Anatomie de la sclérotique (Suite)
Cours d'Ophtalmologie
Histologie
:
La sclérotique est un tissu conjonctif modelé, fibreux, dense, qui est
formé, au sein d’une substance fondamentale, essentiellement de
faisceaux de fibrilles de collagène mais aussi de fibres élastiques,
tandis que les éléments cellulaires, fibrocytes (cellules conjonctives)
et chromatophores (cellules pigmentaires), sont peu nombreux.
La sclère est donc un tissu pauvre en cellules, mais on y
trouve néanmoins des fibroblastes et des fibrocytes.
A - FIBRILLES DE COLLAGÈNE
:
Le tissu de soutien scléral est essentiellement constitué de fibres de
collagène, qui représentent 75 % du poids sec de la sclère.
Les faisceaux de fibrilles de collagène sont grossièrement parallèles
à la surface sclérale.
Elles sont disposées en lamelles rubanées,
formant des bandes fibreuses de 10 à 16 μm d’épaisseur et de 100 à
140 μm de largeur.
Elles s’entrecroisent dans toutes les directions.
Certains faisceaux se dichotomisent, s’unissent à des faisceaux
voisins, puis s’en séparent à nouveau.
1- Description
:
Le collagène appartient aux protéines structurales, comme l’élastine.
Ces protéines constituent les protéines fibreuses de la matrice
extracellulaire.
* Molécule de collagène
:
Elle est hélicoïdale, rigide, à trois brins de longueur 300 nm et de
diamètre 1,5 nm.
Les trois chaînes polypeptidiques (chaînes alpha)
sont constituées de 1 050 acides aminés, avec surtout de la proline et
de la glycine, c’est-à-dire deux acides aminés structuraux.
La glycine
est disposée tous les trois résidus et permet aux chaînes alpha de
s’enrouler.
En fonction des chaînes alpha, il existe plusieurs types
de collagène, avec des collagènes dans le tissu conjonctif surtout de
type 1, 2 et 3.
Le type 1 constitue 90 % du collagène corporel.
Les collagènes
fibrillaires sont organisés en fibrilles, elles-mêmes agrégées en
faisceaux.
Le collagène scléral est essentiellement un collagène de type 1.
Le
type de collagène est identifié grâce à l’immunofluorescence
indirecte qui utilise des anticorps anticollagène spécifiques.
Dans la sclère, il n’existe que du collagène de type 1, sauf dans la
lamina cribrosa où il existe des types 1 et 3.
* Organisation des fibrilles de collagène en microscopie électronique
:
Les fibrilles ont une striation transversale tous les 67 nm en
microscopie électronique.
Les molécules sont décalées d’un quart de
longueur avec les molécules environnantes.
* Synthèse dans le fibroblaste
:
Les chaînes polypeptidiques sont sécrétées à partir des ribosomes et
intégrées dans la lumière du réticulum endoplasmique : ce sont des prochaînes alpha.
Elles possèdent, en plus du peptide signal,
obligatoire au passage de la membrane, des acides aminés
supplémentaires.
Ce sont des propeptides.
Après hydroxydation, les prochaînes s’assemblent en molécules
tricaténaires pour former le procollagène.
La molécule tricaténaire
est stabilisée grâce à des liaisons hydrogène qui sont elles-mêmes
dues à l’hydroxydation de la proline et de la lysine.
Après passage dans l’espace extracellulaire, les collagènes fibrillaires
I, II et III perdent leur propeptide, formant le tropocollagène.
Les
molécules peuvent ainsi s’agencer en fibrilles.
* Rôle des propeptides
:
Les propeptides sont nécessaires à la formation des molécules
tricaténaires.
Ils empêchent la formation intracellulaire de fibrilles
de collagène.
* Gènes
:
Les gènes codant les chaînes alpha des collagènes fibrillaires sont
très longs, de 30 à 40 kilobases, et contiennent 50 exons.
Ces
collagènes ont pour origine de multiples duplications d’un gène
primordial de 54 nucléotides.
* Cellules du tissu conjonctif
:
Elles adaptent l’organisation fibrillaire au besoin du tissu.
