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Gynécologie
Assistance médicale à la procréation et problèmes de filiation
Cours de Gynécologie Obstétrique
 
 
 

Introduction :

L’assistance médicale à la procréation (AMP) consiste en un ensemble de techniques médicales, destinées à traiter ou pallier les troubles de la fertilité d’un couple.

Or notre époque est caractérisée à la fois par un faible taux de natalité avec un âge de la mère croissant pour le premier enfant, et parallèlement des moyens d’actions sur la procréation toujours plus importants.

Les bébés, rares, n’en sont devenus que plus précieux d’où aussi tout l’engouement qu’ils suscitent et les recherches qui leur sont consacrées.

L’avènement de techniques de plus en plus sophistiquées a rendu la stérilité de moins en moins tolérable et l’adoption beaucoup moins séduisante.

Ce contexte était donc propice au développement de l’AMP pour donner un enfant aux couples stériles (tandis que l’adoption permet de donner une famille à un enfant).

Depuis 1994, les lois de bioéthique encadrent juridiquement ces pratiques.

Stérilité, filiation, lien parents-enfants, désir d’enfant :

Au coeur de toutes les demandes d’AMP, on retrouve ces questions fondamentales totalement imbriquées qui structurent le sujet, la famille et la société.

A - DÉSIR D’ENFANT :

Dans la littérature psychanalytique, il a surtout été étudié chez la femme.

M Bydlowski distingue tout d’abord désir d’enfant et désir de grossesse ; certaines grossesses n’ayant d’autre finalité qu’elles-mêmes, pour vérifier le bon fonctionnement du corps (et parfois suivies de demandes d’avortement).

Sur le plan conscient, désirer un enfant, c’est se situer comme parent : élever son propre enfant, comme ses parents (identification), avec le fantasme de (re)produire et de façonner un nouvel être, semblable ou différent de soi-même, selon son propre narcissisme et la qualité de ses propres identifications parentales.

C’est aussi se perpétuer après la mort, « dépasser son propre destin, jouer le germen immortel contre le soma périssable ».

Sur le plan inconscient, ce désir résulte d’une double identification : maternelle, semblant prévalente, et paternelle.

C’est, d’une part, la réminiscence inconsciente du bébé imaginaire désiré par la petite fille lorsqu’elle jouait avec sa poupée, qui lui donnait alors le statut imaginaire de mère, et d’autre part, dans la grossesse et dans l’enfantement, le prolongement de sa propre mère, en s’identifiant à elle.

Elle règle ainsi une dette de vie envers elle.

Ce qui implique pour elle de faire le deuil de sa propre jeunesse, d’accepter son propre vieillissement et, plus loin, sa propre mort.

En ce qui concerne les identifications paternelles, la thèse de Freud associant désir d’enfant et Penisneid est restée classique, thèse dans laquelle l’enfant se substitue au Penisneid.

Le garçon, quant à lui, s’identifiant au père, dans ce jeu de miroirs transgénérationnels.

B - FILIATION ET LIEN PARENTS-ENFANTS :

La filiation, ou lien de parenté, recouvre les règles d’attribution sociales, mais aussi affectives, d’un enfant à des parents (et réciproquement d’un parent à un enfant).

La filiation se décompose selon trois axes : biologique, narcissique et institué (juridique).

La filiation biologique est basée sur la transmission des gamètes parentaux, vecteurs des chromosomes et donc aussi des gènes.

C’est le lien du sang (qui n’y est pour rien, mais l’image exprime bien le mélange de deux corps en un seul).

La filiation narcissique provient de la reconnaissance affective qui se met en place entre parents et enfants, et qui alimente le narcissisme de chacun des protagonistes.

C’est l’introjection de l’autre (parent ou enfant) dans son propre idéal du Moi.

Le fait de se sentir père ou mère de …, fils ou fille de …

La filiation instituée est formée par les règles d’attribution de l’enfant, fixées par la loi du groupe (règles juridiques).

Il n’est cependant pas nécessaire que les trois composantes de la filiation coexistent pour qu’une famille se sente exister et soit reconnue comme telle.

Les sociétés ont actuellement tendance à privilégier le lien biologique.

