Allogreffes de cellules souches hématopoïétiques dans les hémopathies malignes et les aplasies médullaires : réalisation et complications
(Suite) Cours
d'hématologie
D - DÉFICIT IMMUNITAIRE
:
1- Complications infectieuses
:
Pendant les premières semaines postgreffe, c’est-à-dire pendant la
période d’aplasie, le risque est celui d’infections bactériennes et
fongiques.
Les infections virales ou à micro-organismes tels que
Toxoplasma gondii ou Pneumocystis carinii surviennent en général
plus tardivement et sont d’autant plus fréquentes que le déficit de
l’immunité spécifique est profond.
* Complications infectieuses précoces (durant la période d’aplasie)
:
Durant cette période, la neutropénie, l’altération de la barrière
digestive secondaire au traitement de chimio- et/ou radiothérapique, l’utilisation de cathéters centraux sont autant de
facteurs contribuant au risque infectieux.
Durant l’aplasie, la
symptomatologie d’une infection est souvent pauvre, du fait de
l’absence de signe inflammatoire, et la fièvre est souvent le seul signe
d’infection.
Le pourcentage de fièvre cliniquement ou
microbiologiquement documentée varie selon les études entre 20 et
65 %.
Les points d’appel cliniques les plus fréquents sont : les foyers
pulmonaires, les infections au niveau des sites de cathéter, les
infections à point de départ buccal ou pharyngé.
Les infections survenant très précocement après le début de l’aplasie
sont essentiellement des infections bactériennes, alors que les
infections fongiques sont plus tardives.
+ Infections bactériennes
:
- Documentation microbiologique
Parmi les infections bactériennes documentées, environ 70 % sont
dues à des cocci à Gram positif (principalement staphylocoques à
coagulase négative en rapport avec l’utilisation de cathéters veineux
centraux) et environ 30 % sont dues à des bacilles à Gram négatif :
entérobactéries ou bacilles pyocyaniques (dont la plupart
proviennent du tube digestif).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer
l’émergence croissante des infections à cocci à Gram positif :
l’utilisation de voies veineuses centrales pour les staphylocoques à
coagulase négative et l’utilisation de conditionnements de greffe
lourds responsables d’une toxicité muqueuse importante pour les
infections à streptocoques.
- Documentation clinique
Les infections pulmonaires sont fréquentes.
En aplasie, la
radiographie est parfois normale malgré l’infection, le foyer
n’apparaissant qu’à la sortie d’aplasie.
Le lavage bronchoalvéolaire
(LBA) avec brossage endobronchique est souvent non contributif
chez les patients neutropéniques sous antibiothérapie à large spectre.
Les lésions anorectales peuvent être le point de départ de cellulites
extensives et nécrosantes.
La bouche est souvent le siège d’une mucite importante et peut être
le point de départ d’infection à streptocoque, d’infection herpétique
ou candidosique.
Toute lésion cutanée doit être rapidement prélevée pour culture et
examen histologique.
Le point de ponction du cathéter doit être
examiné régulièrement.
Les infections du tube digestif sont volontiers sévères et liées à des
bacilles à Gram négatif.
Les coprocultures régulières peuvent mettre
en évidence une prolifération bactérienne intestinale à l’origine de
dissémination hématologique.
Une décontamination digestive par
des médicaments non absorbables permet de diminuer l’incidence
des septicémies à bacille à Gram négatif.
- Conduite à tenir
En raison du risque vital que représente une infection chez
l’aplasique, l’instauration d’une antibiothérapie, en cas de fièvre, est
une urgence.
Les prélèvements bactériologiques (trois hémocultures
et un prélèvement des foyers cliniques si ceux-ci sont
immédiatement accessibles) ne doivent pas retarder la mise en route
du traitement qui doit débuter au plus tard dans les 8 heures suivant
l’apparition de la fièvre.
Compte tenu de l’éventail très large des
germes rencontrés et du risque d’évolution défavorable en cas
d’inadéquation du traitement au germe qui sera isolé,
l’antibiothérapie doit :
– être dirigée contre les germes les plus immédiatement dangereux
(les bacilles à Gram négatif) ;
– être rapidement bactéricide ;
– présenter le moins de risque de sélection de résistance et donc
comporter idéalement une association synergique.
L’association d’une b-lactamine active sur les bacilles à Gram négatif
et d’un aminoside reste l’association de référence.
Dans la plupart
des cas, en cas de non-obtention de l’apyrexie à 48 ou à 72 heures et
en l’absence de documentation, un glycopeptide est ajouté visant les
cocci à Gram positif et, en particulier, les staphylocoques à coagulase
négative.
+ Infections fongiques
:
Le risque d’infection fongique augmente avec la durée d’aplasie : le
risque est d’environ 20 % si la neutropénie est inférieure à 20 jours.
Il est de 40 % pour une durée d’aplasie supérieure à 20 jours.
Les
champignons les plus souvent en cause sont les Candida et
l’Aspergillus.
Les infections fongiques peuvent survenir également
au-delà de la période d’aplasie, principalement chez les patients
atteints de GVHD et traités par corticothérapie.
- Infection à Candida
Le premier signe clinique reste souvent la fièvre inexpliquée,
résistante aux antibiotiques antibactériens.
Pour cette raison, la
persistance de la fièvre 48 à 72 heures après une seconde ligne
d’antibiothérapie conduit la plupart des équipes à ajouter de façon
empirique un traitement antifongique systémique.
La bouche, l’oesophage et le tube digestif sont fréquemment le siège
d’infections à Candida.
Un traitement préventif est habituellement
réalisé par des applications locales d’antifongiques.
