La distribution rétinienne des fibres optiques et leur organisation
à la papille et dans le nerf optique rendent compte
de la topographie des déficits fasciculaires des voies
optiques antérieures.
• À partir de la rétine, on note l’individualisation du faisceau
papillo-maculaire, des faisceaux temporaux supérieur
et inférieur (qui entourent le faisceau papillo-maculaire et
ne s’entrecroisent pas au raphé horizontal temporal) tandis
que les faisceaux nasaux supérieur et inférieur se dirigent
en rayon de roue vers la papille.
• Dans le nerf optique, les faisceaux temporaux et nasaux
restent individualisés respectivement le long du bord
externe et interne du nerf entourant le faisceau maculaire
qui est devenu central.
• Au chiasma, les fibres d’origine temporale restent le long
du bord externe du chiasma et vont dans la bandelette
homolatérale.
Les fibres d’origine nasale vont se croiser
pour aller dans la bandelette controlatérale et le faisceau
nasal supérieur décusse très précocement pour former dans
le nerf optique controlatéral un « genou » qui explique la
topographie des atteintes de l’angle antérieur du chiasma.
Le faisceau maculaire se divise en deux parties égales destinées
à chacune des bandelettes.
• Dans les bandelettes, le faisceau maculaire se place en
coin supérieur et les fibres des hémi-rétines droite et gauche
correspondant aux hémi-champs droit et gauche vont se
regrouper.
Les fibres venant des hémi-champs visuels inférieurs
sont plus parfaitement réunies que celles venant des
hémi-champs visuels supérieurs.
• Aux corps genouillés externes, le champ visuel supérieur
est interne et le champ visuel inférieur est externe.
La
macula se projette sur toutes les couches.
On note qu’à partir des bandelettes, il y a conjugaison des
faisceaux correspondant aux portions des deux rétines qui
regardent dans la même direction (bandelette droite = moitié
gauche du champ) avec regroupement des fibres originaires
des hémirétines soit supérieures soit inférieures.
• Dans les radiations optiques, les fibres sont étalées en
une large lame, celles d’origine supérieure et celles d’origine
inférieure étant bien séparées.
Les fibres d’origine
inférieure vont décrire dans le lobe temporal une boucle :
l’anse de Meyer.
Les fibres inférieures passent par le lobe
pariétal.
• Au cortex occipital, les fibres supérieures (moitié supérieure
de la rétine qui regarde la moitié inférieure de l’espace)
gagnent la lèvre supérieure de la scissure calcarine.
Les fibres maculaires se terminent à la partie postérieure
de la scissure et débordent largement en superficie.
Il y a
d’ailleurs une hypertrophie de la représentation maculaire.
Les fibres correspondant à l’extrême périphérie du champ
visuel temporal monoculaire (fibres de la demi-lune) se
projettent sur la partie la plus antérieure de la scissure calcarine).
Relevé du champ visuel
:
• La méthode par confrontation au doigt ou à la boule
permet d’évoquer l’existence d’un important déficit hémianopsique.
Le champ visuel de l’examinateur sert de référence.
• L’utilisation d’un carton d’Amsler ou d’une simple
feuille de papier quadrillé permet d’évoquer l’existence
d’un scotome central qui se traduit par l’absence de vision
centrale du quadrillage..
• La méthode de choix pour le relevé précis du champ
visuel, en particulier en neuro-ophtalmologie, reste le
périmètre de Goldmann ; l’oeil exploré est placé au centre
d’une coupole sur laquelle sont présentés des tests lumineux
de taille et d’intensité variables, du non-vu au vu (périmètre cinétique).
Le relevé du champ visuel au périmètre de Goldmann comporte autour
du point de fixation central (vu par la
macula) le tracé d’isoptères correspondant à des lignes
d’égale sensibilité comme les courbes de niveaux égaux en
cartographie.
L’isoptère le plus périphérique marque les
limites du champ visuel qui émerge dans un océan de non
vu.
