Affections inflammatoires de l’orbite
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Pendant longtemps, les inflammations orbitaires ont été appelées
« pseudotumeurs inflammatoires ».
Ce terme imprécis désignait des
processus intraorbitaires d’aspect inflammatoire, variés et de
pronostic différent, allant d’une simple dacryoadénite aux
manifestations parfois très sévères d’une granulomatose de Wegener.
Leur grande variété expliquait la réponse parfois très favorable à la
corticothérapie, et la résistance ou la corticodépendance dans
d’autres cas.
Les progrès de l’imagerie orbitaire, ainsi que la meilleure
compréhension des processus immunopathologiques sous-jacents
aux maladies inflammatoires, et l’accès à des traitements
immunomodulateurs efficaces sont à l’origine de la nouvelle
classification plus précise et plus pragmatique.
La tendance actuelle est de distinguer les inflammations orbitaires
spécifiques (étiologie connue) et les inflammations orbitaires non
spécifiques.
La biopsie orbitaire joue un rôle fondamental dans
cette démarche.
Les inflammations spécifiques nécessitent un bilan
adapté à chaque étiologie et parfois un traitement très agressif.
L’orbitopathie dysthyroïdienne et les tumeurs orbitaires, parfois
d’aspect inflammatoire dans leur présentation, sont considérées
comme des diagnostics différentiels et ne sont pas discutées dans
cet article.
En revanche, certaines formes de passage entre inflammation non
spécifique et pathologie tumorale lymphocytaire sont à connaître et
justifient parfois des biopsies itératives.
Inflammations orbitaires
non spécifiques
:
Les inflammations orbitaires non spécifiques, appelées autrefois
« pseudotumeurs », ont plusieurs critères cliniques et histopathologiques en commun.
En effet, elles se
manifestent sous forme d’une inflammation aiguë ou subaiguë, en
dehors d’un contexte spécifique (maladie de système, infection de
voisinage…).
Histologiquement, il s’agit d’une infiltration
polymorphe de cellules inflammatoires (polynucléaires neutrophiles,
lymphocytes, plasmocytes, macrophages et fibroblastes).
Les formes
chroniques peuvent simuler une tumeur orbitaire d’apparition
progressive et seule la biopsie peut permettre dans ces cas de
confirmer le caractère non spécifique.
Ces inflammations non spécifiques, dans l’état actuel des
connaissances, sont distinguées en plusieurs catégories, selon leur
localisation.
Cela permet de faciliter la démarche diagnostique et
thérapeutique selon chaque sous-groupe.
Il s’agit, par ordre décroissant de fréquence, de localisation
musculaire (myosites), lacrymale (dacryoadénites), antérieure,
apicale et diffuse.
A - MYOSITES :
1- Clinique
:
Ce sont les inflammations orbitaires non spécifiques les plus
fréquentes.
Sur le plan clinique, elles se manifestent par l’apparition
assez brutale d’une douleur exacerbée lors des mouvements
oculaires, d’une diplopie dans le champ d’action du (ou des)
muscle(s) atteint(s) et d’une inflammation périorbitaire.
Ce tableau
clinique peut dans certains cas être précédé d’un syndrome pseudogrippal.
L’examen recherche une hyperhémie conjonctivale,
particulièrement à l’insertion des muscles oculomoteurs, ainsi
qu’une exophtalmie.
Tous les muscles horizontaux et verticaux peuvent être atteints.
Les myosites ont tendance à être récidivantes, surtout dans les
formes avec atteinte de plusieurs muscles ou les formes bilatérales.
L’atteinte d’un seul muscle serait un facteur de bon pronostic.
Les formes atypiques indolores, sans diplopie, avec neuropathie
optique ou présentant une imagerie inhabituelle, sont à biopsier à la
recherche d’un diagnostic différentiel.
2- Imagerie
:
À l’imagerie, essentiellement scanner et imagerie par résonance
magnétique (IRM) orbitaires, le muscle atteint paraît élargi dans son
ensemble, y compris au niveau de son tendon, avec rehaussement
après injection de produit de contraste.
3- Diagnostic différentiel
:
Le diagnostic différentiel principal est l’atteinte musculaire au cours
d’une orbitopathie dysthyroïdienne.
Cliniquement, le contexte
général de dysthyroïdie ainsi que la rétraction palpébrale sont deux
éléments contre la myosite.
À l’imagerie, l’orbitopathie
dysthyroïdienne est caractérisée par un élargissement fusiforme du
muscle avec respect du tendon.
