Anémies macrocytaires carentielles Cours
d'hématologie
Introduction
:
Les carences en folates et/ou en vitamine B12 (cobalamines [Cbl])
sont parmi les causes les plus fréquentes d’anémie macrocytaire.
Classiquement, la macrocytose sanguine s’accompagne d’une
mégaloblastose médullaire témoignant d’une anomalie de
biosynthèse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et de ce fait d’un
trouble de division cellulaire.
La présence d’une macrocytose, et
surtout d’une anémie, témoigne de réserves vitaminiques effondrées.
C’est pourquoi l’absence d’anémie ou même de macrocytose n’exclut
pas une carence en l’une de ces deux vitamines ; le diagnostic peut
être fait précocement sur des taux de vitamines diminués avant
l’apparition de signes hématologiques, la carence ayant été suspectée
dans un contexte de pathologies auto-immunes (maladie de
Biermer), de maladies neurologiques ou psychiatriques, de
dépression, de cancer, de certaines malformations, notamment de
malformations du tube neural, d’accidents thromboemboliques.
Une anémie macrocytaire mégaloblastique peut être aussi
consécutive à une affection congénitale, comme l’oroticoacidurie ou
l’anémie mégaloblastique thiamine dépendante.
Une anémie macrocytaire est fréquemment observée en dehors de
toute pathologie carentielle, notamment dans plusieurs affections
hématologiques : syndromes myélodysplasiques, leucémies, aplasies
médullaires ….
L’anémie macrocytaire peut être consécutive à
l’administration de certains médicaments bloquant la biosynthèse
de l’ADN.
Une macrocytose peut parfois accompagner une anémie fortement régénérative, le volume globulaire moyen (VGM) du
réticulocyte étant plus élevé que celui de l’hématie mûre.
La cause
la plus fréquente de macrocytose ou d’anémie macrocytaire reste
cependant l’alcoolisme, qu’il soit ou non associé à une carence en
folates d’origine nutritionnelle.
Métabolisme de la vitamine B12
et des folates :
A -
VITAMINE B12
:
Elle correspond à un groupe de composés, les Cbl, qui ont en
commun la même structure de base, un noyau corrine avec au centre
un atome de cobalt (Co) auquel sont rattachés une partie
nucléotidique spécifique, la diméthylbenzimidazole, et différents
radicaux, méthyl, désoxyadénosyl, nitrile ou hydroxo.
La méthyl et le 5’désoxyadénosyl Cbl sont les deux formes
physiologiquement actives, alors que la cyano et l’hydroxo Cbl sont
des formes thérapeutiques.
Outre les Cbl, il existe des analogues
physiologiquement inactifs, différant par la partie nucléotidique.
La vitamine B12 est synthétisée par les micro-organismes, d’où sa
présence en grandes quantités dans les protéines animales telles que
le foie et la viande de boeuf, les poissons.
Les oeufs et les produits
laitiers contiennent aussi de la vitamine B12, mais à un degré
moindre, alors que le règne végétal en est totalement dépourvu.
La vitamine B12 présente dans les aliments est complexée à des
protéines et libérée à pH acide dans l’estomac pour se lier à deux
ligands spécifiques :
– une glycoprotéine synthétisée par les cellules pariétales du
fundus, le facteur intrinsèque (FI), indispensable à l’absorption des Cbl ;
– une glycoprotéine appelée protéine R, ou encore cobalophiline ou
haptocorrine, présente dans le suc gastrique, protéine liant aussi bien
la vitamine B12 que les analogues non physiologiques.
La vitamine B12 complexée aux protéines R est libérée dans l’intestin
par les protéases pancréatiques pour se lier à nouveau au FI.
Le
complexe FI-B12 se fixe sur un récepteur endocytique dénommé
cubiline.
La cubiline, protéine de 460 kDa, est localisée sur la
membrane apicale de la bordure en brosse de l’iléon, mais est aussi
fortement exprimée au niveau du rein et du sac vitellin.
Le récepteur
permet l’internalisation dans l’iléon distal du complexe FI-Cbl.
Seule
la vitamine B12 passe dans le sang portal liée à une protéine, la transcobalamine II (TCII), synthétisée notamment par les cellules
endothéliales veineuses, alors que le FI n’est pas absorbé.
La TCII délivre la vitamine B12 à la moelle osseuse et aux autres
tissus par un processus d’endocytose, via un récepteur spécifique
synthétisé par les cellules.
La TCII subit en grande partie une
digestion lysosomiale, alors que les Cbl intracellulaires sont
transformées en formes actives, méthyl Cbl et adénosyl Cbl, après
réduction de l’atome de Co de l’état trivalent, Co(III)balamine, à
l’état divalent, Co(II)balamine, puis monovalent, Co(I)balamine.
La
synthèse de la méthyl Cbl a lieu dans le cytoplasme, tandis que celle
de l’adénosyl Cbl a lieu dans la mitochondrie.
Les formes
réduites de la vitamine B12 peuvent alors fixer des radicaux monocarbonés à l’intérieur de la cellule.
La TCII délivre aussi une
grande partie de la B12 au foie, qui est l’organe de stockage essentiel.
Les réserves en vitamine B12, estimées entre 2 et 3 mg, sont
suffisantes pour 3-4 ans puisque les besoins quotidiens sont
relativement faibles, estimés entre 1 à 2 µg.
Les réserves en Cbl chez
le nouveau-né proviennent exclusivement du transfert
transplacentaire des Cbl de la mère, ces réserves étant suffisantes
aussi pour quelques années.
La vitamine B12 circulante est liée aussi à une autre glycoprotéine, la TCI, synthétisée en grande partie par la lignée granuleuse mais dont
le rôle fonctionnel n’est pas précisé.
Une isoprotéine de la TCI, la
TCIII, délivre aussi une partie de la B12 au foie. Les TCI et III sont
très voisines des protéines R.
B - FOLATES :
Les folates naturels et physiologiquement actifs sont des dérivés
hydrogénés de l’acide folique (acide ptéroylmonoglutamique ou
vitamine B9) sur lesquels sont greffés plusieurs résidus d’acide
glutamique.
Ce sont des ptéroylpolyglutamates réduits.
Les folates sont présents en grande quantité dans les légumes verts
frais, les fruits secs et frais, les céréales, le foie et le jaune d’oeuf.
Les laits de femme et de vache ont une teneur faible en folates alors que
le lait de chèvre en est totalement dépourvu.
Les folates sont très
labiles et facilement détruits par l’oxydation et l’ébullition
prolongée.
Les ptéroylpolyglutamates alimentaires sont absorbés au niveau du
jéjunum proximal.
Ils sont d’abord scindés dans l’entérocyte en
monoglutamates grâce à une enzyme, la ptéroylpolyglutamate
hydrolase ou conjugase, présente sur la bordure en brosse et dans
l’entérocyte.
