Algies pelviennes de la femme Cours de
Gynécologie
Examen clinique
:
1- Interrogatoire
:
Il représente une partie très importante de la consultation.
Il convient tout d’abord :
– de déterminer les caractères de la douleur : type, intensité,
siège, irradiations, circonstance d’apparition, profil
évolutif, périodicité par rapport aux règles ;
– de rechercher des signes associés gynécologiques ou
non ;
– d’étudier les antécédents et les facteurs de risque de la
pathologie suspectée ;
– mais aussi d’évaluer le profil psychologique de la
patiente : contexte affectif, couple, désir de maternité,
ainsi que son allure générale, tout en établissant une relation
de confiance avec celle-ci.
C’est pourquoi, l’examen
clinique doit être minutieux, dans le calme et en
comité restreint.
Successivement : pouls, tension, température.
2- Examen de l’abdomen
:
Il est pratiqué à la recherche de : cicatrice, statique générale,
météorisme, sensibilité, irritation péritonéale.
3- Examen gynécologique
:
• Inspection :
– de la vulve : trophicité, prolapsus, cicatrice ;
– du périnée : trophicité, ulcération, lésions inflammatoires
cutanées ;
– de l’anus : condylomes, fissure.
• Spéculum : aspect du col : frottis cervico-vaginaux.
• Toucher vaginal : taille, consistance, position, sensibilité
du corps et du col de l’utérus ; culs-de-sac : sensibilité,
masse, nodule.
• Toucher rectal : toujours indispensable.
Les examens complémentaires ne sont pas systématiques,
mais orientés selon la pathologie suspectée, en
fonction de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
Au terme de l’examen, parfois aucun diagnostic ne peut
être fait.
Il faut alors penser à une symptomatologie fonctionnelle,
d’où l’importance d’avoir évalué auparavant le
contexte psychologique de la patiente.
Des choix parmi les causes doivent être faits car toute la
gynécologie pourrait être énoncée.
L’exhaustivité étant
difficile, nous les présenterons selon une démarche
logique en fonction des données de l’examen clinique.
Douleurs aiguës
:
Elles surviennent en général dans un contexte évocateur.
A - Contexte infectieux :
1- Cervico-vaginite :
Elle est en général de diagnostic facile : les douleurs sont
bas situées, souvent associées à une dyspareunie et (ou) à
des leucorrhées pathologiques.
Les signes cliniques
retrouvés sont variables selon le type de germe retrouvé
sur le prélèvement bactériologique :
– Gardnerella : leucorrhées grises avec une odeur caractéristique
et désagréable (sniff test) ;
– herpès : vésicules en bouquet, muqueuse inflammatoire.
La bactériologie des urines est toujours indispensable.
Un cancer du col doit être recherché en présence d’une cervico-vaginite de façon systématique: biopsie au
moindre doute.
2- Infection haute associée
:
Il faut toujours rechercher une infection haute associée
(salpingite ou annexite).
Les germes en cause sont : Chlamydiæ (40 à 60 %), gonocoque (10 à 15 %).
• Le tableau typique est celui d’une douleur pelvienne le
plus souvent bilatérale à irradiation postérieure, augmentée
à l’effort, associée à des métrorragies (endométrite),
des leucorrhées pathologiques, une fièvre modérée
(38,5°C).
On peut rechercher un contexte favorisant
: nouveau partenaire, partenaires multiples pouvant
présenter des signes d’urétrite.
• Le diagnostic n’est pas toujours aisé ; en effet, il n’y a
pas obligatoirement de parallélisme entre la clinique, la
biologie et l’exploration échographique ou chirurgicale.
• Le traitement consiste en une antibiothérapie adaptée
précédée d’une coelioscopie s’il existe un doute diagnostique
(sans oublier de traiter le partenaire).
Parfois le tableau clinique est d’emblée celui d’une pelvipéritonite
nécessitant une hospitalisation et une surveillance
attentive de l’évolution sous traitement : pyosalpinx,
abcès du Douglas, péritonite secondaire par
diffusion ou rupture d’un abcès pelvien.
B - Contexte hémorragique :
1- Grossesse extra-utérine
:
La douleur est souvent unilatérale à irradiation postérieure,
associée plus ou moins à des métrorragies
sépias, des lipothymies, une aménorrhée.
Il faut rechercher à l’interrogatoire des facteurs de
risque [antécédents de chirurgie tubaire, de salpingite,
de grossesse extra-utérine (GEU), microprogestatifs…].
• À l’examen : l’utérus est augmenté de volume mais
inférieur à ce que voudrait le terme théorique ; le culde-sac correspondant est douloureux, empâté.
La douleur
du Douglas est particulièrement évocatrice.