Les autres principaux
diagnostics différentiels, à évoquer devant toute atypie clinique ou
radiologique, et à éliminer par une biopsie, sont le lymphome, les
tumeurs musculaires primitives ou secondaires, l’amylose et les
inflammations sclérosantes.
4- Traitement
:
Le traitement dépend du type de myosite.
Les atteintes isolées d’un
muscle semblent être de meilleur pronostic et répondent à un
traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens ou par corticoïdes per os à faible dose (0,5 mg/kg/j).
En revanche, les atteintes multiples et/ou bilatérales nécessitent un
traitement plus agressif du fait de leur tendance à récidiver.
Ce
traitement est basé sur des corticoïdes par bolus intraveineux
(méthylprednisolone : 1 g, 3 jours de suite) ou per os à forte dose
(1 mg/kg/j).
En cas de résistance à ce traitement ou de récidive, une
biopsie musculaire s’impose.
S’il s’agit d’un diagnostic différentiel,
le traitement adapté est instauré.
Si l’examen histopathologique
maintient le diagnostic d’inflammation musculaire non spécifique,
des immunosuppresseurs peuvent être ajoutés.
La radiothérapie
ne semble pas efficace dans la prévention des récidives.
B - DACRYOADÉNITES :
1- Clinique
:
Elles se manifestent cliniquement par une douleur et une
inflammation localisée dans la partie temporale de la paupière
supérieure correspondant à la loge lacrymale.
Cela constitue la
classique déformation en forme de S.
Cette atteinte peut être uni- ou
bilatérale plus ou moins symétrique. L’examen recherche également
un déplacement de l’oeil en dedans, en bas et en avant.
2- Imagerie
:
L’imagerie montre un élargissement à bord irrégulier de la glande
lacrymale, uni- ou bilatéral, avec rehaussement après injection de
produit de contraste.
3- Diagnostic différentiel
:
Les principaux diagnostics différentiels sont les dacryoadénites
virales ou bactériennes, les kystes dermoïdes rompus et surtout les inflammations spécifiques non infectieuses (sarcoïdose, syndrome de
Sjögren, granulomatose de Wegener, inflammation sclérosante) et le
lymphome dans les formes subaiguës et chroniques.
La fréquente
association des maladies systémiques et la possibilité d’un
lymphome justifient la biopsie quasi systématique.
L’abord cutané
antérieur dans le pli palpébral est préféré à la voie conjonctivale, car
il permet une biopsie de meilleure qualité et l’éviction des canaux
excréteurs.
Cependant, s’il existe le moindre doute clinique ou
radiologique sur la possibilité d’une tumeur maligne de la glande
lacrymale ou d’un adénome pléiomorphe, les précautions
habituelles s’imposent : biopsie-exérèse de la totalité de la glande
ou analyse extemporanée.
L’examen anatomopathologique révèle la présence d’une infiltration
de la glande par des cellules inflammatoires, avec oedème et
dilatation vasculaire.
La destruction des acini serait en faveur d’un
désordre immunitaire (Sjögren).
4- Traitement
:
Le traitement des inflammations non spécifiques de la glande
lacrymale est basé sur une corticothérapie per os (de 0,5 à
1 mg/kg/j), efficace dans la grande majorité des cas.
La diminution
des doses est adaptée à l’évolution clinique (en général sevrage en
moins de 3 mois).
C - INFLAMMATIONS ORBITAIRES NON SPÉCIFIQUES
ANTÉRIEURES ET DIFFUSES :
1- Clinique :
L’atteinte antérieure concerne le globe oculaire et les tissus
avoisinants dans la partie antérieure de l’orbite.
Les signes cliniques
sont les suivants : douleur, rougeur, oedème palpébral, ptosis,
exophtalmie, parfois une uvéite antérieure, une sclérite avec
décollement de rétine exsudatif et même une papillite.
Les formes diffuses comportent, en plus des signes précédents, une
atteinte des muscles oculomoteurs et du nerf optique, avec par
conséquent possibilité de diplopie et de baisse d’acuité visuelle.
2- Imagerie
:
L’imagerie fait appel à l’échographie, au scanner et à l’IRM.
Ces
examens montrent une infiltration mal limitée antérieure ou diffuse,
avec en particulier un épaississement scléral et choroïdien.
3- Diagnostic différentiel :
Les principaux diagnostics différentiels sont la cellulite orbitaire, les
hémorragies orbitaires au sein d’une malformation vasculaire et les
inflammations orbitaires au cours des maladies de système.
4- Traitement
:
Le traitement consiste en une corticothérapie per os à 1 mg/kg/j
(ou par voie intraveineuse en cas de baisse visuelle).