Plus on se rapproche du point de fixation, plus le stimulus
nécessaire pour avoir une réponse est faible, ce qui
marque une augmentation de la sensibilité rétinienne de la
périphérie vers la macula.
Un accident est constitué par le
scotome absolu de la tache aveugle : c’est la trace dans le
champ visuel de la papille, là où il n’y a pas de rétine mais
rassemblement de l’ensemble des fibres optiques provenant
de toutes les parties de la rétine.
• Les appareils automatisés de relevé du champ visuel,
d’apparition récente, ont surtout de l’intérêt pour le spécialiste
à la recherche des signes de début du glaucome.
Ils
présentent dans l’aire de 30° autour du point de fixation
des stimulus lumineux fixes (périmétrie statique) dont l’intensité
peut être modulée.
Ils ont l’avantage d’explorer plus
particulièrement l’aire de Bjerrum qui est celle où se localisent
les déficits les plus précoces du glaucome.
Pathologies rétiniennes et glaucome
:
Des pathologies oculaires accessibles à l’examen du fond
d’oeil et donc immédiatement reconnues peuvent entraîner
des anomalies du champ visuel. Nous citerons :
• Le décollement de rétine qui entraîne une amputation du
champ visuel proportionnelle à l’étendue de la rétine décollée
dans l’oeil concerné.
• Une maculopathie, plus souvent liée à l’âge qu’héréditaire,
peut être responsable d’un scotome central plus ou
moins dense déjà retrouvé aux cartons d’Amsler.
Elle sera confirmée par l’observation de la région maculaire.
• Un foyer de choriorétinite entraînera un déficit localisé
correspondant à la lésion rétinienne.
• Au cours de la rétinite pigmentaire, il faut connaître le
déficit annulaire périphérique du champ visuel et, en fin
d’évolution, le champ tubulaire restant, bilatéral.
La présence
de taches pigmentées anormales au fond d’oeil signe
le diagnostic.
• Le glaucome chronique à angle ouvert est une neuropathie
optique antérieure liée à une hypertonie oculaire et il
entraîne des déficits fasciculaires dont le début est insidieux
dans la zone du faisceau arqué.
Il est confirmé par la prise
du tonus oculaire et par l’aspect excavé de la papille optique.
Pathologie des voies optiques
:
A - Voies optiques antérieures :
Ce sont la papille et le nerf optique dans leur trajet orbitaire
et dans le canal optique.
1- Orientation localisatrice :
Les déficits sont de type fasciculaire, c’est-à-dire conditionnés
par l’organisation de fibres optiques, leur convergence
vers la papille, puis leur localisation à l’intérieur du
nerf optique.
La figure ci-après montre la disposition des
fibres rétiniennes et leur mode d’entrée dans le nerf optique.
Les déficits fasciculaires sont de trois types :
• Déficit du faisceau papillo-maculaire
:
– scotome central et scotome cæcocentral ;
– scotome paracentral.
Dans les névrites rétrobulbaires, le faisceau maculaire est
le plus fragile.
• Déficit du faisceau arqué :
– scotome de Bjerrum arciforme en cimier de casque à 15°
du point de fixation ;
– scotome de Seidel ;
– marche nasale ;
– scotome isolé dans l’aire de Bjerrum ;
– scotome quadrantique nasal partant de la tache aveugle.
En fait, les déficits fasciculaires du faisceau arqué, caractéristiques
de l’atteinte du nerf optique, partent de la tache
aveugle, peuvent chevaucher le méridien vertical passant
par le point de fixation et éclater dans le champ nasal sans
franchir le méridien horizontal.
Il importe donc, devant un déficit quadrantique nasal de
savoir si ce déficit rejoint ou non la tache aveugle pour localiser
au nerf optique l’origine du déficit.
2- Orientation étiologique :
• L’atteinte du faisceau papillo-maculaire seul oriente
vers les neuropathies optiques héréditaires (dont la maladie
de Leber), les neuropathies toxiques ou nutritionnelles
et les neuropathies optiques inflammatoires (sclérose en
plaque chez une femme jeune).
