Architecture cranio-facio-maxillo-dentaire. Un modèle tridimensionnel. Applications en clinique orthodontique et chirurgie orthognathique
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
Depuis que l’orthodontie existe, la recherche de moyens susceptibles
à la fois de définir la normalité, de prévoir la croissance et
d’appréhender les dysmorphies, focalise l’ambition des cliniciens.
La naissance contemporaine de l’orthodontie et de la radiologie
explique certainement que la première se soit tournée vers la
seconde pour se procurer les « outils » pour accomplir cette triple
mission.
Mais cette aide et les différentes investigations sont restées
fondamentalement axées sur la mesure de paramètres sélectionnés
sur des téléradiographies du crâne.
L’unicité de ce moyen radiographique contraste toutefois avec la
multiplicité des analyses céphalométriques proposées qui, toutes,
selon l’aphorisme de J Delaire, souffrent d’un même défaut : « La
géométrie plane est inapte à l’analyse d’un volume et de sa
croissance. »
L’évolution conjointe des moyens de l’imagerie médicale, des
méthodes de calcul informatique, des possibilités de stockage et de transport des données numériques, permet maintenant d’envisager
la création, le développement et l’application inéluctables de
méthodes différentes.
La méthode proposée associe des données numériques
tomodensitométriques (TDM), des informations anatomiques et des
outils mathématiques pour générer, à l’aide du logiciel C2000 Cepha,
un modèle 3D de l’architecture craniofaciale chez l’homme.
Le modèle est suffisamment stable pour constituer un standard
biométrique universel capable de définir, par son équilibre et sa
symétrie, la « normalité » de sujets d’origines ethniques et culturelles
différentes.
Ce sont les déséquilibres et les asymétries du modèle qui permettent
de caractériser les pathologies et de proposer des stratégies
thérapeutiques adaptées susceptibles d’apporter des corrections.
C’est enfin le suivi temporel du modèle qui permet de modéliser et
de prévoir la croissance.
Création du modèle
:
A - ACQUISITIONS TOMODENSITOMÉTRIQUES :
Les acquisitions des données TDM sont réalisées sur des sujets en
décubitus et en occlusion, dans des conditions de confort suffisantes
pour obtenir, dans la quasi-totalité des cas, l’immobilité nécessaire
des patients.
Une hélice d’acquisition programmée sur un mode radiographique
du crâne de profil réalisé dans un premier temps est étendue de l’os hyoïde aux toits orbitaires.
Quels que soient le pas de l’hélice et
l’épaisseur de 1 ou 2 mm des coupes natives, le temps d’acquisition
n’excède pas 60 secondes.
Conditions habituelles d’acquisition :
– 75 mas ;
– 90 kv;
– pitch de 1 ;
– coupes d’épaisseur 1 ou 2 mm.
Les données numériques générées sont actuellement sur les
appareils TDM de dernière génération, exportables au format
DICOM (Digital Imaging and Communication in Medicine).
Ce format
est exploitable par la majorité des logiciels d’imagerie médicale 3D
commercialisés qui sont utilisables sous environnement UNIX ou
PC.
Contrairement à la radiographie conventionnelle, à partir d’une
seule acquisition, il est possible d’obtenir une multitude de vues,
tout en s’affranchissant des aléas de réalisation des téléradiographies
et pour des doses d’irradiation inférieures.
B - INFORMATIONS ANATOMIQUES :
Le problème anatomique consiste à trouver, pour les sélectionner,
des repères et des structures anatomiques remarquables, stables et
cohérents, susceptibles par leur distribution spatiale de rendre
compte de l’architecture maxillofaciale.
Sur les coupes TDM natives 2D sont sélectionnés huit repères
anatomiques, ainsi que le système dentaire : tous sont situés sur les
axes trigéminaux retenus par Moss dans sa théorie de la croissance
neuromatricielle de la face :
– les deux foramen supraorbitaires, orifices d’émergence des
branches du V1 ;
– les deux foramen infraorbitaires, orifices d’émergence des
branches du V2 ;
– les deux foramen mentaux, orifices d’émergence des branches du
V3 ;
– les têtes des marteaux : ces derniers sont originaires du premier
arc.