Puis les folates sont transformés en une forme réduite,
le 5 méthyltétrahydrofolate.
Cette coenzyme folique est la forme
circulante et intracellulaire prépondérante et la forme de stockage
hépatique.
Ce dérivé pénètre dans la cellule grâce à une protéine
spécifique membranaire.
Il cède son méthyl pour assurer la synthèse
de la méthionine et devient le tétrahydrofolate (THF) qui est
polyglutamylé dans la cellule par la folylpolyglutamate synthase
(FPGS).
Les différentes coenzymes foliques sont en interrelation
étroite, un déficit en une des formes venant perturber le
métabolisme des folates.
Le transport des folates à l’intérieur des cellules est assuré par des
récepteurs des folates (folate receptors [FR]) anciennement dénommés
folate binding proteins (FBP).
Trois isoformes de FR ont été
identifiés chez l’homme, dénommés respectivement FR a, b et c.
Les
FR a et b sont ancrés sur la membrane cellulaire via le glycosylphosphatidylinositol (GPI), tandis que le FR c est sécrété.
Les FR a et b montrent des différences d’affinité, le FR a ayant une
affinité supérieure pour les formes physiologiques des folates.
Le
système de transport transcellulaire des folates inclut le transport à
travers l’intestin, le placenta, la barrière hématoméningée, les
cellules tubulaires rénales…
Les réserves en folates sont essentiellement hépatiques, estimées
entre 10 et 15 mg.
Elles sont relativement faibles par rapport aux
besoins quotidiens et suffisantes pour 4 mois environ.
Les besoins
quotidiens sont estimés à plus de 200 µg/j, mais sont nettement
supérieurs chez la femme enceinte.
Chez les nouveau-nés, les
réserves en folates sont constituées par le transfert transplacentaire
des folates maternels ; elles sont donc fonction du statut folique de
la mère.
Les besoins quotidiens chez le nouveau-né sont évalués au
cours de la première année aux alentours de 50 µg/j, mais ils sont
supérieurs chez les prématurés en raison de leur croissance
beaucoup plus rapide.
Fonctions des folates
et des cobalamines
:
Folates et cobalamines sont deux vitamines du groupe B ayant une
fonction de coenzyme assurant avec des enzymes spécifiques le
transfert de radicaux monocarbonés.
Le THF est la coenzyme de base, capable de fixer et de céder des
radicaux à un carbone.
Ces radicaux monocarbonés se fixent sur les
molécules d’azote 5 et 10, ou établissent un pont entre ces molécules
d’azote 5 et 10.
– Le 5 méthylTHF est impliqué dans la reméthylation de
l’homocystéine en méthionine via la méthylcobalamine et la
méthionine synthase.
La méthionine est alors convertie en Sadénosylméthionine (SAM) par la Sadénosylméthyltransférase.
La
SAM ainsi produite est impliquée dans différentes réactions de méthylation, puis convertie en Sadénosyl-homocystéine (SAH), qui
est un puissant inhibiteur des méthyltransférases SAM-dépendantes.
L’enzyme SAH hydrolase dégrade la SAH en adénosine et
homocystéine, elle-même reméthylée en méthionine ; dans le foie, la
conversion de l’homocystéine en méthionine est aussi catalysée par
l’homocystéine-bétaïne méthyltransférase, la bétaïne étant alors
convertie en diméthylglycine.
– Le 10 formylTHF participe au transfert de deux atomes de carbone
(C) du noyau purine, C2 et C8, en liaison avec deux enzymes
dénommées transformylases.
– Le THF est impliqué avec la sérine dans une réaction réversible
générant le 5,10 méthylèneTHF et la glycine, l’enzyme étant la sérine
hydroxyméthylase.
Le THF est un accepteur du groupement
formimino de l’acide formiminoglutamique, catabolite de l’histidine,
ce qui génère le 5,10 méthényl THF et ultérieurement le
10 formylTHF, les enzymes étant la formiminotransférase et la
cyclodésaminase.
– Le 5 formylTHF (acide folinique), seul dérivé folique réduit utilisé
en thérapeutique en raison de sa stabilité, entre dans le cycle des
folates réduits actifs après transformation par une enzyme, la
méthényl synthétase, en 5,10 méthénylTHF, lui-même en équilibre
avec le 10 formylTHF et le 5,10 méthylène THF.
– Le 5,10 méthylène THF est impliqué avec la thymidylate synthase
dans la synthèse du thymidylate (dMTP) et ultérieurement de
l’ADN à partir du désoxyuridylate (dUMP).
Cette réaction est une
étape clef dans la biosynthèse des pyrimidines et une étape limitante
dans la synthèse de l’ADN.
Le 5,10 méthylèneTHF est aussi réduit
par la méthylènetétrahydrofolate réductase (MTHFR) en
5 méthyl THF, impliqué dans la reméthylation de l’homocystéine.
– La méthylCbl, coenzyme de la méthionine synthase, transfère le
radical méthyl du 5 méthylTHF sur l’homocystéine.
– L’adénosylCbl, coenzyme de la méthylmalonyl CoA mutase, assure
la conversion de la méthylmalonylcoenzyme A (CoA) en
succinyl CoA.
Physiopathologie de la mégaloblastose
médullaire et de l’anémie
macrocytaire
:
La mégaloblastose médullaire et la macrocytose sanguine sont des
anomalies morphologiques consécutives à un trouble de synthèse
de l’ADN.
Le défaut de réplication de l’ADN entraîne une
diminution des divisions cellulaires des précurseurs médullaires,
expliquant la grande taille des cellules.
L’ADN est formé par polymérisation des quatre désoxynucléotides
triphosphates, dGTP, dATP, dCTP et dTTP. Une carence en folates
inhibe la synthèse du thymidylate (dTMP) qui, après
phosphorylation, génère du dTTP.
Cette étape est limitante dans la
biosynthèse de l’ADN car le dTMP provient du désoxyuridylate
(dUMP) dans la réaction utilisant la thymidylate synthase comme
enzyme et le 5,10 méthylène THF sous forme de polyglutamates
comme coenzyme.
La vitamine B12 impliquée dans la méthylation
de l’homocystéine en méthionine est nécessaire à la conversion du
méthylTHF en THF, et secondairement en 5,10 méthylèneTHF.
Une
carence en vitamine B12 ralentit donc la déméthylation du 5-méthylTHF, entraîne une accumulation de ce dérivé folique et
prive, de ce fait, la cellule de THF et de méthylèneTHF nécessaire à
la synthèse de l’ADN ; ce phénomène est dénommé « piège des
méthylfolates ».
L’anomalie de synthèse du dTMP induit alors une phosphorylation
du dUMP en dUTP et une incorporation fautive du dUTP dans
l’ADN en lieu et place du dTTP.