Cependant, la psychanalyse, en découvrant l’importance de la notion d’identification inconsciente aux images parentales, intervenant jusque dans les phénomènes de ressemblance (de la personnalité et/ou du comportement), le développement de l’adoption, puis de l’AMP, a amené à mettre en lumière le rôle de l’éducation, par rapport à celui de la biologie, dans le devenir de l’enfant, mettant ainsi en avant les filiations non biologiques.

D’où les notions nouvelles de père d’identification et d’éducation, et de géniteur, le premier prenant le pas sur le second.

Au travers de l’AMP, il ne s’agit, en fait, de rien d’autre que du vieux débat entre inné et acquis.

La question du lien théorisée par Bowlby, à partir des travaux ethnologiques (Lorentz), vient rebondir dans ce débat.

L’empreinte, phénomène biologique, devenant ensuite une matrice de filiation narcissique.

C - STÉRILITÉ ET HYPOFERTILITÉ :

L’évolution actuelle de notre société est marquée, dans le domaine de la reproduction, par une faible natalité et un avancement de l’âge des mères à leur premier enfant.

Or l’âge est un facteur important dans la fertilité.

C’est ainsi que 20 % des couples en âge de procréer consultent un spécialiste en ce domaine.

De là, 25 % sont déclarés stériles, les autres étant dits hypofertiles, soit d’origine masculine, féminine ou encore mixte.

La stérilité, qu’elle soit d’origine masculine, féminine ou mixte, inflige à chaque sexe la même souffrance : celle de la finitude.

Frappant comme la mort, elle provoque une rupture existentielle et symbolique.

Elle « rompt la chaîne qui relie à ceux qui nous ont précédés et à ceux qui nous succéderont, qui nous transcende et nous relie à l’immortalité ».

La stérilité signifie donc exclusion (de l’arbre de vie et du groupe des « normaux ») et deuil à faire de ce prolongement de soi-même à travers un autre.

Le sujet stérile ne peut régler sa propre dette de vie envers ses parents, ses identifications parentales étant barrées.

La stérilité lui renvoie l’image d’un corps altéré.

Elle comporte également des spécificités pour chaque sexe.

Pour l’homme, stérilité signifie souvent atteinte de sa virilité et de sa puissance sexuelle.

Elle est lourde à porter dans notre culture, d’autant plus que le père transmet son nom.

C’est pourquoi la stérilité masculine a toujours été plus occultée que celle de la femme.

Pour la femme, elle signifie plus impossibilité de grossesse qu’absence de lien génétique.

La grossesse lui confère, en effet, le statut social et fantasmatique de femme et de mère, d’où un sentiment d’échec personnel et social si elle est impossible (échec dans son identité féminine).

Sur le plan dynamique, la stérilité ébranle aussi le couple, provoquant une crise grave de légitimité, susceptible de le faire éclater ou, au contraire, de le rendre plus solide.

Ceux-là pourront renoncer temporairement ou définitivement au désir d’enfant, ou bien se tourner vers l’AMP.

Quoi qu’il en soit, la stérilité impose toujours un travail de deuil douloureux avant de se lancer dans l’aventure de l’AMP.

L’hypofertilité, de par son aspect non définitif, entraîne le plus souvent les couples dans un long parcours d’examens, puis de traitements, passant par tous les stades de l’AMP.

Il s’agit ici d’une lutte contre le deuil de la fertilité, rendant celui-ci plus difficile si les traitements s’avèrent inefficaces.

Historique des assistances médicales à la procréation et de leurs institutions :

L’insémination artificielle (IA) humaine date de 1791 (Hunter), l’IA avec le sperme de donneur (IAD) de 1884.

L’IA se développe rapidement pendant la première moitié du XIXe siècle, puis tombe en disgrâce à la fin du siècle (interdiction papale et divers jugements).

Le renouveau de l’IA sera possible grâce à la découverte de la congélation du sperme et à une meilleure connaissance du cycle féminin.

La première banque de sperme est créée en 1953 aux États-Unis.

Les premiers centres français de congélation apparaissent en 1973.