Le tube digestif
peut être le point de départ de candidose systémique responsable
de localisations cutanées, pulmonaires, rénales, cardiaques,
hépatiques ou musculaires.
Les lésions cutanées évocatrices sont
érythémateuses et nodulaires.
Le diagnostic sera alors porté sur une
biopsie pour étude histologique et mycologique.
Le diagnostic de
candidose systémique peut être porté devant la positivité
d’hémocultures réalisées sur milieux spéciaux.
- Infection à Aspergillus
C’est, par ordre de fréquence, le deuxième agent fongique
responsable d’infections chez les patients allogreffés.
La
contamination la plus habituelle se fait par inhalation de spores.
La
prévention est réalisée par l’isolement des patients dans des
chambres à haut renouvellement d’air filtré.
Les localisations les plus
fréquentes sont les localisations pulmonaires et sinusiennes.
La
dissémination hématogène peut être responsable de localisations
cérébrales, hépatiques, spléniques, digestives...
Les signes évocateurs
sont la fièvre résistante à une antibiothérapie à large spectre, la toux,
la dyspnée, éventuellement des douleurs thoraciques.
La
radiographie de thorax montre des infiltrats avec un aspect de
« halo » et parfois des images en « grelot », quasi
pathognomoniques.
Les spores aspergillaires sont inconstamment
retrouvées dans le produit de LBA ; en revanche, la positivité de
l’antigénémie aspergillaire chez un patient à risque est d’un grand
apport diagnostique.
- Infections à mucormycose
Les localisations les plus habituelles sont le rhinopharynx, le
poumon et le cerveau.
La symptomatologie clinique et radiologique
ressemble à celle de l’aspergillose.
* Complications infectieuses secondaires
:
+ Reconstitution immunitaire postgreffe
:
La reconstitution d’une immunité spécifique après greffe de CSH
est lente, exposant les patients à des risques infectieux et tumoraux.
Durant les premiers mois postgreffe, les lymphocytes T proviennent
en majorité de l’expansion des lymphocytes T matures du greffon,
et les phénomènes de différenciation/maturation à partir des
progéniteurs réinjectés restent minoritaires.
Ces lymphocytes ont un
phénotype mémoire.
La réapparition d’une population naïve
témoignant d’une différenciation à partir des cellules souches
survient chez l’adulte au-delà de 1 an postgreffe.
Ce phénomène
serait plus précoce chez l’enfant en raison de la persistance du
thymus.
En cas de greffe déplétée en lymphocytes T ex vivo, la
lymphopénie est plus prolongée.
À l’inverse, la reconstitution
immunitaire est plus rapide après greffe de CSP qu’après greffe de
moelle, probablement en raison du plus grand nombre de
lymphocytes apportés par le greffon.
La majorité des patients
perdent leur immunité vaccinale et doivent être revaccinés après la
greffe.
L’étude des sous-populations lymphocytaires permet de montrer
qu’il existe, après greffe géno-identique non manipulée, une lymphopénie CD4 pendant les 6 premiers mois alors que le taux des
lymphocytes CD8, des NK et des lymphocytes B redevient
rapidement normal.
Il existe, par ailleurs, un déficit lymphocytaire qualitatif durant les
premiers mois postgreffe, mis en évidence par :
– l’utilisation de tests fonctionnels de prolifération et de cytotoxicité ;
– l’étude de la production des cytokines ;
– l’étude de la transduction du signal ;
– l’étude de la diversité du répertoire T.
Le déficit immunitaire postgreffe est majoré par :
– l’utilisation de traitements préventifs et curatifs de la GVHD ;
– la GVHD elle-même ;
– l’existence d’une disparité HLA entre le donneur et le receveur.
+ Infections virales
:
Le déficit de l’immunité spécifique se traduit par une fréquence
élevée d’infections par les virus du groupe herpès (cytomégalovirus
[CMV], virus Epstein-Barr [EBV], human herpes virus [HHV]-1,
HHV-2, virus varicelle zona [VZV], HHV-6).
- Infections à cytomégalovirus
Elles surviennent chez 60 % des patients séropositifs avant la greffe
et chez 30 % des patients séronégatifs greffés à partir d’un donneur
séropositif.
Ces infections sont dues soit à des réactivations virales
chez les patients séropositifs avant la greffe, soit à des transmissions
par le greffon ou, beaucoup plus rarement, par les produits sanguins
maintenant systématiquement déleucocytés.
Le virus peut être à
l’origine d’une maladie à CMV (en particulier pneumopathie ou
colite) potentiellement mortelle en l’absence de traitement.
Actuellement, la détection des réactivations à CMV par antigénémie
ou polymerase chain reaction (PCR) permet un diagnostic précoce et
un traitement préemptif (par ganciclovir ou Foscavirt), qui a permis
une diminution importante de la morbidité et de la mortalité due au
CMV.
- Virus de la varicelle et du zona
En l’absence de traitement spécifique, la varicelle est souvent
mortelle chez des patients immunodéprimés.
L’aciclovir a
transformé l’évolution de cette infection, à condition d’être
administré précocement.
Le zona est secondaire à une réactivation
du virus de la varicelle présent dans l’organisme.
Chez ces patients allogreffés, il est volontiers étendu et parfois extensif. Il doit être
traité très rapidement par aciclovir.
- HHV-1
Les infections herpétiques à herpès simplex virus sont très précoces,
fréquentes, localisées principalement au niveau de la bouche, de la
peau et sont des facteurs aggravants des mucites secondaires au
conditionnement de greffe.
Cette fréquence justifie l’utilisation
systématique d’aciclovic durant l’aplasie survenant après le
conditionnement.