Cette incorporation indue
entraîne une dégradation de l’ADN quand le mécanisme d’excision
du dUTP et de réparation de l’ADN est dépassé.
Cette instabilité de
l’ADN est responsable de cassures chromatidiennes et
chromosomiques, comme le montre le nombre accru de
micronoyaux et de ce fait peut accroître le risque de cancers.
En
outre, la carence vitaminique induit une hypométhylation de l’ADN
par diminution de la SAM qui déstabilise l’ADN et rend la
cellule plus sensible à la cancérogenèse.
Outre la grande taille des cellules, la chromatine est fine et
décondensée.
Des anomalies cinétiques sont aussi observées dans
les carences en ces deux vitamines.
Les précurseurs médullaires sont
ralentis, voire arrêtés au niveau de la phase S et G2 du cycle
cellulaire, et une apoptose accrue a été rapportée.
Les cellules ont
alors une grande probabilité d’être phagocytées et détruites par les
macrophages de la moelle osseuse.
Il existe une hématopoïèse
inefficace en raison d’un taux élevé de mort cellulaire, d’où le
contraste entre une moelle riche en précurseurs et une anémie, voire
une pancytopénie périphérique.
Signes cliniques et complications
des carences vitaminiques :
A - SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE :
Le début est le plus souvent insidieux. Les signes et symptômes
d’anémie apparaissent progressivement.
Parfois, la carence peut être
découverte en l’absence d’anémie, voire de macrocytose, lors d’une
complication liée à la carence ou dans un contexte de maladie autoimmune,
comme c’est parfois le cas dans la maladie de Biermer.
La
carence est de plus en plus souvent diagnostiquée chez des malades
asymptomatiques, à l’occasion d’un hémogramme réalisé pour
d’autres motifs, qui révèle une macrocytose.
B - ANÉMIE :
Elle représente souvent l’essentiel du tableau clinique.
Elle se
développe habituellement progressivement, avec son cortège de
signes fonctionnels, dyspnée d’effort, angor éventuellement.
Elle
peut comporter une note hémolytique avec subictère, due à un
catabolisme exagéré de l’hémoglobine, lui-même consécutif à un
excès d’érythropoïèse inefficace dans la moelle osseuse.
Une
splénomégalie modérée est quelquefois notée.
Une pancytopénie
sévère d’apparition brutale peut démasquer une carence en folates
préexistante mais asymptomatique, notamment révélée lors d’un
épisode infectieux ou chez des malades en réanimation.
C - GLOSSITE ET AUTRES MANIFESTATIONS ASSOCIÉES :
Une glossite de Hunter avec langue lisse, dépapillée, vernissée, et
brûlure au contact de certains aliments, est fréquente, ainsi qu’une
stomatite angulaire.
Parfois il existe des troubles dyspeptiques avec
diarrhée et perte de poids, en relation avec une malabsorption due à
une anomalie des épithéliums. Une hyperpigmentation cutanée est
parfois notée.
La carence en vitamine B12 s’accompagne
généralement de stérilité réversible après vitaminothérapie.
D - SIGNES NEUROLOGIQUES :
Les signes d’atteinte neurologique à type de sclérose combinée de la
moelle sont surtout observés dans les carences en vitamine B12.
Ils
sont inconstants mais néanmoins préoccupants à cause du risque de
séquelles.
Ils apparaissent après traitement insuffisant ou inadéquat
de l’anémie, par exemple traitement par acide folique seul d’une
carence en vitamine B12.
Ils se manifestent même parfois en l’absence
de toute anémie, révélant la carence en vitamine B12
, ou à la
faveur d’une interruption prolongée de la vitaminothérapie.
Les
troubles sont localisés aux membres inférieurs.
L’atteinte des fibres
longues est prépondérante, responsable d’ataxie, de paresthésies,
d’aréflexie tendineuse, de troubles de la sensibilité profonde avec
signe de Romberg et perte de la sensibilité osseuse au diapason.
Le
syndrome pyramidal associé est souvent réduit à un signe de
Babinski bilatéral.
Le syndrome neuroanémique peut ne régresser
que partiellement malgré une vitaminothérapie B12 prolongée,
laissant des séquelles invalidantes.
Des neuropathies périphériques sont parfois observées, mais plus
fréquemment au cours des carences en folates.
Au cours de ces
dernières, des symptômes cérébelleux, et même de rares cas de
syndromes neuroanémiques, ont été rapportés.
Une névrite
optique avec perte progressive de la vision peut être aussi observée
essentiellement au cours des carences en vitamine B12.
La cause de
la neuropathie est incertaine.
Une des hypothèses est que la
neuropathie liée à la carence en B12 serait la conséquence d’un défaut
de conversion de la méthylmalonyl CoA en succinyl CoA, adénosyl
B12-dépendant, et d’une production excessive d’acides gras à nombre
impair de C.
Une autre hypothèse est que la neuropathie est en
relation avec une hypométhylation des protéines du système
nerveux.
Cette hypométhylation serait la conséquence du défaut de
conversion de l’homocystéine en méthionine et donc d’une synthèse
réduite de SAM et de taux accrus de SAH, avec réduction du
rapport SAM/SAH, diminution de la méthylation de la myéline, et
de ce fait démyélinisation.
À côté des signes neurologiques, des symptômes psychiatriques
divers sont rapportés : fatigue intellectuelle, pertes de mémoire,
syndrome dépressif, voire psychose et démence.
Les signes
psychiatriques peuvent apparaître même en l’absence d’anémie
et/ou de macrocytose. Ils sont améliorés, voire curables, par
vitaminothérapie.
La manifestation neuropsychiatrique la plus
couramment observée dans la carence en folates est la dépression.
Une prévalence élevée de carences en folates (15 % à 38 %) est
observée chez des sujets cliniquement déprimés, la plupart d’entre
eux ne présentant ni anémie, ni macrocytose.
Il est possible que cette
prévalence élevée de carences foliques soit le résultat d’une
dénutrition.
Le fait que la supplémentation folique améliore
l’humeur signifie qu’un statut folique déficitaire peut contribuer au
syndrome dépressif.
Outre l’acide folique, un traitement par la
SAM a montré une efficacité dans les syndromes dépressifs, ce qui
conduit à l’hypothèse que le mécanisme sous-jacent dans l’effet
antidépresseur des folates est la biosynthèse accrue de la SAM.
E - HYPERHOMOCYSTÉINÉMIE
ET CARENCES VITAMINIQUES :
Les carences en folates et surtout en vitamine B12 engendrent une
hyperhomocystéinémie en raison du défaut de méthylation de cet
aminoacide en méthionine.
Cette méthylation est dépendante à la fois du 5-méthyltétrahydrofolate et de la méthylcobalamine.
L’augmentation de l’homocystéine, dont les taux normaux dans le
plasma sont en moyenne de 10 µmol/L, est considérée, en cas
d’élévation, comme un facteur de risque de thromboses artérielles
et/ou veineuses et d’athérosclerose.
