Anémies hémolytiques auto-immunes Cours
d'hématologie
Historique
:
Les premières descriptions de la maladie sont françaises.
De nombreux
cas cliniques sont ensuite décrits un peu partout, insistant sur le caractère non
héréditaire de l’anémie hémolytique, mais le mécanisme immunologique de
l’hémolyse n’est pas soupçonné.
En 1938, Dameshek et Schwartz énoncent
le postulat surprenant de la responsabilité probable d’hémolysines anormales
dans le déclenchement des anémies hémolytiques acquises aiguës.
Leur
revue de 1940 fait le point de la question en reprenant toute la littérature
antérieure sur 95 pages et 380 références.
Mais l’incapacité de démontrer
la présence de ces hémolysines, faute de techniques adéquates, suscite la
réserve sinon le scepticisme de leurs contemporains.
La découverte du test à
l’antiglobuline et l’application de ce test aux malades atteints d’anémie
hémolytique vont définitivement leur donner raison en démontrant le rôle des
anticorps dans la physiopathologie de la maladie.
La présence d’anticorps
« incomplets » fixés sur les globules rouges devient alors le signe
pathognomonique de l’AHAI.
Cependant, la notion d’auto-immunité
n’est pas facile à accepter par le monde transfusionnel confronté aux anticorps
de l’allo-immunisation post-transfusionnelle et de la maladie hémolytique du
nouveau-né.
Mais quand Weiner apporte la preuve de la présence d’un
anticorps anti-e chez un patient de groupe CDe/CDe, la cause est entendue.
L’extension des connaissances se développe ensuite au fur et à mesure de
l’évolution des techniques.
Du point de vue thérapeutique, l’avènement de la corticothérapie a
complètement changé l’évolution de la maladie.
L’effet bénéfique de la splénectomie était déjà connu depuis longtemps, mais les complications
septiques, parfois fulminantes, après la splénectomie la rendaient redoutable.
Les immunosuppresseurs sont venus par la suite compléter la panoplie des
traitements.
Il existe, depuis 30 ans, une certaine stagnation dans
l’élaboration de nouvelles modalités thérapeutiques.
Définition
:
Les AHAI sont définies par la médiation immunologique de la destruction
globulaire, liée à la fixation d’autoanticorps à la surface des hématies sur des
antigènes de haute fréquence.
Cette fixation immune enclenche en cascade
une série de réactions aboutissant soit à la lyse directe des cellules dans la
circulation même (hémolyse intravasculaire), soit à leur phagocytose par le
système macrophagique (hémolyse extravasculaire ou tissulaire).
Les
fractions du complément sont souvent mises en jeu dans le mécanisme de
l’hémolyse immune.
Le terme d’AHAI devrait, stricto sensu, ne s’appliquer qu’aux états associant
une anémie, des signes d’hémolyse et la présence démontrée d’autoanticorps
antiérythrocytaires.
Cette définition est trop stricte car l’hémolyse peut être
compensée sans anémie apparente, l’autoanticorps peut être difficile à mettre
en évidence, sans pour autant justifier l’élimination du diagnostic.
À l’inverse,
l’existence isolée d’un test de Coombs positif ou d’un autoanticorps sérique
peut se voir chez des sujets normaux.
Épidémiologie
:
L’incidence annuelle est à peu près la même dans les différents pays :
1/75 000 au Danemark, 1/80 000 aux États-Unis, 2,6 pour
100 000 habitants par an en Suède.
En Angleterre l’incidence est inférieure à
2 pour 100 000 habitants avant l’âge de 40 ans et s’élève à 2 pour 100 000 à
70 ans.
Les enfants comme les adultes peuvent être atteints, depuis les premiers mois
de la vie jusqu’à plus de 80 ans, mais les formes idiopathiques sont plus volontiers l’apanage des sujets jeunes entre 15 et 30 ans, les formes
secondaires se voient plus volontiers chez les sujets âgés.
Comme pour d’autres maladies auto-immunes, on observe une prédominance
féminine avec un ratio femmes/hommes d’environ 60/100.
Classification
En raison de la grande variabilité desAHAI, il est habituel de les classer selon
trois axes.
A - Classification immunoclinique :
Elle est plus fondée sur l’activité thermique de l’autoanticorps en cause que
sur sa classe immunochimique.
On parle de l’autoanticorps responsable par
commodité, car en réalité les anticorps sont le plus souvent multiples,
polyclonaux même s’ils ont une spécifité apparemment unique.
L’exception à cette règle est la maladie des agglutinines « froides » où
l’anticorps responsable est une immunoglobuline (Ig) monoclonale.
1- Classification habituelle
:
On distingue donc les AHAI « chaudes » et les AHAI « froides » dites aussi
« cryopathiques ».
Cette distinction revêt autant un intérêt clinique que
biologique, chacune de ces deux grandes variétés possède un tableau clinique
et un traitement qui leur sont propres.
En règle générale, les AHAI « chaudes » sont dues à des autoanticorps de
nature immunoglobuline G (IgG), non agglutinants désignés comme
incomplets pour cette raison.
Ils sont actifs à 37 °C in vitro comme in vivo et
décelables par le test de Coombs direct.
Les AHAI « froides » sont
dues généralement à des autoanticorps de nature IgM agglutinant les hématies
à basse température, de manière optimale à 4 °C en milieu salin.
Ces
agglutinines « froides » ont la propriété de fixer et d’activer le complément
après leur liaison à leur récepteur antigénique.
À 37 °C et pratiquement audessus
de 20 à 25 °C, les agglutinines « froides » perdent leur pouvoir
agglutinant par désunion liée à la rupture de la configuration optimale de la
liaison antigène-anticorps, ne laissant derrière elles que des fractions
généralement inactivées du complément.
Si bien que le test de Coombs est
également positif mais seulement avec une antiglobuline reconnaissant le
complément.
Les agglutinines « froides » sont dosées dans le sérum : leur titre
est généralement élevé, supérieur au 1/1 000.
2- Exceptions et cas particuliers
:
Un certain nombre d’exceptions contrecarrent cette classification
immunologique par trop tranchée :
– les autoanticorps « chauds » de nature IgA peuvent être responsables du
même tableau clinique que celui des AHAI « chaudes » à IgG ;
– l’hémoglobinurie paroxystique a frigore (HPF) est due à un autoanticorps
IgG qui se fixe à froid mais qui n’active le complément qu’à chaud, d’où le
terme d’hémolysine biphasique donné à cet anticorps.
Cette variété est
moins rare qu’on ne le pensait surtout chez l’enfant ;
– il existe des variétés « mixtes » résultant de la présence simultanée
d’autoanticorps « chauds » IgG et d’autoanticorps « froids » IgM.
La définition de cette catégorie n’est pas uniforme, car elle englobe pour
certains les cas associant une IgG « chaude » et du complément, pour d’autres
l’association d’IgG « chaudes » et d’hémolysines incomplètes, pour
d’autres encore plus stricts l’association d’IgG « chaudes » et d’agglutinines
« froides » pathologiques ;
– la variété la plus redoutable, heureusement très rare, est l’AHAI à IgM
« chaudes ».
L’autoanticorps IgM a une large amplitude thermique et
agglutine les hématies à 37 °C. Le titre d’agglutinines « froides » sériques est
faible avoisinant les valeurs normales (1/8 à 1/64) ;
– les rares agglutinines « froides » de nature IgA n’activent pas le
complément et ne sont pas responsables d’hémolyse, mais seulement de
manifestations périphériques cutanées déclenchées par le froid.
B - Classification étiologique :
Selon le contexte dans lequel survient l’AHAI, on distingue les formes
associées à une maladie sous-jacente ou déclenchée par un agent étiologique,
et les formes « idiopathiques » où l’AHAI constitue la manifestation unique
de la maladie.
– Parmi les AHAI « chaudes », la fréquence des formes idiopathiques est en
moyenne de 45 %, mais elle varie selon les auteurs.
La proportion
des formes associées augmente en fait avec l’âge, si l’on suit régulièrement
les malades pendant plusieurs années.
– Parmi les AHAI « froides », la fréquence des formes idiopathiques ou
maladies chroniques des agglutinines « froides » est aussi d’environ 45 %.