Les premières IAD et IAC (insémination avec autoconservation du sperme) débuteront alors, s’adressant aux stérilités masculines.

Il existe maintenant en France 20 centres d’étude et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) : ils conservent aussi les embryons congelés.

Sous l’impulsion de son fondateur professeur Georges David, les CECOS se constituent en fédération nationale et élaborent des règles déontologiques et éthiques très rigoureuses.

Règles qui seront reprises dans les lois de bioéthiques de 1994.

La recherche sur la stérilité féminine d’origine tubaire prend son essor.

Le premier bébé éprouvette naît par fécondation in vitro et transfert d’embryon (FIV) en Angleterre (Streptoe et Edwards 1978), puis en France (Frydmann et Testart 1982).

Les centres de FIV se multiplient et sont actuellement au nombre d’une centaine. Tous ces centres sont soumis à un agrément ministériel.

L’apparition en 1992 de la micro-injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) a permis de mieux prendre en charge les hypofertilités masculines sévères. Enfin, il faut citer le diagnostic préimplantatoire (DPI).

La FIV peut être proposée dans le but de réaliser un diagnostic biologique à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro.

Différentes techniques d’assistance médicale à la procréation :

Dans un domaine en évolution rapide et très diversifié, il nous a paru pertinent de partir du plan biologique : « De qui proviennent les gamètes qui servent à fabriquer l’enfant ? ».

Car le plan biologique demeure le point aigu des cristallisations et de la fixation de toute la fantasmatique sociale sur les troubles attribués aux AMP (cf les titres de la presse « Les bébés venus du froid »).

On distingue trois situations.

– Les deux gamètes viennent des parents.

La stimulation de l’ovulation est la méthode la moins invasive et la plus employée actuellement, pourtant ce n’est pas une méthode sans risques : hyperstimulation et grossesses multiples.

L’IAC était initialement utilisée, dans les cas d’hypofertilité masculine, dans certains troubles sexuels masculins, d’indication très discutable (impuissance) et après certains cas de vasectomie à fin contraceptive.

Actuellement, l’indication majeure de l’IAC est devenue la prévention des stérilités masculines iatrogènes dues au traitement d’une maladie grave (exemple : les chimiothérapies anticancéreuses).

Le sperme congelé, s’il est de bonne qualité, peut être utilisé après guérison, pour rétablir une filiation empêchée par la maladie.

L’intérêt psychologique est grand : réinscription du sujet dans la chaîne des générations, aide à la lutte contre l’angoisse d’anéantissement par la maladie et contre le sentiment de ségrégation inhérent aux maladies graves.

Le sujet redevient comme les autres.

La FIV est utilisée dans les stérilités féminines d’origine tubaire.

Sa technique est lourde.

Les risques d’échec ont amené à prélever plusieurs ovocytes à la fois, à les féconder avec le sperme du mari, puis à n’en réimplanter qu’un petit nombre pour augmenter les chances de succès, tandis que les embryons non utilisés (dits surnuméraires) sont congelés pour conservation (leur avenir pose des problèmes éthiques très difficiles).

La principale complication est représentée par les grossesses multiples avec leurs risques.

La micro-injection intraovocytaire du spermatozoïde ou ICSI, s’est imposée dans les hypofertilités masculines.

Ici, les risques sembleraient se situer au niveau des enfants, risques de transmission d’infertilité et d’apparition de maladies transmises génétiquement. – Un seul gamète provient des parents.

L’IAD permet de pallier principalement la stérilité masculine en pratiquant l’IA avec le sperme d’un donneur.

L’arrivée de l’ICSI a réduit de moitié les indications de l’IAD.

Le don est gratuit et anonyme, le donneur doit être âgé de moins de 45 ans, avoir au moins un enfant et l’accord de sa compagne.

Elle doit se pratiquer dans un centre agréé. Le don d’ovocytes est proposé en cas d’impossibilité d’ovulation.

Il nécessite le recours à une FIV. Le don est ici techniquement et psychologiquement bien plus compliqué que le recueil de sperme.

– Aucun lien biologique parental.

C’est le don d’un embryon surnuméraire à un autre couple.