• Un scotome central isolé évoque une maculopathie
confirmée par l’examen du fond d’oeil.
• L’atteinte du faisceau papillo-maculaire associée à un
autre déficit évoque une neuropathie ischémique chez le
sujet âgé (liée dans 25 % des cas à une maladie de Horton)
ou une pression du nerf optique à tout âge.
• L’absence d’atteinte du faisceau papillo-maculaire
évoque un glaucome chronique à angle ouvert et, là encore,
l’examen du fond d’oeil avec l’excavation papillaire aide
au diagnostic.
• Dans la pathologie de la voie optique antérieure, l’atteinte
peut être strictement unilatérale ou bilatérale dépendant
de la cause.
• Les neuropathies optiques inflammatoires (dont la sclérose
en plaques) peuvent être unilatérales ou le rester.
• Une neuropathie optique glaucomateuse peut avoir un
début unilatéral puis se bilatéraliser.
• Une neuropathie optique héréditaire ou toxique est souvent
d’emblée ou rapidement bilatérale.
B - Région chiasmatique :
Elle concerne le nerf optique intracrânien, le chiasma et le
début des bandelettes optiques.
Cette baisse d’acuité visuelle unilatérale souvent lentement
progressive peut être le premier signe d’une compression
chiasmatique.
Devant cette baisse d’acuité visuelle, le champ visuel reste
la clé du diagnostic clinique de la localisation à la région
chiasmatique de la souffrance des voies optiques.
1- Orientation localisatrice :
Quatre types de déficit du champ visuel caractérisent la
souffrance de la région du chiasma.
• Le scotome central unilatéral, d’apparition lentement
progressive avec le champ controlatéral normal, traduit la
compression du nerf optique intracrânien.
• Le scotome de jonction : ce scotome central ipsilatéral à
la compression est accompagné par un déficit du champ
supéro-temporal opposé (les fibres nasales croisées de
l’autre font une boucle dans le nerf optique opposé).
• L’hémianopsie bitemporale réalise l’aspect classique
du déficit localisé au chiasma.
Mais elle est rarement
isolée sans atteinte centrale au moins d’un côté.
L’hémianopsie
bilatérale peut être complète ou incomplète, scotomateuse,
symétrique ou non.
• L’hémianopsie latérale homonyme incongruente
est une hémianopsie asymétrique.
Elle traduit l'atteinte des
bandelettes optiques en arrière du chiasma.
2- Orientation diagnostique :
La localisation à la région du chiasma à l’atteinte des voies
optiques évoque avant tout une tumeur.
Parmi les tumeurs cérébrales, 25 % sont localisées à la région chiasmatique
et la moitié d’entre elles entraînent initialement une baisse
d’acuité visuelle.
Les tumeurs de l’hypophyse (adénome) sont les plus fréquentes
(50 à 55 %), suivies par les craniopharyngiomes
(20 %), les méningiomes (10 %) et les gliomes du chiasma
(7 %).
Les autres causes de souffrance chiasmatique : anévrisme, arachnoïdite optochiasmatique, inflammation (dont
la sclérose en plaque), traumatisme, sont beaucoup plus rares.
C - Voies optiques rétrochiasmatiques :
Les atteintes postérieures au chiasma produisent des hémianopsies
latérales homonymes.
L’hémianopsie latérale
homonyme est rarement perçue comme telle, sauf si elle
est massive et d’apparition brutale.
Le plus souvent, le
patient accuse une gêne visuelle parfois à la lecture: une
hémianopsie latérale homonyme droite entraîne une difficulté
à trouver le mot suivant et l’hémianopsie latérale homonyme gauche rend difficile la localisation du début
de la ligne suivante.
Une baisse d’acuité visuelle peut se
voir dans deux circonstances : soit lors d’une lésion antérieure
des bandelettes optiques avec atteinte associée au
chiasma, soit en cas de lésion occipitale bilatérale.
