Application à l’hématologie maligne des techniques de biologie moléculaire
(Suite) Cours
d'hématologie
2- Détection moléculaire des anomalies
chromosomiques.
L’évaluation du pronostic des leucémies et notre compréhension des
mécanismes d’oncogenèse se sont améliorées grâce à l’identification
d’anomalies caryotypiques associées à certains types de tumeurs et
à l’analyse moléculaire des gènes impliqués, expliquant ainsi
l’importance croissante de la cytogénétique en hématologie.
Il existe
cependant certaines situations où la cytogénétique classique ne
permet pas de mettre en évidence ces anomalies.
Ainsi, il est parfois
difficile d’obtenir des métaphases de qualité acceptable, comme par
exemple lorsqu’un prélèvement est effectué après chimiothérapie,
ou dans les proliférations matures où l’index mitotique est moins
important, ou encore quand la population maligne est minoritaire.
De plus, l’analyse des métaphases n’est pas possible sur du matériel
congelé ou fixé en paraffine.
Certaines anomalies chromosomiques
sont difficiles à détecter par une analyse classique, comme
l’inversion du chromosome 16 des leucémies aiguës myéloïdes
(LAM) M4 avec éosinophiles anormaux.
Il existe aussi un nombre
croissant d’anomalies détectées par biologie moléculaire qui ne sont
pas visibles par caryotype classique.
La résolution maximale
possible par analyse des chromosomes marqués en bandes R ou G
est de l’ordre de 1 à 10 mégabases d’ADN (c’est-à-dire 1 à 10
millions de paires de bases).
La délétion tald, par exemple, anomalie
chromosomique la plus fréquente dans les LAL-T (environ 25 % des
cas), consistant en une délétion spécifique de 90 kilobases d’ADN
en amont du gène tal-1, n’est pas visible par caryotype classique,
mais peut être détectée facilement soit par la méthode de Southern,
soit par PCR.
La fréquence élevée de la délétion de CDK4I, gène
important dans la régulation du cycle cellulaire, observée dans
plusieurs tumeurs, y compris les leucémies, suggère que les microdélétions peuvent représenter un mécanisme important
d’oncogenèse.
En revanche, les techniques moléculaires de
détection ne permettent pas l’analyse globale du caryotype et la
détection d’anomalies nouvelles ou inattendues.
Pour toutes ces
raisons, l’analyse des hémopathies malignes nécessite de plus en
plus une approche complémentaire à la fois par la cytogénétique
classique et par la cytogénétique moléculaire.
* Détection des anomalies chromosomiques par PCR
:
La détection des anomalies chromosomiques (translocation ou
inversion) par PCR est fondée sur la juxtaposition anormale de deux
séquences nucléotidiques bien définies.
Il est donc évident que
seules les anomalies bien caractérisées sur le plan moléculaire,
associées à des points de cassure conservés, soit au niveau de
l’ADN, soit de l’ARN, peuvent être détectées par cette technique.
Seules les caractéristiques générales des anomalies
fréquentes (> 5 %) ou associées à un sous-type particulier, donc
d’importance diagnostique et/ou pronostique, sont incluses dans cet
article.
Il existe deux catégories majeures d’anomalies chromosomiques.
+ Anomalies qualitatives :
Il s’agit de translocations conduisant à l’expression d’un transcrit de
fusion résultant en la juxtaposition des parties codantes de deux
gènes. Elles sont détectés par RT-PCR à partir de l’ARN.
Ces
anomalies se retrouvent dans les tumeurs lymphoïdes et myéloïdes.
Les transcrits de fusion et donc les produits de PCR sont identiques
chez tous les malades atteints du même type de translocation et
impliquant les mêmes introns.
Cette uniformité rend possible la
détection de la quasi-totalité des translocations avec une ou deux
paires d’amorces d’amplification mais, du fait de cette uniformité,
cette analyse est très sensible aux contaminations de la PCR.
À titre d’exemple, les translocations t(9 ; 22)(q34 ; q11) des LMC et
des LAL sont identiques sur le plan caryotypique mais diffèrent sur
le plan moléculaire, bien que toutes les deux impliquent les gènes
bcr et abl.