En outre, les muscles tenseurs du tympan sont innervés par le
trijumeau ;
– les dents, qui par leur destinée proprioceptive font partie
intégrante du système trigéminal : V2 et V3.
Ces éléments anatomiques ont été retenus pour générer le modèle
tridimensionnel de la face.
Le logiciel fournit cependant la possibilité
de créer d’autres modèles à partir de la sélection de repères
anatomiques différents et additionnels.
Le foramen mandibulaire, le
foramen ovale, le foramen grand rond, le foramen nasopalatin, le
foramen palatin postérieur, ou encore l’impression trigéminale, sont
parfaitement identifiables et sélectionnables sur les coupes TDM
natives 2D.
Tous ces repères anatomiques additionnels ont toujours la
particularité d’être situés sur les axes trigéminaux.
C - OUTILS MATHÉMATIQUES :
L’une des particularités de la méthode est l’utilisation d’un outil
mathématique original en biologie du développement : les axes
d’inertie.
On cherche à caractériser la géométrie d’objets anatomiques discrets
obtenus par empilement de coupes sériées numériques jointives
d’épaisseur homogène, issues d’examens médicaux de type TDM
ou imagerie par résonance magnétique (IRM).
Ces objets sont classiquement représentés par des ensembles
d’éléments de volume appelés voxels : parallélépipèdes rectangles
généralement non cubiques.
L’objectif est de trouver une représentation synthétique géométrique
significative et pertinente des éléments anatomiques qui permet de :
– quantifier la dispersion géométrique, la forme et l’étendue des
objets étudiés ;
– comparer différentes acquisitions d’un même objet ou différents
objets d’une même acquisition ;
– d’étudier éventuellement la cinématique simplifiée des objets
anatomiques.
Pour simplifier la manipulation des données, chaque parallélépipède
est caractérisé par les coordonnées X, Y, Z de son centre de gravité
avec une unité de masse ou de volume, de telle sorte que l’objet
discret soit représenté par un nuage de points.
La géométrie de
l’objet anatomique est elle-même représentée par la dispersion des
points du nuage, grandeur classiquement traduite par la matrice de
dispersion.
On caractérise la dispersion des points du nuage par les
composantes principales (approche statistique) ou axes principaux
d’inertie (approche physique) obtenus à partir de la matrice de
dispersion.
C’est un ensemble de trois axes perpendiculaires deux à
deux, liés au nuage de points et tournant avec lui, et pour lequel la
matrice de dispersion est diagonale.
Pour ces trois axes orthogonaux, la dispersion des projections
orthogonales des points du nuage est maximale.
Les composantes principales ou axes principaux d’inertie de l’objet
décrivent une ellipsoïde qui couvre plus de 90 % du nuage de points
(Tchebycheff-Bienaymé).
Le système est suffisamment stable, quelles
que soient les conditions de la discrétisation (taille de la matrice et
épaisseur des coupes TDM natives, orientation de l’objet) pour être
caractéristique de la géométrie de l’objet.
D - CRÉATION DE L’IMAGERIE ET DU MODÈLE 3D
DE L’ARCHITECTURE MAXILLOFACIALE :
Le logiciel C2000 Cepha va créer, en supplément de l’imagerie, le
modèle géométrique 3D de l’architecture maxillofaciale.
C’est ce
modèle qui sert de référence pour apprécier l’équilibre et la symétrie
du sujet orthomorphique, pour quantifier le déséquilibre et
l’asymétrie du sujet dysmorphique, ou encore pour réaliser une
modélisation de la croissance maxillofaciale.
1- Imagerie 3D
:
À partir des données numériques des coupes TDM, le logiciel C2000
Cepha réalise l’imagerie 3D des éléments anatomiques
maxillofaciaux.
Ils sont reconstruits selon la méthode du seuillage
des niveaux de gris et le principe du dividing cube qui définit des
surfaces d’isovaleurs dans un volume.
Des outils informatiques
isolent ou mixent ces éléments sous une multitude de vues, qui
peuvent être orthogonales, avec plus ou moins de profondeur et de
transparence.