- HHV-6
Les réactivations de l’HHV-6, objectivées par la positivité de la PCR,
sont fréquentes après allogreffe.
La majorité de ces réactivations sont
asymptomatiques mais certaines peuvent être responsables de fièvre,
de rash cutanés, de cytopénies, de pneumopathies ou d’encéphalites
qui doivent être traitées par ganciclovir ou Foscavirt.
- Hépatites B et C
Des réactivations des virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C peuvent
être observées après allogreffe de CSH chez des patients porteurs
chroniques ou même, pour l’hépatite B, chez des patients ayant un
statut de guérison (porteur des anticorps anti-HBs et anti-HBc).
Le virus peut également être transmis par le donneur.
Ces
réactivations ou ces infections se manifestent par une augmentation
de la réplication virale, favorisée par le déficit immunitaire, suivie
lors de la restauration d’une cytotoxicité lymphoïde T, d’une
hépatite aiguë avec parfois une défaillance hépatique mortelle (dans
12 à 20 % des cas).
Les porteurs chroniques du virus de l’hépatite B
semblent, en revanche, ne pas avoir de risque accru de développer
une MVO du foie ou une GVHD hépatique.
Certaines données de la
littérature suggèrent que la greffe réalisée à partir d’un donneur
immunisé contre le virus de l’hépatite B peut protéger le receveur
d’une réactivation virale, voire induire chez celui-ci une
séroconversion.
- Autres infections virales
L’adénovirus peut être responsable d’hépatites fulminantes, de
pneumopathies, de syndromes d’activation macrophagique ; le virus
BK de cystites hémorragiques ; le virus JC de la leucoencéphalopathie
multifocale progressive et doit être évoqué devant tout
trouble neuropsychiatrique.
- Infections tardives non virales
Le conditionnement de greffe, en particulier l’ICT et la GVHD
entraînent un hyposplénisme rendant les patients particulièrement
susceptibles vis-à-vis des germes encapsulés, dont le pneumocoque.
Une prévention systématique est réalisée par la prise quotidienne
de pénicilline « ad vitam aeternam ».
Une vaccination anti-Haemophilus doit être pratiquée après la greffe.
Les patients présentant une GVHD traitée par corticothérapie sont
sujets aux infections par le Pneumocystis carinii et un traitement
préventif doit être proposé par cotrimoxazole, ou aérosol de
pentamidine.
Les infections par Toxoplasma gondii peuvent être dues à des
réactivations chez les patients séropositifs ou à des contaminations
par le greffon.
Les réactivations semblent plus fréquentes chez les
patients séropositifs greffés à partir de donneurs séronégatifs
(absence de transfert de l’immunité spécifique du donneur au
receveur).
Les anguilluloses peuvent se produire chez les patients greffés, à
l’origine d’un envahissement massif du tube digestif et de
pneumopathies.
Les sujets à risque doivent recevoir, de manière
systématique, un traitement préventif.
2- Néoplasies secondaires :
* Lymphoproliférations liées au virus Epstein-Barr
:
La majorité des syndromes lymphoprolifératifs postgreffe sont
associés à l’EBV.
Le virus infecte les lymphocytes B, et les
immortalise.
Initialement, la prolifération lymphocytaire B est oligoclonale puis monoclonale.
Le contrôle de ces lymphoproliférations est assuré par les lymphocytes T spécifiques
d’antigènes de l’EBV exprimés à la surface des cellules infectées.
Cela explique que ces lymphoproliférations surviennent
principalement dans les premiers mois postgreffe, au moment où le
déficit immunitaire est le plus important, et que leur fréquence est
étroitement corrélée au degré d’immunodépression des patients
greffés (de 0,4 % après greffe géno-identique non compliquée à 24 %
après greffe déplétée en lymphocytes T ex vivo).
Ils surviennent
dans la majorité des cas sur les cellules du donneur.
Le diagnostic
évoqué devant une fièvre et un syndrome tumoral est confirmé par
la présence de cellules tumorales exprimant le génome de l’EBV.
Une
réplication EBV importante (mesurée par la charge virale en PCR)
est prédictive du risque de développer un syndrome
lymphoprolifératif lié à l’EBV.
Elle doit être recherchée chez les
patients à risque pour permettre un traitement précoce.
La
réduction des traitements immunosuppresseurs et la chimiothérapie
donnent des résultats médiocres.
D’autres approches ont prouvé leur
efficacité, que ce soit l’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-B,
ou l’injection de lymphocytes T du donneur (population globale,
lignées ou clones de lymphocytes T cytotoxiques [CTL] anti-EBV).
* Tumeurs solides
:
Les patients traités par allogreffe de CSH ont un risque accru de
développer un cancer.
Chez les greffés survivants, 10 ans après la greffe, ce risque est estimé 8,3 fois supérieur à celui observé dans la
population générale.
L’incidence cumulée est de 6,7 % à 15 ans.
Dans
cette population, il existe une augmentation de la fréquence des
mélanomes, des cancers de la cavité buccale, du foie, du système
nerveux central (SNC), de la thyroïde, des os et des tissus mous.
Les
facteurs de risque principaux sont l’existence d’une c-GVHD et
l’utilisation d’un conditionnement comportant une haute dose d’ICT.
Autres complications de l’allogreffe
:
A - COMPLICATIONS PRÉCOCES :
1- Pneumopathies interstitielles :
Les pneumopathies interstitielles (PI) non bactériennes et non
fongiques constituaient, il y a quelques années, une complication
fréquente et sévère des allogreffes de CSH.
