothérapie dite « prophylactique », à partir du moment où l’on est prêt à mettre en route le traitement au moindre doute sur une éventuelle cholangite.

La couleur des selles à la reprise du transit est la première annonce du résultat de l’intervention : sans tenir compte des selles encore blanches, témoignant de l’élimination du contenu colique préopératoire, ni ensuite de leur aspect brunâtre du fait de la présence de sang provenant des anastomoses, c’est la couleur nettement verte aux alentours du troisième ou quatrième jour qui témoigne de la réussite de l’intervention et du passage de la bile dans l’intestin.

La disparition de l’ictère se fait dans un délai très variable : parfois très précoce, plus souvent de manière progressive en quelques semaines, et même parfois après une phase d’accentuation qui suit immédiatement l’intervention.

Lorsqu’une HPC a été faite, la reprise de la cholérèse est plus lente et les selles ne deviennent de couleur jaune qu’au bout de 2 ou 3 semaines.

À l’opposé, des selles qui restent blanc mastic au-delà de la première quinzaine témoignent de l’échec probable de l’intervention.

La corticothérapie postopératoire, à des doses dites « immunosuppressives », semble constituer un traitement adjuvant intéressant, dans la mesure où elle diminuerait les phénomènes de fibrose obstructive, secondaires ou non aux cholangites.

Mais les publications récentes sur le sujet ne font état que de travaux rétrospectifs, et l’institution de routine de ce traitement ne peut encore être préconisée de manière formelle.

B - TRAITEMENT DES COMPLICATIONS :

1- Complications précoces :

* Cholangite :

Une fièvre élevée souvent accompagnée d’une nette altération de l’état général doit immédiatement faire penser à cette complication.

Le tableau peut d’ailleurs se compléter très vite, avec collapsus et retentissement rénal, du fait de la survenue d’une septicémie à germes à Gram négatif.

Ces « cholangites » doivent être immédiatement dépistées et traitées.

Le traitement repose essentiellement sur l’antibiothérapie adaptée aux résultats des hémocultures, ou de la mise en culture d’un fragment de parenchyme hépatique prélevé par ponction.

Il faut savoir que ces cholangites peuvent d’ailleurs être une menace pendant encore les 2 premières années et même au-delà.

Ces cholangites après cure d’AVB sont paradoxalement beaucoup plus fréquentes qu’après la chirurgie habituelle de réparation des voies biliaires, alors même que les VBIH non dilatées des AVB ne sont pas le siège d’une rétention.

Le rôle du système lymphatique contaminé par les germes d’origine digestive n’y est probablement pas négligeable.

Il est important de noter qu’il n’y a au contraire aucun risque de cholangite dans les suites d’une HPC.

* Ascite :

Une poussée d’ascite postopératoire est assez fréquente chez les enfants opérés après 3 mois.

Elle peut se révéler par l’issue de liquide citrin au travers de la plaie, dont elle retarde la cicatrisation en provoquant une désunion partielle.

En règle, les diurétiques et les spironolactones permettent de la contrôler.

De cette complication, il faut rapprocher la possibilité du cholépéritoine qui peut compliquer une HPC, faite avec des sutures insuffisamment étanches, et où il faut prendre la décision de réintervenir en urgence pour remplacer le montage par une HPE.

Dans l’hypothèse d’un épanchement péritonéal dans les suites d’une HPC, il importe donc, par ponction et analyse du liquide péritonéal, de faire le diagnostic de biliopéritoine avant de réintervenir.

* Occlusion postopératoire :

Alors que c’était une complication relativement fréquente dans les années 1980, du fait de l’utilisation du protoxyde d’azote pour l’anesthésie et de la distension intestinale fréquente qui s’ensuivait et les plicatures du grêle réintégré qui en résultaient, les changements des conditions de l’anesthésie actuelle ont fait que le risque d’occlusion après cette chirurgie n’est pas plus élevé qu’après n’importe quelle autre intervention abdominale de l’enfant.

* Récidive de la rétention biliaire :

Une récidive précoce de la cholestase chez un enfant qui aurait complètement déjauni après l’intervention peut faire discuter une réintervention, dans l’idée qu’une fibrose cicatricielle est venue obturer la région de l’HPE, et que la réfection de l’anastomose après « curetage » de la plaque hilaire pourrait lever l’obstruction.

En réalité, une telle récidive relève plus de l’extension des lésions diffuses des VBIH et aussi de l’insuffisance de perméabilité des canaux du hile.

