Orthopédie fonctionnelle. Activateurs de croissance
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
La thérapeutique fonctionnelle trouve son origine en orthopédie
générale dans les idées de Roux qui avancent l’hypothèse d’une
relation étroite entre la forme et la fonction des organes et du
squelette.
Selon Roux, les troubles du développement squelettique trouvent
leur origine dans des défauts posturaux et des dysfonctions des
appareils de soutien.
L’orthopédie fonctionnelle a pour objectif de
corriger les déviations fonctionnelles, et la gymnastique
orthopédique est un élément thérapeutique majeur de cette
orthopédie.
En orthopédie générale, une attitude habituelle consiste à définir les
causes et les traitements des dysmorphoses squelettiques et, quelles
que soient les procédures mécaniques ou chirurgicales appliquées,
l’éducation, l’entraînement et les exercices musculaires font partie
intégrante de l’orthopédie.
Concept thérapeutique fonctionnel
en orthopédie dentofaciale :
En orthopédie dentofaciale, le concept thérapeutique fonctionnel a
longtemps été mal défini en raison de la confusion qui a été
entretenue par les appellations « orthopédie fonctionnelle des
mâchoires » et « thérapeutique fonctionnelle », qui ne recouvrent pas
forcément les mêmes notions pour les auteurs qui les définissent.
La thérapeutique fonctionnelle en orthodontie est une attitude de
traitement qui consiste à rétablir une fonction normale, avec ou sans
appareil, et à obtenir des effets orthopédiques et/ou orthodontiques
secondaires à cette thérapeutique fonctionnelle ou pouvant euxmêmes
contribuer à la correction fonctionnelle.
L’éducation ou la rééducation fonctionnelle neuromusculaire,
l’apprentissage d’habitudes (mouchage, déglutition arcades
serrées…), la suppression des parafonctions et la correction de
dysfonctions ou de malocclusions, avec ou sans appareils, sont
autant de thérapeutiques fonctionnelles qui entrent dans le domaine
de compétence de l’orthodontiste.
C’est à Andresen et Haüpl, en 1936, que nous devons le terme
d’« orthopédie fonctionnelle des mâchoires ».
Selon ces auteurs, l’appareil monobloc d’Andresen transmet des
« stimuli fonctionnels » qui permettent d’obtenir une véritable
orthopédie fonctionnelle des mâchoires ; l’appareil, baptisé
« activateur », joue alors un rôle de médiateur entre la musculature
orofaciale, les maxillaires et l’ensemble dentoalvéolaire dans
l’exercice de toutes les fonctions de l’appareil manducateur.
Ce dispositif, pour ces auteurs, ne comporte aucun auxiliaire, doit
être exempt de toute action mécanique, doit permettre à la
croissance du patient de s’exprimer en totalité, « dans le cadre d’un
optimum individuel, fonctionnel et esthétique ».
Aujourd’hui, c’est à R Fränkel et C Fränkel puis à R Fränkel
que nous devons le concept moderne d’« orthopédie fonctionnelle
des mâchoires ».
En effet, ces auteurs font remarquer qu’Andresen et Haüpl ignorent
les travaux de Reitan sur l’histophysiologie du déplacement
dentaire, ainsi que ceux de Moss et Moss-Salentijn sur l’interface
biologique os – muscle, véritable frontière entre la matrice et le
squelette, qui sous-tendent toutes les conceptions de modelage du
tissu osseux sous l’effet des influences environnementales.
Pour cette raison, Fränkel ne peut admettre que l’activateur, conçu
par Andresen et Haüpl, puisse délivrer des « stimuli fonctionnels »,
mais qu’il peut seulement appliquer des forces sur l’ensemble dentoalvéolaire
avec lequel il entre en contact.
Pour Fränkel, un dispositif orthopédique fonctionnel doit s’inspirer
des idées admises en orthopédie générale :
– en premier lieu, le concept « orthopédique » doit être pris au sens
« éducationnel » ; « l’orthopédiste doit être un éducateur qui permet
le développement le plus complet d’un schéma individuel de
croissance ».
La thérapeutique orthopédique fonctionnelle des
mâchoires a pour premier objectif de supprimer les troubles fonctionnels qui interfèrent avec le développement normal.
Ceci
implique une reconnaissance précoce des dysfonctions, ainsi que
leur correction pour supprimer les limitations et les retards apportés
à l’accomplissement d’une croissance normale, comme en
orthopédie générale ;
– en second lieu, l’approche orthopédique fonctionnelle de Fränkel
est fondée sur les idées de Van der Klaauw sur les composantes
crâniennes fonctionnelles qui ont largement inspiré Moss pour sa
théorie des matrices fonctionnelles, théorie selon laquelle les
matrices jouent un rôle morphogénétique majeur sur un squelette
« qui répond de manière secondaire, compensatoire et obligatoire
aux sollicitations de la matrice ».