Ailleurs,
il y a souvent partage maculaire ou épargne maculaire et
l’acuité visuelle est maintenue.
1- Orientation localisatrice :
La notion de congruence qui ressort de la comparaison du
déficit dans les deux champs homonymes atteints donne
une orientation de localisation.
Plus la congruence est
grande, c’est-à-dire qu’il y a similitude dans l’étendue du
déficit, plus la lésion est postérieure.
Par ailleurs, les signes
neurologiques spécifiques à chaque localisation aident au
diagnostic topographique.
• L’atteinte des corps genouillés externes est rare et
entraîne soit une hémianopsie latérale homonyme incongruente,
soit un déficit sectoriel homonyme et horizontal.
• Le déficit typique du lobe temporal est une hémianopsie
latérale homonyme quadrantique supérieure.
Ce
déficit est lié à l’atteinte des fibres inférieures (correspondant
au champ visuel supérieur) qui forment, dans la partie
antérieure du lobe temporal, l’anse de Meyer.
Une
atteinte plus massive du lobe temporal donnera une hémianopsie
plus étendue mais qui restera plus dense en haut.
• Le déficit du lobe pariétal est une hémianopsie latérale
homonyme quadrantique inférieure du côté opposé à la
lésion.
En effet, les fibres visuelles supérieures gagnent
directement le lobe pariétal pour se placer à la partie supérieure
des radiations optiques.
Si le déficit est plus étendue,
plus ou moins congruent, il restera plus dense en inférieur.
Le signe neurologique associé d’une grande valeur
localisatrice est une asymétrie dans le nystagmus induit par
le déplacement d’un stimulus dans la direction du lobe
pariétal lésé.
• L’atteinte du lobe occipital est caractérisé par une
congruence maximale.
Les particularités suivantes sont notées :
– l’épargne maculaire et définie par la limite verticale de
l’hémianopsie qui ne passe pas strictement par le point de
fixation ;
– les fibres monoculaires de la demi-lune se terminent sur
la partie la plus antérieure du cortex visuel.
Elles correspondent
à la périphérie extrême nasale de la rétine et donc
à l’extrémité du champ visuel temporal.
On peut donc avoir
une atteinte isolée, unilatérale de la demi-lune opposée à
la lésion.
L’hémianopsie latérale homonyme provenant
d’une atteinte du lobe occipital peut être plus ou moins
étendue, congruente avec épargne maculaire, parfois elle
peut être scotomateuse.
Elle peut aussi être bilatérale avec
épargne maculaire double.
2- Orientation étiologique :
Le type de déficit peut orienter : les déficits larges et denses
sont les plus souvent vasculaires.
Les déficits plus discrets, scotomateux, parfois à pente douce, sont plus volontiers
liés à une compression par une tumeur (méningiome de la faux, métastases, glioblastome).
Le contexte clinique garde
une importance capitale.
• L’hémianopsie latérale isolée est presque toujours d’origine
vasculaire, 3 fois sur 4 ischémique et une fois sur 4
hémorragique.
• L’hémianopsie latérale homonyme accompagnée
d’autres signes neurologiques peut être d’étiologie vasculaire
mais aussi tumorale.
Le contexte neurologique varie
selon la localisation et va des hallucinations visuelles et
auditives des tumeurs temporales aux crises d’épilepsies
jacksoniennes des tumeurs pariétales.
Les tumeurs occipitales
peuvent s’accompagner d'hallucinations visuelles mal
figurées et de troubles gnosiques.
Les autres étiologies,
traumatismes (en particulier occipitaux) ou malformations
vasculaires (angiome) sont plus rares.
On trouve enfin des
hémianopsies latérales homonymes, dans les affections
neurologiques souvent dégénératives (sclérose en plaques,
maladie de Schilder, leucodystrophie, démence sénile,
encéphalite et leuco-encéphalite) où elles sont noyées dans
un contexte neurologique complexe et (ou) peuvent être
bilatérales et confinent alors à la cécité corticale.