Artériopathie oblitérante de l’aorte et des membres inférieurs d’origine athéromateuse Cours
de cardiologie
Diagnostic
:
A - Diagnostic clinique
:
L’artérite athéromateuse des membres inférieurs peut
être asymptomatique (stade 1 de la classification de
Leriche et Fontaine), se manifester par une ischémie
intermittente d’effort sous forme d’une claudication à la
marche ou être responsable d’une ischémie permanente
traduite par des douleurs de repos ou des troubles
trophiques.
1- Ischémie d’effort et claudication intermittente
(stade 2 de Leriche et Fontaine) :
Il s’agit d’une gêne à type de crampe, progressivement
douloureuse, le plus souvent du mollet, plus rarement de
la fesse voire du pied.
La douleur ischémique ne débute
jamais dès les premiers pas, elle augmente progressivement
avec la durée ou la rapidité de la marche et finit par
obliger à l’arrêt, entraînant pratiquement toujours la
disparition de la douleur en quelques minutes.
L’abolition d’un pouls fémoral traduit une occlusion de
l’artère iliaque, la diminution de ce même pouls caractérise
habituellement une sténose, plus rarement une
oblitération complète bien collatéralisée.
Ce diagnostic
est confirmé par l’audition d’un souffle sur le trajet
artériel.
Une claudication bilatérale, parfois située au
niveau de la fesse, associée à une impuissance, témoigne
de l’obstruction de l’aorte sous-rénale et des artères
iliaques désignée sous le nom de syndrome de Leriche.
L’abolition du pouls poplité et des pouls
distaux, alors que le pouls fémoral est correctement
perçu, évoque une occlusion ou une sténose serrée
fémorale superficielle ou fémoro-poplitée.
Dix pour
cent des sujets normaux n’ont pas de pouls pédieux pour
des raisons d’anatomie.
Si la paroi artérielle est rigide malgré la conservation d’une pulsatilité hémodynamique,
le pouls est aboli ou diminué (médiacalcose fréquente
chez le diabétique, l’insuffisant rénal chronique),
pouvant orienter vers une fausse piste.
La palpation de l’abdomen recherche une tuméfaction
battante et expansive des bords de l’aorte évoquant un
anévrisme.
Un stéthoscope doppler « de poche » permet la mesure des
pressions artérielles distales.
La prise des pressions est associée au calcul de l’index
systolique (IS = pression systolique à la cheville/pression
systolique humérale).
Les
valeurs de l’index sont normales entre 0,9 et 1,3 ; en dessous de 0,75, l’artériopathie est moyennement compensée, en
dessous de 0,4 le retentissement est sévère.
Lorsque les
chiffres sont au-dessus de 1,3, on évoque la présence
d’une médiacalcose : les artères sont incompressibles.
Toutefois, une claudication intermittente des membres
inférieurs n’est pas obligatoirement d’origine artérielle.
Elle peut être d’origine neurologique, notamment en cas
de canal lombaire étroit qui provoque une fatigabilité à
la marche pouvant obliger à l’arrêt mais qui est capricieuse
et n’a pas la régularité de la claudication ischémique,
rhumatologique (douleurs de la coxarthrose dès
l’appui du membre, de la gonarthrose plus trompeuse
mais qui n’est pas localisée au mollet), voire musculaire
(parfois réveillée par la marche dès les premiers pas)
d’origine virale ou médicamenteuse (fibrate ou statine),
ou veineuse (crampes ou plus souvent lourdeurs de
jambe diffuses avec impression de fatigabilité dès la
position debout).
Lorsque le diagnostic d’artériopathie reste cliniquement
hésitant, une épreuve de marche peut être proposée sur
tapis roulant dans des conditions standard (3,2 km/h et
10 % de pente).
Après la marche, on mesure l’ampleur
de la chute des pressions recueillies à la cheville ainsi
que leur profil de récupération.
Il est ainsi possible de
distinguer une claudication artérielle d’une claudication
d’autre origine : dans ce dernier cas, on ne constate
pas de diminution des pressions bien que la douleur
apparaisse.
2- Ischémie permanente
(stades 3 et 4 de Leriche et Fontaine) :
Le sujet décrit des douleurs de décubitus qui, au début,
cèdent à la mise en position déclive du membre.
Il s’agit
d’une sensation d’engourdissement ou de refroidissement
qui débute au niveau du gros orteil ou de l’avantpied
après quelques heures de décubitus.
Ces douleurs
sont toujours la conséquence d’une ischémie sévère,
elles s’accompagnent donc d’autres signes cliniques
d’artériopathie : le pied est plus froid du côté douloureux,
le temps de recoloration est allongé après pression
de la pulpe des orteils.