Pour Fränkel, il est possible de
moduler ces réponses squelettiques en intervenant sur les matrices
par le biais d’appareils qui agissent sur leur fonction et leur
croissance, en modifiant la régulation épigénétique de la croissance
squelettique par le biais de modifications des paramètres
biomécaniques et biophysiques au niveau de l’interface matricesquelette ;
– enfin, comme en orthopédie générale, l’appareil doit être un
« exerciseur orthopédique » qui permet d’éduquer les fonctions et
d’assurer un entraînement musculaire prolongé (Fränkel).
Activateurs de croissance
:
Historiquement, c’est à Pierre Robin que revient le mérite d’avoir
créé le premier appareil orthopédique fonctionnel pour réduire
l’obstruction des voies aériennes.
Il l’appelle « monobloc ».
Andresen, à partir de 1910, et indépendamment de Robin
(Graber), crée un « activateur » qu’il inclut en 1936, avec Haüpl,
dans un concept plus large, le « système norvégien » (Grude).
Ces deux pionniers de l’orthopédie fonctionnelle des mâchoires
avaient en commun la conception d’un appareil qui induisait une
position mandibulaire différente de celle qu’adopte habituellement
la mandibule par rapport au crâne, position qui générait une
activation de la musculature masticatrice et une réponse
orthopédique, d’où leur nom d’« activateur ».
Ils ont complètement
influencé le développement de la spécialité orthodontique en Europe
et en Amérique du Nord où divers courants se sont exprimés.
Les activateurs de croissance sont des appareils orthopédiques
fonctionnels qui induisent une position de morsure mandibulaire
inhabituelle, reproductible, et guidée par un positionnement occlusal, muqueux ou mécanique.
Ils activent les constituants de
l’appareil manducateur, et leurs fonctions, afin de contribuer à la
correction des dysmorphoses squelettiques et dentoalvéolaires chez
le patient en cours de croissance.
Il existe trois grandes familles d’activateurs de croissance, et leur
classification est fondée sur les similitudes et convergences dans les
dispositifs de positionnement de la morsure mandibulaire.
A - ACTIVATEURS MONOBLOCS RIGIDES :
Ces appareils sont dérivés de ceux de Robin et d’Andresen.
Ils
possèdent une interposition de résine entre les arcades en occlusion
et guident la mandibule dans une position de référence de morsure
en isométrie, faisant d’eux des « tooth borne appliances », c’est-à-dire
des dispositifs qui renforcent leur action de morsure à partir de la
proprioception desmondontale.
De très nombreux modèles de ces monoblocs rigides existent.
Ils se
distinguent par de nombreuses particularités qui peuvent aussi
permettre de les classer dans des sous-familles.
Ils peuvent être indépendants du système dentaire (loose fitting
appliances) et complètement lâches dans la cavité buccale.
À l’inverse, ils peuvent être solidairement fixés à l’arcade maxillaire
par des dispositifs de rétention, sous la forme de crochets d’Adams
et deviennent ainsi des activateurs – attelles (splint appliances).
La prescription de morsure de la mandibule dans l’interposition de
résine est la composante principale d’activation.
Elle varie
considérablement selon les auteurs, en propulsion ou en ouverture.
Certains indiquent une ouverture modérée, proche de la position de
repos ou avec une référence dentaire qui préconise un contact
incisif ou une légère inocclusion molaire.
D’autres
indiquent une ouverture beaucoup plus importante, de l’ordre de
10 à 15 mm entre les incisives ou au-delà de la position de repos.
La propulsion préconisée varie aussi de la position neutre (en classe
I molaire) à l’hyperpropulsion maximale ou
submaximale.
Parfois, les références dentaires en bout à bout
incisif sont préconisées.
La propulsion progressive est rarement utilisée avec les monoblocs
rigides, en raison du dispositif de propulsion.
La propulsion en un
temps est préférée, complétée par des rebasages successifs pour
adapter l’appareil aux progrès de la correction et réactiver la position
de morsure.
L’espace fonctionnel lingual est limité par la charpente en résine du
monobloc rigide.
Celle-ci peut être complètement fermée
ou, au contraire, dégagée dans la région rétro-incisive (activateur
ouvert) ou sur toute la surface du palais, comme dans le
bionator de Balters.