Les signes
cliniques disparaissent rapidement dans la majorité des cas.
En cas
de résistance à ce traitement ou de récidive, la biopsie s’impose.
Des
anti-inflammatoires non stéroïdiens ou des immunosuppresseurs
peuvent compléter le traitement en l’absence d’étiologie spécifique.
D - INFLAMMATIONS ORBITAIRES
NON SPÉCIFIQUES APICALES :
Ces atteintes postérieures aiguës ou subaiguës sont caractérisées par
la présence de signes fonctionnels visuels et la quasi-absence de
signe inflammatoire.
Ceci s’explique par la localisation de la lésion à l’apex orbitaire et le
contact étroit avec le nerf optique.
Le scanner orbitaire confirme la présence de la lésion apicale.
Beaucoup de pathologies orbitaires peuvent se présenter
initialement sous forme d’une lésion apicale de type inflammatoire.
C’est pourquoi un bilan systémique, une surveillance clinique et
radiologique, et parfois même la biopsie (bien que difficile du fait
de la localisation) s’imposent avant tout traitement.
Cependant, la
corticothérapie par voie générale peut parfois s’imposer en cas de
détérioration visuelle.
En cas de première poussée d’inflammation apicale, inaccessible à la
biopsie, la corticothérapie systémique peut être utilisée comme test
thérapeutique.
La ponction-biopsie guidée par le scanner ou l’échographie permet
d’éliminer certains diagnostics différentiels (métastases,
lymphomes).
Inflammations orbitaires spécifiques
:
Les inflammations spécifiques sont celles dont l’étiologie est connue
(secondaires à un agent pathogène ou faisant partie d’une maladie
de système) ou celles dont l’histopathologie est spécifique
(granulomatoses, inflammation sclérosante idiopathique).
Ce sont
donc des inflammations orbitaires avec une présentation clinique et
radiologique spécifiques et un schéma thérapeutique adapté à
chacune d’elles.
A - INFECTIONS :
Les cellulites orbitaires sont une cause majeure d’inflammation
orbitaire et peuvent se développer depuis les sinus de la face, à la
suite d’une plaie pénétrante de l’orbite avec ou sans corps étranger,
ou enfin être secondaires à une infection oculaire, périoculaire ou à
une septicémie.
Elles peuvent être d’origine bactérienne, virale, fongique ou
parasitaire.
La cellulite orbitaire d’origine bactérienne est la plus
fréquente et sera détaillée ici.
Certaines infections parasitaires sont à évoquer selon l’origine
géographique.
Enfin, les infections fongiques (aspergilloses et mucormycoses) sont à connaître, et à reconnaître rapidement, du
fait de leur évolution dramatique en l’absence de traitement.
1- Cellulites orbitaires et sinusites
:
Les infections orbitaires secondaires à une sinusite maxillaire,
ethmoïdale, sphénoïdale ou frontale sont les plus fréquentes.
Du fait de la juxtaposition des structures intracrâniennes, elles peuvent
mettre en jeu le pronostic vital.
L’atteinte orbitaire peut s’expliquer
par deux mécanismes : atteinte par contiguïté, par les parois
osseuses très fines et partiellement érodées, ou par voie hématogène,
empruntant les trajets veineux.
Sur le plan clinique, elles se
manifestent par les signes suivants : exophtalmie douloureuse
d’apparition assez brutale dans un contexte fébrile, oedème
palpébral, chémosis.
À un stade plus tardif, l’examen
retrouve une limitation des mouvements oculaires, une diplopie et
une baisse d’acuité visuelle, une hypertonie oculaire et au fond d’oeil
une dilatation veineuse, des périphlébites et un oedème papillaire.
En l’absence de traitement, l’évolution peut se faire vers la
thrombose du sinus caverneux.
Cela se traduit par des céphalées,
des nausées et vomissements, l’altération de l’état général,
l’augmentation du chémosis, des paupières violacées, la bilatéralité,
l’ophtalmoplégie totale et des troubles sensitifs (atteinte des nerfs
crâniens : oculomoteur, trochléaire, trijumeau et abducens).
* Classification
Une classification clinique en cinq groupes, en fonction de
l’évolution, a été proposée par Chandler :
– cellulite préseptale ;
– cellulite orbitaire ;
– abcès sous-périosté ;
– abcès orbitaire ;
– thrombose du sinus caverneux.
* Examen oto-rhino-laryngologique
:
Il recherche les antécédents de sinusite et la présence de pus au
niveau du méat moyen.
L’ensemble des sinus de la face est au mieux
examiné par un scanner.