Les troubles trophiques peuvent être soit une gangrène,
soit un ulcère.
Une gangrène de l’orteil traduit
toujours une ischémie locale sévère, elle est sèche ou
humide, plus ou moins bien limitée, elle peut être totalement
indolore, notamment chez le diabétique souffrant
d’une neuropathie sévère, souvent favorisée par un
épisode infectieux.
Les ulcères compliquant une artériopathie
des membres inférieurs sont souvent profonds, à
bords assez réguliers, comme taillés à l’emporte-pièce,
atones, infectés, souvent petits et surtout très douloureux.
Ces ulcères ischémiques sont distaux, sousmaléolaires,
avec une nette prédilection pour les zones
d’appui et de frottement : dos et bord externe du pied,
saillie de la 1re articulation métatarsophalangienne,
talon.
La notion d’ischémie critique vient compléter la
classification de Leriche et Fontaine.
Sa définition, que
le malade soit diabétique ou non, repose sur l’association
de douleurs ischémiques de décubitus persistantes et récidivantes ayant nécessité régulièrement un traitement
antalgique adéquat depuis plus de 2 semaines ou
ulcération ou gangrène du dos du pied ou des orteils et
d’une pression systolique inférieure ou égale à
50 mmHg à la cheville et (ou) inférieure ou égale à
30 mmHg à l’orteil.
À ce stade, tant le pronostic local du
membre que le pronostic général sont compromis.
À un
an plus d’un tiers des patients sont amputés et près de
20 % sont décédés.
B - Choix des examens complémentaires
:
L’artériographie demeure irremplaçable chaque fois
qu’une solution de revascularisation est envisagée.
À court terme, elle devrait être substituée
par l’angiographie par résonance magnétique voire par
l’angioscanner.
Le doppler et l’échographie permettent
une analyse lésionnelle non invasive très précise.
L’exploration d’une artériopathie doit également fournir
des renseignements d’ordre pronostique, particulièrement
en cas de trouble trophique, ulcère ou gangrène.
La mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène
(TcPO2) a ici une place de choix.
1- Vélocimétrie ultrasonore par effet doppler
couplée à l’échographie :
L’échographie détecte les sténoses et les occlusions et,
couplée au doppler qui enregistre une accélération du
flux au niveau de la sténose et un amortissement plus ou
moins net en aval, permet d’en apprécier le caractère hémodynamiquement significatif ou non au repos et à
l’effort.
L’exploration n’est pas affectée par la
rigidité artérielle. Elle associe une prise de pression avec
calcul de l’indice de pression systolique (IPS) au
repos et à l’effort.
Cet examen mérite d’être systématique en première
intention devant une claudication et ce avant toute
décision éventuelle d’artériographie.
L’échographie-doppler permet également d’explorer les
troncs supra-aortiques dans le cadre du bilan de diffusion
des lésions artérielles de même que l’aorte abdominale
et les artères rénales.
L’échographie-doppler avec codage couleur, et encore
plus récemment du codage énergie du signal, peut
rendre l’exploration ultrasonique plus performante.
2- Angioscanner et angiographie par résonance
magnétique (ARM)
:
L’amélioration très importante et récente des appareils
d’imagerie par résonance magnétique (IRM) combinée
à l’injection de gadolinium a révolutionné cette technique ; non néphrotoxique, non irradiante, elle
permet une cartographie vasculaire simple et précise,
rapide et dynamique en 3 dimensions.
Parallèlement, le
développement récent de la tomodensitométrie à acquisition
hélicoïdale a transformé les applications du scanner
en pathologie vasculaire et permet d’ores et déjà,
grâce à une injection intraveineuse d’un produit de
contraste iodé, la constitution d’une cartographie vasculaire
volumique : en présence d’une obstruction symptomatique
localisée sur l’aorte abdominale à l’échographie-
doppler, le scanner avec reconstruction analyse au
mieux l’aspect lésionnel et plus particulièrement la
sévérité des calcifications.
La place de ces 2 méthodes
non invasives d’exploration, dans l’artériopathie oblitérante
des membres inférieurs est actuellement en cours
d’évaluation.
3- Mesure du retentissement microcirculatoire
par TcPO2
:
La mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène
est fondée sur l’utilisation d’une électrode polarographique
associée à un système de réchauffement de la
peau entre 43 et 45 °C.
Les molécules d’oxygène diffusant
de la peau sont réduites sur l’électrode et engendrent
un courant proportionnel à la pression partielle
d’oxygène à la surface du tégument.
Cette mesure est
habituellement mesurée au dos du pied.
Sa valeur limite,
au-dessous de laquelle il paraît illusoire d’espérer la
cicatrisation d’un trouble trophique, est de l’ordre de
30 mmHg.