Ce serait uniquement dans le cas où le résultat de l’intervention initiale aurait été complet, et sur la foi de très rares succès obtenus par ces reprises, que l’on pourrait être tenté de faire une nouvelle tentative, tout en sachant que c’est une nouvelle source d’adhérences ultérieures pouvant compliquer la transplantation.

2- Complications secondaires :

* Hypertension portale :

Après l’opération de Kasai, environ un tiers des enfants qui ont passé le cap de la première année, malgré quelques épisodes éventuels de cholangite, sont considérés comme « guéris », du fait de la disparition des signes cliniques et de la plupart des stigmates biologiques de cholestase.

Pourtant, même dans ces cas, la fibrose hépatique, toujours présente, peut rester très dense, confinant à un état de cirrhose plus ou moins marqué, et contribuer ainsi à entretenir une gêne à la circulation portale intrahépatique.

Il y a donc un risque de voir survenir un jour, chez ces enfants, et parfois précocement dès la deuxième année, une hémorragie digestive par hypertension portale ; ils ont d’ailleurs presque tous une splénomégalie et des signes parfois sévères d’hypersplénisme.

Il est important de noter que les hémorragies de ces enfants peuvent être dramatiques, et pas faciles à contrôler.

D’importantes varices cardiotubérositaires en sont en général responsables, mais il peut s’agir aussi de saignements provenant de l’anastomose biliodigestive, au sommet de l’anse montée, où se développe souvent une importante circulation collatérale.

La prévention du risque hémorragique peut être envisagée de plusieurs manières selon le degré de cette hypertension portale ; c’est essentiellement par une surveillance endoscopique que l’on en pose les indications.

Le traitement aux bêtabloquants est justifié si les varices sont de grade I ou II, sans signes rouges, et peu menaçantes, surtout si elles n’ont pas encore saigné.

La sclérothérapie est le traitement qu’il faut préconiser dans le cas de varices plus grosses, ou qui ont déjà saigné.

Leur ligature élastique peut aussi être envisagée.

L’hypersplénisme isolé semble exposé à moins de risques, et ne justifie pas en luimême un traitement spécifique

Mais des problèmes peuvent survenir dans le cas d’un saignement important, de varices non accessibles à leur cure directe (varices cardiotubérositaires).

Le shunt portosystémique intrahépatique transjugulaire (TIPSS) a été plusieurs fois tenté dans les cas d’hypertension portale secondaire à une AVB ; l’efficacité de cette technique reste limitée sur ce terrain du fait de la petite taille des vaisseaux et de la prothèse.

La dérivation portosystémique est une solution qui a longtemps été préconisée et que nous avons souvent utilisée pour cette indication : 21 enfants dans la série d’AVB suivis par l’équipe de Bicêtre ont subi ce mode de traitement, la plupart par anastomose mésentéricocave avec un greffon jugulaire interne interposé.

En réalité, elle présente aussi des inconvénients : intervention abdominale supplémentaire pouvant compliquer les conditions d’une éventuelle hépatectomie ultérieure, conditions souvent difficiles et très hémorragiques lors de l’abord des vaisseaux pour la confection du shunt ; réduction de la taille de la veine porte par inversion du flux, ce qui a déjà spontanément tendance à se produire sans shunt dans l’AVB ; risque aussi chez un enfant, aux fonctions hépatocellulaires déficientes, de voir se développer des signes d’encéphalopathie portocave.

Finalement, pour ceux dont les saignements se répètent de manière inquiétante, et où le contrôle par sclérothérapie est inefficace ou impossible, il peut devenir nécessaire de les inscrire en liste d’attente pour une transplantation, alors même que leurs fonctions hépatiques sont encore correctes.

* « Bilomes » intrahépatiques :

L’évacuation imparfaite de la bile et son accumulation intrahépatique peut se faire dans des cavités néoformées, souvent nombreuses et parfois volumineuses, facilement visibles à l’échographie, et accessibles à la ponction.

Source d’infections répétées, la présence de ces anomalies constitue aussi un signe d’aggravation, alors même que l’enfant avait pu déjaunir complètement après l’HPE.

Le drainage externe sous échographie de ces cavités permet un meilleur contrôle de l’infection, et c’est aussi un élément de préparation à la greffe qui devient indispensable.

* « Shunts » intrapulmonaires :

La survenue de cette complication, marquée par une cyanose et une insuffisance respiratoire progressive et très invalidante, est à craindre plus particulièrement dans les cas d’AVB associée à une polysplénie (sans que la raison soit connue pour la fréquence du risque dans ces conditions).