L’inflammation orbitaire peut
être plus ou moins diffuse selon l’évolution.
Il s’agit d’une
infiltration mal limitée dont la localisation est précisée.
Le scanner
recherche également un abcès sous-périosté intraorbitaire ou
intracrânien.
Enfin, il précise une éventuelle dilatation de la veine
ophtalmique supérieure ainsi qu’un élargissement du sinus
caverneux (thrombose du sinus caverneux).
* Évolution et traitement
:
Sur le plan épidémiologique, il faut distinguer les cellulites orbitaires
de l’enfant de celles de l’adulte.
En effet, chez l’enfant, l’évolution est plus spectaculaire avec une
altération de l’état général plus importante.
Le germe responsable
est le plus souvent Haemophilus influenzae et l’atteinte est
ethmoïdale, secondaire à une infection des voies respiratoires
supérieures.
La régression est en général rapide et sans séquelles
sous simple antibiothérapie.
Le drainage chirurgical est exceptionnel
en présence de risque visuel.
En revanche, chez l’adulte, l’évolution se fait souvent vers la
formation d’abcès avec une exophtalmie non axile.
Il s’agit souvent
d’une infection polymicrobienne avec en particulier des anaérobies.
Il existe souvent des antécédents de sinusites, de polypes, de
traumatisme ou d’extractions dentaires.
Les sinus frontaux et
ethmoïdaux sont les plus touchés.
Les complications sont plus
fréquentes chez l’adulte.
Le traitement repose sur une antibiothérapie parentérale à large
spectre, si possible adaptée au germe (prélèvements nasosinusiens
ou hémoculture).
Le drainage est exceptionnel chez l’enfant.
Chez l’adulte, il permet
le prélèvement à visée bactériologique et le traitement étiologique.
2- Autres infections bactériennes
:
Infections de voisinage : il s’agit de lésions cutanées de la face, des
dacryocystites, de rares conjonctivites sévères.
Le germe responsable
est Staphylococcus aureus dans la plupart des cas.
Le traitement est
basé sur une antibiothérapie par voie générale (par voie
intraveineuse ou per os en fonction de l’état local et général) et
locale, et parfois un drainage.
Certaines infections intraoculaires peuvent s’étendre au reste de
l’orbite comme dans les panophtalmies.
Enfin, les corps étrangers intraorbitaires après un traumatisme
accidentel ou chirurgical (implants orbitaires) peuvent se compliquer
d’abcès avec parfois fistulisation.
Le traitement consiste en l’ablation
du corps étranger et un traitement antibiotique.
3- Infections parasitaires
:
Ce sont des infections endémiques.
La lésion orbitaire la plus
fréquente est le kyste hydatique.
* Échinococcose ou kyste hydatique
:
Il s’agit d’un parasite intestinal d’animaux, pouvant infecter
l’homme pendant son stade larvaire.
Cette infection se manifeste par
des lésions kystiques, en particulier hépatiques et parfois (1 % des
cas) orbitaires.
En cas de rupture spontanée ou post-traumatique du
kyste, le patient peut présenter un tableau d’inflammation orbitaire
aiguë.
L’imagerie (scanner, échographie) montre la lésion kystique
et parfois une calcification.
La sérologie peut constituer une aide au
diagnostic.
En cas d’excision chirurgicale, il faut éviter une rupture peropératoire source d’inflammation et de récidives.
Le traitement
par albendazole (parfois associé à une ponction du kyste) serait
également efficace.
* Autres parasitoses
:
Elles peuvent également atteindre l’orbite et en particulier les
muscles.
Il s’agit de cysticercose et de trichinose.
4- Infections mycotiques :
Les deux principales étiologies des mycoses orbitaires sont la
mucormycose et l’aspergillose.
* Mucormycose
:
Il s’agit d’une infection opportuniste gravissime avec issue fatale en
l’absence de traitement adapté et précoce.
Elle survient
principalement chez des sujets diabétiques en acidocétose et
immunodéprimés. L’infection orbitaire est d’origine sinusienne.
La
contamination se fait par contiguïté ou par voie sanguine.
L’agent
pathogène appartient à l’ordre des mucorales, parasite ubiquitaire
devenu pathogène sur le terrain immunodéprimé.
L’évolution est
souvent dramatique avec atteinte rapide de l’orbite et extension
intracrânienne.
Cliniquement, il s’agit d’un tableau de cellulite
orbitaire avec exophtalmie douloureuse, chémosis, baisse visuelle,
paralysie oculomotrice et la présence caractéristique mais tardive de
lésion noirâtre au niveau de la peau, du palais et de la muqueuse
nasale.