4- Angiographie aux rayons X ou artériographie :
Elle demeure un examen essentiel chez l’artéritique dès
lors qu’existe une intention de revascularisation.
Sont
donc candidats à une artériographie les patients claudicants
dont le handicap est réel, soit d’emblée, en cas de
lésion haute, soit après inefficacité du traitement médical
en cas de lésion sous-inguinale.
L’artériographie est
beaucoup plus systématique en cas d’ischémie de repos
qui permet de préciser au mieux les possibilités de
revascularisation endoluminale ou chirurgicale traditionnelle.
Les progrès techniques n’ont pas totalement annihilés
les risques iatrogéniques de cet examen, soit liés au
cathétérisme (hématome au point de ponction, dissection
artérielle, mobilisation de matériel athéromateux), soit à l’injection de produit de contraste iodé (réaction
allergique voire anaphylactique, accident de surcharge
chez l’insuffisant rénal ou cardiaque).
Ces risques se
sont toutefois considérablement réduits grâce à la miniaturisation
du matériel utilisé et à l’utilisation de produit
de contraste iodé beaucoup moins hyperosmolaire.
En
présence d’une insuffisance rénale contre-indiquant
l’emploi des produits de contraste iodés, l’angiographie
par résonance magnétique a supplanté la carboxyangiographie
dont le principe est de remplacer le bolus de contraste iodé par une bulle de
CO2 injectée sous pression, bien tolérée sur le plan clinique mais
fournissant une imagerie de qualité aléatoire notamment sur le lit
distal jambier.
Évolution :
On peut opposer le pronostic local de l’artériopathie
oblitérante des membres inférieurs (AOMI) qui semble
favorable au stade de la claudication, au pronostic
général qui est plus médiocre.
Dans l’année qui suit
l’apparition d’une claudication intermittente, 10 % seulement
des patients voient leur cas s’aggraver et 5%
souffrent d’une aggravation suffisante de l’ischémie
pour entraîner un geste chirurgical ou un geste de radiologie interventionnelle.
Parallèlement, la présence d’une
claudication intermittente est associée à la majoration de
risque de décès cardiovasculaire d’un facteur 2.
Les
sujets asymptomatiques présenteraient une augmentation
du risque d’événements cardiovasculaires ou de
décès équivalente à celle constatée chez les patients
symptomatiques.
Ainsi, l’espérance de vie est inférieure
de 10 ans chez un patient artéritique comparée à celle de
la population générale.
Au stade d’ischémie critique, le
pronostic local et général est beaucoup plus défavorable,
tant en ce qui concerne la viabilité du membre (20%
d’amputation d’emblée, 25 % un an plus tard) qu’en ce
qui concerne la survie (20 % de décès dans l’année et au
moins 50 % de décès à 5 ans).
Complications :
A - Complications de l’artériopathie
proprement dite :
1- Oblitération artérielle aiguë :
L’apparition brutale d’une douleur d’un membre
inférieur chez un artéritique traduit une oblitération
artérielle aiguë dont le retentissement clinique est
variable selon le mécanisme de l’occlusion (thrombose,
embolie d’origine cardiaque ou d’artère à artère), et la
nature des lésions préexistantes (qui conditionnent les
possibilités de suppléance par la collatéralité).
Dans la
majorité des cas, il s’agit d’une thrombose extensive sur
une sténose préexistante, symptomatique ou non au
préalable, liée à un dépôt fibrino-plaquettaire qui vient
s’accoler à la lésion probablement du fait d’une fissuration
ou d’une rupture de la plaque athéromateuse.
Plus rarement, il peut s’agir d’une macro-embolie venue
se détacher d’une ulcération aortique, notamment de la
crosse, voire de l’aorte sous-rénale et des artères
iliaques.
Le retentissement clinique est variable.
On distingue
3 stades cliniques de sévérité liés à l’oblitération
artérielle aiguë.
• L’ischémie aiguë grade I : cliniquement, il s’agit
d’une claudication intermittente survenue d’un jour à
l’autre avec réduction très importante de la distance de
marche mais sans ischémie de repos, les tissus ne sont
pas menacés dans l’immédiat, le signal doppler distal est
encore pulsatile, la pression distale demeure supérieure
à 30 mmHg.
• L’ischémie aiguë grade II : l’ischémie est menaçante,
la douleur de repos permanente, il existe un déficit neurologique
plus fréquemment sensitif que moteur.
Si la
restauration est immédiate, l’ischémie est réversible.
La
vélocité artérielle est abolie alors que le retour veineux
est perçu au doppler.
• L’ischémie aiguë grade III : il existe une paralysie
des orteils, voire de l’avant-pied ou de la jambe et une
anesthésie sévère. Il n’existe pas de vélocité artérielle ou
veineuse distale au doppler.