Elles
peuvent exprimer les gènes pour les différents types de molécules et
régler la disposition extracellulaire des fibrilles. L’assemblage des
fibrilles se fait selon la résistance à la tension nécessaire.
Les cellules
peuvent aussi réguler l’organisation spatiale du collagène en se
déplaçant sur les fibres elles-mêmes, exerçant une tension sur la
matrice, tirant sur le support.
Normalement, il existe un gradient dans le diamètre des fibrilles
collagènes de la sclère, de la superficie vers la profondeur, maximal
dans les couches externes de la tunique sclérale (en moyenne
125 nm), minimal dans les couches internes de la sclère (62 nm à
70 nm en moyenne).
Normalement, le diamètre des fibrilles collagènes va de 40 à 180 nm
(couches internes : 96 nm ; couches moyennes : 148 nm ; couches
externes : 161 nm).
Les fibres collagènes sont formées de fibrilles, elles-mêmes
provenant de l’alignement d’unités moléculaires de tropocollagène
dont le décalage régulier donne une striation périodique de 67 nm
en ultrastructure.
La périodicité, c’est-à-dire la distance qui sépare
chaque strie, est donc de 67 nm.
Cette périodicité est celle de toutes
les fibres collagène.
Il existe en outre une micropériodicité de 21 nm.
La substance fondamentale constitue une matrice chimique
complexe, enrobant ces fibres.
Elle est formée de protéines et de mucopolysaccharides (glycosaminoglycanes) : chondroïtine sulfates,
acides polymérisés à des degrés variables, conditionnant leur
solubilité, la consistance et la résistance du tissu, et pouvant s’unir à
des protéines pour former des mucoprotéines.
L’anabolisme du
collagène (fibrillogenèse) et son catabolisme seraient conditionnés
par l’interaction des protéines (collagène soluble) et des
mucopolysaccharides.
La richesse en collagène insoluble, avec de grandes fibrilles et des mucopolysaccharides très polymérisés, caractérise l’état mature.
Alors que la substance fondamentale est constamment renouvelée,
le collagène mature paraît très peu actif, avec un renouvellement
métabolique faible.
Le complexe glycosaminoglycanes-substance
fondamentale est soumis cependant à l’influence de nombreuses
enzymes, d’inhibiteurs d’enzymes, de vitamines, d’hormones,
d’électrolytes et de nutriments.
Les glycosaminoglycanes sont moins abondants que dans la cornée ;
c’est pourquoi la sclère n’a pas tendance à s’oedématier.
Chez les sujets jeunes, les fibres collagènes sont lâches et ondulées,
tandis qu’avec l’âge elles deviennent plus serrées, formant un tissu
compact ayant une meilleure cohésion.
* Différents rôles
:
Aux différentes parties de la sclère incombent des rôles différents
liés à l’orientation des faisceaux.
À la calotte antérieure, dans la région juxtalimbique, les fibres
sclérales ont une disposition strictement circulaire, donnant à cette
région la rigidité nécessaire à l’insertion des muscles droits et du
muscle ciliaire.
La présence de cet anneau rigide, voisin de la cornée,
plus malléable, explique le changement de rayon de courbure au
limbe sous l’impulsion de la pression intraoculaire.
Cette disposition
circulaire des fibres juxtalimbiques ne fait qu’accentuer la béance
d’une plaie sclérale, surtout si elle est perpendiculaire au limbe.
À la calotte postérieure, les bandes fibreuses ont une disposition
méridienne en deux plans ; les rubans externes s’écartent en réseau
de ballon, c’est-à-dire en croisillons, tandis que les rubans internes
divergent en éventail.
Dans ces conditions, ils cèdent graduellement
à une hypertonie oculaire majeure.
L’arrangement des faisceaux de fibres varie en fonction de la région.
Au limbe, la disposition des fibres est relativement circonférencielle,
comme au nerf optique.
Les fibres sont grossièrement parallèles à la
surface (les bandes sont à peu près à la même profondeur sur toute
leur longueur).
Près des canaux (orifice vasculaire), les fibres deviennent parallèles
à la direction du canal.
Les parois de ces canaux ne sont pas bordées
de cellules.