L’imagerie montre une opacification sinusienne avec une
infiltration orbitaire de voisinage.
Le diagnostic se fait par la biopsie orbitaire qui révèle la présence
du parasite.
+ Traitement
:
Il est urgentissime.
Il est basé sur un débridement chirurgical associé
à l’amphotéricine B par voie veineuse (toxicité rénale) et en irrigation
locale, et surtout sur l’amélioration de l’état immunitaire du patient.
L’oxygénothérapie hyperbare serait efficace selon certains auteurs.
* Aspergillose
:
Il s’agit également d’une infection opportuniste, due à Aspergillus,
survenant presque toujours chez des sujets immunodéprimés.
L’atteinte initiale est sinusienne avec invasion secondaire orbitaire
très souvent au niveau de l’apex.
L’aspergillose invasive sino-orbitocérébrale
de l’immunodéprimé est à distinguer de l’aspergillome
sinusien ou sinusite fongique touchant le sujet sain.
Le tableau clinique habituel est un syndrome de l’apex orbitaire
douloureux.
L’imagerie montre l’atteinte sinusienne et orbitaire.
La sérologie est
utile au diagnostic.
Ce dernier est apporté par la biopsie orbitaire
avec examen histopathologique et mycologique.
+ Traitement
:
Il repose sur le drainage, l’amphotéricine B par voie veineuse et en
irrigation locale.
L’amélioration de l’état immunitaire du patient est
primordiale.
L’évolution peut être fatale par l’extension vers le sinus
caverneux.
B - VASCULARITES :
Elles sont caractérisées par une inflammation centrée sur les
vaisseaux avec ou sans destruction vasculaire.
Le mécanisme
immunologique est le plus souvent un dépôt de complexes immuns
ou une hypersensibilité retardée.
Cliniquement, elles se présentent
sous forme d’une inflammation aiguë, subaiguë ou chronique.
L’atteinte orbitaire peut faire partie d’un tableau clinique de vascularite généralisée ou parfois être révélatrice de la maladie.
Le traitement fait appel à la corticothérapie associée
souvent aux immunosuppresseurs.
Les principales vascularites
pouvant atteindre l’orbite sont présentées : granulomatose de
Wegener, syndrome de Churg et Strauss, périartérite noueuse,
vascularites leucocytoclastiques dont le classique syndrome de
Cogan.
1- Granulomatose de Wegener :
Il s’agit d’une vascularite nécrosante caractérisée par la classique
triade suivante :
– atteinte des voies aériennes supérieures (sinus) ;
– atteinte des voies respiratoires inférieures (poumons) ;
– atteinte rénale (glomérulonéphrite).
L’atteinte orbitaire peut inaugurer la maladie (forme limitée) ou faire
partie du tableau d’une vascularite généralisée de mauvais
pronostic.
Enfin, une atteinte sinusienne évoluée peut envahir
l’orbite par contiguïté.
L’ophtalmologiste doit penser au diagnostic devant une exophtalmie
inflammatoire uni- ou bilatérale, associée à une sclérite ou des
infiltrats cornéens limbiques, et rechercher les antécédents de
sinusite et d’atteinte pulmonaire.
La lésion orbitaire, responsable de l’exophtalmie, est une infiltration
localisée (le plus souvent dans la région de la glande lacrymale) ou
diffuse.
Le bilan systémique est réalisé par l’oto-rhino-laryngologiste et le
médecin interniste.
L’imagerie (scanner/IRM) précise la topographie de la lésion
orbitaire et recherche une atteinte sinusienne ou
mastoïdienne ainsi qu’une lyse osseuse.
* Diagnostic
:
Les anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles
(ANCA) et en particulier leur sous-type c-ANCA sont assez
spécifiques de la maladie, mais souvent absents dans la phase
initiale et dans les formes limitées.
Le diagnostic repose donc sur un faisceau d’arguments cliniques,
radiologiques et biologiques (c-ANCA).
Il est conforté par la biopsie
orbitaire. Cette dernière montre une inflammation mixte
avec des lymphocytes et des polynucléaires, en particulier
éosinophiles, autour des vaisseaux, des zones de nécrose adipeuse
et des macrophages chargés de graisse, et parfois des foyers de
fibrose.
* Traitement
:
Le traitement doit être instauré rapidement afin d’éviter l’issue
parfois catastrophique de la maladie, tant sur le plan local que
général.
Il fait appel à l’association de corticoïdes et de cyclophosphamide (Endoxant).
Le Bactrimt (sulfaméthoxazole,
triméthoprime) serait efficace, en particulier dans le traitement
d’entretien de la maladie.