Dans les deux cas, le point de cassure du
chromosome 9 se produit au sein de l’intron 1 du gène abl, qui
s’étend sur environ 200 kb.
En revanche, les points de cassure sont
plus éparpillés sur le chromosome 22.
Dans la grande majorité des LMC, la translocation se trouve dans la partie centrale du gène bcr
(major breakpoint cluster region ou M-BCR), soit entre les exons 13 et
b3, soit entre les exons 14 et 15.
Cette hétérogénéité génomique
produit deux types de transcrits de fusion, qui peuvent être
distingués selon la taille des fragments générés par RT-PCR avec
une paire d’amorces spécifiques des exons 13 de bcr et 2 de abl.
Ces
transcrits de fusion sont traduits en protéine anormale dite p210.
Dans les LAL possédant une translocation t(9 ; 22), la majorité des
cas est caractérisée par un point de cassure bien plus en amont du
gène bcr, dans l’intron 1 (minor breakpoint cluster region ou m-BCR),
et sont détectés par RT-PCR avec des amorces spécifiques de l’exon
1 de bcr et de l’exon 2 de abl.
Le produit protéique de ce gène
s’appelle p190.
+ Anomalies quantitatives :
Il s’agit de translocations conduisant à l’expression aberrante d’un proto-oncogène qualitativement normal, suite à sa juxtaposition à
une séquence régulatrice inhabituelle, souvent un gène des Ig ou du
TCR.
Les points de cassure du côté du proto-oncogène se
trouvent en dehors de la partie codante du gène, parfois à une
distance considérable (une centaine de kb pour les t(11 ; 14)(q13 ;
q32) des lymphomes du manteau par exemple) et la protéine
reste donc intacte.
Le résultat final de ces anomalies est une
dérégulation de l’expression du proto-oncogène, soit à un stade
inhabituel de la différenciation ou du cycle cellulaire, soit au niveau
d’un tissu n’exprimant pas ce produit physiologiquement.
Ces anomalies chromosomiques représentent souvent des erreurs de
la recombinase lors des réarrangements des gènes codant les Ig ou
le TCR et se retrouvent, par conséquent, dans les tumeurs
lymphoïdes.
Les points de cassure sont situés au niveau d’un RSS
réel du côté des Ig ou du TCR, le plus souvent du type heptamèrenonamère,
et d’une séquence qui lui ressemble du côté du protooncogène.
L’accessibilité de cette séquence de type RSS à la
recombinase est probablement déterminée par la configuration
chromatinienne ouverte du gène due à son activité
transcriptionnelle ; ceci suggère que ces proto-oncogènes sont actifs
lors du réarrangement des gènes d’Ig ou du TCR.
La jonction
nucléotidique entre les deux chromosomes est soumise aux mêmes
modifications que les réarrangements physiologiques des Ig ou du
TCR, créant ainsi une région N spécifique de chaque malade.
L’amplification de ce type de translocation par PCR se fait à partir
de l’ADN (même à partir de matériel fixé) et génère des produits
de PCR de taille variable, ce qui rend plus facile l’identification de
la translocation de chaque malade et donc leur distinction
d’éventuels produits contaminants.
En revanche, seuls les points de
cassure qui sont regroupés dans la région avoisinant les amorces
d’amplification sont détectés.
L’amplification par PCR de la région
principale de cassure (MBR pour major breakpoint cluster) de la
translocation t(14 ; 18) des lymphomes folliculaires, par exemple, ne
détecte que les 70 % des cas caractérisés par une translocation t(14 ;
18) caryotypique dont le point de cassure est situé dans MBR, ou les
5 % des cas dont le point de cassure est situé dans mcr (minor cluster
region).
De même, la détection par PCR de la translocation t(11 ;
14) des lymphomes du manteau est positive seulement dans la
moitié des cas, quand le point de cassure implique la région
préférentielle de translocation MTC (major translocated cluster) en
amont du gène dérégulé, CCND-1 ou PRAD-1.
La plupart des translocations de ce type analysées en routine
impliquent le gène IgH.
La délétion tald, en revanche,
n’implique pas les gènes des Ig ou du TCR, mais est apparentée
dans la mesure où elle est médiée par la recombinase, et où la
juxtaposition de la partie 5’ non codante du gène SIL, en amont de
la délétion, à la partie codante de tal-1, conduit à une expression
aberrante de la protéine Tal-1.