Cependant, l’immunophénotypage par cytométrie de flux montre qu’il existe
dans presque tous ces cas dits « idiopathiques » une population B
monoclonale circulante.
C - Classification évolutive
:
On distingue enfin les formes aiguës et les formes chroniques.
– Les formes aiguës débutent brusquement, se traduisent généralement par
un tableau d’hémolyse intravasculaire dont la sévérité peut mettre en jeu le
pronostic vital, mais elles sont heureusement transitoires, évoluant en
quelques semaines vers la guérison définitive.
Elles peuvent cependant
rechuter sous le même aspect et préluder à une forme chronique à poussées
récidivantes.
– Les formes chroniques durent, par définition, plusieurs mois et en général
plusieurs années, répondant plus ou moins complètement aux traitements.
L’hémolyse persiste souvent compensée, intermittente ou continue de faible
intensité.
Ces formes chroniques se soldent rarement par une guérison
définitive, tant que le processus responsable des phénomènes d’autoimmunité
n’a pas été supprimé.
Mécanismes de l’hémolyse auto-immune
:
A - Autoanticorps « chauds »
:
La fixation de l’anticorps sur la membrane globulaire n’entraîne pas
directement la lyse des cellules.
La destruction cellulaire passe
obligatoirement par la médiation soit de l’activation du complément, soit de
l’adhérence immune aux récepteurs Fc des cellules phagocytaires, soit par les
deux mécanismes combinés.
1- Adhérence opsonique et phagocytose des hématies
:
La majorité des autoanticorps « chauds » ont la propriété, une fois activés par
leur fixation sur leur cible antigénique, d’adhérer par leur fragment Fc à des
récepteurs spécifiques situés sur la membrane plasmatique des monocytes et
des macrophages.
Il existe quatre types de récepteurs pour les IgG.
Le
récepteur Fc RI a une haute affinité pour les IgG monomériques plus pour les
IgG3 et les IgG1 que pour les IgG4 et les IgG2.
L’interféron gamma (IFNç)
induit sa synthèse sur les polynucléaires.
Le récepteur Fc RII n’a d’affinité
que pour les IgG dimériques.
On le trouve aussi sur les lymphocytes B et sur
les plaquettes. Le récepteur Fc RIIIa ne se lie pas à 37 °C, mais seulement à
4 °C.
Enfin, le récepteur Fc RIIIb présent sur les neutrophiles se lie aux IgG
dimériques, surtout aux IgG3.
Il est responsable du polymorphisme NA
(neutrophil antigen) des polynucléaires.
Les globules rouges sensibilisés par les IgG complexés se lient aux récepteurs
Fc RII et Fc RIIIb des macrophages, ce qui déclenche leur phagocytose.
Le
récepteur Fc RI est bloqué en permanence par les IgG libres dans le plasma et
dans les fluides tissulaires et ne serait donc pas impliqué dans l’adhérence
opsonique des globules rouges sensibilisés.
En fait, il est probable que
l’adhérence des cellules opsonisées aux récepteurs Fc RII et Fc RIII déloge
les IgG libres de leur récepteur Fc RI situé à proximité, le rendant disponible
pour l’adhérence et le déclenchement de la phagocytose.
L’organe électif de la destruction globulaire des globules rouges sensibilisés
par les IgG est la rate, où les cellules sont arrêtées dans les cordons de Billroth
et phagocytées par les macrophages.
La sous-classe des IgG ainsi que leur densité sur la surface des hématies
influencent beaucoup la clairance des cellules.
Pour obtenir la même
clairance d’hématies recouvertes par 100 molécules d’IgG3 par cellule, il faut
10 000 molécules d’IgG1 par cellule.
Ces faits ont été confirmés dans le
cas des AHAI.
Il existe également sur les cellules du système phagocytaire des récepteurs
pour le complément. Le récepteur CR1 se lie aux fractions C3b et C4b et plus
faiblement à C3bi.
Le récepteur CR3 qui se lie surtout à C3bi et aussi à C3dg
semble être l’acteur principal de l’adhérence immune des globules rouges
sensibilisés par le complément.
Le récepteur CR2 n’existe que sur les
lymphocytes B et se lie à C3dg.
Le récepteur CR4 est présent sur les
neutrophiles et se lie aussi à C3dg.
L’organe électif de séquestration des
hématies sensibilisées par C3 est le foie où la phagocytose a lieu dans les
cellules de Kupffer.
Lorsque les globules rouges sont sensibilisés à la fois par des IgG et du
complément, les deux agissent de concert pour augmenter la séquestration et
la phagocytose des globules rouges.
Si la rate est le lieu de séquestration préférentiel des hématies sensibilisées
par des IgG, le foie peut aussi y contribuer lorsque la densité d’autoanticorps
IgG augmente ou si les IgG sont associées au complément.
On sait aussi aujourd’hui qu’il existe, sur les cellules phagocytaires, des
récepteurs pour les IgA, dévoilant ainsi le mécanisme des AHAI à IgA.
Généralement, le déclenchement par l’adhérence aux macrophages entraîne
la phagocytose des globules rouges en entier, mais parfois la phagocytose ne concerne qu’une partie des globules rouges, laissant échapper un fragment de
cellule qui, du fait de l’excès de membrane prend une forme sphérique.
Ces microsphérocytes, plus rigides que des hématies normales, sont libérés dans
la circulation mais repris et détruits au fur et à mesure de leurs passages
itératifs dans la rate.
2- Cytotoxicité directe
:
Outre leur activité phagocytaire, les monocytes peuvent lyser les cellules
sensibilisées par un mécanisme de cytotoxicité directe indépendante de la
phagocytose.
3- Cytotoxicité dépendant des anticorps
:
L’ADCC (antibody dependant cell mediated cytotoxicity) est peut-être aussi
une autre modalité de destruction globulaire par les cellules NK (natural
killer).
Les cellules NK ont des récepteurs spécifiques pour les IgG Fc et
pourraient, selon certains, jouer un rôle important in vivo dans les AHAI.
4- Tests de l’activité phagocytaire :
On a tenté de corréler la mesure de l’activité phagocytaire des monocytes des
patients et la sévérité de l’hémolyse par des tests cellulaires in vitro.
Les
résultats montrent une certaine corrélation entre la sévérité de l’hémolyse et
le test, à condition d’en baliser la technique de manière stricte.
Ce test est
parfois plus sensible que le test de Coombs, puisqu’il est souvent positif dans
les AHAI à test de Coombs négatif.
B - Agglutinines « froides »
:
Le caractère pathogène des agglutinines « froides » est plus lié à leur
amplitude thermique de réaction qu’à leur titre.
Lorsque l’amplitude
thermique de l’agglutinine « froide » est basse, l’hémolyse ne survient qu’en
cas de refroidissement conséquent.
Leur pouvoir agglutinant à froid explique
que l’agglutination des globules rouges peut se produire directement in vivo
dans les petits vaisseaux superficiels des extrémités où la température peut
descendre à 28-31 °C en fonction de la température ambiante.
L’agglutination des globules rouges entraîne un engorgement des petits
vaisseaux et des signes d’acrocyanose.
Si l’obturation des vaisseaux se
prolonge, l’ischémie peut conduire à la nécrose des extrémités.
Les
agglutinines « froides » IgA qui ne fixent pas le complément ne sont
responsables que de ces signes vasculaires.
Les agglutinines « froides » IgM sont capables de fixer le complément, et c’est
par l’intermédiaire du complément que l’hémolyse se développe.
L’activation du C’ se fait de manière optimale entre 20 et 25 °C, mais se
produit également à 37 °C lorsque l’agglutinine « froide » a une amplitude
thermique large.
L’agglutination n’est pas nécessaire à l’activation du complément, qui se
déclenche du seul fait de la réaction antigène-anticorps.
Une fois activées, les
fractions du complément restent solidement fixées sur les globules rouges,
alors que l’agglutinine « froide » se détache aisément de son support dès que
la température s’élève, ce qui se produit quand les globules rouges retournent
dans la circulation profonde.
Les agglutinines « froides » ainsi libérées ont la
capacité de se fixer sur de nouveaux globules rouges à basse température.
L’activité hémolysante du C’ se déroule selon deux mécanismes : la lyse
directe des globules rouges, l’adhérence opsonisante aux macrophages
hépatiques et spléniques. Ces deux mécanismes opèrent probablement chez
le même patient.