2- Modèle géométrique 3D :
À partir des coordonnées X, Y, Z, des huit repères anatomiques
sélectionnés sur les coupes TDM natives, le logiciel C2000 édifie une
construction géométrique appelée « charpente maxillofaciale ».
À partir de la sélection sur les coupes TDM natives des dents, le
logiciel C2000 calcule les axes d’inertie de chaque dent et de groupes
de dents.
Le modèle 3D ainsi créé correspond à une « hiérarchie » d’éléments
mathématiquement définis et anatomiquement homogènes : la dent
unitaire, les quatre hémiarcades, les deux arcades maxillaire et
mandibulaire isolées ou prises dans leur ensemble et la charpente
maxillofaciale.
Gestion du modèle
:
Il est possible de caractériser le modèle par le calcul d’une multitude
de paramètres.
Pour une application en clinique orthodontique et en chirurgie
orthognatique, le modèle 3D de l’architecture maxillofaciale est
divisé en trois étages :
– un étage osseux basal : la charpente maxillofaciale ;
– un étage osseux alvéolaire : les arcades dentaires ;
– un étage dentaire.
Ces trois étages et leurs rapports sont successivement analysés.
A - CHARPENTE MAXILLOFACIALE :
La charpente maxillofaciale est constituée par deux pentaèdres
opposés par une base commune horizontale basicrânienne.
Le
pentaèdre supérieur correspond à l’étage orbitaire, le pentaèdre
inférieur à l’étage maxillomandibulaire.
Pour pouvoir apprécier l’harmonie globale de la charpente maxillofaciale, celle-ci a été ramenée à trois surfaces :
– une surface verticale faciale, délimitée par les deux foramen supraorbitaires, les deux foramen infraorbitaires et les deux foramen
mentonniers ;
– une surface horizontale basicrânienne, délimitée par les deux
foramen infraorbitaires et la tête des deux marteaux ;
– une surface sagittale médiane, délimitée par les points milieux
calculés entre les deux foramen supraorbitaires, les deux foramen
infraorbitaires, les deux foramen mentonniers et la tête des deux
marteaux.
Les points qui délimitent ces surfaces, au nombre de six pour la
surface faciale et de quatre pour les deux autres, ont peu de
probabilité d’être coplanaires, même calculés sur une population orthomorphique.
Pour obtenir des surfaces planes, le logiciel calcule
des plans moyens par la méthode des moindres carrés.
Les
intersections des trois plans moyens obtenus définissent un repère
tridimensionnel.
Cependant, il y a peu de probabilité que ces trois plans moyens
(même calculés sur une population orthomorphique) soient
strictement orthogonaux.
De plus, deux de ces plans, le plan vertical
facial et le plan sagittal médian, risquent d’être significativement
modifiés par la thérapeutique, en particulier par la mobilisation
chirurgicale des foramen mentonniers.
Il nous a semblé intéressant, dans l’optique d’un suivi temporel des
individus, de posséder un repère qui soit orthogonal et invariant.
Ce repère tridimensionnel correspond à un repère orthonormé direct
dont la première direction est donnée par la droite joignant le
foramen infraorbitaire droit au foramen infraorbitaire gauche, la
deuxième direction correspond à la perpendiculaire à la première
abaissée à partir du milieu de la tête des marteaux, la troisième
direction est calculée et correspond à la perpendiculaire aux deux
précédentes passant par leur point d’intersection.
Pour apprécier séparément l’équilibre et la symétrie de chacun des
étages, orbitaire et maxillomandibulaire et des surfaces faciale,
horizontale et sagittale, celles-ci sont elles-mêmes divisées par des
axes de symétrie.
Pour la surface faciale verticale : deux axes de symétrie verticaux qui
passent par le milieu des foramen supraorbitaires et le milieu des
foramen infraorbitaires pour le supérieur, et par le milieu des
foramen infraorbitaires et le milieu des foramen mentonniers pour
l’inférieur ; un axe de symétrie horizontal qui passe par les foramen
infraorbitaires : il est divisé en deux, un droit et un gauche, par le
point milieu des foramen infraorbitaires.