Il est assimilé à une adoption anténatale (l’enfant n’ayant pas de lien chromosomique avec ses parents), avec des différences de taille : la grossesse et l’accouchement créent un authentique lien biologique avec les parents ; de plus l’enfant n’a pas connu, même brièvement, d’autres parents.

S’il est envisagé par les lois de bioéthique, il n’est toujours pas possible en l’absence de décrets d’application.

Les pratiques avec mères porteuses sont, elles, interdites par la loi.

Problèmes psychologiques chez les couples demandeurs d’assistance médicale à la procréation :

A - ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION SANS DON DE GAMÈTES (IAC, FIV, ICSI) :

Le fait positif essentiel est l’absence d’introduction d’un gamète étranger au couple ; cela évite de rompre la filiation biologique, épargnant aux demandeurs de nombreuses inquiétudes sur la ressemblance et des blessures narcissiques.

Néanmoins, des problèmes peuvent se poser.

1- Dissociation sexualité-procréation :

Dans toutes les AMP, il y a procréation sans coït.

Ceci peut-il avoir une incidence sur le devenir de l’enfant ?

Ce problème se pose essentiellement lorsqu’il existe des troubles sexuels masculins (impuissance) que l’IAC permet d’occulter et, surtout, de ne pas traiter.

Comment ces couples éduqueront-ils leur enfant par rapport à la sexualité ?

Le père parviendra-t-il à assumer authentiquement une position virile par rapport à l’enfant (surtout si c’est un garçon) ?

Ce problème semble beaucoup moins gênant dans la FIV. Les femmes, dans l’échantillon de Raoul Duval, ne présentent pas de pathologie psychique particulière.

Tout au plus, certaines femmes immatures, à la sexualité mal génitalisée, évoquent-elles des fantasmes archaïques de parthénogenèse ou de grossesse virginale.

La FIV remet donc peu la femme en question (à la différence de l’homme).

2- Stress lié à la technique :

Si la masturbation n’est pas culpabilisée, l’IAC est une technique simple.

La FIV, en revanche, consomme beaucoup de temps et d’énergie.

Les périodes de FIV sont souvent vécues dans un climat tendu et anxieux.

La technique, agressive pour le corps féminin, réveille des fantasmes archaïques d’intrusion et d’effraction (ponction des ovocytes).

Le couple craint enfin souvent que le passage dans l’éprouvette n’altère son embryon et ne donne un enfant anormal.

Ces craintes sont renforcées dans le cas des ICSI, et non sans quelque fondement comme on l’a vu.

3- Stérilités psychogènes :

Le recours à une AMP sans élaboration psychique suffisante peut occulter ce langage du corps qu’est la stérilité (ambivalence du désir d’enfant) et enfermer le couple dans une escalade de réponses techniques, alors la demande d’AMP n’est qu’une tentative pour se rassurer sur le fonctionnement du corps.

Ce viol de l’ambivalence peut, de plus, être dommageable pour la relation parents-enfants.

B - TECHNIQUES AVEC DON DE GAMÈTE :

Elles impliquent une rupture du lien biologique, soit unilatéral (don de sperme ou d’ovocytes), soit bilatéral (don d’embryon), et sont donc psychologiquement plus « lourdes ».

1- Insémination artificielle avec donneur :

L’homme stérile, exclu de la fabrication de l’enfant, peut se sentir en insécurité quant à sa paternité.

Certains pères éprouvent des difficultés à trouver leur place dans la famille.

C’est sans doute pourquoi la grande majorité des couples souhaitent garder le secret de l’insémination.

Le secret a un double rôle imaginaire : préserver l’image d’un père viril et le garder intégré dans la chaîne des générations.

L’IAD peut, de façon marginale, éveiller des fantasmes d’adultère et de jalousie du mari vis-à-vis du donneur (chez les paranoïaques).

Mais l’institution CECOS, avec ses rituels austères, fait efficacement écran et évacue habituellement ces fantasmes.

Les IAD pour cause génétique sont au contraire vécues très positivement : l’homme n’est pas stérile, c’est sa lignée qui est malade.

L’IAD met fin à la malédiction génétique qui la touche (effet réparateur).