L’hémolyse directe intravasculaire nécessite l’activation de proche en proche
de tous les facteurs de C1 à C9 du complément qui se déroule à la surface des
globules rouges.
L’activation complète jusqu’à son terme de la cascade du
complément est cependant rare, la plupart du temps, la présence d’inhibiteurs
sériques stoppe l’activation aux premières étapes, ne laissant sur la surface
que les fragments C3b/C3bi et C4b.
Les macrophages surtout hépatiques et, à
un moindre degré, spléniques phagocytent activement les globules rouges
sensibilisés grâce à leurs récepteurs pour le C3b et le C4b.
La discrétion de l’hémolyse dans la maladie chronique des agglutinines
« froides » (MCAF) s’explique par le fait, bien mis en évidence par des études
isotopiques, que les globules rouges sont en fait recouverts de fragments C3dg
inactifs qui n’ont pas d’affinité pour les récepteurs macrophagiques, ce qui
empêche l’adhérence opsonisante sur les macrophages et permet aux cellules
de circuler librement. Leur sensibilisation est cependant bien reconnue par le
test de Coombs spécifique anti-C3dg.
L’inactivation de C3b et C3bi se fait grâce à l’action des inhibiteurs naturels
du C’, le facteur I agissant de concert avec le facteurHsur les récepteurs CRI.
Les globules rouges sont même ensuite protégés par le fait que les sites de
fixation du C déjà occupés empêchent la capture d’autres molécules d’IgM et
de complément.
Il existe sur les globules rouges normaux des protéines qui les protègent du
complément autologue (CD55, CD59) grâce à leur pouvoir inhibiteur sur la
formation de C3, C5, C9, et du complexe d’attaque membranaire C5b-9.
Contrairement à laMCAF, l’hémolyse aiguë observée dans l’HPF est souvent
intense et brutale, avec hémolyse intravasculaire déclenchée après une
exposition à température froide.
L’hémolyse se déclenche rapidement,
quelques minutes à quelques heures après l’exposition au froid.
L’hémolysine biphasique de Donath-Landsteiner (HBDL) est une IgG qui
agit même à faible concentration.
L’amplitude thermique de l’anticorps est
variable.
Les anticorps à amplitude thermique basse sont plus efficaces à une
température inférieure à 15 °C, les autres à amplitude thermique plus large se
comportent comme des hémolysines « monophasiques » actives entre 15 et
25 °C, voire exceptionnellement à 37 °C.
L’hémolyse est totalement complément-dépendante. La fixation de
l’anticorps déclenche la fixation de C1q rapidement suivie de C1r et de C1s,
puis lors de la remontée thermique, la cascade d’activation du complément se
poursuit jusqu’à la formation du complexe d’attaque C5-C9.
La raison du
pouvoir hémolytique de l’HBDL est mal connue.
La proximité étroite de
l’antigène P de la membrane érythrocytaire et des sites d’activation du
complément a été suggérée comme une cause possible.
La raison pour
laquelle les mécanismes d’inhibition de l’activation du C’ sont si peu
efficients n’a pas été établie.
Étiopathogénie du processus auto-immun
:
Les mécanismes qui sont à l’origine du déclenchement du processus autoimmun
aboutissant au développement des autoanticorps spécifiques des
cibles cellulaires érythroïdes restent encore à découvrir.
On tend à retenir
plusieurs hypothèses étiopathogéniques.
A - Lymphocytes T suppresseurs et lymphocytes B :
– Le rôle d’un déficit fonctionnel ou quantitatif de lymphocytes T
suppresseurs est supputé par l’observation animale d’AHAI chez la souris
NZB et aussi par la constatation chez l’homme d’AHAI au cours du lupus
érythémateux disséminé (LED).
Certains médicaments, comme
l’alphaméthyldopa, qui inhibent les lymphocytes T suppresseurs peuvent
également déclencher une AHAI.
Le déficit de l’activitéTsuppressive peut entraîner une activation polyclonale
des lymphocytes B expliquant ainsi la multiplicité des autoanticorps parfois
retrouvés dans la maladie.
Cette activation polyclonale peut être liée
directement à une cause externe comme le virus d’Epstein-Barr (EBV).
– L’AHAI pourrait être secondaire à une activation des cellules autoréactives
qui existent à l’état normal mais de manière infraclinique et non pathogène,
comme en témoigne la présence d’autoanticorps naturels de concentration
basse reconnaissant des autoantigènes érythrocytaires de haute fréquence.
Ces autoanticorps sont le plus souvent de classe IgM.
La stimulation des
lymphocytes B autoréactifs pourrait provoquer leur maturation isotypique
normalement inhibée et conduire à la production d’autoanticorps IgG ou IgA
à concentration élevée et plus affines pour l’antigène.
L’agent initial
déclenchant cette activation est inconnu dans les formes idiopathiques, il peut
être représenté par un agent infectieux, toxique ou médicamenteux dans les
formes secondaires.
B - Clonalité :
Les agglutinines « froides » de la maladie des agglutinines « froides » sont
monoclonales, sans pour autant signer la nature maligne de la prolifération
clonale B.
Ces clones T CD5 + sont le reflet d’une dysrégulation immunitaire
qui peut conduire à la longue, dans certains cas, à un lymphome malin.
Dans les formes « mixtes », les autoanticorps IgM et IgG reconnaissent des
cibles antigéniques différentes et sans rapport l’une avec l’autre.
Il ne s’agit
donc pas en l’occurence d’une maturation isotypique de l’IgM vers l’IgG,
mais d’une stimulation polyclonale.
Dans les AHAI observées au cours de la leucémie lymphoïde chronique qui
est une prolifération monoclonale de lymphocytes BCD5 +, les autoanticorps
sont des IgG polyclonales réagissant avec des antigènes du système Rhésus.
Ces IgG sont produites par des lymphocytes B, sans rapport avec le clone
malin, considérés comme résultant de la dysrégulation immunitaire
caractéristique de la maladie.
C - Motifs antigéniques :
On a invoqué, dans certains cas d’AHAI aiguës postinfectieuses, le rôle
éventuel de motifs antigéniques proches voire identiques entre l’agent
infectieux et certaines cibles antigéniques du globule rouge comme les
antigènes I, i ou P communs à des virus, des mycoplasmes ou des bactéries
comme les klebsielles.
La rencontre entre l’agent pathogène et le système
immunitaire pourrait entraîner une dysrégulation du réseau idiotypique
favorisant des clones autogènes.
D - Facteurs génétiques :
L’existence de formes familiales a suggéré depuis longtemps l’intervention
de facteurs génétiques.
L’enquête familiale permet de trouver, dans un certain
nombre de cas, l’existence parmi les membres de la famille d’autres
manifestations immunologiques.
Certaines séries font état de 20 %,
d’autres de 40 % d’anomalies immunitaires dans la famille des malades
atteints d’AHAI.
Le clustering familial de maladies auto-immunes pourrait s’expliquer par un
gène de susceptibilité partagé par les membres de la famille atteints, ce qui
n’exclut pas le rôle de facteurs de l’environnement.
Les individus qui portent
les allèles de susceptibilté, généralement sur plusieurs locus ont un risque
élevé de développer une maladie auto-immune.
On commence à connaître
certaines mutations situées dans le complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) responsables de la susceptibilité à certaines maladies auto-immunes
(maladie coeliaque, polyarthite rhumatoïde, diabète type I).
Il s’agit de
variations de l’exon 2 de gènes du CMH de classe II HLA-DQB1 et HLADRB1.
L’exon 2 code des acides aminés polymorphiques contribuant à la
présentation de l’antigène, déterminant la fixation du peptide et la
reconnaissance par les lymphocytes T.
L’interaction entre le peptide autoantigène, le récepteur T et le CMH est le passage obligé de l’autoimmunité.
Mais les peptides responsables de cette auto-immunité dans les AHAI sont pour l’heure inconnus.
Le CMH classe III joue également un rôle
primordial dans l’auto-immunité puisque les mutations dans les gènes du
complément C4A et C2 contribuent à l’éclosion du LED.
Diagnostic clinique
:
Il importe de distinguer, au plan clinique, les AHAI « chaudes » des AHAI
« froides ».