Au niveau des insertions des muscles, les fibres tendineuses de
collagène, orientées parallèlement entre elles, sont continues avec
les fibres sclérales externes.
Autour de ces insertions, les paquets de
fibres sclérales se disposent en arches incurvées, à concavités
dirigées vers l’avant.
Autour du nerf optique, les fibres sclérales prennent aussi une
direction en arche.
2- Fonctions
:
La sclère présente donc une véritable structure fonctionnelle
déterminée par les efforts que subit la coque fibreuse ainsi
constituée.
L’architecture sclérale est réglée par la traction exercée sur elle.
Elle
supporte la pression intraoculaire et la pression extérieure
dépendant de la contraction musculaire.
Elle intervient dans la
stabilisation du tonus oculaire grâce à son extensibilité relative et à
son élasticité.
Elle peut s’adapter aux différentes tractions exercées sur elle grâce à
la disposition des rubans fibreux, à l’ondulation des fibres
connectives et à l’abondance des fibres élastiques.
En cas de traction
importante, les fibres ondulées sont étirées par la tension de fibres
élastiques.
Si la traction diminue, les fibres élastiques se relâchent et
les fibres connectives reprennent leur forme ondulée primitive.
Tout
se passe comme si la sclérotique se comportait à la façon d’un
ressort.
Avec l’âge, les faisceaux se condensent.
La condensation est
particulièrement importante autour des veines vortiqueuses,
formant un véritable anneau scléral. En même temps, le tissu
périvasculaire s’atrophie.
En cas d’éclatement scléral, la rupture sclérale se fait à 2-3 mm du
limbe et en arrière dans la région circumpédonculaire, en raison des
changements de courbure du globe et des modifications
d’orientation des fibres collagènes et élastiques à ce niveau.
En cas de myopie forte, l’amincissement scléral porte surtout sur la sclère en arrière de l’insertion des muscles droits.
Les fibres
collagènes et élastiques sont raréfiées et étirées.
Le staphylome
postérieur de la myopie forte se développe sur le versant temporal
de la papille.
B - FIBRES ÉLASTIQUES :
Elles constituent moins de 25 % du poids sec de la sclère.
L’élastine est le composant principal des fibres élastiques. Cette
protéine non glycosylée, hydrophobe, comporte 830 acides aminés.
Elle est riche en proline et en glycine, mais ne contient pas
d’hydroxylysine.
Les molécules d’élastine forment des filaments ou
feuillets dans l’espace extracellulaire.
Ces filaments sont reliés par
des liaisons transversales covalentes (lysine).
Ces molécules se
replient au hasard, adoptant des conformations aléatoires leur
permettant de se tendre et de se détendre comme un élastique.
La sclérotique est très riche en fibres élastiques. Fines et
rectilignes, elles s’entrecroisent souvent à la surface des faisceaux de
collagène sans s’anastomoser.
Elles sont parallèles aux fibrilles de
collagène auxquelles elles sont entrelacées.
Les longues fibrilles de
collagène inextensibles limitent l’ampleur de l’étirement de la sclère
et empêchent ainsi sa déchirure.
Elles sont plus nombreuses au
pourtour du limbe, à l’équateur et autour du canal optique.
Elles apparaissent après la naissance, se multiplient chez l’adulte,
pour diminuer chez le sujet âgé.
En cas de plaie sclérale, la rétraction des fibres élastiques explique
que les lèvres d’une plaie sclérale aient tendance à rester écartées.
Les maladies du système élastique comme la maladie d’Ehlers-Danlos ou le syndrome de Marfan peuvent entraîner des
staphylomes.
C - FIBROBLASTES :
Les fibroblastes sont des cellules immatures constituant la charpente
du tissu scléral.
Leur cytoplasme comprend de larges citernes de
réticulum endoplasmique et leurs noyaux ont plusieurs vacuoles.
Ces cellules sont capables de se diviser.
Les fibroblastes fabriquent
diverses fibres et composants intercellulaires.
Les fibroblastes
synthétisent la matrice extracellulaire qui constitue l’espace
extracellulaire.
D - FIBROCYTES :
Les fibrocytes correspondent à des cellules matures. Elles siègent à
l’entrecroisement des faisceaux de fibrilles de collagène.