Ce risque est indépendant
des autres facteurs de risques connus.
Ce sont les anomalies congénitales portant sur ces métabolismes qui
ont permis de montrer que l’hyperhomocystéinémie était
responsable de thromboses artérielles et veineuses.
Un trouble de
la reméthylation par défaut de biosynthèse de la méthylcobalamine
(mutant Cbl E ou G), ou encore par déficit en MTHFR, entraînent
une hyperhomocystéinémie majeure.
À côté des déficits sévères en MTHFR liés à différentes mutations, il existe une forme
thermolabile de cette enzyme dénommée C677T résultant d’une
mutation sur l’exon 4 du gène changeant une alanine en valine.
Présente à l’état homozygote chez l0 à 15 % de la population
générale, cette mutation est considérée comme un facteur de
risque accru de thrombose.
En dehors des déficits congénitaux sévères, l’hyperhomocystéinémie
modérée peut généralement être corrigée par administration d’acide
folique, associé ou non à de l’hydroxocobalamine et de la vitamine
B6, coenzyme de la cystathionine synthase.
Il existe plusieurs
études corrélant le statut nutritionnel folique et le risque de maladies
cardiovasculaires.
Dans une étude canadienne portant sur
5 000 sujets des deux sexes, une association statistiquement
significative est apparue entre les taux de folates sériques et le risque
de maladies coronariennes fatales.
Une étude prospective portant
sur plus de 80 000 jeunes a révélé une corrélation inverse entre la
consommation de folates et de vitamine B6 d’une part, et la mortalité
et la mobidité dues à des maladies cardiovasculaires d’autre part,
sur une période de 14 ans.
La consommation de folates a été
corrélée de façon inverse avec le taux d’homocystéine plasmatique
et l’épaisseur de l’artère carotide.
Les conclusions tirées des différentes études établissent que
l’augmentation de la consommation de folates aurait un impact
favorable sur le taux de maladies coronaires.
C’est pourquoi un
enrichissement des aliments en folates a été entrepris aux États-Unis, dans le but de réduire non seulement le risque de maladies
vasculaires, mais aussi des malformations du tube neural chez les
foetus.
F - ANOMALIES DU DÉVELOPPEMENT
:
Un retard de développement psychomoteur, une hypotrophie staturopondérale, sont généralement observés chez les enfants ayant
des carences tissulaires en Cbl ou en folates, quelle que soit la cause.
La carence en folates au cours de la grossesse peut être associée avec
une hypotrophie foetale, des malformations congénitales et des
anomalies du développement, dont les mieux connus sont la spina
bifida et les anomalies apparentées.
C’est pourquoi la supplémentation périconceptionnelle en folates est de plus en plus
répandue, et réduit l’incidence de malformations du tube neural.
Même si le mécanisme n’a pas été clairement élucidé, la relation
entre carence en folates et anomalies du développement est si nette
qu’une action de Santé publique a été réalisée aux États-Unis et en
Grande-Bretagne pour que toutes les femmes susceptibles d’être
enceintes prennent des suppléments de folates.
G - DÉFICITS IMMUNITAIRES :
Une carence profonde en vitamine B12 et/ou en folates est souvent
associée à une diminution des immunoglobulines sériques dont le
taux se normalise après traitement.
Des anomalies de l’immunité
cellulaire, affectant soit les neutrophiles, soit les lymphocytes, ont
été rapportées chez les patients présentant une carence folique.
H - CARENCE EN FOLATES ET RISQUE DE CANCERS :
Il existe quelques travaux montrant que la carence en folates peut
être associée à une prédisposition accrue aux lésions précancéreuses
et cancéreuses dans plusieurs tissus épithéliaux.
Une étude a montré
qu’une supplémentation en folates et en vitamine B12 réduit les
anomalies morphologiques observées chez les fumeurs présentant
une métaplasie bronchique malpighienne.
La relation entre statut
folique et risque de cancer est surtout évidente dans le cas des
cancers colorectaux, même si la carence en folates n’est pas le facteur
causal unique de la cancérogenèse.
Elle peut contribuer au
développement du cancer, associée à d’autres facteurs.
Diagnostic d’une carence vitaminique :
A - DIAGNOSTIC HÉMATOLOGIQUE :
1- Hémogramme
:
Une anémie macrocytaire avec taux de réticulocytes bas ou normal
est le caractère habituel d’une carence vitaminique, quoique
plusieurs autres pathologies puissent être révélées ou associées à
une anémie macrocytaire.
À l’inverse, le VGM peut être normal et
l’anémie absente. Les taux de plaquettes et de globules blancs,
neutrophiles et lymphocytes, sont souvent diminués, essentiellement
au cours des carences profondes.
L’examen du frottis sanguin montre des anomalies
variées.
Les anomalies morphologiques des globules rouges
associent couramment une anisocytose, une macro-ovalocytose, une
poïkilocytose, une polychromasie, des hématies en « poire » et
souvent des corps de Jolly dans de nombreuses hématies témoignant
d’un trouble de division cellulaire.
Une schizocytose est souvent
présente, notamment dans les carences sévères en vitamine B12.
L’intensité de ces anomalies dépend du degré de l’anémie, et le VGM peut être parfois normal en raison de l’importante
schizocytose.
Une anémie dimorphe due à la coexistence d’une
carence en fer ou d’une thalassémie mineure peut expliquer aussi
un VGM normal ou bas, avec la présence de deux populations
cellulaires, macrocytes normochromes et microcytes hypochromes.
La lignée blanche n’est pas épargnée : les polynucléaires sont
souvent hypersegmentés, avec un noyau de cinq lobes ou plus.
Cette hypersegmentation des polynucléaires est un signe très précoce de
carence vitaminique, apparaissant avant l’anémie et même la
macrocytose, et pouvant persister plusieurs semaines, voire
plusieurs mois après traitement vitaminique.
2- Myélogramme :
La moelle osseuse est habituellement hypercellulaire avec un excès
d’érythroblastes immatures, la plupart de grande taille, d’où le nom
de mégaloblastes.
Les mégaloblastes se caractérisent par
asynchronisme entre la maturation du cytoplasme et celle du noyau.
En effet, le noyau garde une apparence immature avec chromatine fine et peu condensée à tous les stades de maturation,
tandis que la maturation du cytoplasme est normale.
La présence
d’érythroblastes binucléés ou multinucléés n’est pas rare et un excès
de mitoses est aussi observé.
Ces caractères cytologiques,
témoignant d’une dysérythropoïèse, sont les conséquences
morphologiques de l’anomalie de synthèse de l’ADN, responsable
de l’érythropoïèse inefficace et entraînant une mort intramédullaire
des érythroblastes.