Quelle qu’en soit la cause,
la revascularisation est d’autant plus urgente que la
présentation clinique est sévère, sous peine de complications
graves mettant en jeu la conservation du membre
puis le pronostic vital : rhabdomyolyse, acidose métabolique
et insuffisance rénale, gangrène étendue, décès.
2- Micro-embolies distales
:
Les emboles de petit calibre (150 à 200 mm) sont
constitués de débris athéromateux riches en dépôts de
cholestérol.
Ils peuvent survenir spontanément mais en
fait ils sont souvent déclenchés par des manipulations
intempestives notamment après cathétérisme.
Le rôle
favorisant des anticoagulants reste controversé.
Les micro-embolies distales réalisent typiquement un
syndrome de l’orteil bleu ou pourpre.
Il s’agit de lésions
érythémateuses, livédoïdes des orteils, plus ou moins
douloureuses.
Les pouls distaux sont perçus.
La résolution complète des épisodes, plutôt que l’évolution des
lésions vers la gangrène, et leur récidive fréquente sont
des arguments supplémentaires en faveur d’une pathologie emboligène.
Outre les lésions de la crosse aortique
et les anévrismes de l’aorte, les lésions responsables
peuvent être des plaques athéromateuses iliaques ou fémoro-poplitées.
La mise en évidence de cristaux de
cholestérol par la biopsie d’un élément cutané est un
élément décisif pour le diagnostic, mais les biopsies
cutanées peuvent être négatives.
Quant aux embolies
rétiniennes, elles sont rarement associées aux embolies
cutanées, ce qui enlève beaucoup de valeur diagnostique
à l’examen du fond d’oeil dans ces formes cliniques.
Enfin, une pluie de micro-embolies d’origine aortique
peut simuler en tout point une maladie systémique et en
particulier une périartérite noueuse.
Le pronostic est ici
l’atteinte rénale.
B -
Complications de la maladie
athéromateuse :
1- Insuffisance coronaire :
L’artériopathie est un marqueur d’événements cardiaques
: le risque relatif de décès en rapport avec une
atteinte coronaire est chiffré à 3 lorsque les sujets sont
claudicants et une cardiopathie ischémique est présente
chez environ la moitié des artéritiques.
Il apparaît donc
indispensable de rechercher systématiquement une
coronaropathie sous-jacente sur ce terrain mais à ce
jour, aucun schéma d’investigation n’est parfaitement
validé.
Chez les artéritiques asymptomatiques d’un point de
vue coronaire et avec électrocardiogramme de repos
normal, il n’apparaît pas indispensable de poursuivre les
investigations lorsqu’il n’est pas envisagé de chirurgie aorto-iliaque.
Dans le cas contraire, il est raisonnable
d’appréhender l’état de la circulation coronaire et de
la fonction ventriculaire : l’épreuve d’effort, rarement
possible, est remplacée par une scintigraphie myocardique
au thallium avec test au dipyridamole et une
échocardiographie, l’apport des techniques d’échographie
de stress sous dobutamine étant en cours
d’évaluation.
La négativité de ces explorations permet
de surseoir à la coronarographie.
Finalement, seuls les
artéritiques ayant une insuffisance coronaire symptomatique
et manifestement évolutive sont candidats
d’emblée à une coronarographie, toujours précédée
d’une évaluation non invasive de l’insuffisance
coronaire (scintigraphie au dipyridamole, échographie
de stress).
2- Accidents vasculaires cérébraux :
On considère que le taux actuariel de décès imputables
à une cause cérébrovasculaire est de 0,8 sur 1 000 patientsannées
dans le groupe indemne de claudication et
de 2,5 pour 1 000 patients-années dans le groupe des claudicants.
Ces données confirment l’importance de
l’identification d’une artériopathie des membres inférieurs
pour le pronostic général et de la nécessité de
rechercher une lésion carotidienne lors du bilan lésionnel
de tout artéritique.
Elle est fondée en première analyse
sur la recherche d’antécédents neurologiques, la
recherche d’un souffle sur le trajet carotidien à l’auscultation
et sur l’échographie-doppler.
Par cet examen, la
présence d’une sténose supérieure à 50 % de la carotide
interne est retrouvée chez plus de 20 % des sujets
claudicants, asymptomatiques sur le plan cervicocéphalique.
La découverte d’une lésion significative à
l’écho-doppler, c’est-à-dire supérieure à 70 %, impose
la réalisation d’un scanner cérébral à la recherche de
zones ischémiques témoignant d’accidents vasculaires
cérébraux à bas bruit.