Un élément important pour apprécier le risque de cette complication est la mesure de la pression partielle en oxygène sous 100 % d’oxygène.

Il s’agit en tout cas d’une indication indiscutable pour une TH, en sachant qu’une régression complète des symptômes peut être observée après la greffe.

* Échec complet de la réparation :

Des anomalies congénitales hépatiques, l’AVB est celle qui constitue l’indication la plus fréquente de TH, et chez l’enfant, elle en représente près des deux tiers.

Si, dans la plupart des cas, la greffe est réalisée pendant l’enfance (et le plus souvent avant 2 ans), il y a un nombre relativement important de patients opérés de leur AVB et qui atteignent l’adolescence ou l’âge adulte avec leur foie « natif » ; l’opération de Kasai a permis leur survie, dans des conditions qui peuvent être très variables, parfois très bonnes au début, ou seulement imparfaites.

Chez eux, l’indication de la transplantation se précise dans un délai très variable du fait d’une insuffisance hépatique aggravée, ou d’une hypertension portale sévère, ou des deux à la fois.

Les conditions au cours desquelles il devient nécessaire de considérer que l’intervention n’est pas ou n’est plus un succès sont variables :

– précoces, comme peuvent le laisser entrevoir l’absence totale de recoloration des selles et la persistance de selles mastic au-delà des premières semaines postopératoires ;

– secondaires, de manière progressive ou au décours d’un ou plusieurs épisodes de cholangite, alors que la cholestase s’était totalement ou en partie amendée dans les suites de l’intervention.

En outre, dans ces cas d’échec d’emblée ou secondaire, il est possible aussi d’assister à une décompensation hépatique rapide, en relation avec des phénomènes de nécrose parenchymateuse plus ou moins étendue ;

– tardives, alors que l’évolution a pu être dans l’ensemble favorable pendant plusieurs années, bien qu’émaillée de quelques épisodes de cholangite.

Commentaires sur les résultats globaux :

Dans une étude nationale française, il est apparu que la survie à 5 et 10 ans avec le foie « natif » était respectivement de 32 % et de 27 %.

La survie globale de tous les enfants greffés ou non était de 68 % à 10 ans.

Les facteurs pronostiques péjoratifs les plus importants étaient :

– le type anatomique de l’AVB (le pronostic étant le moins bon pour le type 1) ;

– l’existence d’un syndrome de polysplénie ;

– l’âge tardif auquel l’enfant avait été opéré ;

– l’expérience limitée du centre de traitement en matière de prise en charge de ces enfants. Ainsi, une amélioration globale du pronostic pourrait être espérée dans la mesure où on peut agir sur certains de ces éléments.

En vérité, avec un recul qui dépasse dans plusieurs cas les 30 ans pour les premiers succès obtenus au Japon, en Europe et aux États-Unis, il ne faut pas croire pour autant à la guérison définitive.

Les bilans effectués chez ces adultes montrent presque toujours l’existence de lésions de cirrhose biliaire.

Mais il faut aussi reconnaître qu’un certain nombre de ces patients ont pu mener jusque-là une vie sociale, professionnelle et personnelle pratiquement normale ; dans notre série de patientes opérées par l’équipe de Bicêtre, trois d’entre elles ont donné naissance à des enfants, tous sains, et dans des conditions le plus souvent normales.

Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’à très long terme, une dégradation lente des fonctions hépatiques peut encore s’observer, au point qu’une TH peut devenir indispensable au cours de la troisième ou quatrième décennie de la vie du sujet.

De nombreuses publications récentes ont porté sur l’état des survivants à long terme.

Ainsi, une importante série japonaise, qui comporte les premiers patients opérés par Kasai, fait état de 30 sujets vivant plus de 20 ans après l’opération, avec 22 d’entre eux qui ont une vie qualifiée de normale.

Huit patients sont cependant affectés par des complications diverses, et dont les auteurs pensent qu’elles les conduiront vers une TH pour deux d’entre eux.

Pour conclure, il apparaît que l’indication de l’opération de Kasai doit être posée de manière urgente, dès le diagnostic d’AVB envisagé, et aussi qu’il faut toujours prévoir l’opération dans le cas d’un diagnostic tardif en appréciant alors les risques d’échec et d’aggravation éventuelle de l’état de l’enfant selon les données du bilan au moment du diagnostic.

Dans tous les cas, il faut, dès l’annonce du diagnostic d’AVB, informer la famille que la greffe hépatique risque probablement un jour de devoir être envisagée.

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