Il existe un excès de fer non hémoglobinique
dans le cytoplasme des érythroblastes, dénommés alors sidéroblastes.
Ces grains de fer sont, soit dispersés dans le
cytoplasme, soit regroupés en couronne autour du noyau.
Les précurseurs de la lignée granuleuse sont aussi de grande taille,
notamment les métamyélocytes et les myélocytes.
Le terme
de métamyélocytes géants est habituellement utilisé.
Chez les
patients peu ou non anémiques, les modifications morphologiques
sont plus discrètes, voire absentes, la moelle montrant alors quelques
mégaloblastes de taille intermédiaire dénommés macroblastes, mais
les métamyélocytes géants et les polynucléaires hypersegmentés
sont habituellement présents.
B - DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE :
1- Dosages vitaminiques
:
Ils sont réalisés dans le sérum pour la vitamine B12 et les folates,
mais aussi dans les érythrocytes pour les folates.
En effet, le taux de folates érythrocytaires est un reflet plus fidèle des réserves de
l’organisme en folates que les folates sériques soumis à des
fluctuations rapides sous l’effet des variations de régime, ou de la
prise de certains médicaments.
Plus rarement est pratiqué un dosage de folates dans le liquide
céphalorachidien, où les concentrations sont trois à quatre fois
supérieures à celles du sérum.
Le taux des folates intrarachidiens a
un intérêt dans le diagnostic et le suivi d’anomalies congénitales
des folates, un taux abaissé étant associé à des troubles
neurologiques ; il peut avoir aussi un intérêt dans le diagnostic de
toxicité liée au méthotrexate, leucoencéphalopathie notamment.
Dans les carences en folates, le taux des folates dans le sérum et
dans les hématies est diminué, tandis que le taux de vitamine B12 sérique est normal.
Dans les carences en vitamine B12, le taux de
vitamine B12 dans le sérum est diminué, tandis que le taux de folates
sériques est normal ou augmenté en raison du piège des
méthylfolates.
Au contraire, le taux de folates
érythrocytaires est diminué en raison d’un défaut de synthèse des
polyglutamates dans les carences en vitamine B12.
Le taux de bilirubine non conjuguée est élevé, ainsi que celui du fer
sérique et de la ferritine.
Il en est de même du taux de lacticodéshydrogénase (LDH) sérique qui atteint des valeurs
excessivement élevées, surtout dans les carences profondes en
vitamine B12.
2- Dosage de deux métabolites : homocystéine et acide
méthylmalonique
Il tend à être inclus dans le bilan diagnostique d’une carence
vitaminique.
Le taux d’homocystéine est modérément élevé dans les
carences en folates et franchement élevé dans les carences en
vitamine B12, alors que l’acide méthylmalonique n’est élevé que
dans les carences en vitamine B12.
Ces tests
métaboliques sont utiles à plusieurs égards.
Ils permettent une
détection précoce de carence vitaminique tissulaire, notamment dans
des situations sans anémie ni macrocytose, avec seulement quelques
anomalies morphologiques discrètes ; à l’inverse, des taux normaux
de métabolites permettent souvent d’exclure une carence
vitaminique dans les cas inexpliqués d’hypovitaminémie B12 sérique,
comme c’est souvent le cas dans quelques pathologies
hématologiques, lymphoïdes et notamment dans le myélome ou
encore dans les cas d’hypofolatémies non carentielles, fréquemment
observées dans les syndromes myélodysplasiques.
3- Test de dU suppression
:
Ce test de suppression d’incorporation de thymidine tritiée (3HTdR)
par la désoxyuridine froide [dU] dans l’ADN n’est réalisé que dans
des laboratoires spécialisés.
Il s’effectue sur des cellules médullaires
obtenues lors de ponction de moelle osseuse en vue de l’examen
morphologique.
Il explore la synthèse de l’ADN via la synthèse du thymidylate à partir du désoxyuridylate.
Dans les cellules
médullaires normales, la dU froide, transformée en thymidylate,
supprime presque totalement l’incorporation dans l’ADN de 3HTdR
ajouté secondairement.
Au contraire, dans les cellules de patients
souffrant de carences vitaminiques, la dU suppression est
incomplète en raison du blocage de la conversion du
désoxyuridylate en thymidylate, voie directement folate-dépendante
et indirectement cobalamine-dépendante ; de ce fait, l’incorporation
de 3HTdR dans l’ADN est élevée.
Cette anomalie est corrigée par
l’addition de dérivés foliques en même temps que la dU dans les
cas de carence en folates et par addition de vitamine B12 ou d’acide
folinique dans les cas de carences en vitamine B12.
Ce test a l’avantage d’identifier la carence en cause en moins de
24 heures.
Il est normal dans les syndromes myélodysplasiques
malgré des taux fréquemment bas de folates, ou encore dans les
cas de taux bas de vitamine ne correspondant pas à une carence
tissulaire vraie.
C - DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :
Une fois la carence vitaminique identifiée, il importe de compléter
le bilan en vue d’aboutir au diagnostic étiologique.
L’interrogatoire
diététique est important pour éliminer une carence d’apport en l’une
de ces deux vitamines.
La malabsorption est la cause la plus
fréquente de carence en vitamine B12, maladie de Biermer ou autres
malabsorptions.
Le diagnostic de maladie de Biermer doit
comporter une fibroscopie avec biopsie gastrique complétée par une
recherche d’anticorps anticellules pariétales et anti-FI dans le sérum,
éventuellement par un tubage gastrique pour mesurer la chlorhydrie
libre et le débit de FI.
Naguère, le test de Schilling était couramment pratiqué pour
mesurer l’absorption de vitamine B12 radioactive administrée per os
par le biais de la mesure de la radioactivité urinaire.
Une excrétion
urinaire inférieure à 10 % de la radioactivité ingérée, et corrigée par
le FI exogène, est le signe d’une malabsorption d’origine gastrique,
alors que la non-correction par le FI exogène est le signe d’une
malabsorption instestinale.
Le test de Schilling tend à être abandonné car il oblige à utiliser du
FI d’origine humaine ou animale.
De toute façon, le test de Schilling
ne permet pas de reconnaître une malabsorption des Cbl contenues
dans les aliments, car il utilise de la vitamine B12 cristalline, alors
que celle-ci est fortement liée, dans les aliments, à des protéines.
C’est pourquoi des tests dérivés du test de Schilling ont été
proposés.
Ils sont plus physiologiques car ils utilisent, au lieu de la
vitamine B12 cristalline, de la vitamine B12 liée à des protéines
diverses (poulet, oeufs…).
Ils sont toutefois très rarement utilisés
en pratique.
La recherche d’une malabsorption de folates comporte une biopsie
de l’intestin grêle, à la recherche d’une atrophie villositaire,
éventuellement complétée par un test au d-xylose.