Leur symptomatologie est différente.
A - Anémies hémolytiques auto-immunes « chaudes » :
Le tableau clinique est très variable, allant de la forme aiguë de révélation
brutale et intense à la forme chronique de développement lent et de découverte
tardive.
1- Formes aiguës :
Dans ces formes, l’anémie s’installe en quelques jours accompagnée de
fièvre, de diarrhée, parfois de vomissements qui peuvent en imposer pour un
syndrome infectieux.
La brutalité du début peut même se traduire par un
véritable choc hypovolémique.
Les urines noires et la pâleur doivent
d’emblée attirer l’attention.
L’ictère ne s’installera qu’en second lieu.
2- Formes chroniques et subaiguës :
Dans les formes chroniques ou de début plus progressif, le tableau est dominé
par les signes fonctionnels d’anémie : fatigue, céphalées, apparition d’une
dyspnée d’effort, de palpitations.
Les signes cliniques dépendent certes de
l’intensité de l’anémie, mais beaucoup de l’âge des patients.
Une douleur
d’angine de poitrine, une phlébite des membres inférieurs, une fièvre
inexpliquée, l’installation d’une insuffisance cardiaque peuvent amener à
découvrir la maladie.
Il n’est pas rare que la maladie soit découverte après un
événement déclenchant favorisant une poussée hémolytique sur une
hémolyse chronique passée inaperçue jusqu’ici : épisode infectieux,
traumatisme, intervention chirurgicale, grossesse, grande émotion.
Dans les
formes idiopathiques, l’examen clinique est souvent négatif.
En dehors de la
pâleur et de l’ictère, qui ne se voient que dans 20 %des cas, on peut observer
une splénomégalie (50 %des cas) souvent associée à une hépatomégalie.
On
peut même percevoir des petits ganglions disséminés dans les aires
ganglionnaires.
En revanche, de volumineuses adénopathies, une
splénomégalie manifestement tumorale sont plutôt l’apanage des formes
secondaires, qu’il faut rechercher de principe.
Une lithiase biliaire n’est pas
rare, souvent asymptomatique.
Dans les formes secondaires, les signes
d’anémie hémolytique se superposent à ceux de la maladie associée.
B - Anémies hémolytiques auto-immunes « froides » :
1- Formes chroniques :
La MCAF est essentiellement une maladie observée chez le sujet âgé de plus
de 50 ans avec un pic de fréquence autour de 70 ans.
Les symptômes qui
doivent faire conduire au diagnotic sont l’acrocyanose déclenchée par le froid,
touchant les doigts, les orteils, les lobes des oreilles et le bout du nez.
Typiquement, les doigts trempés dans l’eau froide deviennent froids, violacés,
raides, engourdis et parfois légèrement douloureux.
Ces signes sont différents
de ceux du syndrome de Raynaud avec lequel on les confond parfois.
Ils sont
rapidement réversibles avec le réchauffement. En période chaude d’été, ces
manifestations sont plus rares.
Il est plus rare d’observer des gangrènes des
extrémités notamment des orteils, des ulcérations des oreilles ou des ulcères
suintants de la peau.
Le froid déclenche aussi, chez ces patients, des poussées
d’hémoglobinurie qui se traduisent par des urines noires ou rouge porto, mais
ce symptôme n’est pas constant.
Les signes d’anémie sont plus variables, se
manifestant surtout en hiver sur un fond d’hémolyse chronique.
2- Formes aiguës :
Ces formes s’observent surtout chez les petits enfants de moins de 5 ans,
survenant après une infection virale ou une pneumopathie atypique.
Le début
en est brutal, l’anémie est sévère.
Certains signes peuvent égarer le
diagnostic comme l’agitation ou au contraire la prostration, les douleurs
abdominales, l’état de choc.
Les urines foncées, l’ictère discret ou de survenue
retardée orientent le diagnostic vers l’hémolyse.
3- Hémoglobinurie paroxystique a frigore :
Quand un enfant, plus souvent un garçon, présente quelques jours et jusqu’à
2 semaines après un épisode infectieux d’allure virale une rechute fébrile, des
frissons et des urines foncées, même en l’absence d’exposition au froid, il faut
savoir évoquer une HPF et en rechercher les stigmates.
Chez l’enfant,
cette forme d’AHAI autrefois considérée comme exceptionnelle est
aujourd’hui de plus en plus reconnue puisque l’on considère que 30 à 40 %
des AHAI de l’enfant sont des HPF.
Avec les techniques plus récentes de
détection de l’HDL, il semble bien que l’HPF soit la cause la plus fréquente
des AHAI du petit enfant.
C - Formes mixtes :
Dans ces formes comportant à la fois des autoanticorps « chauds » et des
agglutinines « froides » à titre élevé ou à large amplitude thermique, le tableau
clinique est souvent celui d’une anémie hémolytique sévère.
Malgré la présence d’agglutinines « froides », c’est le tableau d’anémie qui
prédomine et non celui des manifestations liées au froid.
Diagnostic biologique de l’hémolyse
:
A - Diagnostic biologique des anémies hémolytiques autoimmunes
« chaudes »
:
1- Sang :
– Dès le prélèvement de sang, on peut observer une autoagglutination
spontanée des hématies dans le tube de prélèvement.
Ce phénomène est
typiquement observé dans la MCAF, mais il faut savoir qu’il n’est pas
exceptionnel dans les variétés « chaudes ».
– L’hémogramme montre une anémie de degré variable.
Dans les cas sévères,
l’hémoglobine peut chuter à moins de 4 g/dL et l’hématocrite à moins de
10 %.
Typiquement, l’anémie est normochrome, le plus souvent discrètement
macrocytaire à cause du nombre élevé de réticulocytes qui peut aller jusqu’à
20 à 60 % des hématies.
Même lorsque le pourcentage de réticulocytes est
plus faible, la tendance à la macrocytose persiste, témoignant de
l’hyperérythropoïèse médullaire, qui se traduit parfois par le passage dans le
sang d’érythroblastes.
Près de 20 %des malades ont un chiffre de réticulocytes inférieur à 4 %et un
taux de bilirubine élevé témoignant de l’effet additif de l’hémolyse
périphérique et de l’érythropoïèse inefficace dans ces cas.
Une
réticulocytose initiale basse peut traduire une carence en folates liée à
l’hyperactivité érythropoïétique.
Prolongée, la réticulocytopénie peut être liée
à une infection par le Parvovirus B19.
D’autres fois, les autoanticorps se
fixent sur les réticulocytes médullaires.
On peut voir des microsphérocytes, conséquence accidentelle d’une
phagocytose incomplète de globules rouges.
Quand on observe des
monocytes ou des granulocytes phagocytant des globules rouges, la nature
immunologique de l’anémie est hautement vraisemblable.
La leucocytose est souvent élevée et l’on observe parfois une myélémie.
Les
plaquettes peuvent également être élevées mais c’est beaucoup plus rare.Tous
deux témoignent de la très forte stimulation myéloïde.
L’anémie peut être associée à une thrombopénie, réalisant le syndrome
d’Evans, ou à une neutropénie.
Quand les trois lignées sont atteintes par le
mécanisme d’auto-immunité, le tableau est désigné sous le terme de pancytopénie auto-immune.
Mais en règle générale, l’anémie est isolée,
les globules blancs et les plaquettes restent dans les limites de la normale.
2- Myélogramme :
Il n’est vraiment indiqué qu’en cas de doute sur la réalité de l’hémolyse
(nombre de réticulocytes diminué) ou lorsqu’on recherche une hémopathie
sous-jacente infiltrant la moelle.
La moelle de richesse élevée montre une augmentation du nombre
d’érythroblastes.
Le rapport érythroblastes sur éléments granuleux est voisin
de 1 au lieu de 0,25.
Au cours des AHAI peuvent se produire des crises
d’érythroblastopénie semblables à celles qu’on observe dans les anémies
hémolytiques constitutionnelles.
Elles sont dues généralement aussi à une
infection par le Parvovirus B19.
Dans ces cas, la cellule-cible du
Parvovirus est un progéniteur érythroïde tardif, les colony forming unitgranulocyte-
macrophage (CFU-GM) ne sont pas touchées.