Une intervention chirurgicale
préventive sur les carotides est justifiée chez les patients
asymptomatiques porteurs d’une sténose serrée de plus
de 70 % de la carotide interne.
L’angiographie par résonance
magnétique se substitue progressivement à l’angiographie
par rayons X pour le bilan morphologique préchirurgical.
3- Atteinte de l’aorte et des artères à destinée
viscérale :
Le dépistage de l’anévrisme de l’aorte abdominale doit
être systématique.
On retrouve dans les études une
incidence d’anévrisme entre 10 et 15 % en présence
d’une artériopathie des membres inférieurs.
Les performances de l’examen clinique sont limitées et
la réalisation d’un examen échographique de l’aorte
abdominale est d’autant plus justifié que le sujet est un
homme de plus de 55 ans, hypertendu ou qu’il existe
d’autres localisations anévrismales.
L’artérite des membres inférieurs est également un
excellent marqueur d’une sténose anatomique des
artères rénales.
La recherche d’une sténose des artères
rénales chez les hypertendus artéritiques mérite d’être
systématique mais la mise en évidence d’une sténose
ne dispense pas de la recherche des arguments d’imputabilité.
Le doppler couplé à l’échographie semble
l’examen de dépistage le plus satisfaisant mais sa
sensibilité est inférieure à celle observée pour l’exploration
des artères des membres inférieurs.
L’indication
d’un angioscanner voire d’une angiographie par
résonance magnétique peut se discuter chez l’artéritique
hypertendu, mal contrôlé par le traitement médical
antihypertenseur.
4- Diagnostic du terrain :
Les pathologies cancéreuses représentent la deuxième
cause de mortalité des sujets avec une artériopathie des
membres inférieurs.
Cela semble en grande partie
imputable à l’effet du tabac.
Les localisations pulmonaires,
vésicales et ORL sont les plus fréquentes, le
bilan clinique doit intégrer la recherche de ces pathologies,
une radiographie pulmonaire de dépistage
apparaît licite chez le fumeur.
Traitement
:
A -
Correction des facteurs de risque :
Elle est indiquée quel que soit le stade évolutif de l’artérite.
1- Arrêt du tabac :
Il est impératif, il permet non seulement d’augmenter la
distance de marche des malades mais surtout de diminuer
le risque d’amputation ou d’évolution vers un stade plus
avancé de la maladie.
Les aides à l’arrêt de l’intoxication
tabagique ont progressé avec la commercialisation de
traitements substitutifs, gomme à mâcher contenant de
la nicotine, dispositif transdermique ou patch à la nicotine.
2- Lutte contre la sédentarité :
Par la pratique régulière de la marche, cet entraînement
à l’exercice physique est réalisé librement par le malade
ou selon une méthode quantifiée.
Les progrès constatés
perceptibles après quelques mois sont d’autant plus
importants que la personne est plus avancée en âge.
On
peut rattacher à ce chapitre l’importance de l’hygiène et
des soins apportés aux pieds.
Tout patient artériopathe,
notamment diabétique, doit être éduqué en ce sens.
3- Correction des troubles du métabolisme
lipidique :
En pratique, devant une artérite confirmée, il faut
essayer d’abaisser le cholestérol total vers 2 g/L.
En fait,
l’important est d’abaisser le LDL-cholestérol (low
density lipoprotein) vers 1 g/L.
Si l’effet du régime
s’avère insuffisant, il ne faut pas hésiter à utiliser les
statines.
De même, la présence d’une hypertriglycéridémie
peut nécessiter la prescription d’un fibrate.
4- Traitement de l’hypertension artérielle :
Il doit tenir compte de plusieurs paramètres, la sévérité
respective de l’hypertension et de l’artériopathie, la
possibilité d’autres localisations de la maladie athéroscléreuse
et la cause présumée de l’hypertension.
Aucun
antihypertenseur n’est formellement contre-indiqué
chez l’artéritique hypertendu.
Les résultats contradictoires
de l’effet des bêta-bloquants sur le périmètre
de marche doivent faire privilégier les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion qui permettent d’obtenir à la
fois une baisse tensionnelle et la préservation des
distances de marche.
5- Traitement du diabète :
Un bon équilibre glycémique influence favorablement
les paramètres hémorhéologiques et lipidiques.
Le traitement
du diabète est fondé sur les mesures diététiques
associées aux hypoglycémiants oraux ou à l’insuline.
B -
Traitements pharmacologiques :
1- Antithrombotiques :
Les effets bénéfiques des antiagrégeants plaquettaires
sont démontrés, notamment ceux qui concernent l’aspirine,
la ticlopidine et le clopidogrel.
La dernière classe des antiagrégeants plaquettaires vise à bloquer l’agrégation
en agissant sur l’étape ultime c’est-à-dire sur le complexe
GP IIbIIIa déjà utilisé par voie veineuse dans les cardiopathies
ischémiques.