Pour la surface horizontale basicrânienne : un axe de symétrie sagittal
qui passe en avant par le milieu des foramen infraorbitaires et en
arrière par le milieu des têtes des marteaux ; un axe de symétrie
transversal qui passe de chaque côté par le milieu des droites qui
joignent le foramen infraorbitaire à la tête du marteau.
Ces deux
axes sont divisés en deux par leur point milieu.
Pour la surface sagittale médiane : un axe horizontal qui est confondu
avec l’axe sagittal du plan basicrânien.
L’équilibre et la symétrie de la charpente maxillofaciale et de ses
surfaces sont appréciés et quantifiés par le calcul de différents
paramètres :
– paramètres de volume : les volumes calculés correspondent aux
étages orbitaire, maxillomandibulaire et leur rapport ;
– paramètres de distance : ils correspondent aux longueurs calculées
entre les huit points sommets de la charpente maxillofaciale et les
points milieux qui séparent ces points pris deux à deux.
Dans l’optique d’une caractérisation simplifiée du modèle de la
charpente maxillofaciale, on peut calculer sa hauteur, sa largeur, sa
profondeur et leurs rapports ;
– paramètres de surface : ils correspondent aux valeurs des surfaces
des deux pentaèdres orbitaire et maxillomandibulaire et des plans
moyens facial, horizontal et sagittal ;
– paramètres angulaires : les valeurs calculées correspondent à des
angles non projetés ou projetés.
Les angles calculés non projetés sont soit :
– délimités par des plans : les plans moyens facial, horizontal et
sagittal ;
– délimités par des axes : les axes de « symétrie » qui divisent les
surfaces faciale, horizontale et sagittale ;
– délimités par des points : à partir de trois points quelconques
des huit points sommets de la charpente maxillofaciale.
Les angles calculés projetés sont délimités par les axes de
« symétrie » qui divisent les surfaces faciale, horizontale et sagittale,
projetés soit sur les plans moyens, soit sur les surfaces du repère
orthonormé direct ;
– paramètres de position du centre de gravité de la charpente maxillofaciale : sa situation est définie par la valeur de sa projection
sur les trois axes X, Y, Z du repère orthonormé direct.
B - ARCADES DENTAIRES :
Les arcades dentaires sont mathématiquement définies par le calcul
des axes d’inertie de groupes de dents maxillaires, mandibulaires
ou de la totalité des dents.
Les hémiarcades sont mathématiquement définies par le calcul des
axes d’inertie de groupes de dents de chaque hémiarcade droite et
gauche des étages maxillaire et mandibulaire.
L’étude des arcades, des hémiarcades et de leurs rapports est
réalisée par le calcul de différents paramètres :
– paramètres de volume de chacun des éléments arcades et hémiarcades ;
– paramètres de distance : les longueurs qui séparent les centres de
gravité de chacun des éléments sont calculées, projetées sur les axes
du repère orthonormé direct de la charpente maxillofaciale ;
– paramètres angulaires : valeurs des angles définis par les axes
d’inertie des arcades et hémiarcades pris deux à deux, calculées non
projetées ou projetées sur les plans moyens ou encore sur les plans
du repère orthonormé direct du modèle de la charpente
maxillofaciale.
C - DENTS :
Chaque dent est mathématiquement définie par ses axes d’inertie.
L’axe d’inertie principal de la dent, c’est-à-dire le plus long,
correspond à son axe coronoradiculaire.
Chaque dent est également
caractérisée par les coordonnées X, Y, Z de son centre de gravité.
La distribution spatiale des dents est définie par le calcul :
– d’une courbe d’arcade : elle correspond à une courbe de régression
calculée à partir des centres de gravité des dents.
Cette courbe est
elle-même projetée dans un plan moyen calculé par la méthode des
moindres carrés, toujours à partir des centres de gravité des dents.