* Limites de détection des translocations :
+ Points de cassure trop étendus
:
Il existe une autre catégorie de translocations non aléatoires qui ne
se prête pas facilement à une analyse par PCR ou par RT-PCR.
Les
translocations affectant le gène c-myc sur le chromosome 8q24 se
trouvent d’une manière préférentielle dans le lymphome de Burkitt
ou son équivalent leucémique, les LAL-L3.
Elles impliquent soit le
chromosome 14 (gènes IgH) soit, plus rarement, les chromosomes 2
ou 22 (gènes Ig j ou Ig k respectivement).
Même si le résultat
final de toutes ces anomalies est la dérégulation de l’expression du
gène c-myc, les points de cassure sont très hétérogènes, à la fois sur
le chromosome 8, où elles s’étendent sur environ 350 kb en amont
ou en aval du gène c-myc, et du côté IgH où elles peuvent impliquer
les segments JH ou les séquences de switch des régions CH
(séquences d’ADN intervenant dans le phénomène de commutation
de classe des Ig).
Il est évident qu’une telle hétérogénéité rend
difficile la détection de ces translocations par PCR ou même par Southern.
+ Partenaires variables :
Il existe aussi des anomalies où un gène situé sur un chromosome
donné est constamment impliqué, alors que le partenaire
chromosomique est variable.
Les translocations touchant le segment 11q23, par exemple,
impliquent les chromosomes : 4, 9, 19, 1, 2, 5, 6, 10, 15, 17 et X, les
trois premiers chromosomes étant les plus fréquemment touchés.
Les anomalies du 11q23 se trouvent dans environ 5 à 10% des LAL
et des LAM en général, et d’une manière préférentielle dans les
leucémies aiguës des enfants âgés de moins de 1 an (70 %) et dans
certaines leucémies secondaires.
Du côté du chromosome 11,
toutes ces translocations impliquent le même gène, MLL, et la
grande majorité des points de cassure sont regroupés dans une
région d’environ 10 kb, favorisant leur détection par hybridation
selon la méthode de Southern avec une sonde MLL.
De nombreux
partenaires de MLL ont été clonés et il est possible de détecter
la translocation t(4 ; 11) par RT-PCR.
On peut donc envisager la
possibilité de détecter la grande majorité de ces translocations par RT-PCR, mais du fait de la grande variabilité des partenaires, un
bilan moléculaire par hybridation par la méthode de Southern
représente probablement un meilleur choix.
Une autre stratégie
prometteuse est de détecter ces translocations par FISH avec une
sonde MLL sur métaphase ou sur noyau interphasique.
Les translocations impliquant le gène LAZ-3/bcl-6 sur le
chromosome 3q27, retrouvées dans environ 25 % des
lymphomes B de haut grade, sont similaires dans la mesure où
seulement 50 % des translocations impliquent un gène des Ig, les
autres partenaires étant hétérogènes.
Une comparaison de l’intérêt
des différentes stratégies d’analyse moléculaire (Southern, FISH et
PCR) permettrait de définir la meilleure méthode de détection de ce
type d’anomalie.
* Apport de l’analyse moléculaire des anomalies chromosomiques :
À la différence des réarrangements des Ig ou du TCR qui
représentent des marqueurs indirects de malignité dans les tumeurs
lymphoïdes, les anomalies chromosomiques sont plus ou moins
directement impliquées dans le processus malin.
Leur détection aide
donc non seulement au diagnostic mais aussi à l’évaluation du
pronostic.
L’intérêt de l’analyse de chaque anomalie dépend de sa
fréquence, de son importance pronostique et de leur facilité et
fiabilité de détection.
+ Intérêt diagnostique :
Certaines anomalies sont pathognomoniques d’une maladie et leur
mise en évidence devient nécessaire pour établir le diagnostic,
notamment dans tous les cas ayant une présentation clinique
atypique.
Entre 5 et 10 % des LMC n’ont pas de chromosome de
Philadelphie (Ph1) correspondant à la translocation t(9 ; 22).