L’érythroblastopénie résulte parfois de l’action directe d’autoanticorps
dirigés contre les colony forming unit-erythroïd (CFU-E) et les burst forming
unit-erythroïd (BFU-E).
Une moelle riche en érythroblastes accompagnée de réticulocytopénie évoque
une érythropoïèse inefficace.
La constatation d’une mégaloblastose médullaire évoque une carence
vitaminique par consommation excessive de folates dont la preuve est fournie
par le dosage des folates sériques et globulaires et sa disparition après
administration d’acide folique.
Des cas rares mais indiscutables de sidéroblastes en « couronne » posent le
problème d’une maladie associée ou d’une carence en pyridoxine.
3- Biochimie :
Le diagnostic d’hémolyse évoqué par le caractère régénératif de l’anémie est
confirmé par les signes biochimiques.
Il ne faut pas trop compter sur
l’élévation de la bilirubine non conjuguée qui peut être très modérée, voire
absente.
En revanche, l’haptoglobine libre est effondrée même en dehors des
hémolyses intravasculaires.
La concentration sérique de la lacticodéhydrogénase (LDH) est le deuxième critère d’hémolyse bien que non
spécifique.
La coloration variable des urines dépend des proportions
respectives d’oxyhémoglobine (très rouge), de méthémoglobine (brun foncé),
d’urobiline (jaune).
Ce n’est qu’en cas d’hémolyse intravasculaire aiguë
qu’on observe une hémoglobinurie importante, une hémoglobinémie
plasmatique élevée donnant au plasma une couleur rose ou rouge et une
hémosidérinurie retardée de quelques jours après le début de l’hémolyse.
B - Diagnostic biologique des anémies hémolytiques autoimmunes
« froides »
:
– Dans les AHAI aiguës avec agglutinines « froides », le diagnostic de
l’hémolyse est vite soupçonné sur la rapidité de la survenue de l’anémie, son
intensité en l’absence de tout syndrome hémorragique, l’hémoglobinurie,
l’hémosidérinurie, l’haptoglobine à moins de 0,01 g/L, l’élévation des LDH.
Les réticulocytes sont très franchement augmentés, une leucopénie est plus
souvent observée qu’une hyperleucocytose.
– Dans les AHAI « froides » chroniques, l’importance de l’anémie varie avec
la saison et avec l’étiologie de l’hémolyse.
La numération des hématies et les
frottis sont souvent difficiles à réaliser à cause des agglutinats qui se forment
lors du prélèvement, à moins de prendre la précaution de faire le prélèvement
avec un matériel préréchauffé et de traiter les échantillons frais
immédiatement.
La MCAF est parfois découverte à l’occasion d’un prélèvement de sang
révélant l’autoagglutination spontanée qui a comme particularité de se
dissocier à la chaleur.
La bilirubine non conjuguée est rarement très élevée, l’haptoglobine en
revanche est toujours basse même si l’anémie est modérée. L’hémoglobinurie
et l’hémosidérinurie apparaissent surtout lors des poussées d’hémolyse
déclenchées par le froid.
Diagnostic de la nature auto-immune
de l’anémie hémolytique :
La preuve de la nature auto-immune des AHAI « chaudes » repose sur le test
de Coombs direct, sur le test d’élution-fixation et sur l’identification et le
titrage des autoanticorps sériques.
A - Protéines fixées sur la membrane érythrocytaire
révélées par le test de Coombs direct
:
Grâce aux antiglobulines contenues dans le sérum-test réactif, le test de
Coombs direct (ou test à l’antiglobuline) a la propriété de démontrer la
présence d’Ig ou de facteurs du complément, anormalement fixés in vivo à la
surface des hématies du patient atteint d’AHAI.
Sans adjonction
d’antiglobuline in vitro, les hématies, « sensibilisées» par les autoanticorps
ou le complément qu’elles transportent sur leur membrane, ne s’agglutinent
pas spontanément dans le tube-test.
L’adjonction d’antiglobuline polyvalente
entraîne leur agglutination, grâce à la liaison établie entre les molécules
d’antiglobuline d’origine animale et les Ig humaines ou les fractions du
complément fixées sur les hématies, réalisant ainsi physiquement des ponts
intercellulaires qui s’allient pour former un véritable réseau
cellulomoléculaire se traduisant par l’agglutination.
L’utilisation
d’antiglobuline spécifique, préparée chez l’animal par l’injection d’Ig
humaines purifiées ou de fractions de complément purifiées, et l’utilisation
plus récente d’antiglobulines monoclonales fournissent la possibilité de
réaliser des tests de Coombs dits spécifiques de telle ou telle classe d’Ig et
même de telle ou telle sous-classe d’Ig.
Il n’est pas utile en routine d’utiliser
toute la collection des antiglobulines spécifiques, il suffit d’utiliser en pratique
les antiglobulines anti-IgG et anticomplément pour faire le diagnostic
immunologique de la grande majorité des AHAI.
Les
laboratoires de référence ont à leur disposition des antiglobulines spécifiques
anti-IgA, anti-IgM, anti-C3d, anti-C4d et des antiglobulines contre d’autres
spécifités plus fines, notamment contre les chaînes légères des Ig, contre les
sous-classes des IgG ou des IgA et contre d’autres fractions du
complément.
La définition des bases sérologiques des AHAI est variable selon les auteurs
et n’a pas fait l’objet d’un consensus international.
Pour l’école
hollandaise, il existe deux types d’autoanticorps « chauds » : les
autoanticorps « chauds » incomplets et les autohémolysines « chaudes ».
– les autoanticorps « chauds » incomplets sont dénommés ainsi parce qu’ils
n’agglutininent pas les globules rouges en milieu salin, ils sont fixés in vivo à
37 °C sur les globules rouges et détectés par le test de Coombs, mais ils
peuvent être aussi détectés dans le sérum par le test de Coombs indirect ou
par une technique plus sensible utilisant des cellules-tests traitées par
enzymes protéolytiques.
Dans l’immense majorité des cas, les autoanticorps
incomplets sont des IgG, exceptionnellement des IgA ou des IgM.
Parmi les IgG, certaines fixent le complément, d’autres non.
Les IgM incomplètes
fixent toujours le complément, les IgA non.
– les hémolysines « chaudes » sont, par définition, des autoanticorps sériques,
capables d’hémolyser des globules rouges-tests in vitro par activation du
complément de C1 à C9.
Ce sont des IgM « chaudes » qui se répartissent en
deux catégories :
– les autohémolysines « chaudes » complètes sont capables de lyser in
vitro des globules rouges normaux non traités comme elles le font in vivo ;
elles sont heureusement très rares car très dangereuses ;
– les hémolysines « chaudes » incomplètes constituent la grande majorité
des cas, elles ne sont pas capables de lyser in vitro, sauf si les globules
rouges sont traités au préalable par enzymes protéolytiques.
À elles seules,
ces autohémolysines « chaudes » enzyme-dépendantes ne sont pas très
nocives, elles ne se fixent pas solidement sur les globules rouges in vivo
mais elles fixent le complément qui est rapidement inactivé in vivo,
expliquant que la cascade d’activation du complément ne dépasse pas
l’étape C3.
Le test de Coombs ne reconnaît donc que les fractions C3 et C4
qui eux restent fixés sur les globules rouges.
Avec cette définition, les Hollandais, qui alignent une série impressionnante
de malades (2 390 patients) montrent que les autoanticorps chauds, sont
beaucoup plus fréquents que les autoanticorps froids (83,2 %versus 16,3 %).
1 825 autoanticorps chauds incomplets sont analysés pour leur chaîne lourde :
presque tous sont des IgG avec ou sans complément (97 % seules + 2 %
associés à d’autres classes d’Ig soit IgM, soit IgA, soit les deux ensemble).
1- Classes des chaînes lourdes des autoanticorps « chauds »
:
Les résultats varient beaucoup d’une série à l’autre, ce qui reflète
probablement l’utilisation avec les années de réactifs antiglobuliniques différents et aussi des particularités locales des populations de malades
étudiés.
Mais toutes s’accordent sur le fait que les IgG sont largement
prédominantes dans les AHAI « chaudes », puisqu’elles
constituent isolées 18 à 66 %des cas, associées avec le complément 18 à 47 %
des cas.
Le complément isolé est retrouvé dans 4 à 10%des cas.