Causes des carences vitaminiques
:
A - CARENCE EN FOLATES :
Les carences d’apport sont la cause la plus fréquente de carence en
folates.
Elles sont dues, soit à une consommation insuffisante en
légumes verts, fruits frais et secs, pain et levures, soit à une
ébullition prolongée des aliments, qui détruit la majorité des folates
alimentaires.
Elles sont surtout le fait de sujets âgés dénutris ou
ayant des problèmes dentaires, de sujets alcooliques, ou encore de
personnes économiquement défavorisées.
La malabsorption de folates résulte d’une affection lésant l’intestin
grêle proximal, siège d’absorption des folates.
Une maladie
coeliaque, par exemple, peut être révélée par une anémie
macrocytaire associée à un taux diminué de folates sériques et
érythrocytaires.
Le dosage des folates constitue un bon test du suivi
du régime sans gluten au cours de la maladie coeliaque.
Les excès d’utilisation des folates sont observés dans des
circonstances physiologiques et pathologiques.
Les besoins en folates au cours de la grossesse sont accrus compte
tenu de l’utilisation des réserves de la mère par le foetus.
La réserve
en folates des prématurés est faible et responsable d’anémie
mégaloblastique précoce.
Les anémies hémolytiques congénitales ou acquises s’accompagnent
d’une surconsommation de folates, en relation avec une
érythropoïèse accrue du fait de l’hémolyse périphérique exagérée.
Les malades atteints de telles anémies sont systématiquement
supplémentés en acide folique.
Un excès de consommation de folates est aussi observé au cours de pathologies malignes, mais
dans ce cas, la supplémentation vitaminique est discutée, du fait
qu’elle pourrait favoriser la prolifération tumorale.
Les carences aiguës en folates surviennent chez des sujets ayant un
statut folique déficient, et apparaissent à la faveur d’un épisode infectieux.
Dans ces cas, ce sont généralement la thrombopénie
et/ou la neutropénie qui sont révélatrices de la carence en folates.
Ces carences surviennent surtout chez les malades en réanimation,
mais parfois chez des sujets « sains », et peuvent révéler une
affection sous-jacente telle qu’une maladie coeliaque.
Les carences médicamenteuses sont surtout le fait de médicaments antifoliques.
Le méthotrexate bloque le métabolisme des folates par
blocage de la dihydrofolate réductase.
L’utilisation de fortes
doses de méthotrexate implique de pratiquer un sauvetage par acide
folinique, le 5 formylTHF, forme réduite et active, afin d’éviter la
toxicité hématologique de ce médicament.
La pyriméthamine, et à
un degré moindre le triméthoprime, ayant une action antifolique sur
les germes ou les parasites, peuvent parfois induire une
pancytopénie avec anémie mégaloblastique.
La sulfasalazine est
responsable de malabsorption de folates.
Les affections congénitales des folates sont révélées le plus souvent par
des manifestations neurologiques diverses, convulsions, retard
psychomoteur, voire encéphalopathie, ainsi que par des
manifestations hématologiques.
Ces anomalies neurologiques
variées témoignent du rôle essentiel des folates dans le
développement et la maturation du système nerveux central.
Ainsi, le déficit en MTHFR, malgré le taux effondré des folates dans
le sérum, les érythrocytes et le liquide céphalorachidien, ne
s’accompagne jamais d’anémie macrocytaire mégaloblastique, en
raison de taux normaux de méthylèneTHF.
Cependant, les signes
neurologiques sont constamment présents, et amènent à faire un
bilan métabolique à la recherche d’une hyperhomocystéinémie et
d’une hyperhomocystéinurie.
D’autres déficits enzymatiques
portant sur le métabolisme des folates, comme le déficit en
dihydrofolate réductase, sont révélés par une anémie
mégaloblastique dans les premières semaines de la vie.
La malabsorption congénitale des folates est suspectée devant une
anémie macrocytaire mégaloblastique d’apparition très précoce.
Elle
est due à une malabsorption élective des folates, associée à un défaut
de transfert des folates à travers la barrière hématoméningée.
Elle
s’accompagne de taux très abaissés de folates sériques,
érythrocytaires et intrarachidiens.
Elle serait la conséquence d’une
mutation du récepteur-transporteur, le FR.
Le but du traitement est
de maintenir des taux de folates intrarachidiens dans les limites de
la normale, afin d’éviter les troubles neurologiques.
B - CARENCES EN VITAMINE B12
:
1- Carences d’apport
:
Elles sont rencontrées chez les sujets végétariens stricts, et
notamment chez les végétariens ne consommant aucun produit
lacté.
En effet, la vitamine B12 est présente dans les aliments d’origine
animale.
Ces carences d’apports sont surtout graves chez les
nouveau-nés de mères végétariennes qui peuvent présenter, dans
les premiers jours de la vie, une anémie macrocytaire
mégaloblastique sévère.
Elle est mieux tolérée chez les adultes en
raison d’une circulation entérohépatique de la vitamine B12.
2- Malabsorption de la vitamine B12
:
Elle est due, soit à un défaut de production de FI en raison d’une
gastrite atrophique ou d’une gastrectomie, soit à une lésion de l’iléon
distal, siège de l’absorption de la vitamine B12.
* Maladie de Biermer :
C’est la cause la plus fréquente des carences en vitamine B12.
Elle
résulte d’une malabsorption par gastrite atrophique d’origine autoimmune.
Le diagnostic est confirmé par une fibroscopie qui montre
une gastrite atrophique, et l’histologie montre en général une
infiltration de la lamina propria par des lymphocytes et des
plasmocytes et parfois une métaplasie intestinale.
Le tubage
gastrique révèle une achlorhydrie et une absence de sécrétion de FI.
La maladie de Biermer est surtout le fait de sujets âgés, de sexe
féminin, de groupe A, aux yeux bleus, mais cette affection peut se
voir à tout âge et dans toutes les ethnies.
Elle est souvent associée à
d’autres maladies auto-immunes, myxoedème, maladie
d’Hashimoto, vitiligo ; 90 % des malades ont des anticorps
anticellules pariétales dans le sérum dirigés contre l’ATPase H+/K+
et 50 % ont des autoanticorps anti-FI qui bloquent la liaison de la
vitamine B12 au FI.
Le taux de gastrine sérique est très élevé.
Il existe
une incidence accrue d’adénocarcinomes gastriques au cours de la
maladie de Biermer, et plus encore de tumeurs carcinoïdes
gastriques, d’où la nécessité d’une surveillance endoscopique tous
les 2 à 3 ans.
* Maladies congénitales affectant le métabolisme de la vitamine B12
:
Le déficit congénital en FI est responsable de malabsorption élective
de la vitamine B12, sans autre signe de malabsorption, la muqueuse
gastrique étant normale à la fibroscopie et à la biopsie.
Elle serait
due à une mutation du gène codant pour le FI entraînant, soit un
défaut de sécrétion de FI, soit une sécrétion de FI anormalement
sensible à la protéolyse.