La
détection d’un réarrangement impliquant les gènes bcr et abl,
d’abord par Southern et plus récemment par RT-PCR, a montré que
la majorité de ces cas présentait la même anomalie moléculaire que
les LMC Ph1+.
Il devient maintenant difficile de porter un
diagnostic de LMC en l’absence soit de la translocation t(9 ; 22), soit
d’un réarrangement bcr-abl, et il est fort possible que les LMC
« atypiques » n’ayant pas de réarrangement bcr-abl représentent une
entité différente.
De la même manière, le diagnostic de LAM M3 en l’absence
d’une translocation t(15 ; 17)(q22 ; q11) et/ou d’un transcrit de fusion PML-RAR a nécessite la mise en évidence d’une forme
moléculaire variante telle que la translocation t(11 ; 17)(q23 ; q21) ou
de son transcrit de fusion, PLZF-RAR a.
Du côté lymphoïde, la
mise en évidence soit par caryotype classique, soit par analyse
moléculaire de la translocation t(14 ; 18)(q32 ; q21) [IgH ; bcl-2] ou
de la t(11 ; 14)(q13 ; q32) [bcl-1/CCND-1 ; IgH] aide au diagnostic
différentiel entre un lymphome folliculaire et un lymphome du
manteau.
+ Intérêt pronostique :
Dans les LAL de la lignée B, les translocations t(9 ; 22)(q34 ; q11), et
t(4 ; 11)(q21 ; q23) représentent des marqueurs de mauvais
pronostic.
Dans un nombre croissant de protocoles cliniques,
leur mise en évidence, notamment pour bcr-abl, indique un
changement de traitement vers un protocole plus agressif, voire une
greffe de moelle allogénique.
Un bilan moléculaire systématique des
gènes impliqués (bcr-abl, E2A-PBX-1 et AF-4-MLL et tel-aml1
respectivement) montre que ces anomalies peuvent ne pas être
détectées par caryotype classique.
Cependant, les techniques
de cytogénétique moléculaire, notamment FISH, ont une sensibilité
proche des techniques de biologie moléculaire (en situation
diagnostique) et la cytogénétique classique offre la possibilité d’une
analyse globale susceptible d’orienter vers de nouvelles cibles
moléculaires impliquées dans l’oncogenèse et susceptibles d’avoir
un impact pronostique.
Ces différentes techniques sont donc
certainement complémentaires.
Au total, s’il est maintenant admis que la mise en évidence d’un
réarrangement moléculaire de bcr-abl ou de MLL-AF4 est associée
avec un pronostic défavorable dans les LAL-B, l’impact pronostique
d’autres réarrangements comme TEL-AML1 ou E2A-PBX reste
encore débattu et des études moléculaires systématiques dans le
cadre de protocoles thérapeutiques homogènes devraient
prochainement y répondre.
En ce qui concerne les LAM, les anomalies détectables par RT-PCR,
telles que les transcrits de fusion PML-RAR a des LAM M3, AML-
1-ETO des LAM M2 et CBF b-MYH-11 des LAM M4
éosinophiles sont plutôt associées à un pronostic relativement
favorable.
Il est envisageable que ces anomalies, à l’instar des
anomalies des LAL, soient prises en compte lors de la stratification
thérapeutique initiale de malades atteints de LAM.
Plus récemment,
la détection d’une anomalie qualitative du gène FLT3, dont le couple ligand-récepteur joue un rôle central dans les étapes précoces de
l’hématopoïèse, s’est révélée associée à un mauvais pronostic dans
les LAM.
Cette anomalie consiste en une duplication en tandem
d’une partie du gène FLT3.
Il s’agit d’un facteur pronostique
défavorable et indépendant présent dans environ 20 % des LAM.
Il
est probable que les futurs protocoles de chimiothérapie des LAM
proposeront une stratification thérapeutique différente en fonction
de la présence ou non de cette anomalie, dont la mise en évidence
est essentiellement accessible par les méthodes moléculaires
(PCR).
B - SUIVI DES MALADES APRÈS TRAITEMENT
:
L’identification de marqueurs moléculaires clonospécifiques permet
la surveillance du clone tumoral après traitement et donc la
détection de la maladie résiduelle, voire l’émergence de sous-clones
résistants.