Le développement et l’évaluation
des formes orales des antagonistes anti-GP IIbIIIa non
peptidiques dans l’artériopathie est actuellement en
cours.
• L’aspirine inhibe la cyclo-oxygénase, enzyme de la
voie de synthèse du thromboxane A2.
Il n’est pas certain
que la prise d’aspirine modifie l’histoire naturelle des
membres inférieurs mais comme les artéritiques ont
également un risque élevé d’autres événements vasculaires
(infarctus et accident vasculaire cérébral) vis-à-vis
desquels une action bénéfique de l’aspirine a été démontrée,
il est habituel de proposer à ces patients un traitement de
longue durée en l’absence de contre-indication.
La dose
préconisée se situe entre 100 et 300 mg/j en prise
unique.
• La ticlopidine (Ticlid), puissant inhibiteur de l’agrégation
plaquettaire dépendant de l’acide adénosine
diphosphorique (ADP), est également utilisée pour
réduire la fréquence des événements cardiovasculaires
chez l’artéritique à la dose de 500 mg/j (2 comprimés).
L’utilisation de ce médicament nécessite une surveillance
de l’hémogramme en raison du risque de neutropénie
voire d’agranulocytose et de thrombocytémie dans les
3 premiers mois du traitement, réversible à l’arrêt du
médicament.
L’administration de ticlopidine doit être
interrompue 8 jours avant la date d’une intervention
chirurgicale programmée ou d’une artériographie.
• Le clopidogrel est une autre thiénopyridine, comme la
Ticlopidine, au moins aussi efficace dans ses activités
antiplaquettaires et surtout avec moins d’effets secondaires
hématologiques.
Comparativement à l’aspirine, le clopidogrel semble donner des résultats plus favorables
dans le groupe ayant une artériopathie oblitérante des
membres inférieurs en termes de prévention des
accidents coronaires ou vasculaires.
Au total, la prescription d’aspirine, de ticlopidine ou de
clopidogrel doit être la règle face à une artériopathie
oblitérante des membres inférieurs.
2- Vaso-actifs :
Certains vaso-actifs possèdent l’indication de traitement
symptomatique de la claudication : la pentoxifylline ou
Torental, naftidrofuryl ou Praxilène, l’extrait de ginkgo
biloba ou Tanakan, le buflomédil ou Fonzylane.
Ces vaso-actifs entraînent une élévation du débit artériel
périphérique par vasodilatation artériolaire.
Leur utilisation
optimale repose sur quelques règles simples :
– n’utiliser qu’un vaso-actif à la fois ;
– toujours associer aux vaso-actifs un entraînement
régulier à la marche qui semble en améliorer l’efficacité
;
– réduire autant que possible les autres facteurs de
risque, surtout le tabagisme invétéré qui peut minimiser
l’effet des vaso-actifs.
Les prostanoïdes injectables sont utilisés comme
traitement antalgique en cas d’ischémie permanente compastades
3 et 4 lorsque toute possibilité de revascularisation
a été éliminée ou comme aide à la cicatrisation en
cas de troubles trophiques.
Une piste thérapeutique très prometteuse est celle de la
thérapie génique utilisant le transfert du gène codant
pour le VEGF (vascular endothelial growth factor) chez
les patients en ischémie critique avec pour objectif de
favoriser le développement de la collatéralité ; ce mode
de traitement pourrait représenter une alternative à
l’amputation chez les patients en ischémie critique
considérée comme au-delà de toute ressource thérapeutique.
3- Fibrinolyse in situ et thrombolytiques :
La thrombolyse thérapeutique est une méthode efficace
et agressive lorsque l’agent thrombolytique [urokinase,
rt-PA (recombinant-tissue-type plasminogen activator)
ou Actilyse] est administré au contact du thrombus
pendant plusieurs heures à l’aide d’un cathéter.
Les
complications liées au risque de fibrinogénolyse systémique
ne sont pas exceptionnelles (hémorragies à
distance ou locales, embolisation).
Elle est essentiellement
indiquée en présence d’une oblitération artérielle
aiguë, bien tolérée (ischémie aiguë grades I ou II) liée
à une thrombose extensive sur une lésion sténosante préexistante.
C -
Traitement des troubles trophiques :
1- Soins locaux :
Ils sont dominés par la détersion manuelle du trouble
trophique, douce et patiente, à l’aide d’une curette, d’un
bistouri ou d’un vaccinostyle stérile.
Les troubles
trophiques sont nettoyés par des compresses imbibées
de sérum physiologique.