Les IgA ou
les IgM « chaudes » comptent pour moins de 2 % des cas chacune.
Enfin,
quelques cas ont un test de Coombs positif contre plusieurs classes
d’anticorps.
L’interprétation de la présence simultanée sur les hématies d’IgG
et de C3 varie selon les auteurs.
Certains estiment que le complément est
activé par des IgG, d’autres par des IgM qui se décrocheraient pour ne laisser
que le C3d après leur passage.
Lorsque l’on étudie les chaînes légères par des antisérums antilambda et antikappa, on retrouve les deux types de chaînes légères sur les autoanticorps,
ce qui témoigne de leur polyclonalité.
2- Sous-classes des IgG « chaudes »
:
La sous-classe IgG1 est très largement prédominante puisqu’elle représente
94 %des IgG, seule (74 %) ou associée aux autres sous-classes (20 %), alors
que les IgG2 ou les IgG3 seules ou même associées ne représentent chacune
que environ 12 % des cas.
Plus récemment, il a été montré que des
concentrations faibles d’IgG3 peuvent engendrer une hémolyse, comparées
aux IgG1 qui demandent des concentrations plus élevées pour le même effet.
L’adaptation du gel-test à l’identification des sous-classes d’IgG dans les
éluats permet d’obtenir des résultats dans toutes lesAHAI, y compris dans les
AHAI à test de Coombs négatif.
Cette méthode expérimentée sur
66 échantillons confirme que les IgG1 sont la sous-classe prédominante (96 %
des cas), mais elle est accompagnée d’autres sous-classes dans 59 % des
cas.
L’intérêt de l’étude des classes et des sous-classes d’Ig n’est pas seulement
d’ordre spéculatif, puisque la sévérité de l’hémolyse est en grande partie liée
aux propriétés des Ig en cause.
Ainsi, pour ce qui concerne les IgG,
l’hémolyse est plus fréquente et plus sévère lorsque le test de Coombs est IgG
+ C3 que lorsqu’il est IgG seul.
L’hémolyse est plus intense quand il existe un
mélange d’autoanticorps de classes différentes.
L’analyse des sous-classes donne également une bonne indication sur
l’hémolyse.
On constate une hémolyse dans tous les cas où il existe une IgG3,
dans la moitié des cas environ où il existe une IgG1 seule, mais aucune
hémolyse dans les cas d’IgG2 ou d’IgG4 isolées.
En fait, l’hémolyse
dépend autant du nombre de molécules que des sous-classes.
Pour obtenir une
hémolyse, il faut au moins 100 molécules d’IgG3 par cellule, mais
1 000 molécules d’IgG1 pour obtenir le même résultat.
Comme toujours,
il existe des exceptions, les IgG2 ne sont pas toujours inoffensives, les IgG3
pas toujours nocives.
3- Anémies hémolytiques auto-immunes à autoanticorps IgA « chauds »
:
Quand le test de Coombs ne décèle qu’une IgA isolée, ce qui est très rare
(moins de 1 % des AHAI « chaudes »), on hésitait jusqu’à une date récente à
lui attribuer la responsabilité de l’hémolyse.
Elle est pourtant indiscutable,
même si l’IgA ne peut activer directement le complément par la voie
classique.
Il n’est pas exclu qu’elle puisse le faire par la voie alterne.
On
sait aujourd’hui qu’il existe sur les neutrophiles, les monocytes et les
macrophages des récepteurs pour le fragment Fc des IgA(Fc R ou CD89).
Leur rareté est contrebalancée par leur dangerosité du fait de la capacité de
ces anticorps à hémolyser directement les hématies à la température du corps.
Parfois l’IgM est une IgM monomérique 7S, mais habituellement l’IgM est
complète, réagissant à chaud, activant le complément, ce qui explique que le
test de Coombs réalisé avec des hématies non traitées par enzymes révèle
simultanément l’IgM et le complément et l’absence d’IgG.
Exceptionnellement, l’IgM « chaude » est isolée.
Le test peut être rendu
difficile par l’autoagglutination spontanée des hématies qui ne se résorbe pas,
même après lavage à 37 °C, nécessitant un traitement par le dithiothreitol,
qui a remplacé le 2-mercaptoéthanol pour dépolymériser les IgM.
5- Complément isolé
:
Dans un certain nombre d’AHAI « chaudes », le test de Coombs ne décèle
que du complément isolé (environ 10 %des cas).
Il faut ajouter dans la
définition de cette variété d’AHAI « chaude » l’absence d’agglutinine
« froide » et l’élution négative.
Les fractions du complément décelées sont le
C3d et le C4d. Les cas où le C4d seul est détecté n’ont pas d’anémie
hémolytique, ils s’observent chez nombre de malades atteints d’affections ou
même de sujets normaux, en dehors de toute hémolyse.
D’autres méthodes, plus fines que le test de Coombs classique, ont permis
d’éclairer le mécanisme de fixation de ces fractions du complément sans
autoanticorps apparent sur les hématies.
L’activation du complément et
l’accrochage des fractions C4 et C3 sont bien liées à des autoanticorps IgG,
mais dont le nombre par cellule est inférieur au seuil de détection du test de
Coombs.
Elles peuvent être aussi liées à des IgM « chaudes » qui s’éluent au
lavage ou qui ne sont pas détectables par des réactifs mal étalonnés.
Mais, dans ces cas, on retrouve généralement ces IgM « chaudes » dans le
sérum sous forme d’hémolysines « chaudes ».
6- Anémies hémolytiques auto-immunes « mixtes » :
Comme on l’a vu, ce terme ne devrait s’appliquer stricto sensu
qu’aux AHAI associant des autoanticorps « chauds » et des autoanticorps
« froids ».
Dans ces cas, le test de Coombs est « IgG+ C3+ » et le sérum
contient une agglutinine « froide » pathologique définie par son titre élevé et
son amplitude thermique plus ou moins large.
Dans cette définition entrent
aussi les cas où l’IgM, associée à l’IgG, a un titre faible mais une large
amplitude thermique allant jusqu’à 30 voire 37 °C.
La classification
française est moins stricte dans la définition et appelle « mixtes » toutes les AHAI ayant un test de Coombs positif « IgG+ C3+ » sans exiger un titre
d’agglutinines « froides » élevé.
7- Anémies hémolytiques auto-immunes à test de Coombs négatif
:
Le diagnostic le plus difficile est sans conteste celui d’AHAI à test de Coombs
négatif.
Environ 4 % des AHAI ont un test de Coombs négatif.
Le
diagnostic doit être évoqué lorsque le contexte est le même que celui des AHAI à test de Coombs positif (hémopathie lymphoïde, purpura
thrombopénique auto-immun [PTAI], maladie auto-immune systémique,
infection...) ou qu’il existe d’autres anomalies immunologiques (anticorps
antinoyaux, anticorps antitissus divers, déficit en IgA.
Il n’existe souvent
aucun signe d’orientation, la recherche d’une autre cause d’anémie
hémolytique est entièrement négative (anémies hémolytiques héréditaires
liées à une anomalie de la membrane de l’hémoglobine ou des enzymes,
hémoglobinurie paroxystique nocturne (HNP), anémies hémolytiques
acquises extracorpusculaires non immunologiques de causes mécaniques
avec schizocytose, physique, infectieuse ou parasitaire).
La négativité du test de Coombs s’explique par la sensibilité relativement
médiocre des réactifs antiglobuliniques commercialisés, qui requièrent la
présence d’au moins 300 à 500 molécules d’anticorps par cellule pour donner
une réaction visible.
8- Tests de remplacement du test de Coombs :
C’est la raison pour laquelle on utilise, pour confirmer le diagnostic
soupçonné, des tests plus sensibles que le test de Coombs.
Les techniques
automatiques permettent tout à la fois de quantifier la concentration
d’anticorps fixés, d’établir leur spécificité et d’étudier les caractères
physicochimiques de la liaison antigène-anticorps.
Le test de référence est le
test de consommation de l’antiglobuline qui a montré que la densité d’IgG
par cellule chez les malades atteints d’AHAI à test de Coombs négatif est en
moyenne de 210 molécules par cellule.
Ces chiffres ont été confirmés par
d’autres méthodes utilisant notamment la protéine A staphylococcique radiomarquée ou l’anti-IgG radioactive.