Elles survenaient dans
les 6 premiers mois après la greffe avec un maximum de fréquence
entre la 8e et la 12e semaine.
L’agent infectieux en cause était
fréquemment le CMV.
Depuis le traitement systématique et précoce
des réactivations à CMV, leur fréquence a beaucoup diminué.
Actuellement, le LBA permet souvent d’identifier l’agent infectieux
responsable de ces PI : virus du groupes herpès, adénovirus, virus
respiratoire syncitial, ou le Pneumocystis carinii.
Lorsque aucun agent pathogène n’est retrouvé, on parle de PI
idiopathique dont la pathogénie reste discutée : agent pathogène
inconnu, GVHD, toxicité des conditionnements ?
Les facteurs
favorisant ces pneumopathies sont :
– l’utilisation d’un conditionnement comportant une ICT (surtout
les ICT à forte dose et les ICT non fractionnées) ;
– les antécédents de radiothérapie pulmonaire ;
– l’existence d’infections systémiques.
La fréquence des PI
idiopathiques est plus faible après autogreffe, suggérant que la GVHD puisse favoriser la survenue de cette complication.
Les PI idiopathiques compliquent 7 à 18% des allogreffes avec une
médiane de survenue dans les 2e et 3e mois.
Le taux de mortalité
excède 60 %.
La symptomatologie associe de la fièvre, une toux
non productive, une polypnée et une hypoxie.
Radiologiquement, il
existe des infiltrats diffus alvéolaires et/ou interstitiels.
Le LBA doit
être réalisé pour éliminer la responsabilité d’un micro-organisme.
Il
n’existe plus d’indication à la réalisation de biopsie pulmonaire.
Aucun traitement autre que symptomatique n’a prouvé son
efficacité.
La corticothérapie n’a pas été évaluée dans des essais
cliniques prospectifs.
2- Maladie veino-occlusive du foie (MVO)
:
La MVO du foie, secondaire à la toxicité des traitements
radiochimiothérapiques, débute dans les 2 à 3 premières semaines
postgreffe.
Il s’agit d’une obstruction primitivement non
thrombotique des petites veines centrolobulaires hépatiques qui
complique entre 5 et 20 % des allogreffes après conditionnement
myéloablatif.
* Physiopathologie
:
La MVO survient souvent sur un terrain prédisposé La préexistence
d’une hépatite infectieuse ou toxique, d’une irradiation hépatique
ou d’une greffe constitue un facteur de risque.
Le développement d’une MVO se fait ensuite en deux étapes :
– la première est secondaire à la toxicité du conditionnement (en
particulier de l’ICT et surtout du busulfan).
La toxicité du
conditionnement serait due à une déplétion des hépatocytes et des
cellules endothéliales sinusoïdales en glutathion, altérant le
métabolisme du cyclophosphamide.
La toxicité propre du cyclophosphamide est plus discutée.
Parmi les autres drogues
potentiellement hépatotoxiques citons : la carmustine à fortes doses,
le carboplatine et la cytarabine.
Enfin, la dose totale d’ICT utilisée
est corrélée à la survenue et la sévérité de la MVO.
– la seconde est la survenue de microthromboses des veines
centrolobulaires responsables de la diminution du flux veineux, de
l’hypertension portale et de l’ascite.
Les mécanismes du syndrome
hépatorénal responsable de la rétention hydrosodée précoce sont
inconnus, mais peuvent mettre en jeu des médiateurs vasoactifs
entraînant une vasoconstriction des sinusoïdes hépatiques et des
vaisseaux rénaux, sur un rein par ailleurs préalablement lésé par le
conditionnement.
* Diagnostic
:
Le diagnostic de MVO est évoqué devant la triade clinique :
hépatomégalie douloureuse, prise de poids et ictère.
Sur le plan
biologique, l’hyperbilirubinémie précède l’élévation des
transaminases et des phosphatases alcalines, souvent modeste et
retardée.
Il s’y associe précocement une thrombopénie réfractaire
aux transfusions plaquettaires.
Dans les formes graves, il peut exister
une insuffisance hépatocellulaire avec encéphalopathie, une
insuffisance rénale due à l’existence d’un troisième secteur.
L’échodoppler hépatique permet de visualiser l’hépatomégalie,
l’ascite et la diminution du flux hépatique, voire, à un stade avancé,
une inversion du flux veineux portal.
Dans les situations où le
diagnostic est difficile, la ponction-biopsie hépatique (PBH) par voie
transveineuse avec prise de la pression intrahépatique est utile, tant
à visée diagnostique que pronostique. Un gradient de pression
veineuse supérieur à 10 mmHg est spécifique (90 %), mais peu
sensible (60 %).
En revanche, l’étude histologique montrant
l’obstruction veineuse permet le diagnostic.
L’importance du
gradient de pression veineux et l’extension des lésions initiales sont
prédictives de la gravité de la MVO.
* Traitement préventif
:
Il est particulièrement indiqué chez les patients à risque : seconde
transplantation, transaminases supérieures à 4N et fibrose extensive
ou cirrhose.
Il consiste, avant tout, à adapter le conditionnement
(diminution des doses de busulfan ou de cyclophosphamide, ou des
doses d’irradiation…).
Quelques études ont de plus montré l’intérêt
de l’héparine à faible dose en perfusion continue, ou de la Prostinet.
* Traitement curatif
:
La majorité des MVO se résolvant spontanément, le traitement est
principalement symptomatique (transfusions de plaquettes,
diurétiques, ponctions d’ascite évacuatrices…).
Le pronostic des MVO graves avec insuffisance hépatocellulaire et insuffisance rénale
reste sombre.