2- Syndrome de Churg et Strauss
:
Cliniquement, ce syndrome peut simuler une granulomatose de Wegener avec une atteinte pulmonaire.
Il se différencie par
l’association à un contexte d’asthme ou d’allergie,
l’hyperéosinophilie, et la réponse en général favorable à une
corticothérapie seule sans nécessité d’immunosuppresseurs.
3- Périartérite noueuse
:
Il s’agit d’une pathologie de l’homme jeune.
La vascularite touche
les vaisseaux de petit et moyen calibres avec parfois formation
d’anévrismes nodulaires.
Différents tissus et organes sont touchés
par cette maladie : reins, coeur, foie, tube digestif, peau.
L’atteinte
orbitaire est rare. Le traitement est basé sur la corticothérapie et le cyclophosphamide.
4- Syndrome de Cogan :
La forme typique est constituée par l’association de kératite
interstitielle, de surdité et de vertige.
Parfois, il peut exister une
inflammation orbitaire, plutôt antérieure, dans les formes atypiques.
La biopsie révèle la présence d’un infiltrat périvasculaire (vascularite
leucocytoclastique).
Le traitement fait appel aux corticoïdes par voie
générale.
C - GRANULOMATOSES :
Les maladies granulomateuses non vasculitiques sont caractérisées
par leur aspect histopathologique d’infiltration par des histiocytes.
Il s’agit principalement de sarcoïdose, des granulomes à corps
étranger et des xanthogranulomatoses.
1- Sarcoïdose :
La sarcoïdose est une granulomatose multisystémique de cause
inconnue.
Elle touche préférentiellement les femmes entre 20 et 40 ans.
L’atteinte est plus fréquente chez les sujets noirs.
Les atteintes oculaires sont bien connues : uvéite granulomateuse
antérieure, intermédiaire ou postérieure, lésions conjonctivales,
granulomes de la tête du nerf optique.
Au niveau orbitaire, les granulomes se présentent sous forme de
masses peu souvent inflammatoires, avec une localisation lacrymale
fréquente.
Cette dernière est souvent bilatérale et s’accompagne de
sécheresse oculaire.
Les atteintes systémiques sont nombreuses : lésions cutanées faciales,
érythème noueux, hépatosplénomégalie, adénopathies, parotidite,
atteintes pulmonaires (syndrome interstitiel et adénopathies hilaires)
et articulaires en sont les plus classiques.
Sur le plan biologique, le taux sérique élevé de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine est un argument supplémentaire pour
le diagnostic.
Ce dernier repose principalement sur le lavage bronchoalvéolaire et
la biopsie (conjonctive, glandes lacrymales et salivaires accessoires,
adénopathies).
La présence de granulome tuberculoïde sans caséum
est fortement évocatrice de sarcoïdose.
Le traitement fait appel à une corticothérapie générale et prolongée
en cas d’atteinte viscérale ou de risque fonctionnel.
2- Granulomes à corps étranger
:
Le cas le plus classique est celui d’un kyste dermoïde rompu, révélé
par un tableau clinique d’inflammation orbitaire aiguë ou parfois de
découverte histopathologique.
Le traitement comporte l’exérèse
chirurgicale associée à une corticothérapie.
Certains corps étrangers intraorbitaires après un traumatisme
pénétrant (bois, végétaux) peuvent entraîner une réaction
granulomateuse puis une fistulisation en l’absence d’extraction
chirurgicale.
Enfin, certains matériaux utilisés en chirurgie orbitaire (implants
orbitaires, cire de Horsley…) peuvent être à l’origine de granulome et
nécessiter une reprise chirurgicale.
3- Xanthogranulomatoses :
Il s’agit de granulomatoses pouvant survenir chez l’enfant ou
l’adulte, caractérisées par des dépôts jaunâtres au niveau des
paupières (xanthomes) et par une infiltration d’histiocytes et de
cellules géantes de Touton.
Sur le plan orbitaire, il peut exister une infiltration antérieure avec
discrète exophtalmie et limitation de l’élévation.
Le diagnostic
se fait par la biopsie orbitaire.
Des associations avec des maladies de système, un asthme tardif,
une hyperplasie bénigne des ganglions lymphatiques ou la maladie
d’Erdheim-Chester ont été décrites.
Le traitement repose principalement sur les corticoïdes à forte dose,
voire ciclosporine, ou la radiothérapie.
D - INFLAMMATIONS SCLÉROSANTES
IDIOPATHIQUES :
Cette pathologie orbitaire est remarquable par la prédominance de
fibrose et sa similarité anatomopathologique avec la fibrose
rétropéritonéale.