En pratique, les techniques très
sensibles ne sont pas à la portée de tous les laboratoires.
Beaucoup de cas
difficiles peuvent être résolus par des techniques plus simples comme
l’élution-concentration testée sur des globules rouges tests traités par
enzymes ou directement par le test Elisa.
Le test au polybrène est
particulièrement sensible, il permet de déterminer en même temps la
spécificité des anticorps fixés.
L’intérêt du gel-test, mis au point pour la recherche d’agglutinines
irrégulières, est sa sensibilité puisqu’il permet de détecter jusqu’à moins de
200 molécules d’IgG par cellule.
Il peut donc être d’une grande utilité dans
les anémies hémolytiques à test de Coombs négatif.
Il a été adapté aussi pour
étudier directement les sous-classes d’IgG contenues dans les éluats.
9- Test de Coombs positif sans hémolyse
:
Chez des sujets hospitalisés pour des motifs pathologiques divers, mais sans
anémie hémolytique, le test de Coombs direct a été trouvé positif dans 10 %
des cas environ.
Il s’agit en général de « faux » tests de Coombs positifs, où l’agglutination est liée à l’attachement de protéines sériques qui
résistent au lavage (hypergammaglobulinémie, Ig monoclonale...) ou
d’attachement physique sur la membrane érythrocytaire.
Dans d’autres cas,
c’est un « vrai » test de Coombs positif, mais de type complément isolé dû à
des complexes immuns circulants qui se fixent au récepteur C3b des globules
rouges.
Dans d’autres cas enfin, le test de Coombs positif est bien lié à la
présence d’anticorps-antiérythrocytaires mais non auto-immuns.
Il peut s’agir
d’alloanticorps comme dans l’hémolyse post-transfusionnelle retardée.
Des produits sanguins stables injectés par voie intraveineuse contenant des
contaminants antiérythrocytaires (sérum antilymphocytaire, facteurs
antihémophiliques) peuvent sensibiliser artificiellement les globules rouges.
La pratique systématique du test de Coombs chez les donneurs de sang montre
qu’environ 1/10 000 donneurs a un test de Coombs positif, dû à un vrai
autoanticorps qu’on peut éluer et identifier comme semblable à ceux qu’on
trouve dans lesAHAI.
La raison de l’ innocuité de ces autoanticorps
n’est pas connue.
Il est possible que l’absence d’hémolyse soit liée à la
protection conférée aux hématies sensibilisées par des autoanticorps
anti-idiotypes.
Il a été établi, par des techniques de mesure quantitative que les hématies des
sujets normaux portaient environ 50 molécules d’IgG par cellule, mais
cette densité est insuffisante pour donner lieu à un test de Coombs positif.
B - Tests d’élution et spécificité des autoanticorps :
1-
Méthodes
:
L’élution consiste à dissocier l’autoanticorps de la surface du globule rouge à
laquelle il est attaché.
De nombreuses méthodes sont disponibles pour
recueillir l’autoanticorps en milieu liquide et tester ses caractéristiques.
Quelle que soit la méthode utilisée pour disjoindre l’anticorps de sa cible
antigénique (chaleur, modification du pH, éther, chloroforme, xylène,
chloroquine), aucune n’est universelle, chacune ayant ses avantages et ses
défaillances.
2- Résultats et interprétation
:
L’élution a généralement pour but de déterminer la spécificité du (ou des) autoanticorps.
Cette identification n’a pas d’implication clinique directe, mais
elle est utile en cas de diagnostic difficile, notamment dans les cas où
coexistent des alloanticorps sériques et des autoanticorps, et dans les cas
d’AHAI à test de Coombs négatif.
Une élution négative laisse planer un doute sur la signification d’un test de Coombs IgG positif, cette éventualité doit conduire à poursuivre les
investigations.
La spécificité des autoanticorps peut directement être étudiée, sans besoin
d’élution par les techniques automatiques utilisant soit la coagglutination en
flux continu en polybrène soit la polyvinylpyrolidone.
L’étude de la
spécificité des autoanticorps tire également parti directement de l’étude des
autoanticorps sériques quand ils existent.
Les autoanticorps reconnaissent non seulement les propres antigènes des
globules rouges du patient mais la plupart des antigènes des globules rouges
de l’espèce humaine, dénommés de ce fait antigènes « publics ».
Seuls
quelques phénotypes érythrocytaires exceptionnels ne possèdent pas ces
déterminants antigéniques.
Plus de la moitié des autoanticorps « chauds »
décelés dans les AHAI reconnaissent des épitopes du système Rhésus.
Ils
reconnaissent parfois des allotypes simples (e, ce, c, E, D, C, f, Ce, G), mais
la grande majorité reconnaît des épitopes « publics » du système Rhésus
absents chez les rares sujets Rh nuls qui n’expriment pas le complexe Rh.
Les résultats issus des études sérologiques classiques ont été confirmés par
les techniques d’immuno-précipitation non isotopique ou isotopique avec
des protéines membranaires radio-marquées en présence d’AHAI.
Une
étude, portant sur un échantillon de 20 malades, a permis d’identifier quatre
types d’autoantigènes protéiques : un polypeptide de 34 kDa et une
glycoprotéine hétérogène de 37-55 kDa, tous deux apparentés au complexe
Rh, une glycoprotéine de 100 kDa identifiée comme correspondant à la bande
3 transporteuse d’anions et enfin la glycophorine A.
Ces deux dernières
molécules sans relation avec le système Rh étaient considérées, avant d’être
identifiées, comme des déterminants de spécificité sérologiques Wrb, Ena,
LW, U ou encore faisant partie du groupe Kell.
La bande 4.1 est
également une cible des autoanticorps d’AHAI.
Ces travaux confirment
l’implication de la bande 3 comme cible antigènique spécifique d’AHAI.
La glycophorine Aporte l’antigène Ena et coopère avec la bande 3 pour former
l’antigène Wrbb.
L’identification moléculaire de ces épitopes conduit
actuellement à mieux cerner leur rôle dans la pathogénie des AHIA.
Chez les malades ayant des autoanticorps anti-Kell, les antigènes du système
Kell sont déprimés ; il existe chez 75 % d’entre eux un alloanti-K1 dans le
sérum.
Il faut connaître le phénomène curieux d’autoanticorps de spécificité
pseudoallotypique.
Il s’agit d’anticorps reconnaissant un antigène absent des
hématies d’où ils ont été détachés.
Ainsi des autoanti-E ont été identifiés
chez les sujets E négatifs, des anti-c chez des sujets CC (R1, R1), des anti-e
chez des sujets EE (R2R2).
Près de 70 %des autoanticorps considérés comme
anti-Rh « simples » reconnaissent en fait des épitopes communs plus pour les
polypeptides C/c et E/e que pour le polypeptide D.
Des anticorps de
spécificité pseudoanti-Fyb, pseudoanti-Kell ont été décrits.
La technique d’élution peut aussi être utilisée lorsque le test de Coombs est
anticomplément isolé.
En concentrant l’éluat, on peut mettre en évidence des
autoanticorps « chauds » IgG en quantité insuffisante pour être détectés par le
test de Coombs, mais capables de fixer de grandes quantités de complément.
C - Étude du sérum :
1- Autoanticorps libres
:
Dans les AHAI « chaudes », il existe un équilibre dynamique entre les
autoanticorps fixés sur les globules rouges et les autoanticorps libres dans le
plasma.
La présence des autoanticorps libres dans le sérum dépend du niveau
de production et de l’affinité de ces anticorps pour leur cible érythrocytaire.
On les met en évidence par un test de Coombs indirect qui consiste à incuber
le sérum ou le plasma du patient avec des globules rouges normaux à 37 °C
puis, après lavage, de les tester par une antiglobuline comme dans le test de
Coombs direct.
On décèle ainsi un autoanticorps sérique dans plus de la moitié des cas.
Si, au lieu d’utiliser dans le test de Coombs indirect des globules rouges
normaux, on utilise des globules rouges traités par enzymes protéolytiques,
l’incidence des autoanticorps sériques s’élève à 65 % et même à 90 %,
mais il faut interpréter ces résultats avec prudence dans la mesure où l’on
révèle ainsi d’autres composants sériques naturels sans hémolyse clinique ou
des alloanticorps.