Des résultats intéressants ont cependant été rapportés
avec les traitements thrombolytiques tels que le rh-tPA, le
défibrotide, les prostaglandines ou les dérivations portocave.
3- Complications neurologiques
:
Des leucoencéphalites démyélinisantes peuvent s’observer après
radiothérapie et chimiothérapie intrathécale.
La succession d’une
irradiation fractionnée du système nerveux central à dose élevée,
d’une chimiothérapie intrathécale et d’une ICT constitue les
conditions de survenue de telles complications.
Ces encéphalites
toxiques doivent être différenciées des leucoencéphalites
multifocales progressives en rapport avec le virus JC ou les
exceptionnelles encéphalites à CMV.
D’autres virus peuvent être
responsables de méningites ou méningoencéphalites ; il s’agit
principalement des virus du groupe herpès, dont l’HHV-6 qui est
incriminé de manière non exceptionnelle chez les patients présentant
des troubles neurologiques après allogreffe.
B - COMPLICATIONS TARDIVES :
1- Complications oculaires
:
Après ICT à dose unique, le risque de cataracte est estimé à 75 % à 6
ans.
Ce risque est diminué après irradiation fractionnée et après des conditionnements sans ICT.
Les corticoïdes utilisés de façon
prolongée pour le traitement d’une GVHD aggravent ce risque.
2- Complications endocriniennes
:
* Complications thyroïdiennes
:
Un dysfonctionnement thyroïdien biologique est retrouvé chez
environ la moitié des transplantés à distance de la greffe ; chez 80 %
d’entre eux cependant, une compensation par augmentation de la thyroid stimulating hormone (TSH) est observée.
* Complications gonadiques
:
Le conditionnement de greffe entraîne des dysfonctionnements
gonadiques.
Ces atteintes sont dues à l’utilisation d’alkylants à haute
dose et à l’irradiation.
Chez l’homme, la fonction endocrinienne
(production de testostérone) est rarement gravement altérée, mais il
existe une atteinte fréquente de la spermatogenèse.
Une stérilité
définitive est observée chez la quasi-totalité des hommes traités par busulfan ou ICT, alors qu’il existe une restauration de la fonction
exocrine chez 60 % des patients conditionnés par cyclophosphamide
seul.
Chez la femme, le risque de stérilité est fortement corrélé à l’âge au
moment de la greffe et au type de conditionnement utilisé.
Ainsi,
après un conditionnement comportant du cyclophosphamide ou du
melphalan à haute dose, la majorité des patientes ont une
restauration de la fonction ovarienne (définie par une normalisation
des taux de luteinizing hormone [LH], follicule stimulating hormone
[FSH], oestradiol et la réapparition de règles).
Ce phénomène est
d’autant plus fréquent que les patientes sont plus jeunes au moment
de la greffe et ont reçu moins d’alkylants avant le conditionnement
.
Le busulfan entraîne, en règle, une stérilité définitive.
L’ICT provoque une stérilité chez toutes les patientes de plus de
25 ans alors qu’une restauration de la fonction ovarienne est
observée chez 11 % des patientes de 13 à 25 ans et encore plus
fréquemment en cas de greffe avant la puberté.
Un
traitement hormonal substitutif doit être donné en cas de
ménopause induite.
Dans les cas de grossesses spontanées rapportées après allogreffes
conditionnées par une ICT, les risques de fausse couche, prématurité
et petit poids de naissance sont plus importants que dans la
population générale.
* Retentissement sur la croissance
:
Après ICT, un retard de croissance en rapport avec un déficit de
sécrétion d’hormone de croissance doit être recherché et traité.
L’irradiation propre du squelette peut, surtout chez le très jeune
enfant, contribuer à ce défaut de croissance.
Rechutes après allogreffe de cellules
souches hématopoïétiques
pour hémopathies malignes :
La plupart des rechutes surviennent dans les 2 ans qui suivent la
greffe : après ce délai, la rechute est rare, et exceptionnelle après
5 ans.
La très grande majorité des rechutes surviennent sur les
cellules de l’hôte, témoignant de la persistance de cellules
leucémiques résiduelles après le conditionnement.
Il a cependant été
rapporté des cas exceptionnels de rechutes survenues sur les cellules
du donneur.
Certains facteurs favorisent les rechutes postgreffe.
Les principaux
sont les suivants :
– greffe réalisée en phase avancée de la maladie.
Ainsi, les patients
greffés en poussée d’une hémopathie maligne ont un risque
particulièrement élevé de rechute.
Pour les patients greffés en
rémission complète (RC), le risque de rechute est plus important en
2e ou en 3e RC qu’en 1re RC.
Pour les patients atteints de LMC, le
risque de rechute postgreffe est plus important si la greffe est
réalisée en phase d’accélération ou de transformation plutôt qu’en
phase chronique ;
– prophylaxie de la GVHD comportant une déplétion T ex vivo ;
– absence de GVHD.
A - DÉTECTION DE LA RECHUTE
:
Il existe actuellement des techniques permettant de diagnostiquer
les rechutes précocement, c’est-à-dire avant :
– l’apparition d’un syndrome tumoral clinique ou radiologique ;
– la découverte d’une infiltration médullaire détectable cytologiquement ou histologiquement.
Ainsi, pour certaines hémopathies, les techniques de biologie
moléculaire permettent de détecter, avec une grande sensibilité, un
transcrit chimérique ou un réarrangement génique spécifique, et
constituent un outil important dans le diagnostic précoce des
rechutes postgreffe.
Ces techniques sont réalisées couramment pour
le suivi postgreffe des LMC et leur positivité est prédictive de la
rechute.