Le logiciel calcule en outre la surface délimitée par les courbes
d’arcade maxillaire et mandibulaire projetées, pour un suivi des
sujets dans le plan horizontal basicrânien invariant de la charpente
maxillofaciale ;
– de valeurs angulaires qui se réfèrent à cette courbe :
– torque : il correspond à la valeur de l’angle formé par l’axe
d’inertie principal de la dent, orienté dans le sens coronoradiculaire, et l’axe normal au plan moyen, lorsque ces axes
sont projetés dans le plan normal à la courbe d’arcade en chaque
point projeté du centre de gravité de la dent sur la courbe
d’arcade ;
– tipping : il correspond à la valeur de l’angle formé par l’axe
d’inertie principal de la dent, orienté dans le sens
coronoradiculaire, et l’axe normal au plan moyen de l’arcade
lorsque ces axes sont projetés dans le plan tangent à la courbe
d’arcade en chaque point projeté du centre de gravité de la dent
sur la courbe d’arcade ;
– il faut remarquer que nos paramètres diffèrent de ceux
usuellement qualifiés par ces termes en orthodontie.
En effet,
torque (inclinaison) et tipping (angulation) repèrent dans le
langage courant la position de l’axe de la face vestibulaire et non
l’axe coronoradiculaire de la dent ;
– volume : le logiciel calcule également le volume de chaque dent.
Applications cliniques
:
A - DÉFINITION DE LA « NORMALITÉ » :
L’analyse réalisée sur une population orthomorphique montre
clairement l’existence d’un équilibre du modèle.
La symétrie transversale droite-gauche et l’harmonie verticale et
antéropostérieure de la charpente maxillofaciale se traduisent par
un rapport d’orthogonalité des trois plans moyens.
À l’étage dentoalvéolaire, le parallélisme des axes d’inertie des
arcades ou des plans qu’ils définissent, ainsi que la situation sur un
même axe vertical des centres de gravité des arcades, témoignent
d’un rapport d’équilibre des arcades entre elles, d’origine
certainement fonctionnelle.
Enfin, l’existence d’un parallélisme entre les plans horizontaux des
arcades avec le plan horizontal basicrânien de la charpente d’une
part, et les plans verticaux frontaux des arcades avec le plan facial
de la charpente d’autre part, témoigne également d’une relation
d’équilibre entre les trois étages osseux, alvéolaire et dentaire du
modèle.
Le modèle est suffisamment stable pour constituer un standard
biométrique universel capable de définir, par son équilibre et sa
symétrie, la « normalité » de sujets d’origines ethniques et culturelles
différentes.
B - CARACTÉRISATION DES PATHOLOGIES :
Dans le domaine du pathologique, l’analyse va nous permettre
d’objectiver et de quantifier le déséquilibre et l’asymétrie du modèle
et de proposer une thérapeutique susceptible de les corriger.
Le problème est délicat.
Il faut générer, pour une application
clinique, des analyses qui concilient deux impératifs : la concision et
la précision.
Il s’agit de trouver, parmi la multitude de paramètres disponibles,
ceux qui sont les plus pertinents pour définir des catégories.
Les
pathologies sont anatomiquement plus ou moins complexes ; elles
associent à des degrés divers des déséquilibres et des asymétries
dans les trois sens de l’espace.
L’analyse du modèle doit être progressive du général au particulier
pour permettre une caractérisation que l’on pourrait qualifier de
« sur mesure », comme devrait être le traitement à terme.
La présentation que nous faisons et les exemples que nous
proposons dans cet article pour illustrer notre propos ne peuvent
être que schématiques.
Le premier objectif à atteindre est de dissocier, dans la dysmorphie,
la composante chirurgicale basale de la composante orthodontique
alvéolodentaire.
C - À PROPOS D’UNE CLASSE III :
Le patient est un adulte venu en consultation pour une dysmorphie
classe III hypodivergente associée à une latérognathie mandibulaire
droite.
La mandibule réalise un mouvement d’antérotation lors de
l’intercuspidation maximale, aggravant d’autant le préjudice
esthétique.
La supraclusion incisive supérieure et inférieure est présente.
Les compensations alvéolaires sont importantes au niveau de
l’arcade maxillaire.
L’âge, l’importance de la dysmorphie, un syndrome algodysfonctionnel invalidant, invitent le clinicien à proposer une
symbiose chirurgico-occluso-orthodontique.