• Les examens complémentaires sont :
– les hCG qualitatifs pour affirmer la grossesse ;
– les hCG quantitatifs (ascension inférieure à la normale).
L’échographie endovaginale : vacuité endo-utérine,
masse pelvienne suspecte, sac latéro-utérin, épanchement
dans le Douglas.
• Le traitement est le plus souvent coeliochirurgical ou
bien médical (méthotrexate) selon les cas.
2- Menace de fausse couche ou fausse couche
en cours :
La douleur est utérine à type de contractions, associée à
des métrorragies plus ou moins abondantes avec des
caillots.
À l’examen, le col est modifié, l’utérus augmenté de
volume.
L’échographie confirme le diagnostic : oeuf clair, débris
trophoblastiques si l’expulsion a déjà eu lieu.
Le traitement est variable, selon le terme et le contenu
utérin (chirurgical ou médical).
3- Grossesse intra-utérine évolutive
:
Il peut exister des douleurs semblables à des contractions
utérines et des saignements d’abondance variable.
L’utérus a un volume en rapport avec le terme, le col est plus
ou moins fermé ; parfois un gros ovaire porteur du corps
jaune pose un problème de diagnostic différentiel avec
une grossesse extra-utérine.
L’échographie montre une
grossesse évolutive avec un décollement trophoblastique
dont l’importance variable oriente le pronostic évolutif.
Le traitement est symptomatique : repos, antalgique,
antispasmodique. Le pronostic de la grossesse dépend
de l’importance du décollement et de son évolution.
C - Présence d’une masse pelvienne :
1- Kyste ovarien
:
Il peut se tordre, se rompre, saigner. La douleur est brutale,
unilatérale, associée à des vomissements s’il s’agit
d’une torsion qui constitue une véritable urgence chirurgicale.
Il existe une douleur exquise latéro-utérine au
niveau du pédicule ovarien avec ou sans perception de
masse pelvienne.
• Dans les autres cas, l’examen retrouve une douleur ou
une défense pariétale, le cul-de-sac vaginal est sensible
avec présence d’une masse plus ou moins volumineuse.
• L’échographie oriente le diagnostic :
– torsion : augmentation du volume, diminution du flux
sanguin ;
– rupture : épanchement intrapéritonéal, kyste affaissé
par rapport à un éventuel examen antérieur ;
– hémorragie : contenu échogène hétérogène, aspect de
sédimentation avec le temps.
Le traitement repose sur les antalgiques ou la coelioscopie
selon les cas.
2- Fibrome en nécrobiose ou tordu
:
La douleur est paroxystique, souvent associée à un
météorisme et à une fièvre modérée.
À l’examen, l’utérus est douloureux en un point exquis,
de consistance ferme, à contours irréguliers.
À l’échographie,
on retrouve une image arrondie, hypoéchogène
ou hétérogène s’il y a une nécrobiose.
Le traitement associe des antalgiques et des anti-inflammatoires,
puis la chirurgie dans un second temps en cas
d’inefficacité.
Douleurs chroniques
:
Elles sont en général de diagnostic plus difficile.
A - Douleurs rythmées :
1- Dysménorrhées
:
Elles peuvent être primaires, c’est-à-dire exister dès
l’apparition des premières règles, ou secondaires (survenant
plus tardivement).
Il faut également préciser si elles sont précoces (dès les
premiers jours des règles) ou bien tardives, apparaissant
après 2 ou 3 jours, plus ou moins persistantes ensuite.
• Dysménorrhées primaires
– Dysménorrhées spasmodiques : elles n’ont pas de
support organique ; cependant, plusieurs interprétations
physiopathologiques ont été faites : . anomalie de la contractibilité du myomètre : augmentation
de l’intensité des contractions utérines, dysrythmie…
. ischémie relative pendant les contractions,
. facteur hormonal : seuls les cycles ovulatoires sont dysménorrhéiques
avec retard à l’ouverture du col et sécrétion dysharmonieuse
ou en excès de prostaglandines qui sont synthétisées
par l’endomètre : prostaglandines E2 (PGE2) et I2
(PGI2) utérorelaxantes, vasodilatatrices ; thromboxane A2
(TXA2) et prostaglandine F2 (PGF2) : vasoconstrictives et
utérotoniques.
Les patientes sont surtout des adolescentes (la fréquence
diminue après 25 ans), de bon niveau socio-économique,
vivant une période de stress.
Les douleurs peuvent être légères mais aussi invalidantes,
obligeant la patiente à rester au lit.
Le traitement varie selon l’intensité des douleurs : antispasmodique,
antalgique simple ou, en cas d’échec : antiprostaglandine
(Naprosyne, naproxène) et parfois prise en charge
psychothérapeutique.