2- Fécondation in vitro avec don d’ovocytes :

La situation est tout à fait différente.

La femme est enceinte et porte l’enfant.

La grossesse lui confère le statut imaginaire et social de mère, ainsi que la maternité légale de l’enfant, par l’accouchement.

À la différence de l’homme, elle ne sent pas vraiment sa stérilité puisqu’elle fabrique l’enfant.

La production d’ovocytes étant interne et invisible, celle-ci passe au second plan derrière la gestation qui se ressent et se voit.

Le problème du secret perd du même coup de son acuité, car la mère, gestante, et le père, producteur du spermatozoïde, se sentent parents de l’enfant.

Par ailleurs, les règles éthiques du don, secret, anonymat, gratuité, écartent les fantasmes d’homosexualité procréatrice rencontrés chez les receveuses quand le don n’était pas anonyme.

Devenir des enfants nés par insémination artificielle avec don de sperme et par fécondation in vitro :

Au-delà des problèmes posés aux parents, le devenir physique et psychologique des enfants constitue la question la plus importante.

L’IAD et la FIV ont été les plus étudiées.

A - ENFANTS NÉS PAR INSÉMINATION ARTIFICIELLE AVEC DON DE SPERME :

Actuellement, le nombre d’enfants IAD est d’environ 35 000 en France.

Les plus âgés ont eu 25 ans en 1998. Seules des études longitudinales, sur des échantillons statistiquement fiables, permettraient de dégager une évolution indiscutable.

Ces études sont impossibles actuellement car de nombreux parents ont choisi de garder le secret sur l’IAD et sont donc réticents quant à l’intrusion d’observateurs dans leur vie.

Un certain nombre d’études directes, ou indirectes, apportent néanmoins des informations.

La première étude psychanalytique de Gerstel sur cinq enfants était très pessimiste, décrivant de nombreux troubles après la naissance : dépression du post-partum, dépression du père, relations mèreenfant difficiles, troubles du développement chez l’enfant.

L’absence de méthodologie en limite la portée.

Les études ultérieures, sur des groupes plus importants, infirment d’ailleurs cette opinion et convergent toutes.

Izuka et al, étudiant 56 enfants IAD âgés de 2 ans et demi, Ferrier et al, comparant 222 enfants suivis jusqu’à 3 ans à un groupe témoin, Segur-Semenov, examinant 86 enfants IAD âgés de 6 mois à 3 ans, et très récemment Manuel et al, dans une vaste enquête longitudinale auprès des parents de 112 enfants IAD, comparés à un groupe témoin, à 3 mois, 18 mois et 3 ans, concluent tous que les enfants IAD ont un développement psychomoteur supérieur au groupe témoin.

Ils ont aussi une avance au niveau du langage et du contrôle sphinctérien.

En revanche, ils présentent plus de difficultés affectives mineures : troubles de l’appétit, du sommeil, excitabilité accrue, difficultés à la séparation nocturne, qui témoignent de l’hyperinvestissement anxieux dont ils font l’objet.

Cette hyperexcitabilité est retrouvée par Clayton et Kovacs (interview de 50 mères), mais démentie par Leeton et Backwell (examen de 80 enfants IAD).

Quels qu’ils soient, les troubles de l’enfant sont généralement mieux tolérés par les parents que dans le groupe témoin.

Les couples IAD paraissent plus stables que les autres.

Ils ont généralement un âge plus élevé (la stérilité, puis le recours à l’IAD, retardent l’âge de naissance du premier enfant), ce qui semble à l’origine d’un désir d’enfant plus mûr, plus élaboré et très intense (le parcours du combattant que représente l’AMP sélectionne les plus motivés).

D’autre part, avoir un enfant plus tard permet d’obtenir un meilleur niveau socioéconomique, donc moins de problèmes matériels, un meilleur épanouissement et une maturation personnelle. Le désir d’enfant est alors mieux partagé avec le partenaire.

Tout ceci explique un meilleur ajustement des femmes plus âgées à la maternité.

Sous cet éclairage, la stérilité devient un avantage pour l’enfant, plutôt qu’un risque.