Ce sont des
cellules rameuses à noyau allongé.
Elles émettent de fins
prolongements qui paraissent anastomosés entre eux.
Leur noyau
est plus irrégulier que celui des kératocytes cornéens.
Les fibrocytes
scléraux sont orientés parallèlement à la surface.
Le réticulum
endoplasmique est moins abondant que dans les fibroblastes.
Les fibrocytes ont une faible capacité de synthèse mais pourraient dans
certaines circonstances se différencier en fibroblastes pour reprendre
une activité de synthèse.
Cette pauvreté de la sclère en cellules et l’absence de vaisseaux
nourriciers font que la sclère n’a pas les moyens d’assurer ellemême
sa cicatrisation.
Les fibromes scléraux, exceptionnels, se développent à partir des
fibroblastes fusiformes.
E - MÉLANOCYTES (CHROMATOPHORES)
:
Les cellules pigmentaires sont rares, provenant d’une migration de
l’uvée (mélanocytes uvéaux).
Elles sont rencontrées le plus souvent
autour des orifices de pénétration vasculaire.
Les mélanocytes forment une fine couche irrégulière sur la sclère
interne.
La surface interne de la sclère est pigmentée.
C’est la lamina fusca.
Elle est constituée d’une ou deux couches cellulaires.
Les mélanocytes sont des cellules étoilées ou fusiformes, similaires
aux fibrocytes.
Les fibres de collagène sont au contact des cellules
au niveau du corps cellulaire ou des expansions cytoplasmiques.
Les
mélanocytes sont des cellules fixes avec un cytoplasme riche en
granules de pigments qui contiennent de la mélanine nature.
Il existe
également dans la cellule des mélanosomes qui sont des précurseurs
mélaniques.
Au biomicroscope, on peut ainsi percevoir chez les sujets pigmentés
une traînée noirâtre sur le trajet des artères ciliaires antérieures et
d’un nerf intrascléral (mélanose physiologique de la sclère).
La présence dans la sclère de mélanocytes fortement pigmentés est
à l’origine de la mélanose oculaire congénitale.
F - ÉLASTINE EXTRACELLULAIRE
OU SUBSTANCE FONDAMENTALE :
Cet espace possède des polysaccharides (ou glycosaminoglycanes)
qui constituent le gel hydratant dans lequel se trouvent des fibres
de collagène et des protéines (protéoglycanes).
Les protéoglycanes
sont de longues chaînes polysaccharidiques très hydrophiles.
Il en
existe quatre types. La sclère est surtout riche en chondroïtinesulfate.
Les polysaccharides constituent de 0,7 à 0,9 % du poids sec
de la sclère, mais ils occupent un volume important par rapport à
leur masse en se gonflant d’eau par charge osmotique.
Dans la sclère, il existe une répartition des différents glycosaminoglycanes
en fonction du site.
La sclère postérieure est plus riche en
chondroïtine-sulfate et en dermatane-sulfate.
À l’équateur, on
retrouve plus d’acide hyaluronique. Les protéoglycanes et leur
contenu en glycosaminoglycanes jouent un rôle-clé dans la
régulation et l’assemblage des fibrilles de collagène et dans la
résistance biochimique des fibrilles.
Propriétés biochimiques
et biophysiques :
A - PARTICULARITÉS BIOCHIMIQUES :
Le collagène de la sclère est représenté par des scléroprotéines
formées d’acides aminés : glycine, proline, hydroxyproline.
Il est
pauvre en soufre.
La non-transparence de la sclérotique s’oppose à la transparence
paradoxale de la cornée, en raison notamment de l’orientation et de
la taille différente des fibrilles.
D’autre part, si la cornée se trouble
par imbibition d’eau, la sclérotique, elle, gagne de la transparence
par imbibition, ainsi que par dessiccation.
Ceci s’explique par
l’existence en plus grande quantité dans le tissu conjonctif de la
cornée, par rapport à celui de la sclérotique, d’un mucopolysaccaride : le mucoïde.
Ce taux plus élevé de mucoïde explique que la cornée gonfle jusqu’à
deux fois son poids quand on la plonge dans l’eau tandis que la
sclérotique ne le fait pas.