Trois principaux tableaux cliniques sont à distinguer : forme apicale
avec détérioration visuelle et exophtalmie ; localisation lacrymale
avec présence de masse de consistance dure et dystopie oculaire ;
forme diffuse avec parfois extension au sinus caverneux.
Les diagnostics différentiels sont principalement la sarcoïdose, la
granulomatose de Wegener et les lésions malignes primitives ou
secondaires.
1- Clinique
:
Les signes cliniques habituels sont : inflammation orbitaire modérée,
exophtalmie, restriction des mouvements oculaires et parfois une
baisse de l’acuité visuelle.
L’atteinte peut être uni- ou bilatérale.
Une fibrose rétropéritonéale
ou médiastinale doit être recherchée systématiquement.
2- Imagerie
:
L’imagerie montre une masse orbitaire homogène et mal limitée et permet de déceler une éventuelle extension
intracrânienne.
3- Diagnostic :
La biopsie est fondamentale pour deux raisons.
D’une part elle
permet d’éliminer les diagnostics différentiels en particulier les
lésions malignes, d’autre part elle permet la mise en route rapide
d’un traitement agressif afin d’éviter l’évolution vers une fibrose
définitive et irréversible.
L’analyse anatomopathologique révèle une fibrose associée à un
infiltrat inflammatoire paucicellulaire.
4- Traitement :
Le traitement actuel pour cette pathologie est basé sur des
corticostéroïdes associés aux immunosuppresseurs (cyclophosphamide,
azathioprine, méthotrexate ou ciclosporine).
La
radiothérapie semble inefficace dans cette indication.
Ce traitement,
parfois long, nécessite la collaboration avec des médecins internistes
ou cancérologues.
Un nouveau traitement par tamoxifène (Nolvadext) semble
prometteur dans les fibroses rétropéritonéales et cervicofaciales.
L’atteinte orbitaire semble être sensible à ce traitement dans notre
expérience.
Formes de transition
et lésions lymphoprolifératives :
Certaines entités pathologiques peuvent se présenter initialement
comme des inflammations orbitaires non spécifiques, avec une
infiltration lymphocytaire ou histiocytaire non spécifique, et au cours
de l’évolution se transformer en pathologies plus spécifiques telles
que le syndrome de Sjögren, le lymphome malin, le plasmocytome
ou l’histiocytose X.
Ceci souligne encore une fois l’intérêt de la
biopsie orbitaire, parfois itérative.
A - SYNDROME DE SJÖGREN :
1- Clinique
:
On parle de syndrome de Sjögren en présence d’au moins deux des
trois signes fondamentaux suivants :
La forme isolée constituée de sécheresse oculaire et buccale est
connue sous le nom de syndrome sec.
La sécheresse oculaire se manifeste par une sensation de brûlure,
d’oeil sec, une photophobie et des secrétions muqueuses.
À
l’examen, les glandes lacrymales peuvent être visibles et palpables.
Il existe souvent une kératite filamenteuse, avec un
temps court de rupture de film lacrymal (break-up time), et une
sécheresse objectivée par le test de Schirmer.
L’atteinte des glandes
salivaires se manifeste par une sécheresse buccale, des difficultés à
avaler et parfois une parotidomégalie.
Un bilan général (clinique et
biologique) est réalisé par le médecin interniste à la recherche d’une
maladie auto-immune associée.
2- Diagnostic
:
Deux anticorps antinucléaires sont associés avec ce syndrome :
anticorps anti-SS-A et anti-SS-B. Les anti-SS-B seraient plus
spécifiques et présents dans 60 à 70 % des cas.
La biopsie de la glande lacrymale permet de faire le diagnostic
positif de cette pathologie qui fait parfois appel à un
traitement agressif (immunosuppresseurs).
Elle permet également
d’éliminer le diagnostic de lymphome, d’autant plus que ce dernier
peut compliquer l’évolution d’un syndrome de Sjögren.
L’image caractéristique est une infiltration lymphocytaire suivie
d’une atrophie des acini et de fibrose.
3- Traitement :
Il est basé sur les corticoïdes par voie générale (ou en injection locale
dans les formes unilatérales et localisées à la glande lacrymale) et
les immunosuppresseurs.
La chloroquine est proposée par certains.
La radiothérapie serait contre-indiquée à cause du risque de
développement d’un lymphome.
Enfin, les traitements symptomatiques (larmes artificielles…)
permettent souvent de soulager les patients.