La position du père est sans doute la plus difficile.

Certains vivent leur enfant (surtout un garçon) comme un rappel permanent et douloureux de leur stérilité, menaçant leur identité virile, parfois même avec des troubles sexuels (ces hommes ont eu le plus souvent des difficultés identificatoires à un père décrit comme tyrannique).

Certaines de ces études souffrent de biais méthodologiques (absence de groupes témoins le plus souvent).

Les études indirectes, basées sur les réponses des parents, ne peuvent remplacer l’examen direct des enfants (risque de manque d’objectivité des parents au sujet de leur propre enfant, même si l’investigation est menée avec un questionnaire standardisé), mais surtout elles ne dépassent pas l’âge de 6 ans, alors qu’il nous faudrait des informations jusqu’à l’adolescence et l’âge adulte.

Cependant, malgré ces limites, l’impression d’ensemble est très rassurante.

Deux arguments indirects vont aussi dans ce sens :

– de nombreux couples demandent un deuxième enfant IAD, témoignant alors de l’épanouissement du premier et de leur bonheur ;

– on ne retrouve pas, dans la littérature psychiatrique internationale, de publications relatant une pathologie liée à l’IAD. Reste la question du secret de l’IAD : faut-il absolument révéler à l’enfant le recours à l’IAD ?

Le monde psychiatrique admet généralement, sur des bases difficiles à évaluer, que le secret dans la filiation est pathogène et, se référant à l’adoption, paraît favorable à la révélation.

Les couples IAD et l’opinion publique sont en revanche très majoritairement favorables au secret (60 à 89 %), même s’ils ont parfois des comportements contradictoires (révélation à leur entourage, par exemple).

Manuel et al estiment que le « secret absolu ou la confidence limitée ne semblent pas, bien au contraire, associés à des risques particuliers, aux âges et sur les indicateurs de notre étude ».

Il faut également se souvenir que, chaque année en France, naissent environ 55 000 enfants adultérins, que le mari le sache ou non.

Or, ces enfants ne présentent pas de pathologie psychique systématiquement liée à leur origine.

En révélant l’IAD, les parents craignent surtout, disent-ils, de traumatiser leur enfant.

Crainte non méprisable, car l’énoncé est effectivement violent.

Oubliant la filiation narcissique, ils redoutent de fragiliser surtout la position du père, celui-ci craignant un désaveu de paternité venant de l’enfant.

Leur attitude est liée à leur vécu de cette stérilité : castration angoissante et donc non révélable, ou épreuve sublimée et alors peut-être verbalisable.

Mais si les « psys » plaident avec sincérité en faveur de la filiation narcissique, que signifie, de leur côté, cette obligation de dire le biologique, ce retour obligatoire du biologique ?

Si ce n’est un certain désaveu inconscient pour la filiation narcissique.

Avec le risque de confronter l’enfant à une impasse (le père biologique étant impossible à retrouver).

La prudence s’impose donc.

Car on ne peut ni affirmer ni infirmer totalement le caractère pathogène du secret.

C’est l’expérience du couple qui tranchera.

B - ENFANTS NÉS PAR FÉCONDATION IN VITRO :

La FIV entraîne une augmentation importante du taux de grossesses multiples.

Tout comme les inductions de l’ovulation.

On a pu calculer qu’en 1993, environ 30 % des 9 208 grossesses gémellaires et 75 % des grossesses multiples d’ordre supérieur sont dus aux stimulations.

Ainsi, on peut estimer que 5 808 enfants jumeaux et 618 enfants triplés sont nés après une stimulation de l’ovulation, dont respectivement 1 800 et 300 après FIV.

L’étude scientifique des enfants nés après FIV nécessite donc de séparer des sous-groupes puisque cette population n’est pas homogène.

Elle se divise en singletons (50 % des enfants), jumeaux (45 %) et triplés (5 %).

Chacun de ces groupes doit idéalement être rapporté à une population de référence.

Pour les singletons, la méthodologie mise au point dans le cadre de l’IAD peut être reprise ici : appariement des enfants à ceux d’un groupe témoin tout-venant et à ceux d’un groupe d’enfants conçus sans FIV, mais après un long passé de stérilité, pour différencier l’effet FIV de l’effet stérilité.