L’étude de la maladie résiduelle par ces techniques de
biologie moléculaire peut également être réalisée pour certaines
leucémies aiguës myéloblastiques (LAM), LAL, ou certains
lymphomes présentant des transcrits spécifiques.
B - TRAITEMENT DE LA RECHUTE :
La prise en charge de la rechute est différente en fonction de son
moment de survenue par rapport à la greffe (rechute précoce ou
tardive) et de l’importance de cette rechute (moléculaire, caryotypique, hématologique ou clinique).
La chimiothérapie seule peut parfois donner des résultats
temporairement satisfaisants.
En cas de rechute tardive (supérieure
à 1 an), des tentatives de seconde greffe ont été effectuées.
Malgré
certains succès, les résultats sont souvent décevants du fait de la
lourde toxicité du second conditionnement, générateur de MVO ou
de pneumopathies interstitielles.
Afin d’en réduire la toxicité,
certaines greffes sont réalisées après un conditionnement non myéloablatif.
L’injection de lymphocytes du donneur (DLI) a transformé le
pronostic des rechutes postgreffe des LMC.
Ces lymphocytes
sont recueillis par cytaphérèse chez le donneur et injectés au patient.
Ils ne sont pas rejetés car, lors de la rechute, l’hématopoïèse
résiduelle et l’immunité restent le plus souvent en majorité celles du
donneur.
La quantité de lymphocytes injectée varie de 107 à
2×108 CD3/kg de receveur.
Les lymphocytes sont, selon les
protocoles, injectés en une seule fois ou par paliers de doses
croissantes.
Les DLI sont plus efficaces lorsque la rechute est peu
importante.
En cas de rechute caryotypique ou moléculaire de LMC,
l’injection de lymphocytes permet d’obtenir une rémission
moléculaire chez plus de 70 % des patients.
Les résultats sont
moins bons en cas de rechutes hématologiques.
L’effet des DLI est
souvent retardé et peut n’apparaître que plusieurs mois après
l’injection.
L’injection de DLI peut provoquer une GVHD et une
insuffisance médullaire.
Cette dernière complication est plus
fréquente en cas de rechute hématologique.
Les DLI sont plus
rarement efficaces dans les rechutes de LAM (un quart des cas) et
exceptionnellement dans les rechutes de LAL.
Des succès plus
fréquents seraient observés dans des rechutes de myélomes, de
leucémies lymphoïdes chroniques, voire de lymphomes.
Voies de développement
et perspectives d’avenir
:
Actuellement, on peut espérer guérir par allogreffe de CSH, une
majorité des patients de moins de 50 ans ayant un donneur génoidentique.
Cependant, la toxicité de cette procédure est responsable
de décès dans environ 25 % des cas.
L’expansion des fichiers de donneurs volontaires et le
développement de techniques performantes de typage HLA ont
permis d’améliorer le pronostic des patients greffés à partir de
donneurs volontaires HLA identiques, mais la toxicité de ce type de
greffe reste encore plus élevée qu’en situation géno-identique.
Un nombre important de patients ayant une indication d’allogreffe
de CSH n’auront jamais de donneur HLA identique, quelle que soit
la taille des fichiers de donneurs volontaires.
Pour ces raisons, les voies de recherches actuelles dans le domaine
de l’allogreffe de CSH ont principalement pour avantages :
– la réduction de la toxicité liée à la greffe ;
– le développement de nouvelles techniques de greffe permettant
de greffer des patients n’ayant pas de donneur HLA identique.
A - RÉDUCTION DE LA TOXICITÉ LIÉE À LA GREFFE
DE CELLULES SOUCHES HÉMATOPOÏÉTIQUES :
1- Utilisation d’un conditionnement non myéloablatif :
La toxicité des conditionnements myéloablatifs classiques ne permet
pas d’envisager des allogreffes :
– chez des patients de plus de 55 ans ;
– chez les patients présentant un mauvais état général ;
– chez les patients ayant déjà reçu un conditionnement de greffe myéloablatif.
Pour ces raisons, des équipes ont développé des modalités de greffe
comportant des conditionnements non myéloablatifs.
Ces
conditionnements sont principalement immunosuppresseurs et
l’effet antitumoral de l’allogreffe est essentiellement dû à l’effet
GVL.
Le conditionnement a principalement pour but d’assurer
la prise de greffe en détruisant le système immunitaire du receveur.
L’acquisition d’un chimérisme hématopoïétique donneur est due
aux lymphocytes T du greffon.
Ce phénomène est souvent
progressif, avec durant les premiers mois postgreffe coexistence de
l’hématopoïèse du donneur et du receveur.
L’existence d’un effet GVL est corrélée à l’acquisition d’un chimérisme totalement donneur
et peut être obtenue, dans un second temps, par l’injection de
lymphocytes du donneur.
L’allègement du conditionnement devrait
théoriquement diminuer l’incidence de GVHD.
Enfin, le risque de
rejet devrait être limité par l’utilisation d’un greffon de CSP plus
riche en cellules CD34 qu’un greffon médullaire.
Il existe
actuellement un développement important de ce type d’allogreffes,
en particulier chez les patients de plus de 50 ans.
Plusieurs
protocoles de conditionnement utilisent des associations variées de fludarabine, de cyclophosphamide, de SAL, de busulfan à faibles
doses ou d’ICT à des doses inférieures à 5 Gy.
Si plusieurs
études ont montré la faisabilité de ce type de greffe, leur intérêt
reste encore à démontrer.
En effet, elles restent grevées d’une lourde
toxicité, probablement parce qu’elles sont réalisées dans la plupart
des cas chez des patients âgés à des stades avancés de leur maladie.