1- Étude de la charpente maxillofaciale :
*
Direction antéropostérieure : vue sagittale
Apparaît le diagramme classique d’une dysmorphie classe III.
Le plan facial au niveau du pentaèdre supérieur correspondant à
l’étage orbitaire est vertical et ne plaide pas en faveur d’une forte
aplasie de la face moyenne.
Le plan facial au niveau du pentaèdre inférieur est au contraire
fortement orienté en avant.
L’anomalie se traduit par la fermeture
importante de l’angle MSO-MIO-MM projeté dans le plan sagittal
moyen de la charpente maxillofaciale : 164°.
* Direction transversale : vues frontale et axiale
Le pentaèdre supérieur est équilibré.
Le pentaèdre inférieur amorce une dissymétrie dans sa partie
inférieure, reflet de la non-concordance des points interincisifs et de
la translation mandibulaire droite ; elle se traduit par la fermeture
faible de l’angle MSO-MIO-MM projeté dans le plan facial moyen
de la charpente maxillofaciale : 176°.
La symétrie droite gauche de la surface basicrânienne est conservée ;
elle se traduit par une orthogonalité des « axes de symétrie » qui la
divisent, projetés dans le plan axial moyen de la charpente
maxillofaciale.
2- Plans d’arcade
:
* Direction antéropostérieure : vue sagittale
On note la convergence des plans d’arcade maxillaire et
mandibulaire en avant, liée à la faiblesse des contacts occlusaux
antérieurs.
La convergence correspond à une forte obliquité du plan
maxillaire qui se traduit par une ouverture postérieure calculée à
- 10° de l’angle défini par les axes d’inertie ventrodorsaux des
arcades projetés dans le plan sagittal moyen de la charpente
maxillofaciale.
La classe III se traduit par le fort décalage : 9,9 mm des centres de
gravité des arcades projetés sur l’axe des Y du repère orthonormé
direct de la charpente maxillofaciale.
En fonction de l’obliquité spécifique de chaque arcade et de la ligne
du sourire, le logiciel « Guide du chirurgien » calcule les quantités
d’impaction, d’épaction et de bascule, afin d’obtenir en fin de
programme opératoire le parallélisme des plans d’arcade maxillaire
et mandibulaire.
* Direction transversale : vue frontale
On retient surtout le décalage des centres de gravité (centre de
gravité de l’arcade mandibulaire déporté à droite).
Le décalage faible
est calculé à 2,6 mm lorsque les centres de gravité sont projetés sur
l’axe des X du repère orthonormé direct de la charpente maxillofaciale.
Il n’y a pas de bascule transversale des arcades maxillaire et
mandibulaire qui restent parallèles dans le plan frontal, la valeur de
l’angle défini par les axes d’inertie transversaux des arcades projetés
dans le plan facial moyen de la charpente maxillofaciale est de 0,4°.
3- Système dentaire :
Ces données constituent une aide pratique pour l’orthodontiste qui
doit préparer la meilleure congruence des arcades en assurant une
destruction des compensations alvéolaires dans le sens transversal
et antéropostérieur.
* Direction transversale
:
Les compensations de la latérognathie se manifestent surtout au
niveau maxillaire : torque coronovestibulaire de 16 et torque
coronopalatin de 26.
* Direction antéropostérieure
:
Les compensations de classe III se manifestent surtout au niveau
antérieur par le torque coronovestibulaire des incisives supérieures.
En revanche, le torque coronovestibulaire léger des incisives
inférieures est lié à l’articulé inversé.
D - À PROPOS D’UNE CLASSE II ASYMÉTRIE
:
Il s’agit d’une adulte venue en consultation pour une dysmorphie
classe II, division I, asymétrie faciale, latérognathie mandibulaire
gauche.
1- Étude de la charpente maxillofaciale :
*
Analyse des surfaces
:
+ Surface basicrânienne
:
Elle est peu modifiée.
Elle est globalement plane et horizontale.
Elle
conserve sa forme trapézoïdale et une symétrie droite-gauche
satisfaisante qui se traduit par une orthogonalité des angles définis
par les « axes de symétrie » qui la divisent.