L’application de corps gras
(compresses imbibées d’huile de vaseline préférables
au tulle gras allergisant) est souvent utile en début de
traitement. Les détergents, crèmes, pommades,
onguents, cicatrisants sont inutiles, voire dangereux.
Une fois obtenu le bourgeonnement des troubles
trophiques, des greffes de peau soit en résilles, soit plus
simplement en pastilles selon la méthode de Reverdin,
peuvent raccourcir la durée de la cicatrisation.
Ces
greffes en pastilles sont réalisées au lit du malade sous
simple anesthésie locale.
2- Antibiothérapie :
Une antibiothérapie est parfois prescrite par voie générale,
adaptée à l’antibiogramme du germe isolé lors du
prélèvement bactériologique qui précède les soins
locaux.
Elle est généralement de courte durée, non systématique,
mais cependant nécessaire en cas de complication
bactérienne locorégionale ou générale (lymphangite,
cellulite, ostéarthrite, septicémie).
3- Prévention du tétanos :
La prévention du tétanos est systématique.
4- Traitement préventif :
La gravité potentielle des troubles trophiques développés
chez un artéritique souligne l’importance du traitement
préventif :
– souliers suffisamment larges ;
– protection rigoureuse des talons en cas d’alitement
prolongé ;
– prévention de toute agression thermique ;
– hygiène locale parfaite avec bains de pied quotidiens.
D - Revascularisation endoluminale
ou chirurgicale :
La revascularisation dans le cadre de l’artériopathie des
membres inférieurs vise à rétablir une fonction plus
qu’une anatomie.
Elle s’adresse donc aux patients chez
qui l’artériopathie reste très invalidante sur le plan fonctionnel
après un traitement médical bien conduit (stade 2
avec périmètre de marche limité chez un sujet actif, cas
le plus fréquemment observé en cas de lésion haute sus-inguinale) et à ceux chez qui l’artériopathie met en
jeu la conservation d’un membre inférieur, c’est le cas
des ischémies critiques pour lesquelles il faut évoquer
rapidement une indication de revascularisation et en
vérifier les possibilités par une artériographie de l’aorte
sous-rénale et des artères des membres inférieurs.
Cette
revascularisation peut s’obtenir soit par des techniques endoluminales percutanées, visant à dilater une zone
sténosée ou à recanaliser une zone oblitérée, soit par des
techniques traditionnelles chirurgicales, les interventions
le plus souvent réalisées dans ce domaine étant
des pontages entre des zones saines d’amont et un lit
d’aval satisfaisant.
Ses modalités sont adaptées au profil
lésionnel et au contexte général.
E - Revascularisation par technique endovasculaire percutanée
:
Elle représente actuellement la technique
de choix lorsqu’elle est techniquement possible car
grevée d’une morbidité moindre que la chirurgie
traditionnelle et d’une efficacité à distance comparable
pour la majorité des lésions traitées. Réalisée par simple
ponction artérielle percutanée sous anesthésie locale,
elle consiste à introduire et à manipuler sous amplificateur
de luminance un cathéter muni d’un ballonnet
dont l’inflation va entraîner l’augmentation du diamètre
de la lumière par impaction de la plaque d’athérome
dans la paroi artérielle.
La mise en place d’une endoprothèse
ou stent en post-angioplastie au ballon réduit le
risque de resténose immédiate et semble favoriser les
résultats à distance.
Il s’agit de dispositifs endoluminaux
qui se présentent comme des petits grillages
ou ressorts cylindriques.
Les autres méthodes de type athérectomie ou laser sont
totalement abandonnées.
L’amélioration des matériels
permet actuellement une faisabilité immédiate comparable des gestes de dilatation simple ou de recanalisation
d’artère occluse notamment au niveau iliaque.
Le développement
de matériel adapté au diamètre de l’aorte
abdominale sous-rénale permet le traitement endoluminal
des sténoses peu à moyennement calcifiées, situées à ce
niveau.
À l’inverse, la miniaturisation du matériel rend
accessibles les lésions très distales, au niveau des axes
jambiers distaux.
La majorité des lésions hautes proximales, sténosantes
ou occlusives, responsables d’une claudication gênante,
en dehors des lésions bourgeonnantes des trépieds
fémoraux, doivent bénéficier d’un traitement endoluminal
de 1re intention.
Le risque de resténose (généralement
précoce avant un an) ou de réocclusion (plus ou moins
tardive) augmente alors que le calibre des artères
diminue.
Un geste endoluminal devant une claudication
invalidante, persistante, malgré le traitement médical, en
cas de sténose ou d’occlusion courte (moins de 5 cm) de
la fémorale superficielle peut bénéficier d’un geste
endoluminal.
La pérennité d’un geste endoluminal sur
les lésions poplitées du fait des contraintes mécaniques
de la région est plus aléatoire, surtout après mise en
place d’une endoprothèse.