2- Greffes à partir de cellules souches périphériques
:
L’utilisation des CSP a largement remplacé les greffons médullaires
dans le domaine de l’autogreffe.
En revanche, l’allogreffe de CSP se
heurte à deux problèmes principaux :
– la nécessité d’injecter à un sujet sain du G-CSF recombinant pour
mobiliser les CSH ;
– le risque théoriquement plus élevé de GVHD qu’après greffe de
moelle.
En effet, un greffon de CSP contient en moyenne dix fois plus de
lymphocytes T qu’un greffon médullaire.
En pratique, l’incidence
de GVHD aiguë n’est pas supérieure à celle observée après allogreffe
de moelle, il semble, en revanche, exister une augmentation du
risque de GVHD chronique.
Cela pourrait être lié aux différences
qualitatives entre les populations de lymphocytes T contenues dans
un greffon médullaire et celles contenues dans un greffon de CSP,
recueillies après injection de facteurs de croissance.
Il a été
montré que l’administration de G-CSF à des donneurs
s’accompagnait d’une modification du profil de sécrétion des
cytokines par les lymphocytes, avec une augmentation de
production des cytokines de type Th2 et une réduction de
production des cytokines de type Th1.
Or, l’activation des
lymphocytes T sécrétant des cytokines de type Th1 est responsable
de la GVHD aiguë alors qu’une réponse de type Th2 pourrait
prévenir la GVHD aiguë et être impliquée dans la GVHD chronique.
En raison de l’augmentation de l’incidence de GVHD chronique
après greffes de CSP, leurs indications restent encore discutées en
situation géno-identique après un conditionnement standard.
L’utilisation d’un greffon de CSP présente cependant des avantages
dans certaines circonstances.
Ainsi, comme il contient en moyenne
quatre fois plus de cellules CD34 qu’un greffon médullaire, il permet
une meilleure prise de greffe et une reconstitution hématopoïétique
plus rapide.
Cette propriété peut être intéressante dans les situations
où il existe un risque important de non-prise ou de rejet :
– greffes avec conditionnement non myéloablatif ;
– déplétion T du greffon ex vivo ;
– greffes réalisées en situation d’incompatibilité HLA partielle.
3- Injection de CTL spécifiques d’antigènes viraux
:
Le déficit de l’immunité spécifique postgreffe expose les patients à
des complications infectieuses principalement virales.
Ces
complications sont particulièrement fréquentes :
– après les greffes déplétées ex vivo en cellules T ;
– chez les patients présentant une GVHD sévère nécessitant un
lourd traitement immunosuppresseur ;
– après greffe réalisée en situation de compatibilité HLA imparfaite.
Les virus le plus fréquemment responsables de complications
sévères sont l’EBV et le CMV.
Les CTL spécifiques de ces virus jouent un rôle primordial dans le
contrôle de l’infection.
Il a été montré que l’injection de lymphocytes
totaux du donneur permettait de traiter les syndromes lymphoprolifératifs liés à l’EBV.
Cependant, cela peut être
générateur d’une GVHD sévère.
Pour cette raison, plusieurs équipes
ont cherché à générer in vitro des CTL spécifiques de l’EBV.
Il a été
montré que l’injection de ces CTL était efficace à la fois pour
prévenir et pour traiter des syndromes lymphoprolifératifs
postgreffe liés à l’EBV.
Si la plupart des infections à CMV
sont actuellement contrôlées par les médicaments antiviraux, il
persiste des situations de déficit immunitaire profond où le CMV
peut être responsable d’infections chroniques à CMV difficilement
contrôlables par les antiviraux.
Le transfert de clones de CTL spécifiques du CMV a permis de
prévenir des maladies à CMV sans générer de GVHD.
4- Techniques visant à obtenir une immunosuppression
spécifique
:
* Techniques de thérapie cellulaire visant à supprimer, ex vivo, des
lymphocytes alloréactifs :
La GVHD reste une complication de l’allogreffe responsable d’une
lourde morbidité et mortalité, particulièrement dans les situations
de compatibilité HLA imparfaite.
La déplétion ex vivo des
lymphocytes T du greffon permet de diminuer fortement l’incidence
de GVHD mais augmente l’incidence du rejet et aggrave le déficit
immunitaire postgreffe responsable de complications infectieuses.
La
réalisation de greffe déplétée spécifiquement en lymphocytes T
alloréactifs du greffon devrait permettre de prévenir la GVHD sans
entraîner de déficit immunitaire sévère.
C’est dans ce but que
plusieurs équipes ont développé, d’abord in vitro et dans des
modèles animaux, des stratégies consistant à stimuler et à activer
spécifiquement ex vivo les lymphocytes T alloréactifs du greffon en les mettant en présence de cellules mononucléées irradiées du
receveur.
Les lymphocytes alloréactifs sont ensuite :
– triés et éliminés ;
– ou détruits par l’utilisation d’une immunotoxine dirigée contre la
chaîne a du récepteur de l’interleukine 2 (IL-2) ;
– ou anergisés par l’utilisation de CTLA-4-Ig.
Cette dernière approche a été appliquée à 12 enfants allogreffés à
partir de moelles HLA non compatibles (dont huit semicompatibles),
c’est-à-dire dans des situations à très hauts risques de
GVHD et de rejet.
Malgré la sensibilisation ex vivo des
lymphocytes T du donneur aux alloantigènes du receveur, aucune
GVHD suraiguë n’a été observée, prouvant l’efficacité de cette
procédure pour anergiser les cellules alloréactives.