La normalité de ce plan
témoigne de l’absence de participation de la base du crâne à la
dysmorphie.
+ Surface faciale
:
Direction antéropostérieure.
Dans les classes II, le plan facial a tendance à devenir convexe.
Cette
convexité se traduit par une ouverture de l’angle MSO-MIO-MM
projeté dans le plan sagittal moyen de la charpente maxillofaciale :
182,5°.
La classe II est majorée par une forte composante alvéolaire
maxillaire : il s’agit plus d’une proalvéolie maxillaire que d’une
rétrognathie mandibulaire.
Le décalage des lignes du polyèdre inférieur est la conséquence de
la bascule de la mandibule dans le sens transversal et de la postérorotation
asymétrique de sens antihoraire sur la vue axiale inférieure.
Direction transversale.
La surface faciale supérieure, orbitaire, est peu modifiée.
La surface faciale inférieure, en revanche, est fortement perturbée.
La latérognathie gauche se traduit par une forte fermeture de l’angle
LIO-MIO-MM : 85° projeté dans le plan facial moyen de la charpente
maxillofaciale.
2- Plans d’arcade :
* Direction transversale : vue frontale
Bascule des arcades maxillaire et mandibulaire qui suivent la bascule
de la mandibule mais dont les axes d’inertie transversaux conservent
un certain degré de parallélisme.
La valeur de l’angle défini par les
axes d’inertie principaux projetés dans le plan facial moyen de la
charpente maxillofaciale est mesuré à - 1,5° (la valeur négative de
l’angle est donnée par convention aux angles ouverts à gauche).
La faible rotation ou translation de l’arcade mandibulaire par
rapport à l’arcade maxillaire se traduit par un faible décalage des
centres de gravité projetés sur l’axe des X du repère orthonormé
direct : 1,4 mm.
* Direction antéropostérieure : vue sagittale
La forte bascule du plan mandibulaire se traduit par une ouverture
antérieure de l’angle défini par les axes d’inertie ventrodorsaux des
arcades projetés dans le plan sagittal médian de la charpente
maxillofaciale : 5,5°. (La valeur positive est donnée par convention
aux angles ouverts vers l’avant.)
Cette bascule est la conséquence de
la postéro-rotation mandibulaire évoquant l’image classique de
l’effet des tractions intermaxillaires de classe II.
La classe II se traduit également par un fort décalage des centres de
gravité projetés sur l’axe des Y du repère orthonormé direct de la
charpente maxillofaciale : 6,1 mm.
3- Système dentaire
:
* Direction transversale
:
On note surtout les torques coronolinguaux des molaires
mandibulaires, compensations de l’endoalvéolie maxillaire associée.
* Direction antéropostérieure
:
On retient les compensations de classe II, très importantes au niveau
molaire : Tip forward de 36 et 46, Tip back de 16 et 26, et au niveau
incisif mandibulaire, un torque coronovestibulaire très accusé.
En revanche, les incisives maxillaires échappent à tout contrôle occlusal et ont un torque coronovestibulaire important, image de la
classe II division I et des dysfonctions associées.
Conclusion
:
L’analyse de Treil constitue une nouvelle approche de la biométrie 3D, au
service de l’orthodontiste et du chirurgien.
La coexistence « os alvéolaire-os basal » devient réalité.
Pour le chirurgien maxillofacial, par une manipulation simplifiée et
ludique, la visualisation globale et précise des sites pathologiques est
immédiate.
Le plan basicrânien, pierre d’achoppement souvent oubliée, apparaît
comme la base de construction indispensable au futur édifice chirurgical
reconstruit.
Un logiciel « Guide du chirurgien » permet de codifier la stratégie
thérapeutique.
Les mouvements à transmettre aux structures osseuses
peuvent être simulés et quantifiés.
Pour l’orthodontiste, le volume, la forme des arcades se dessinent avec
les anomalies de torque et de tipping.
La thérapeutique orthodontique peut ainsi être parfaitement définie et
individualisée avec la prise en compte souvent oubliée de l’épaisseur des
corticales venant limiter certains mouvements intempestifs.