Ce déficit congénital en FI est associé à une
anémie macrocytaire mégaloblastique apparaissant entre la première
année de la vie et l’adolescence, voire chez le jeune adulte.
La maladie d’Imerslund est une malabsorption élective de la vitamine
B12 au niveau de l’iléon distal, associée habituellement à une
protéinurie. Des mutations du gène de la cubiline ont été récemment
identifiées.
Les signes hématologiques et l’âge d’apparition sont
les mêmes que ceux du déficit en FI.
Le déficit en TCII, protéine nécessaire au transfert intracellulaire de
la vitamine B12, se manifeste aussi par une anémie macrocytaire
mégaloblastique dès les premiers jours ou les premières semaines
de la vie.
Des anomalies de biosynthèse intracellulaire des deux formes actives de
la vitamine B12, adénosyl et méthylcobalamine, ont été identifiées et
dénommées mutants Cbl. Ces mutants sont désignés par les
lettres alphabétiques A à G.
Les taux de vitamine B12 circulants sont
normaux, alors que les taux de méthyl et/ou d’adénosylcobalamine
intracellulaire sont très bas, responsables de ce fait d’homocystinurie
et/ou de méthylmalonylacidurie.
Seuls les mutants affectant la
synthèse de la méthylcobalamine sont responsables d’une anémie
macrocytaire mégaloblastique d’apparition très précoce, associée à
une hyperhomocystéinurie.
Traitement d’une carence vitaminique
:
Le traitement vise deux objectifs : corriger la carence et recharger les
réserves, et traiter si possible la cause de la carence.
La correction de
la carence est réalisée avec la vitamine appropriée, sauf en cas
d’urgence, c’est-à-dire de pancytopénie sévère et d’anémie profonde
mal tolérées.
Dans ces cas, les deux vitamines sont administrées
simultanément. Les transfusions ne sont pas nécessaires, sauf en cas
d’anémie très profonde et mal tolérée.
La réponse précoce au
traitement est évaluée sur l’ascension des réticulocytes, qui est
maximale entre le cinquième et le dixième jour, par la normalisation
du taux de globules blancs et de plaquettes entre le troisième et le
dixième jour, et par celle du taux d’hémoglobine entre le premier et
le deuxième mois.
La moelle redevient normoblastique en 48 heures,
mais les métamyélocytes géants et les polynucléaires
hypersegmentés persistent pendant plusieurs jours, voire pendant
plusieurs semaines.
La vitamine B12 est
utilisée par voie intramusculaire dans la majorité des cas, sauf en
cas d’allergie ou de traitement anticoagulant, où elle est remplacée
par la B12 par voie orale, aux mêmes doses mais quotidiennement.
L’acide folique est utilisé pour le traitement des carences, sauf en
cas d’accidents médicamenteux par médicaments antifoliques ou
lors de l’utilisation du méthotrexate à fortes doses, ou encore dans
les carences aiguës en folates.
Dans ce cas, elle est remplacée par
l’acide folinique injectable à des doses allant de 10 à 50 mg.
Autres anémies macrocytaires
mégaloblastiques de l’enfant :
A - ANÉMIE MÉGALOBLASTIQUE THIAMINE-DÉPENDANTE :
C’est une affection récessive autosomique caractérisée par une
anémie mégaloblastique résistant au traitement par acide folique et
vitamine B12 mais répondant à des doses pharmacologiques de
thiamine, et débutant généralement avant l’âge de 10 ans.
En fait,
cette anémie macrocytaire mégaloblastique à laquelle s’associent
parfois une sidéroblastose médullaire, une neutropénie et une
thrombopénie, est un des éléments d’une triade incluant un diabète
insulinodépendant et une surdité neurosensorielle.
À côté de ces
signes majeurs, de nombreuses autres manifestations peuvent être
observées : malformations cardiaques, anomalies du nerf optique et
de la rétine, convulsions, accidents vasculaires cérébraux, retard
psychomoteur, rendant compte du caractère diffus et multisystémique de l’affection.
Le chlorhydrate de thiamine, à raison de 25 à 100 mg/j administré
par voie orale, induit une correction rapide de l’anémie et améliore
nettement le diabète, permettant ainsi une diminution des doses
d’insuline.
L’effet sur la surdité dépend de la précocité du
traitement.
L’arrêt du traitement entraîne une rechute rapide de
l’anémie, ainsi qu’une plus grande dépendance vis-à-vis de
l’insuline.
Cette anémie mégaloblastique répondant à la thiamine, encore
appelée thiamine-responsive megaloblastic anemia (TRMA), ou
syndrome de Rogers, est due à une anomalie du transporteur de la
thiamine dans les cellules.
La base moléculaire de cette affection est
en relation avec des mutations identifiées sur le gène SLC 19 A2
présent sur le chromosome 1q23.3 qui code pour ce transporteur,
lui-même étant un membre de la famille des transporteurs des
folates réduits.
B - OROTICOACIDURIE CONGÉNITALE :
L’oroticoacidurie congénitale est une affection autosomique
récessive due à un déficit en uridine monophosphate (UMP)
synthase entraînant une anomalie de biosynthèse des acides
nucléiques.
Les enfants porteurs d’une telle anomalie ont une présentation
clinique assez homogène, caractérisée par une anémie macrocytaire
habituellement hypochrome malgré un taux de fer sérique normal.
La moelle est riche et mégaloblastique.
S’y associent un retard de
développement staturopondéral, un retard psychomoteur, et parfois
des troubles de l’immunité cellulaire responsables d’infections
sévères.
Des malformations cardiaques et un strabisme ont été aussi
rapportés.
L’anémie et l’oroticoacidurie répondent bien à l’administration
d’uridine par voie orale à la dose initiale de 100 à 150 mg/kg en
deux à trois prises, ultérieurement adaptée en fonction de l’acidurie
orotique.
C - SYNDROME DE LESCH-NYHAN :
Il résulte d’un déficit complet ou partiel en une enzyme de la voie
des purines, l’hypoxanthine phosphoribosyltransférase.
L’affection
est caractérisée par une hyperuricémie, des mouvements
choréoathétosiques, une spasticité, un retard mental et une
automutilation.
L’hyperuricémie entraîne une néphropathie
obstructive. Une anémie macrocytaire mégaloblastique peut
accompagner le syndrome de Lesch-Nyhan.
Cette anémie ne répond
pas à l’acide folique, malgré des taux bas de folates, mais peut
répondre à l’administration d’adénine.
D - SYNDROME DE PEARSON :
Le syndrome de Pearson est une maladie multisystémique de la
phosphorylation oxydative diagnostiquée chez de tout jeunes
enfants, et qui affecte essentiellement la moelle osseuse.