Les affinités tinctoriales différentes pour
l’argent entre la sclérotique et la cornée sont en rapport avec un
métabolisme différent des mucopolysaccharides, les fibres sclérales
ayant une plus grande argyrophilie que les fibres cornéennes.
Ainsi, le mucoïde, par son rôle de fixateur d’eau, joue un rôle
important dans la non-transparence de la sclère :
– déshydratée, la sclérotique est aussi transparente que la cornée,
dont elle est difficile à différencier, surtout chez le jeune ; chez le
vieillard, la sclère se calcifie ;
– réhydratée, elle récupère sa blancheur en 3 minutes, et en un quart
d’heure son épaisseur et sa souplesse.
Ces possibilités de déshydratation de la sclère ont permis la
conservation post mortem de globes énucléés :
– soit par lyophylisation, c’est-à-dire par congélation et dessication ;
– soit par « silicodessication », selon Payran, c’est-à-dire dessication
simple douce avec un sel de silice microporeux et réhydratation lors
de l’emploi.
B - PROPRIÉTÉS BIOPHYSIQUES :
La sclérotique, du fait de sa structure conjonctivoélastique, assure :
– une certaine rigidité au globe ;
– un rôle de protection contre les chocs et les rayons lumineux ;
– un rôle de soutien contre la pression atmosphérique et les
contractions musculaires.
Cette structure explique sa rétraction lors d’une diathermocoagulation.
C - IMMUNOLOGIE :
De nombreuses maladies du collagène peuvent être responsables de sclérites.
Au plan pathogénique, il y aurait un dépôt de complexes immuns.
Après activation, les lymphocytes B se différencient en plasmocytes
sécrétant des anticorps spécifiques de l’antigène.
Le complément
recouvre le complexe immun, permettant sa captation par les
macrophages et les polynucléaires.
La production des anticorps
serait soit locale, par auto-immunité, soit générale, apportés par la
vascularisation locale.
Le complément C1 aurait une distribution
plus importante dans la sclère antérieure, ce qui indiquerait une
activité immunologique plus importante.
Vascularisation
:
La sclérotique est une membrane, sinon avasculaire, du moins très
faiblement vascularisée.
Elle est nourrie par imbibition à partir des
couches voisines.
Sa vascularisation est assurée cependant par un
réseau artérioveineux.
A - RÉSEAU ARTÉRIEL :
La sclère est faiblement vascularisée. L’apport nutritionnel se fait
par les couches tissulaires adjacentes.
Les mouvements transscléraux
de substance, qui restent faibles, résultent d’une différence de
pression entre l’espace suprachoroïdien et le tissu épiscléral.
Un réseau artériel, à larges mailles, assure en partie la
vascularisation de la sclère.
Il est formé par des branches :
– des artères ciliaires courtes postérieures ;
– des artères ciliaires antérieures, qui constituent les plexus
profonds et superficiels.
Mais son rôle nourricier apparaît accessoire par rapport à celui joué
par la conjonctive et la choroïde.
La vascularisation est assurée cependant par :
– en avant, le plexus péricornéen profond, intrascléral, formé par
les artères perforantes des artères ciliaires antérieures ; de ce plexus
naissent des artérioles destinées au canal de Schlemm ; en superficie,
le réseau artériel est dense près du limbe, où les artères
conjonctivales antérieures situées dans le tissu épiscléral se dirigent
radiairement vers la cornée, pour former le plexus péricornéen
superficiel ;
– en arrière, le cercle artériel de Zinn-Haller, au pourtour du nerf
optique, creusé dans la sclérotique, formé par des branches
anastomotiques des artères ciliaires courtes postérieures.
Le réseau vasculaire épiscléral s’appauvrit en arrière de l’équateur
avant de s’anastomoser avec le réseau périoptique et le plexus
épiscléral postérieur, issu des branches des artères ciliaires courtes
postérieures.
B - RÉSEAU VEINEUX :
Sa disposition est identique.