L’intérêt de cette
technique est encore difficile à apprécier en termes de rapidité et de
qualité de reconstitution immunitaire, mais est documenté in vitro
par la persistance d’une réponse des lymphocytes T du greffon à
des alloantigènes autres que ceux du receveur, et à des antigènes
viraux.
* Contrôle de la GVHD par « gène suicide »
:
Les « gènes suicides » confèrent aux cellules transduites de nouvelles
propriétés métaboliques qui leur permettent de transformer des
prodrogues inactives en composés hautement toxiques.
Ainsi, le
gène de la thymidine kinase du virus herpès simplex de type 1 (HStk)
confère aux cellules qui l’expriment une sensibilité à des
analogues nucléosidiques comme le DHPG (ganciclovir).
Dans ce
système, la toxicité est restreinte aux seules cellules en division.
On fait l’hypothèse qu’en cas de GVHD les cellules activées en
division sont en majorité les lymphocytes T alloréactifs du donneur.
L’injection de DHPG devrait donc permettre de détruire
spécifiquement ces lymphocytes alloréactifs transduits.
En pratique, cette approche consiste à :
– réaliser une greffe de CSH déplétée en lymphocytes T ;
– transfecter ex vivo les lymphocytes T du donneur avec le gène
HS-tk ;
– injecter les lymphocytes transfectés au receveur ;
– en cas de GVHD, à administrer au receveur du DHPG pour
détruire les lymphocytes alloréactifs.
B - NOUVELLES TECHNIQUES DE GREFFE
CHEZ DES PATIENTS N’AYANT PAS DE DONNEUR HLA
COMPATIBLE
:
1- Greffe à partir de sang placentaire :
Il existe actuellement un développement des greffes réalisées à partir
de sang placentaire soit d’un germain géno-identique soit, surtout,
d’un donneur non apparenté.
Le nombre limité de cellules
souches d’un greffon de sang placentaire fait qu’à ce jour de telles
greffes ne peuvent, dans la majorité des cas, être réalisées que chez
des enfants ou des adultes de faible poids.
Les greffes de sang placentaire présentent deux différences
principales avec les greffes de moelle :
– les lymphocytes de sang placentaire possèdent des propriétés
différentes de ceux des greffons médullaires ou de CSP : leur naïveté
immunologique devrait permettre la réalisation de greffes dans des
situations d’incompatibilité partielle HLA.
Il a été ainsi montré qu’en
situation non apparentée un greffon de sang placentaire HLA mismatch (de une à trois disparités HLA entre donneur et receveur)
était une source alternative de CSH pour la réalisation d’allogreffes
chez l’enfant ; cependant la reconstitution hématologique
est plus longue qu’après greffe de moelle et le risque de rejet est
supérieur.
Une étude récente a comparé, en situation géno-identique, les
résultats des greffes de sang placentaire à ceux des greffes de moelle
chez des enfants.
Il apparaît que le taux de GVHD aiguës et
chroniques est moins important chez des patients greffés à partir de
sang placentaire alors que la reconstitution hématologique est plus
rapide après greffe de moelle.
Au total, le taux de survie est
comparable quelle que soit la source de CSH.
En situation non
apparentée, deux études montrent que le pronostic d’enfants greffés
à partir de sang placentaire (avec une à trois disparités HLA entre
donneur et receveur) est le même que celui d’enfants greffés avec
un greffon médullaire possédant pourtant une meilleure
compatibilité HLA.
L’expansion ex vivo des CSH pourrait constituer une solution au
nombre limité de cellules souches contenues dans les greffons de
sang placentaire et au risque de non-prise.
Cela pourrait permettre
d’étendre ce type de greffe à des receveurs de poids plus élevé. Ces
techniques consistent en pratique à cultiver ex vivo les progéniteurs
hématopoïétiques en présence de diverses associations de cytokines.
2- Greffe HLA haplo-identique :
Quarante pour cent des patients ayant une indication d’allogreffe
n’ont pas de donneurs familiaux ou non apparentés HLA
compatibles.
Presque tous ont un donneur potentiel familial haploidentique
(identique sur un haplotype et différent sur l’autre) :
parent, enfant, germain.
Dans ce type de greffe, il existe un conflit
immunologique majeur entre donneur et receveur.
Ce conflit
immunologique existe à la fois dans le sens HVG et dans le sens
GVH.
Des travaux expérimentaux, déjà anciens, portant sur des
modèles murins greffés en situation haplo-identique, ont établi
l’importance du nombre de CSH injectées comme paramètre
essentiel à la prise de greffe : plus l’incompatibilité au niveau des
antigènes majeurs d’histocompatibilité est grande, plus la dose
injectée doit être importante.
L’utilisation de greffons très riches
en cellules souches permet maintenant d’assurer la prise de la greffe
malgré une T-déplétion majeure, nécessaire à la prévention de la
GVHD. Ainsi, la pratique de telles greffes s’appuie-t-elle sur trois
grands principes :
– un conditionnement alourdi et très immunosuppresseur afin de
combattre le rejet ;
– une prévention de la réaction du greffon contre l’hôte par la T-déplétion la plus radicale possible du greffon ;
– une dose très élevée de cellules CD34 injectées en utilisant un
greffon de CSP, recueillies chez le donneur par trois à quatre
cytaphérèses après mobilisation par G-CSF.
Si une telle approche prévient efficacement la GVHD et le rejet, la
déplétion radicale du greffon en lymphocytes T s’accompagne d’un
profond déficit immunitaire postgreffe et d’un risque de rechute
important dans certains types d’hémopathies.
Ces techniques
constituent cependant un espoir pour de nombreux malades qui
n’ont pas de donneur HLA-identiques.