Cette évaluation a désormais une place importante et croissante
dans la prise en charge des hémopathies malignes.
1- Détection de la maladie résiduelle :
La maladie résiduelle est définie par la persistance des cellules
tumorales qui ont survécu à la chimiothérapie, présentes en nombre
inférieur au seuil de détection des méthodes morphologiques
classiques (moins de 5 % de blastes).
Il a été estimé que la masse
tumorale totale au moment du diagnostic d’une leucémie est de
l’ordre de 1012 cellules, et que l’induction la réduit d’au moins deux logs décimaux.
Il en résulte que la « rémission complète » peut
représenter entre 0 et 1010 cellules tumorales.
La sensibilité de la
détection des cellules tumorales rares par PCR dépasse de plusieurs logs décimaux celle d’autres techniques.
* Détection moléculaire des anomalies chromosomiques :
+ Leucémie myéloïde chronique
:
L’anomalie chromosomique la plus recherchée par PCR pour le suivi
des malades est bcr-abl dans les LMC.
Cette recherche doit
désormais se faire par PCR quantitative, et il est probable qu’une
cinétique croissante de l’évolution du taux de transcrit peut avoir
une incidence thérapeutique directe pour les patients, qu’il s’agisse d’adapter la posologie des traitements médicamenteux (comme
l’imatinib ou l’interféron) ou de moduler l’immunosuppression
et/ou de réinjecter des lymphocytes du donneur pour induire un
effet greffon contre leucémie (GVL) chez les patients ayant bénéficié
d’une allogreffe de moelle.
L’utilisation de la PCR quantitative est par ailleurs un atout
indispensable dans l’évaluation de nouvelles approches
thérapeutiques comme les inhibiteurs de la tyrosine kinase dans
cette pathologie.
+ Leucémies aiguës :
De nombreuses données récentes de la littérature ont apporté la
preuve de la pertinence du monitorage de la maladie résiduelle
minime (MRM) dans les LAL pour l’identification de groupe à haut
risque de rechute dont le pronostic pourrait être amélioré par un
traitement intensif.
Les protocoles thérapeutiques des LAL
notamment, sont désormais stratifiés en fonction du niveau de
détection de la MRM, après les premières cures de chimiothérapie.
Cette évaluation initialement réalisée par des méthodes semiquantitatives
ou compétitives sera, à terme, réalisée en PCR
quantitative.
Les cibles utilisables sont de deux types : soit des remaniements
chromosomiques (30 % environ des LAM et des LAL), soit des
réarrangements VDJ clonospécifiques (90 % des LAL).
Les premiers
présentent l’avantage d’être stables au cours de l’évolution de la
maladie, mais ne concernent qu’un tiers des patients.
Les
réarrangements VDJ permettent une informativité de plus de 90 %
dans les LAL, mais ont l’inconvénient d’être instables, notamment
par évolution clonale ou émergence d’un sous-clone avec un
réarrangement différent.
* Détection des réarrangements des Ig et du TCR :
Pour près de 90 % des malades atteints de LAL, les réarrangements
des gènes des Ig et/ou du TCR peuvent représenter des marqueurs
moléculaires permettant l’analyse de la maladie résiduelle.
Ces
stratégies sont de deux types : distinguer la population clonale
résiduelle de la population réactionnelle par la taille des fragments
générés par PCR ; détecter d’une manière spécifique la région
N du réarrangement V-(D)-J du clone de départ.
Cette deuxième
stratégie nécessite soit le séquençage de la région N et la fabrication
d’un oligonucléotide spécifique, soit l’utilisation du produit
d’amplification de la région N comme sonde spécifique.
Plus
récemment ont été mises au point des techniques semi-quantitatives
par compétition utilisant un standard interne, ou quantitatives par
PCR quantitative dont la place dans la stratification thérapeutique
des leucémies aiguës reste à préciser.
Il faut juste signaler que la
stratégie spécifique de la région CDR3, soit par hybridation, soit par
PCR quantitative, est plus spécifique et plus sensible (de l’ordre de
10-4 à 10-5 soit une cellule maligne pour 10 000 à 100 000 cellules
normales par rapport à 10-3) mais a l’inconvénient de détecter
seulement le clone de départ.