Cette charpente en résine constitue aussi des
ailettes linguales mandibulaires plus ou moins développées qui
peuvent même, dans certains cas, dans un allongement extrême,
initier un réflexe muqueux d’évitement, réactivateur de la
propulsion mandibulaire (tissue borne appliance).
Les variantes des activateurs monoblocs rigides sont infinies et on
doit considérer, avec Vig et Vig, que les appareils orthopédiques
fonctionnels modernes sont constitués de composants simples
sélectionnés pour traiter au mieux le patient.
C’est ainsi qu’ont été
associés de nombreux auxiliaires aux activateurs monoblocs, par
exemple des forces extraorales ou des écrans
vestibulaires.
B - ACTIVATEURS ÉLASTIQUES OU COMPOSITES :
Ils sont dérivés du Gebissformer de Bimler.
Ils ont un dispositif
de propulsion de la mandibule qui laisse une liberté de mouvement
à celle-ci tout en la guidant, ce qui n’est pas le cas pour le monobloc
qui donne une seule référence de morsure en intercuspidation
isométrique.
La prescription de morsure varie aussi en intensité, elle est réglée
par des informations à point de départ dentaire (tooth borne
appliance) pour les appareils de Bimler et de Stockfish et à point de
départ muqueux pour ceux de Fränkel et de Bass.
On retrouve
aussi dans ce groupe le FOMA II de Vardimon et al qui possède
un dispositif de propulsion magnétique.
On rencontre aussi dans cette famille d’activateurs des auxiliaires
du type force extraorale ou pelotes et écrans vestibulaires (Bass).
C - ACTIVATEURS PROPULSEURS À BUTÉE
:
Ils se distinguent par un dispositif de propulsion qui guide
mécaniquement la mandibule en s’appuyant sur les ensembles dentoalvéolaires maxillaire et mandibulaire, soit par des bases en
résine, soit par des dispositifs fixes.
À l’origine de ces appareils, la bielle de Herbst, abandonnée pendant
plus de 40 ans, est réapparue avec Pancherz.
Le quatre pièces de Chateau, le Twinblock de Clark et
l’hyperpropulseur de Bassigny ont des mécanismes de propulsion
assimilables à ceux de la bielle de Herbst et peuvent aussi comporter
des auxiliaires du type force extraorale ou tractions élastiques.
Mode d’action des activateurs
de croissance
:
L’analyse de la littérature montre bien que les activateurs ont tous
en commun le fait de conduire le patient à adopter une position de
la mandibule différente.
Celle-ci est responsable de la chaîne des
réactions obtenues en réponse, qui affecte des composants divers de
l’appareil manducateur.
A - DÉTERMINANTS SQUELETTIQUES :
Aujourd’hui, la classification de Vanlimborgh des facteurs du
contrôle de la morphogenèse du crâne en facteurs génétiques,
épigénétiques et environnementaux est bien admise et ces facteurs
sont impliqués dans des proportions variables selon la nature des
tissus (cartilage ou os) et selon le moment du développement
(embryon–foetus–enfant).
Le schéma de croissance a longtemps été considéré comme non
modifiable par le traitement.
Avec Moss et Enlow, à
l’inverse, c’est l’environnement fonctionnel qui détient la capacité
de réguler la croissance squelettique en quantité et en direction.
Les cliniciens vont bien sûr chercher auprès de ces théories
explicatives des arguments pour renforcer leurs convictions
thérapeutiques.
Fränkel et Fränkel vont complètement adhérer
aux idées de Moss, alors que Brodie se fonde sur les idées de
Keith et Campion reprises par Weinmann et Sicher pour affirmer
qu’on ne peut modifier le schéma de croissance des patients.
Aujourd’hui, les cliniciens appuient leurs conceptions sur les idées
beaucoup plus synthétiques énoncées par Vanlimborgh et par
Petrovic qui partagent les responsabilités de la croissance entre
les facteurs génétiques et environnementaux.
Lavergne et Gasson,
Dibbets sont en accord avec Petrovic ou avec Delaire quand
ils considèrent que la croissance de la mandibule est en harmonie
avec celle du squelette craniofacial.
La mandibule est en effet
capable, du fait de ses capacités intrinsèques de croissance primaire
et adaptative, d’harmoniser sa croissance par rapport à la face
moyenne, y compris lorsque sa quantité de croissance est trop
importante ; un mécanisme compensateur sous contrôle matriciel se
déclenche alors (Dibbets).