Ce geste n’est pas indiqué au
stade de claudication mais peut se discuter en présence
d’une ischémie critique.
En matière d’ischémie critique, le consensus européen
recommande que si l’angiographie objective une lésion
jugée techniquement accessible, le traitement par voie endovasculaire percutanée doit être essayé de première
intention même si une chirurgie secondaire peut s’avérer
nécessaire.
On considère, par lésions techniquement
accessibles à l’angioplastie : les sténoses unique ou multiples fémoro-poplitées, les occlusions fémoro-poplitées
inférieures ou égales à 10 cm, la présence de sténose des
vaisseaux distaux jambiers jusqu’à la cheville, les
occlusions de moins de 3 cm de ces mêmes vaisseaux.
Lorsque l’angiographie met en évidence cette possibilité
de restaurer un flux antégrade dans au moins un axe de
jambe, la stratégie d’angioplastie doit être privilégiée de
1re intention.
F -
Chirurgie de revascularisation :
1- Thrombo-endartériectomie :
C’est la plus ancienne méthode de restauration artérielle,
elle n’est plus pratiquée actuellement qu’au niveau du
trépied fémoral.
2- Pontages
:
Ils utilisent 2 types de matériel.
• Les substituts biologiques comprennent :
– les autogreffes, utilisant un matériel en général
veineux provenant du patient opéré.
Il convient de
les inverser pour que le flux se fasse dans le sens des
valvules.
Elles peuvent aussi être utilisées in situ,
c’est-à-dire en ne disséquant que leurs parties proximale
et distale pour les anastomoser au réseau
artériel après dévalvulation ;
– plus rarement, les allogreffes avec un matériel veineux
ou artériel provenant d’un autre individu ; voire les
hétérogreffes grâce à un matériel provenant d’une
autre espèce (carotide de boeuf par exemple).
• Les prothèses peuvent être en Dacron, fibre tissée
et tricotée ou en polytétrafluoroéthylène (PTFE),
matériaux microporeux.
3- Interventions :
• Chirurgie aorto-iliaque: les lésions aorto-iliaques,
lorsqu’elles sont bilatérales et très sévères imposent une
revascularisation des axes vasculaires des 2 membres
inférieurs par une prothèse aorto-bifémorale.
Cette
intervention nécessite le plus souvent une laparotomie et
un clampage.
Si le patient a des contre-indications à ce clampage, il est possible de faire un pontage axillobifémoral,
moins traumatisant.
• Chirurgie iliaque unilatérale : l’artère donneuse peut
être l’aorte, l’iliaque ou la fémorale controlatérale ou
même l’artère axillaire homo- ou controlatérale.
Les
pontages les plus courts et les plus directs sont ceux
dont la perméabilité à long terme est la meilleure.
Le
choix des procédés se fait en fonction des conditions
vasculaires et générales du patient.
• Chirurgie fémoro-poplitée : on peut être amené à
effectuer un pontage fémoro-poplité réalisé à l’aide de
veines saphènes internes ; en l’absence de veine satisfaisante,
on doit se résoudre à utiliser un autre matériel tel
que l’allogreffe, la prothèse en polytétrafluoroéthylène
ou en Dacron, mais les risques de thrombose sont beaucoup
plus importants.
• Chirurgie distale : lorsque l’artère fémorale superficielle
et l’artère poplitée sont athéromateuses, il est
parfois possible de réaliser des pontages fémorojambiers
implantés sur les artères de jambe (tibiale antérieure,
tibiale postérieure), voire encore plus distale, à la
cheville ou sur les artères de pied lorsque ces dernières
sont de meilleure qualité que les artères de jambe.
Ces
pontages ne représentent un taux de perméabilité
acceptable que s’ils sont réalisés avec la saphène interne
du patient.
• Autres gestes que la chirurgie de revascularisation :
– la sympathectomie est actuellement quasi abandonnée ;
– en l’absence de possibilité de revascularisation, il faut
savoir envisager une amputation pour permettre au
patient appareillé de reprendre une vie sociale acceptable.
• La chirurgie de revascularisation et les techniques endoluminales percutanées peuvent être associées
notamment lorsque la longueur des veines disponibles
ne permet pas de réaliser un pontage suffisamment long
dans de bonnes conditions et lorsqu’un traitement à
2 étages différents est nécessaire.
Une fois réalisés,
gestes endoluminaux et pontage doivent être régulièrement
surveillés notamment par l’examen clinique et
l’échographie-doppler afin de mettre en évidence sans
attendre des anomalies évolutives souvent accessibles
à un nouveau geste soit endoluminal, soit chirurgical
segmentaire.