2- Évolution clonale
:
La comparaison par la méthode de Southern et/ou par PCR des
réarrangements des gènes d’Ig ou du TCR dans les tumeurs
lymphoïdes lors du diagnostic et de la rechute, peut permettre de
déterminer si la rechute représente la réapparition du même clone
ou son remplacement par un autre clone.
L’apparition d’un nouveau
réarrangement des gènes d’Ig ou du TCR peut représenter soit une
modification du réarrangement majoritaire, soit l’émergence d’un
sous-clone minoritaire pouvant être sélectionné par une résistance à
la chimiothérapie.
La mise en évidence de certaines anomalies
moléculaires, telles que les mutations ponctuelles de l’anti-oncogène
p53 lors d’une rechute, permet de caractériser l’apparition de
clones plus agressifs.
Ces anomalies moléculaires sont souvent
corrélées avec une aggravation clinique ou l’acquisition de nouvelles
anomalies caryotypiques.
3- Détection de la résistance aux drogues
:
L’analyse des mécanismes de résistance à la chimiothérapie reste
pour l’instant confinée aux laboratoires de recherche.
Certains gènes
responsables de l’efflux des agents cytotoxiques des cellules
hématopoïétiques, comme mdr-1 (pour multidrug resistance), ont été
identifiés.
L’expression de mdr-1 peut être détectée par des
techniques d’immunohistochimie au niveau protéique ; par
hybridation in situ ; par dot-blot ou par RT-PCR au niveau de l’ARN
messager ; et par mesure de la vitesse d’efflux d’un fluorochrome au
niveau de l’analyse fonctionnelle.
Une hyperexpression est
observée fréquemment lors de la rechute des LAM, des myélomes
et des lymphomes.
Au diagnostic des LAM, l’hyperexpression de
mdr-1 représente un facteur de mauvais pronostic qui prédit une
résistance à la chimiothérapie.
Il reste donc à déterminer quelle
technique sera la plus fiable pour l’analyse en routine des malades.
4- Évaluation moléculaire postallogreffe :
Il est parfois important de déterminer si la reconstitution
hématopoïétique après allogreffe est celle du receveur ou du
donneur.
S’il existe une différence de sexe entre le receveur et le
donneur, cette analyse peut se faire par détection du chromosome Y,
soit par marquage à la quinacrine sur métaphase, soit par FISH sur
noyau interphasique avec une sonde Y.
Quand il n’y a pas de
différence de sexe, la distinction entre l’hématopoïèse de type
receveur ou de type donneur se faisait historiquement à l’aide des minisatellites (VNTR), mais de plus en plus elle se fait par étude des
microsatellites (STR).
Perspectives d’avenir :
L’analyse moléculaire des gènes impliqués dans l’oncogenèse
hématopoïétique a permis d’identifier des anomalies à différents
niveaux de la fonction cellulaire :
– anomalies de l’expression des récepteurs de surface ;
– anomalies de la transmission des signaux d’activation ;
– anomalies de localisation intranucléaire des protéines ;
– anomalies impliquant les facteurs de transcription ;
– dérégulation du cycle cellulaire ;
– inhibition de l’apoptose.
L’identification de ces anomalies, plus ou moins spécifiques des
tumeurs, permettra le développement de stratégies thérapeutiques
adaptées.
Ainsi la démonstration dans les LAM M3, caractérisées
par une translocation impliquant le récepteur a de l’acide rétinoïque
(RAR a), qu’il est possible de traiter les malades par de l’acide
rétinoïque tout-trans, et d’induire ainsi une différenciation des
blastes promyélocytaires vers des formes granulocytaires plus
matures, illustre une application thérapeutique des observations
plus fondamentales.
Des développements dans le domaine de la
thérapie génique ont déjà permis le remplacement d’un gène
déficitaire dans un syndrome d’immunodéficience congénitale
(déficit en adénosine désaminase), et il est à espérer que cette
stratégie puisse éventuellement être appliquée au remplacement des antioncogènes déficitaires dans les tumeurs hématopoïétiques.
De la
même manière, l’utilisation de constructions antisens, soit par
l’injection d’oligonucléotides, soit par l’expression de vecteurs
antisens, permettra peut-être une inhibition de l’expression ou des
effets des oncogènes.