L’insuffisance médullaire se manifeste par une anémie macrocytaire
associée à des degrés variables de neutropénie et de thrombopénie.
L’examen du frottis médullaire montre une moelle riche avec de
nombreux sidéroblastes en couronne et des précurseurs érythroïdes
et myéloïdes très vacuolisés.
Cette affection survient de façon
sporadique sans évidence d’insuffisance médullaire chez les autres
membres de la famille.
Les malades atteints du syndrome de
Pearson peuvent mourir précocement d’insuffisance médullaire ou
de transfusions répétées.
Dans les premières années de la vie,
apparaissent une atteinte hépatique avec hépatomégalie et élévation des transaminases, une hypotrophie avec diarrhée et stéatorrhée
aboutissant au décès le plus souvent avant l’âge de 5 ans.
Certaines
formes d’évolution initialement moins sévères laissent apparaître,
avant l’âge de 10 ans, une insuffisance pancréatique, une myopathie
mitochondriale, ainsi qu’une atteinte neurologique (ataxie,
convulsions, régression mentale, surdité neurosensorielle).
L’existence d’une hyperlactacidémie avec élévation du rapport
lactate/pyruvate a fait découvrir que cet ensemble de symptômes
était en rapport avec une cytopathie mitochondriale par délétion de
l’ADN mitochondrial.
Anémies macrocytaires
non carentielles :
A - ANÉMIE MACROCYTAIRE DE L’ALCOOLISME
ET DES INSUFFISANCES HÉPATIQUES
OU THYROÏDIENNES :
L’alcoolisme est la cause la plus fréquente de macrocytose,
généralement en l’absence d’anémie.
Cette macrocytose est modérée,
dépassant rarement 105 fl.
Le mécanisme de cette macrocytose est
peu clair, quoique dans quelques cas il pourrait s’agir d’un excès de
dépôts lipidiques sur la membrane de l’érythrocyte. Parfois s’ajoute
une composante carentielle, carence en folates par malnutrition.
Dans ce cas, la macrocytose se corrige partiellement mais non
totalement.
Seul l’arrêt de l’exogénose améliore la macrocytose.
La macrocytose de l’alcoolisme doit être confirmée par un bilan
hépatique qui est perturbé, avec notamment élévation des gamma
GT.
Les hépatopathies s’accompagnent souvent d’une anémie
macrocytaire dont le mécanisme est multifactoriel : une carence en
folates est fréquente par défaut de stockage hépatique et excès de
pertes urinaires.
Une anémie macrocytaire isolée sans atteinte des lignées
leucocytaires et plaquettaires doit faire évoquer systématiquement
une insuffisance thyroïdienne, qui est confirmée par des examens
évaluant la fonction thyroïdienne.
Elle est corrigée après traitement
substitutif.
B - ANÉMIE MACROCYTAIRE DES HÉMOPATHIES GRAVES
:
Les syndromes myélodysplasiques (SMD) sont un groupe de maladies
dues à une atteinte de la cellule souche myéloïde et affectant surtout
le sujet âgé.
Elles surviennent habituellement de novo mais sont
parfois secondaires à une chimiothérapie et/ou une radiothérapie.
Elles sont caractérisées par une moelle riche, hypercellulaire,
contrastant avec une cytopénie périphérique en raison de
l’hématopoïèse inefficace.
Une anémie macrocytaire est très fréquente au cours de syndromes myélodysplasiques, anémie réfractaire avec ou sans excès de blastes,
anémie sidéroblastique idiopathique acquise, leucémie
myélomonocytaire chronique, souvent associée à une thrombopénie
et/ou une leucopénie.
Le diagnostic est rapidement fait sur l’aspect
du frottis de sang et de moelle.
Les érythrocytes sont macrocytaires
et non macrovalocytaires, les polynucléaires neutrophiles sont
souvent hyposegmentés et dégranulés.
Sur le myélogramme, la dysmyélopoïèse est évidente : dysgranulopoïèse avec précurseurs
granuleux souvent dégranulés, voire excès de blastes,
dysmégacaryocytopoïèse avec mégacaryocytes hypolobés,
micromégacaryocytes et dysérythropoïèse avec excès de
sidéroblastes en couronne.
L’anémie sidéroblastique idiopathique
acquise présente plus de 10 à 15 % de sidéroblastes en couronne,
une mégaloblastose fréquente, et comporte un risque important
d’hémochromatose post-transfusionnelle.
Les taux de vitamine B12
et de folates sont normaux. Des anomalies cytogénétiques sont
fréquemment retrouvées, surtout dans les SMD secondaires telles
qu’une perte partielle ou totale du chromosome 5, 7 ou une trisomie
8.
La perte d’une bande sur le chromosome 5, associée à une anémie
macrocytaire, un taux de plaquettes normal et la présence de micromégacaryocytes, appelée syndrome 5q-, est de bon pronostic.
Une anémie macrocytaire s’intégrant dans le cadre d’une aplasie
médullaire, d’une leucémie aiguë ou d’un myélome est confirmée sur
les données de l’hémogramme, du frottis sanguin et du
myélogramme, voire de la biopsie médullaire en cas de suspicion
d’aplasie médullaire.
C - ANÉMIES MACROCYTAIRES MÉDICAMENTEUSES :
Tous les médicaments qui bloquent la biosynthèse de l’ADN
induisent une anémie macrocytaire.
Outre les antifoliques, il faut
citer les médicaments qui bloquent la synthèse de pyrimidines ou
des purines tels que l’hydroxyurée, la cytosine arabinosine, la
6 mercaptopurine, le 5-fluorouracile et la zidovudine (AZT).
D - MACROCYTOSES INEXPLIQUÉES :
Il existe enfin quelques cas de macrocytoses qui restent inexpliquées
au terme d’un bilan biologique exhaustif.
Elles sont en général
bénignes. Une surveillance de l’hémogramme doit être pratiquée
tous les ans pour s’assurer qu’il n’y a aucune modification.
Conclusion
:
Une anémie macrocytaire est souvent le fait d’une carence en folates
et/ou en vitamine B12, qu’elle soit due à un défaut d’apport, à une
malabsorption, à un excès de consommation ou à une anomalie
congénitale d’un de ces métabolismes.
Cependant, une anémie
macrocytaire peut révéler ou accompagner d’autres pathologies,
notamment un syndrome myélodysplasique ou une autre pathologie
hématologique, un alcoolisme ou une insuffisance thyroïdienne.
L’examen du frottis sanguin et éventuellement de la moelle, complété
par un bilan biologique, permet d’identifier la cause de l’anémie
macrocytaire.
À l’inverse, l’absence d’anémie macrocytaire n’exclut pas
une carence vitaminique qui peut survenir dans des pathologies non
hématologiques.
Il est important dans ces cas de faire le diagnostic des
carences, afin d’instaurer une supplémentation vitaminique à visée
curative ou préventive.