De toute façon, devant un test de Coombs indirect positif, il faut vérifier que
l’anticorps dépisté n’est pas un alloanticorps en comparant sa spécificité à
celle de l’éluat.
2- Hémolysines « chaudes »
:
L’étude de sérum a aussi pour objectif de chercher la présence d’hémolysines
« chaudes », notamment en cas de test de Coombs positif IgG + C3d ou C3d
isolé.
Elles sont rarement retrouvées quand on utilise des globules rougestests
normaux (1 %, 0,3 %, 0,4 %).
Avec des globules rouges traités
par enzymes protéolytiques, leur fréquence s’élève considérablement
(5 %, 8 %, 11 %).
Il s’agit généralement dans ces cas d’IgM
sériques, fixant le complément, actifs à 37 °C et à pH acide, incapables
d’hémolyser in vitro les globules rouges non traités (hémolysines acides).
3- Autoanticorps sériques froids
:
Dans les AHAI « froides », l’étude du sérum constitue la clé du diagnostic.
En
effet, le test de Coombs dans ces cas ne révèle que du complément sur les
globules rouges. Le diagnostic d’AHAI ne peut donc reposer que sur la mise
en évidence de l’autoanticorps libre dans le sérum.
* Agglutinines « froides »
:
Par définition, les agglutinines « froides » contenues dans le plasma ont la
propriété d’agglutiner des globules rouges normaux en milieu salin à condition de les placer à basse température entre 0 et 5 °C, la réaction
d’agglutination est réversible avec le réchauffement.
Ce phénomène n’est
pathologique que si le titre de l’agglutinine « froide » est élevé, il est
habituellement supérieur à 1 : 1 000 et peut atteindre 1 : 500 000 dans la MCAF.
Les agglutinines « froides » sont dans l’immense majorité des IgM,
exceptionnellement des IgA ou des IgG.
Certaines agglutinines « froides » sont des mélanges d’IgG et d’IgM,
notamment dans la mononucléose infectieuse et dans la lymphoadénopathie
angio-immunoblastique.
Les agglutinines « froides » observées dans les formes aiguës sont
généralement polyclonales, alors qu’elles sont monoclonales dans le MCAF
et dans les proliférations lymphoïdes malignes.
Les agglutinines « froides
» anti-I ont le plus souvent une chaîne légère kappa, les agglutinines
« froides » anti-i une chaîne légère lambda.
L’agglutinine « froide » peut être également cryoprécipitante, surtout les
agglutinines « froides » anti-i dont un tiers ont cette propriété.
Pour évaluer le caractère pathologique de l’agglutinine « froide », il faut
étudier son amplitude thermique in vitro.
La plupart des agglutinines « froides
» agglutinent les hématies de 0 à 25 °C, rarement jusqu’à 37 °C.
Certaines
agglutinines « froides » agglutinent jusqu’à 37 °C, elles engendrent alors une
anémie hémolytique, même à faible concentration.
Le sérum des sujets normaux contient des agglutinines « froides » naturelles
inoffensives de titre faible (inférieur à 1 : 16) actives uniquement à froid, d’où
la règle de toujours laver au préalable les globules rouges à 37 °C avant
d’effectuer le test de Coombs direct.
La spécificité des agglutinines « froides » de nature IgM est dirigée contre des
antigènes oligasaccharidiques du système Ii précurseurs des groupes sanguins
ABH et Lewis.
L’antigène I est exprimé surtout chez l’adulte, l’antigène i sur
le sang de cordon.
On utilise ces deux types de cellules pour déterminer la
spécificité des agglutinines « froides ».
Les agglutinines « froides » anti-I sont dépistées surtout dans la MCAF, dans
les pneumopathies atypiques à mycoplasme d’Eaton et parfois dans les
lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) ; les anti-i se voient dans la
mononucléose infectieuse et dans certaines proliférations lymphoïdes
malignes.
D’autres spécificités ont été décrites, telles que les antigènes Pr, épitopes de
la glycophorine et, plus rarement, les antigènes M, P, A1 ou B.
On connaît aujourd’hui, en effet, les molécules
transmembranaires porteuses des déterminants antigéniques reconnus par les
agglutinines « froides » ; il s’agit de constituants essentiels de la membrane
érythrocytaire.
Toutes ces subtilités ont peu d’importance pratique, dans la mesure où il
n’existe pas de donneurs de sang négatifs pour ces antigènes.
En présence
d’agglutinines « froides » anti-i, il est de règle de rechercher
systématiquement un lymphome ou un cancer qui peut être cliniquement
inapparent.
La présence d’anti-IT, bien que rare, serait plus fréquente dans la
maladie de Hodgkin.
* Hémolysines « froides »
:
Lorsque le sérum contient des agglutinines « froides » à titre élevé, il est
susceptible de lyser in vitro des globules rouges normaux à 20 °C en présence
de complément, si le sérum est au préalable acidifié à pH 6,5-7.
La lyse est
proportionnelle à l’amplitudes thermique de l’agglutinine « froide ».
Elle
augmente si on utilise des globules rouges trypsinés ou plus encore des
globules rouges d’HNP.
En pratique courante, tous les laboratoires n’utilisent pas tous les tests
disponibles pour le diagnostic et le suivi des AHAI.
Quand l’examen immuno-hématologique comprend de manière systématique la recherche
d’hémolysines en utilisant le sérum du patient, enrichi en complément contre
les globules tests normaux à 18 °C et à 37 °C à pH 6,8 et contre des globules
tests papaïnisés à 37 °C, à pHneutre, le pourcentage d’AHAI « froides » ayant
des hémolysines s’élève à 60 % des cas (chez 250 patients ayant des
agglutinines « froides » dans le sérum.
Cette pratique permet également
de connaître la fréquence des formes mixtes conjuguant des autoanticorps
chauds et des autoanticorps froids, tous deux pathogènes susceptibles
d’engendrer une hémolyse in vivo.
Sur 60 cas d’AHAI « mixtes » ainsi
définies, 40 % ont des hémolysines (15 % décelées sur globules-tests
papaïnés à pH acide et 25 % contre des globules-tests papaïnés à pH
neutre).
Dans une autre étude portant sur 144 cas d’AHAI, 8,3 % correspondaient à
des formes mixtes caractérisées par la présence d’agglutinines « froides » à
titre peu élevé (< 1/64) mais encore actives à 37 °C, et d’hémolysines actives
contre les globules-tests traités par enzymes à 20 °C et à 37 °C.
Ces patients
avaient une anémie sévère, pas de signes d’acrocyanose et pas d’exacerbation
au froid.
* Hémolysines biphasiques
:
C’est également l’étude du sérum qui permet de définir l’HPF par la mise en
évidence de l’HBDL.
Le test de Coombs complément seul ne permet pas
de porter le diagnostic.
Il faut demander au laboratoire de rechercher
l’hémolysine par les méthodes appropriées.
L’anticorps est une IgG qui a la
propriété de se fixer de manière optimale à 4 °C.
En outre, l’hémolyse in vitro
est maximale à 37 °C et à pH 8, contrairement aux agglutinines « froides ».
L’HBDL est considérée comme pathognomonique de l’ HPF.
L’anticorps est
une hémolysine et non une agglutinine ; c’est même la plus puissante des
hémolysines connues.
Il était classique de démontrer la présence de l’hémolysine par une technique
en deux phases : une phase à 4 °C où l’anticorps se fixe et une phase à plus de
25 °C où C1 et C2 s’éluent mais où C4 et C3 sont activées, entraînent à leur
tour l’activation des autres fractions du complément allant jusqu’à l’hémolyse.
La spécificité de l’HBDL est liée au groupe sanguin P qui fait partie du
globoside, glycosphingolipide le plus abondant de la membrane
érythrocytaire.
L’antigène Forssman de même structure mais avec un sucre
terminal GALNAC supplémentaire inhibe parfois mieux certaines HBDL
mais on estime que les HBDL sont une famille d’anticorps à réactions
croisées.
D’autres spécificités ont été décrites : anti-I, anti-i, anti-HI, anti-P.
La fréquence des HBDL dans une étude portant sur 2 390 patients atteints
d’AHAI était de 2,5 %.