B - HISTIOCYTOSE X
:
Il s’agit d’une pathologie rare pouvant toucher l’enfant et l’adulte
jeune.
Son étiologie est encore inconnue.
Le diagnostic repose sur la
radiographie standard, le scanner et surtout l’histologie qui montre la prolifération d’histiocytes dérivant des cellules de Langerhans.
Le
traitement varie en fonction des formes cliniques.
Conduite à tenir devant
une inflammation orbitaire
:
Face à un cas d’inflammation orbitaire, il est important d’adopter
une attitude logique et reproductible.
Parfois, le diagnostic étiologique est évident devant un tableau
infectieux avec des antécédents de sinusites, une inflammation
orbitaire dans le cadre d’une maladie systémique connue
(sarcoïdose, Wegener, Sjögren...).
Dans ces cas, le problème est
uniquement thérapeutique.
Il dépend de la cause (antibiothérapie,
corticothérapie, immunosuppresseurs...).
Dans tous les autres cas, l’ophtalmologiste se trouve face à une
inflammation aiguë, subaiguë ou chronique non spécifique avec des
questions sur l’étiologie et le traitement à instaurer.
L’attitude
moderne serait de faire une biopsie orbitaire afin de rechercher une
inflammation spécifique, d’éliminer certains diagnostics différentiels
en particulier tumoraux (lymphome, métastases) et de proposer le
traitement le plus adapté.
Or, en pratique courante, il n’est pas
toujours possible de réaliser cette biopsie (organisation pratique,
lésion d’accès difficile…) et certains éléments cliniques, en particulier
dans les inflammations aiguës et subaiguës, peuvent nécessiter un
traitement anti-inflammatoire non spécifique urgent (détérioration
visuelle, symptomatologie douloureuse…).
Dans ces cas, l’attitude
pratique est de considérer l’inflammation orbitaire selon sa
localisation (Inflammations non spécifiques : myosites,
dacryoadénites…) et d’adopter l’attitude thérapeutique adaptée.
Les corticoïdes sont les anti-inflammatoires non spécifiques les plus
efficaces.
En cas de retentissement fonctionnel ou d’inflammation importante,
le traitement par voie veineuse est préféré du fait de son efficacité
plus rapide.
Il se fait par des bolus intraveineux de
méthylprednisolone (Solu-Médrolt 500 mg à passer sur 3 heures, en
position allongée, répétés sur 3 jours).
Une surveillance
cardiovasculaire (électrocardiogramme avant les bolus et
surveillance de la pression artérielle pendant les bolus) et biologique
(ionogramme sanguin) s’impose.
La supplémentation en potassium
(ainsi qu’en calcium et en vitamine D chez l’enfant), le régime sans
sel et la protection gastrique complètent ce traitement.
Un relais per
os par prednisone (Cortancylt) à la dose de 1 mg/kg/j fait suite à
ce traitement pour une durée allant de 1 à 6 mois selon l’évolution.
En l’absence de risque fonctionnel et dans les formes inflammatoires
modérées, il est légitime de débuter le traitement directement par
voie orale (Cortancylt à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/j).
Cependant, en cas de résistance ou de dépendance à ce traitement
non spécifique, de présence de signes systémiques non étiquetés
(lésions cutanées, articulaires…) ou de lésion chronique, une biopsie,
si possible à distance de la corticothérapie, s’impose.
La voie d’abord
pour cette biopsie dépend de la localisation du processus
inflammatoire ; elle peut être antérieure ou latérale, avec ou sans
ostéotomie.
Dans les formes apicales, une biopsie à l’aiguille est
parfois préférée.
L’analyse anatomopathologique en extemporané
permet d’adopter la meilleure attitude chirurgicale, surtout en cas
de doute diagnostique : simple biopsie ou biopsie-exérèse.
Le résultat de cette biopsie permet souvent d’instaurer un traitement
plus agressif (immunosuppresseurs, radiothérapie à dose antiinflammatoire,
soit 20 Gy) en collaboration avec des médecins
internistes et d’améliorer le pronostic fonctionnel.
Conclusion
:
Les inflammations orbitaires devraient désormais être classées en
inflammations spécifiques et non spécifiques.
Les termes de
« pseudotumeur inflammatoire », trop imprécis et pouvant prêter à
confusion, avec des retentissements péjoratifs sur le plan pronostique,
devraient être abandonné.
Les progrès en matière de connaissances en immunopathologie, la
réalisation de biopsies, les nouvelles techniques histopathologiques et
l’utilisation de la biologie moléculaire, permettront de tendre dans
l’avenir vers un nombre plus important de diagnostics d’inflammations
spécifiques.