– En avant, il existe :
– un réseau veineux profond ou plexus veineux intrascléral
péricornéen, recevant de 20 à 30 veinules efférentes du canal de
Schlemm, ainsi que les veinules ciliaires ; ce réseau se déverse par
des veines perforantes communicantes dans le réseau épiscléral
superficiel ; ce réseau profond est à l’origine de l’injection
périkératique d’origine iridociliaire ;
– un réseau veineux superficiel ou réseau épiscléral péricornéen,
sus-jacent, peu serré, drainant en partie le réseau marginal
péricornéen de Leber ; il donne naissance aux veines ciliaires
antérieures ; ce réseau est à l’origine de l’injection périkératique
d’origine cornéenne.
– En arrière, le feuillet viscéral de la capsule de Tenon sert de lame porte-vaisseaux au réseau épiscléral postérieur que drainent les
veines ciliaires courtes postérieures.
Innervation
:
NERFS CILIAIRES COURTS :
Ils assurent l’innervation de la sclère, après leur pénétration dans la
sclérotique, pendant leur trajet dans l’espace suprachoroïdien.
Ces
nerfs donnent des rameaux scléraux parmi lesquels on distingue :
– des nerfs vasomoteurs ;
– des nerfs trophiques, dont les terminaisons entrent en rapport
avec les cellules interfasciculaires ;
– des nerfs sensitifs, qui possèdent des ramifications terminales en
forme de massue, de bouton ou de plaquette.
Certains nerfs décris par Redslob ont un aspect spécial.
Ils traversent
la sclérotique de dehors en dedans et, après avoir atteint la surface,
se recourbent pour y pénétrer à nouveau, formant une boucle.
Le biomicroscope peut permettre d’observer ces aspects au pourtour
du limbe.
À leur terminaison, les nerfs ciliaires courts forment un riche plexus
à la face externe du corps ciliaire.
De ce plexus naissent :
– des rameaux récurrents destinés à l’orbiculus ciliaris ;
– des rameaux internes destinés à l’iris et au corps ciliaire ;
– des rameaux externes destinés à la cornée, qui perforent la
sclérotique de dedans en dehors, en général à l’équateur et à 3 ou
4 mm en arrière du limbe ; arrivés en surface, ces rameaux se
subdivisent, s’anastomosent, formant un plexus péricornéen d’où se
détachent des fibres cornéennes ; ce réseau s’anastomose avec le
réseau épiscléral sus-jacent.
Rôle physiologique de la sclère
:
La sclère protège les milieux intraoculaires contre les traumatismes.
Elle est peu extensible mais se laisse distendre car c’est un tissu
viscoélastique.
Elle s’adapte aux différentes tractions exercées par
une double réponse :
– réponse par un allongement rapide et bref dû à la composante
élastique ;
– réponse secondaire lente due à la composante visqueuse.
La sclère peut s’étirer proportionnellement davantage si les
pressions intraoculaires sont élevées.
Il existe une première phase
de rigidité oculaire immédiate durant laquelle l’augmentation de
volume intraoculaire est suivie par une augmentation de la pression
intraoculaire.
Cette rigidité immédiate est en rapport avec les fibres
sclérales.
Ces fibres vont permettre au globe de retrouver une
fermeté après étirement momentané.
Si la pression oculaire est maintenue à un niveau élevé plus longtemps, la sclère se distend et
la pression oculaire va diminuer.
Cette extensibilité est due à sa
composante visqueuse.
Ainsi, la sclère permet de maintenir le tonus oculaire et de s’adapter
aux traumatismes.
Sclère et myopie
:
Parmi les hypothèses concernant la myopie forte, une théorie
ancienne, mécanique, attribue la cause de l’étirement myopique à
des tractions mécaniques sur une sclère affaiblie.
L’affaiblissement de la sclère serait en rapport avec différents
facteurs :
– congestion veineuse de la circulation choroïdienne entretenue par
la position de la tête penchée en avant pendant la lecture, qui
augmenterait la pression intraoculaire (de 5 à 15 mmHg) par
contraction des droits internes ;
– déficit nutritionnel en calcium, qui intervient dans le métabolisme
du collagène ; ainsi, l’hypercalciurie idiopathique infantile,
syndrome d’origine rénal, s’associe souvent à une forte myopie
congénitale ;
– déficits protéiniques, déficits en vitamine A, D ou E ;
– facteurs hypophysaires ;
– hyperthermie (on a noté des aggravations de la myopie au cours
des poussées thermiques des maladies infantiles) ;
– facteurs héréditaires surtout (ainsi, certaines maladies systémiques
du collagène s’accompagnent d’une forte myopie).