L’activateur de croissance peut s’immiscer dans cet ensemble, en
agissant directement sur le squelette et sur les dents par les forces
qu’il génère, mais aussi en perturbant l’équilibre fonctionnel qui
existe entre la matrice et le squelette.
B - DÉTERMINANTS MUSCULAIRES :
Rakosi souligne que l’appareil orthodontique, du fait de sa
position de morsure, sollicite les muscles et transfère les forces d’un
endroit de la face à un autre.
Norton et Melsen ont étudié les positions de morsure prescrites
par Andresen et remarquent qu’à l’origine (vers 1910), il ne
recherche pas d’action orthopédique, mais une dynamisation de la
mastication pour que son appareil soit actif pendant la morsure, ce
qui a fait dire à Graber et Neumann qu’il s’agissait d’un appareil
« myodynamique ».
La position de morsure était neutre (en classe I
molaire) et, verticalement, restait en deçà de la position de repos de
la mandibule.
Avec Haüpl, Andresen va, à partir de 1936, activer le
réflexe myotatique en allant au-delà de la position de repos (appareil
« myotonique ») pour que les forces musculaires permettent de
rediriger la croissance et de remodeler les os.
En fait, secondairement à la pose d’un activateur de croissance, les
muscles sont sollicités en longueur et en direction et vont répondre
à ces sollicitations.
1- Réponses immédiates :
En physiologie générale, l’analyse du diagramme longueur-tension
montre que la force totale délivrée par un muscle au cours d’une
contraction isométrique maximale, en réponse à une stimulation, est
le résultat de l’addition des composantes active et passive.
La force active naît de la contraction, en réponse à la stimulation.
Son intensité dépend de la longueur de la fibre ou du muscle, elle
est maximale pour des longueurs de muscle proches de la longueur
dite de repos, lorsque l’imbrication des filaments d’actine et de
myosine est maximale.
C’est cette propriété des muscles qui est
recherchée par l’école nordique d’Andresen et Haüpl.
Ahlgren et
Bendéus définissent une position de morsure abaissée de 3 mm et
avancée de 5 mm qui leur permet de maintenir les coefficients
d’allongement et de raccourcissement des chefs musculaires
masticateurs dans la limite de 20 % autour de la longueur initiale
afin d’obtenir une contraction aussi performante que possible.
La force passive, elle, dépend des propriétés rhéologiques du muscle
et résulte de la viscoélasticité des tissus ; elle s’accroît
progressivement avec la longueur.
C’est cette propriété du muscle
qui est exploitée par l’école allemande ou nord-américaine dans la position de morsure en hyperpropulsion ou en ouverture.
2- Réponses retardées :
Elles sont de natures diverses et demandent un certain délai pour
s’installer.
Macroscopiquement, on observe des changements de la longueur
des muscles avec migration des surfaces d’insertion musculaires
et des changements dans les proportions de longueur entre les
segments tendineux et contractiles au sein d’un même muscle.
Microscopiquement, le rythme d’addition des sarcomères au cours
de la croissance est perturbé par les changements de longueur des
muscles.
Petrovic et al, Oudet et Petrovic et Pablos et
Dechow ont ainsi assisté à des réductions ou à des augmentations
du rythme normal d’addition des sarcomères lors des expériences
de propulsion et de rétropulsion mandibulaire chez le rat.
La composition fibrillaire d’un muscle peut aussi être modifiée, ce
qui change la vitesse de contraction et la résistance à la fatigue des
muscles.
Oudet et al ont ainsi constaté une augmentation du
nombre de fibres rapide dans le ptérygoïdien latéral après
propulsion mandibulaire chez le rat.
De nombreuses autres expérimentations attestent de ces
changements qualitatifs des fibres musculaires.
Les mécanismes de cette adaptation sont attribués par Butler- Browne et al et par Soussi-Yanicostas et al à des fibres
intermédiaires, découvertes par Ringqvist, qui conservent des
myosines néonatales dans les muscles masticateurs, leur autorisant
une adaptation aux modifications fonctionnelles par transformation
de ces fibres intermédiaires en fibres lentes ou rapides.
C - DÉTERMINANTS ARTICULAIRES :
1- Articulation temporomandibulaire :
Elle a fait l’objet de nombreuses études concernant le mode d’action
des activateurs.
Moss et Moss-Salentijn soulignent nettement qu’elle est sensible
à l’environnement fonctionnel immédiat et répond aussi aux
demandes spatiales fonctionnelles, c’est-à-dire aux sollicitations de
la matrice fonctionnelle orale dont les organes et les fonctions
s’accroissent.