– Malformations utérines : dans le cas d’ hémi-vaginborgne,
de cornes utérines rudimentaires, le sang s’élimine
de façon retardée.
Cela se traduit par des douleurs maximales
le premier jour des règles, s’atténuant ensuite progressivement.
Il faut toujours rechercher d’autres malformations associées,
notamment rénales.
L’examen clinique est insuffisant pour le diagnostic et il faut
faire appel à l’échographie, à l’hystérosalpingographie ou à
la coelioscopie.
Il peut exister une « dysménorrhée sans règle » s’il y a une
imperforation hyménéale.
Elle est de diagnostic évident si
l’examen clinique est minutieux.
• Dysménorrhées secondaires
– L’endométriose externe entraîne une dysménorrhée
secondaire tardive. Elle est définie par la présence en dehors
de la cavité utérine de « tissus endométrial ».
Le plus souvent il s’agit d’une femme ayant entre 20 et 30
ans présentant une dysménorrhée qui peut être associée à
une dyspareunie profonde et à une infécondité (les consultations
de stérilité sont souvent à l’origine de sa découverte).
Parfois les douleurs peuvent prendre un caractère permanent.
L’examen clinique doit être fait pendant les règles ; il reproduit
la douleur mais les signes objectifs sont rares (nodules,
rétroversion fixée), le toucher rectal est indispensable.
Le diagnostic est fait en coelioscopie, celle-ci montrant des
nodules bleutés, des adhérences, un endométriome.
S’il s’agit d’une endométriose profonde, la chirurgie améliore
de façon durable les douleurs (80 % des cas)
et peut être efficace sur l’infécondité (60 % des cas).
– L’adénomyose correspond à la présence de foyers de
muqueuse endométriale dans le myomètre (invagination).
Les patientes sont en général des femmes d’une quarantaine
d’années qui ont des antécédents d’endométropathie, et il
existe souvent une myomatose associée.
La dysménorrhée
est souvent associée à des ménométrorragies .
L’hystérosalpingographie
aidera au diagnostic : diverticules, rigidité segmentaire,
image en parapluie (rétroversion fixée), tuba erecta..
Il faut éliminer les hyperplasies muqueuses et les polypes intracavitaires par l’échographie et l’hystéroscopie tout en
sachant qu’ils peuvent être responsables par eux-mêmes des
douleurs.
Le traitement le plus efficace est l’hystérectomie, les traitements
médicaux étant le plus souvent voués à l’échec.
– Modifications anatomiques acquises : les synéchies
après curetage ou les sténoses du col après électrocoagulation
peuvent être à l’origine de dysménorrhées, car elles
entraînent une rétention partielle de sang menstruel avec élimination
retardée de celui-ci.
Le diagnostic peut être fait en échographie (EVAC : échographie
avec accentuation de contraste) ou en hystéroscopie
pour les synéchies, et par exploration du col à la bougie pour
les sténoses.
Ces deux examens (hystéroscopie et exploration du col) permettent
également un traitement efficace en cas de lésions
récentes.
2- Syndrome intermenstruel
:
Il s’intègre le plus souvent dans le cadre de la dystrophie
macropolykystique des ovaires.
Les douleurs surviennent
en milieu de cycle lors de l’ovulation, mais peuvent être
aussi per- ou prémenstruelles.
Il existe une irrégularité
menstruelle avec des cycles longs et parfois une stérilité.
L’hirsutisme est rare.
Les patientes sont en général neurotoniques,
vivant une situation conflictuelle.
Il n’existe parfois
aucun antécédent, mais dans certains cas une annexite responsable
d’adhérences pelviennes altérant le fonctionnement
des ovaires est présente.
Ces adhérences seront mises
en évidence par la coelioscopie.
À l’examen, le volume des ovaires est variable selon le cycle
: normal après les règles, nettement augmenté avant leur survenue.
Le traitement repose sur le blocage de l’activité ovarienne.
B - Douleurs permanentes :
1- Séquelles d’infection
:
Elles sont présentes dans 20 % des cas après une salpingite.
La douleur est sourde, continue, non modifiée par les règles.
Une dyspareunie profonde peut exister, traduisant la sclérose
inflammatoire et parfois une rétroversion fixée.
L’examen clinique est peu contributif.
La coelioscopie
retrouve des adhérences, un hydrosalpinx, un épanchement
du Douglas.
Le traitement est très difficile.
La chirurgie ne devrait être
proposée qu’avec la plus grande circonspection.
2- Troubles de la statique pelvienne
:
Les douleurs sont permanentes, augmentées par la position
debout prolongée ; elles sont parfois associées à une dyspareunie
et à des signes urinaires ou digestifs s’il existe une
compression.