Les études biomécaniques de la sclère ont recherché les relations
tension-déformation de la sclère postérieure.
Les études chez l’embryon ont montré que la sclère postérieure était
la dernière à se former.
Pour certains auteurs, la myopie forte serait en relation avec une sclérectasie foetale postérieure qui fragiliserait cette zone.
Or, la sclère postérieure a une capacité d’élongation quatre fois plus
importante que la sclère antérieure ou équatoriale.
Il y a par ailleurs absence d’hystérésis de la sclère postérieure après
traction, celle-ci restant étirée après plusieurs tractions et ne revenant
pas à sa taille normale.
La pression intraoculaire serait le principal facteur mécanique
pouvant provoquer l’allongement de la sclère.
Ceci se vérifie dans les glaucomes congénitaux.
Mais il n’existe pas d’argument décisif de relation entre myopie et
glaucome chronique.
La fréquence de la myopie dans le glaucome
chronique est discutée. Ainsi, plus de 11 % de forts myopes (myopie
axiale supérieure à 26,5 mm) de plus de 40 ans sont glaucomateux.
Cette proportion passe à plus de 23 % si la longueur axiale dépasse
30 mm.
Chez l’enfant anisométrope, l’oeil le plus long est celui qui a la plus
forte tension oculaire.
Plus la myopie est forte, plus la réponse à la corticothérapie locale
est importante.
Mais toutes les tentatives pour contrôler la croissance du globe en
abaissant la pression oculaire ont été des échecs.
C’est le pôle postérieur qui s’allonge dans la myopie forte.
Cette
paroi est soumise normalement à une tension de 1,2 G/mm2, mais
cette tension peut augmenter fortement sous l’action des muscles
obliques, et la tension est plus forte sur le bord temporal du nerf
optique, d’où la localisation des staphylomes myopiques.
L’orientation des fibres de la sclère est parallèle aux lignes de tension
auxquelles la zone proche du nerf optique peut être soumise
et cette orientation préférentielle est un argument en faveur de la
réalité des tensions développées à ce niveau de la sclère.
La théorie biologique de la myopie forte s’oppose à la théorie
mécanique.
L’étirement de la sclère n’est que secondaire à une
pathologie de l’épithélium pigmentaire de la rétine d’origine
héréditaire.
Les expérimentations tendent à montrer que la myopie
serait liée à une croissance anormale, à un remodelage actif, plutôt
qu’à un étirement passif.
Des anomalies histologiques sclérales sont retrouvées dans la
myopie forte :
– aplatissement et amincissement des faisceaux de collagène ;
– arrangement parallèle des faisceaux méridiens dans lesquels les
fibres croisées sont absentes, donnant une apparence cornéenne à la sclère du myope ; ces faisceaux méridiens ont trois anomalies :
– un amincissement des faisceaux de fibres longitudinales, dont
les diamètres sont inférieurs à la normale ;
– une réduction de la réfringence (absence du reflet normal le
long des fibres collagènes) ;
– une perte des striations sombres longitudinales ;
– anomalies des fibres croisées, à disposition équatoriale ou
méridienne ;
– séparation, espacement anormal des fibres, avec perte de
l’alignement compact et longitudinal ;
– réduction de la taille des fibres, qui deviennent très petites (à
peine visibles) ;
– modification de l’architecture des fibres avec dispersion et
éparpillement des fibres.
Ainsi, la myopie forte entraîne une désorganisation architecturale et
une dispersion des fibres sclérales, surtout au pôle postérieur.
Il y
aurait diminution des cellules du stroma scléral et des mélanocytes
et une altération de la substance fondamentale.
Il existerait trois altérations essentielles :
– une disposition lamellaire des faisceaux de fibres de collagène ;
cette structure serait quasi exclusive dans les yeux myopes forts,
avec un amincissement considérable des lamelles ;
– une réduction du diamètre moyen des fibres collagène (à 83 nm,
soit 13 nm de moins que le diamètre moyen normal des fibrilles de
la courbe interne), avec des zones où les fibrilles ont un calibre
extrêmement réduit ; il existe une grande dispersion du diamètre
des fibrilles (de 30 à 200 nm) ;
– une structure particulière des fibrilles, en étoile.