Les différentes enquêtes montrent, chez les jeunes enfants, les mêmes éléments psychologiques que ceux retrouvés chez les enfants IAD : troubles du sommeil, troubles alimentaires et problèmes relationnels sans élément de gravité sont légèrement supérieurs dans le groupe FIV.

Pour les jumeaux, ce qui conditionne en premier lieu l’avenir de ces familles est le problème des grossesses multiples avec leur cortège de mortinatalité, de prématurité, d’hospitalisations précoces et de difficulté de mise en place de la relation mère/enfants.

La morbidité maternelle est aussi augmentée, physique et surtout psychologique, le taux de dépression du post-partum est élevé : 40 à 50 % contre 15 %.

Nous avons pu comparer trois populations de jumeaux : des jumeaux monozygotes spontanés, des jumeaux dizygotes spontanés et des jumeaux dizygotes provoqués par FIV.

En effet, la FIV augmente le pourcentage de jumeaux dizygotes par réimplantation de plusieurs embryons.

Du point de vue psychologique, ce sont les familles ayant des jumeaux monozygotes qui expriment le plus d’inquiétudes centrées autour du problème de la ressemblance, de la peur des confusions.

Le groupe des familles ayant eu recours à la FIV est celui qui exprime le moins d’inquiétude, n’ayant souvent pas d’enfant antérieurement, ils se réjouissent d’avoir deux enfants d’un coup, alors que leur âge et leur difficulté à concevoir leur faisaient craindre de ne pas avoir d’autre grossesse.

Ils se débrouillent en moyenne mieux sur le plan matériel que ceux des deux autres groupes.

Il est à noter qu’ils sont en moyenne plus âgés et donc souvent plus installés dans la vie.

Pour les triplés, tous les problèmes sont multipliés, tant médicaux que psychologiques.

Les familles sont débordées par les tâches matérielles (24 biberons par jour, 700 couches par mois).

Les mères souffrent particulièrement de l’insuffisance de temps à consacrer à chaque enfant, et donc de l’absence plaisir.

Les familles sont entraînées vers des mécanismes opératoires d’élevage.

Elles souffrent aussi de la rupture du secret car les triplés signent les difficultés à concevoir et le recours à la FIV.

La dépression maternelle est quasi constante et longue. Il faut souligner la nécessité d’une aide globale pour ces familles non seulement physique pour suppléer aux tâches de soins, aux tâches ménagères, mais aussi psychologique.

En conclusion, si les résultats concernant le devenir psychologique des enfants conçus grâce à l’AMP sont rassurants, des inquiétudes demeurent : pour les mères, le taux de dépression du post-partum qui est corrélé avec le nombre d’enfants par grossesse ; pour les enfants, les risques liés à la prématurité, elle aussi corrélée à la multiparité ; enfin, les risques de transmission d’anomalies génétiques, plus fréquentes dans la population qui a recours à l’AMP.

Échecs des assistances médicales à la procréation :

Il est important de rappeler qu’en dépit de leur importante médiatisation, les échecs de l’AMP restent malheureusement nombreux, ils concernent un couple sur deux.

Les médecins ont alors un rôle important d’accompagnement à jouer, pour éviter que le couple ne s’enlise dans l’amertume, la dépression, ou ne les rejette, eux et tout projet d’enfant.

Pour s’orienter ensuite sereinement vers l’adoption, le couple devra faire le deuil de l’enfant produit par lui-même, pour que l’enfant adopté trouve une vraie place et ne soit pas qu’un enfant de remplacement, source d’une nostalgie incurable.

Conclusion :

L’AMP a atteint en l’an 2000 un rythme de croisière. Le recours au don de gamète comme palliatif aux troubles de la fertilité a tendance à diminuer au profit de nouvelles techniques de soins comme l’ICSI.

La multiparité, source de prématurité, doit être contrôlée par des réimplantations limitées à deux embryons, mais force est de constater que l’AMP n’a pas provoqué les grands bouleversements tant redoutés dans la famille, ni justifié les craintes alarmées de leurs débuts.

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