L’examen clinique recherche une malposition utérine, un
prolapsus et une coelioscopie éventuelle peut retrouver une
désinsertion ligamentaire (syndrome de Masters et Allen :
rupture du feuillet postérieur du ligament large) souvent associée
à une varicocèle pelvienne.
3- Douleurs révélant une tumeur pelvienne
:
Il peut s’agir d’un cancer pelvien, d’un fibrome ou d’une autre
masse pelvienne, la douleur est permanente, sourde.
L’examen
clinique peut retrouver la tumeur, sinon il faut s’aider de
l’échographie ou d’une autre imagerie (scanner IRM).
C - Dyspareunies :
Elles nécessitent un classement particulier.
Ces sont des douleurs provoquées par le rapport sexuel, le
rendant ainsi difficile.
Elles sont de plusieurs types : superficielles,
profondes, de présence.
1- Dyspareunies superficielles
:
Les plus fréquentes sont les vulvovaginites infectieuses : surtout
l’herpès, mais aussi les Candida, Trichomonas, Gardnerella
et autres germes.
Elles concernent aussi les traumatismes obstétricaux (épisiotomie)
et chirurgicaux (myorraphie postérieure, colpectomie
étendue), les dermatoses type lichen scléreux, ezcéma ainsi
que les malformations de l’hymen.
2- Dyspareunies de présence
:
Elles sont surtout dues aux atrophies (ménopause, syndrome
sec) mais aussi aux cervico-vaginites et aux inflammations
chroniques du col.
3- Dyspareunies profondes
:
Elles peuvent être dues à une infection génitale haute ou à ses
séquelles.
Elles sont retrouvées dans les rétroversions utérines idiopathiques
ou secondaires à une endométriose.
Lorsqu’il s’agit
d’une rétroversion sans pathologie associée, la relation de
causalité est difficile à établir du fait de la fréquence de cette
anomalie et de la rareté des troubles qu’elle entraîne.
L’épreuve du pessaire peut être utile.
4- Vaginisme
:
Il représente une entité à part qui correspond à une contracture-réflexe des muscles du périnée secondaire à la douleur et
le plus souvent d’origine psychologique (conflit avec le partenaire).
Douleurs non gynécologiques
:
Elles peuvent être d’origine :
• urinaire : il faut rechercher des signes fonctionnels en faveur
d’une infection urinaire haute ou basse (brûlures, pollakiurie,
douleurs lombaires) ou d’une lithiase (douleur de type colique
néphrétique, antécédents personnels ou familiaux de lithiase).
La bactériologie des urines est faite au moindre doute de
même que l’échographie rénale ;
• digestive :
– sigmoïdite (femme d’âge moyen avec une notion de constipation,
de rectorragie, d’épisodes identiques, symptomatologie
d’appendicite chronique à gauche) ;
– une appendicite pelvienne ou rétrocæcale, cette dernière
étant de diagnostic difficile car les signes ne sont ni localisés
ni francs ;
– des troubles fonctionnels intestinaux : en présence d’un ballonnement
abdominal, d’une constipation, chez une patiente
ayant souvent un profil psychologique particulier (stress) ;
• il peut s’agir d’une cause ostéo-articulaire comme des
lombo-sacralgies à irradiation abdominale ;
• il ne faut pas négliger les causes psychiatriques : conversion
hystérique, dépression, lorsque véritablement aucune origine
organique ne peut être retenue ; on entre dans le cadre
des algies essentielles.
Algies essentielles
:
Si aucune cause n’est retrouvée, on peut alors penser à une
origine psychosomatique (désarroi psychique méconnu dans
son expression verbale mais se manifestant par le corps) ce
qui est loin d’être rare et pouvant revêtir tous les types.
En effet, le pelvis est chez la femme la caisse de résonance du
psychisme, un centre géométrique de la sensibilité, symbole
de procréation, sexualité, féminité.
Il faut toujours rechercher un événement pouvant être à l’origine
de la douleur : chômage, décès, conflit conjugal, affectif.
Il est donc nécessaire de bien écouter la patiente et de lui montrer
que sa pathologie est prise en compte réellement, ce qui
nécessite l’instauration d’une relation de confiance avec une
consultation très personnalisée.
La prise en charge peut être faite par le gynécologue ou le
médecin traitant s’il se sent le désir et la compétence d’aborder
des problèmes psychosomatiques.
Il faut savoir demander l’avis d’un collègue spécialisé et, le
cas échéant, passer la main au psychologue si on ne se sent
pas apte, et ne pas penser qu’il s’agit d’un échec du savoir du
médecin.