La sclère du myope serait ainsi anormale et déformable sans
hystérésis, c’est-à-dire sans mémoire de forme, et son expansion
progressive produirait une déformation définitive de la sclère.
Il
existe une faiblesse sclérale postérieure chez le myope.
Il existerait
un déficit de la fibrillogenèse, d’où une faiblesse sclérale, et/ou une
destruction d’une sclère normale mais immature.
Quel que soit le mécanisme exact de déficience ou de blocage de la fibrillogenèse avec apparition de fibrilles anormales
(dysfonctionnement de l’épithélium pigmentaire, anomalies
métaboliques, enzymes protéolytiques), la sclère anormale de la
myopie pourrait céder même sous une pression intraoculaire
normale.
Sclère et chirurgie
:
L’orientation des fibres sclérales doit être prise en compte dans le
passage des points scléraux (en cas de décollement de rétine, de
chirurgie oculomotrice...).
Plusieurs types de sutures sont utilisés.
– Les points parallèles à l’indentation sont faciles à placer, notamment
en cas de décollement de rétine et quel que soit le type de
l’indentation, radiaire ou parallèle.
Ces points ont quelques
inconvénients, notamment un risque d’arrachement des fibres
sclérales au niveau :
– du passage antérieur, du fait de la finesse de la sclère à
l’insertion des muscles, et de l’orientation des fibres sclérales ;
– du passage postérieur car les forces de traction exercées pour
serrer une indentation sont perpendiculaires au passage intrascléral et sont des forces d’arrachement ;
– pas d’effet pli.
– Les points perpendiculaires à l’indentation, ou points en U, sont
réalisés, au mieux, à l’aide d’un porte-aiguille à verrou avec une
aiguille ronde à pointe triangulaire.
Le premier passage est
perpendiculaire à la ligne d’insertion des muscles.
Le deuxième
passage postérieur, plus long, est passé dans le même axe que le
premier, bien radiaire.
La distance entre les deux passages
postérieurs est plus grande que celle entre les deux passages
antérieurs.
Dans ce type de points :
– les forces de traction sont tangentielles, voire parallèles au
passage intrascléral ; ce sont des forces de plissement sans risque
d’arrachement scléral ;
– le noeud est réalisé sur la sclère par une triple boucle, ce qui
permet d’ajuster le serrage facilement, après contrôle de
l’indentation ;
– une aiguille spatulée ne peut pas être utilisée dans le passage
postérieur, car il est souvent nécessaire de l’incliner pour passer
le point ; une aiguille ronde diminue les risques de lacération de
la sclère.
Ces points sont de réalisation délicate dans les déchirures
postérieures, d’où l’intérêt d’un point mixte.
– Les points scléraux mixtes sont utilisés si l’on ne recherche pas un
effet de plissement scléral (Aubry-Quenet).
Le premier passage est
perpendiculaire à l’indentation, le plus souvent à l’insertion
musculaire, ce qui supprime tout risque d’arrachement des fibres
sclérales antérieures.
Le passage postérieur est long et parallèle à
l’implant.
Le dernier passage est placé perpendiculairement à
l’implant, grâce à un porte-aiguille classique et une aiguille quart de
cercle spatulée.
Les forces exercées sur la sclère postérieure ne sont
pas des forces d’arrachement du fait du passage antérieur
perpendiculaire, à condition de tirer sur les deux brins de façon
simultanée.
Le noeud serré sur la sclère permet un réglage aisé de
l’indentation.
Une fermeture de la conjonctive en deux plans est
préférable, pour diminuer le risque d’extériorisation.
Dans certaines
déchirures de rétine très antérieures, type dialyse, il faut passer un
point antérieur perpendiculaire avec le même type d’aiguille
doublement montée, le serrage des noeuds se faisant sur la sclère en
arrière de l’implant.
Ce point permet ainsi un effet de plissement
antérieur qui renforce le caractère antérieur de l’indentation.