Toutes les études modernes concluent à l’existence de contraintes
sur l’articulation au cours de l’exercice des fonctions.
L’opinion communément admise aujourd’hui est que l’exercice
d’une fonction dynamique articulaire est indispensable à la bonne santé des structures cartilagineuses de croissance de l’articulation,
et en particulier du cartilage condylien mandibulaire.
Les expérimentations de propulsion mandibulaire chez l’animal, que
ce soit chez le singe (Mac Namara) ou chez le rat,
démontrent aussi que les réponses biologiques aux conditions
expérimentales dépendent en grande partie de la présence et de la
fonction de la chaîne causale représentée par le ptérygoïdien latéral,
le ménisque et le frein méniscal postérieur.
Chacun de ces éléments,
au même titre que la dynamique fonctionnelle, est indispensable
pour obtenir une stimulation optimale de la vitesse de croissance
des constituants de l’articulation.
2- Articulation dentodentaire ou occlusion
:
C’est un facteur important dans le fonctionnement des activateurs
de croissance.
Petrovic, dans la théorie du servosystème, fait jouer
à l’occlusion le rôle de comparateur périphérique qui renseigne sur
la position de la mandibule par rapport au maxillaire et déclenche
une chaîne d’événements permettant d’ajuster la croissance du
condyle pour harmoniser les déplacements de croissance.
Des
recherches chez l’animal ont bien montré que la croissance
condylienne n’est possible que si l’articulation temporomandibulaire
ne subit pas de surcharges excessives, notamment lorsque la règle
du tripode (calage occlusal incisif et bilatéral molaire) est respectée.
Des études cliniques sur les effets du bionator de Balters révèlent un
renforcement de l’activité musculaire phasique et tonique quand les
contacts postérieurs sont conservés ; ceci est d’ailleurs en
accord avec les travaux de Lund et Lamarre et de Bakke et
Moller sur le rôle de la proprioception desmodontale dans le
contrôle de la fermeture des mâchoires qui incite à répartir les
contacts occlusaux au mieux sur toutes les dents, pour recruter un
maximum de pressorécepteurs desmodontaux.
Ceci encourage donc
le clinicien à rechercher une intercuspidation aussi stable que
possible, pendant comme à la fin du traitement, en particulier pour
les activateurs du type tooth borne appliance.
De nombreuses
publications soulignent d’ailleurs une réduction importante de la
force de morsure, en relation avec l’instabilité occlusale.
3- Articulation entre appareil et muqueuse buccale :
Elle constitue, bien que n’appartenant pas aux articulations de
l’appareil manducateur, un élément important retenu par les
cliniciens pour expliquer le mode d’action des activateurs de
croissance, en particulier ceux qui appartiennent à la sous-famille
des activateurs dits tissue borne appliance.
Dès 1966, Fränkel utilise un arceau métallique lingual ou un écran
lingual à appui muqueux rétro-incisif pour induire la propulsion
mandibulaire réflexe et, en 1983, il intègre le réflexe muqueux
vestibulaire dans la correction de l’hyperdivergence par des écrans
vestibulaires surdimensionnés.
Bass règle également la quantité de propulsion mandibulaire avec
un dispositif de pelote linguale à appui muqueux.
Avec les monoblocs rigides, les ailettes linguales qui s’appuient sur
la muqueuse dès que le patient ouvre légèrement la bouche se voient
aussi attribuer une rôle de réactivation réflexe de la propulsion
mandibulaire.
Effets des activateurs de croissance
:
Les activateurs de croissance ont pour objectif principal de corriger
les dysmorphoses squelettiques et dentoalvéolaires chez le patient
en cours de croissance.
Les effets qu’ils provoquent sont de natures
diverses ; certains sont recherchés, d’autres non.
Ces effets
dépendent du dispositif thérapeutique choisi et du patient, mais
aussi des effets que le praticien attend selon les idées auxquelles il
adhère.
En fonction de l’activateur de croissance choisi et des prescriptions
de la position de morsure qu’il induit, on peut s’attendre à un type
de réponse.
1- Activateurs monoblocs rigides
:
Ce sont essentiellement des dispositifs tooth borne appliances qui sont
construits le plus souvent en hyperpropulsion mandibulaire.
La réaction viscoélastique des muscles rétropulseurs induit un effet
activateur dont la ligne d’action passe largement en dessous des
centres de résistance du maxillaire et de la denture en induisant une
rotation horaire parasite des constituants squelettiques et
dentoalvéolaires qui impose l’utilisation d’une force extraorale
antérieure combinée pour en réduire l’effet et limiter son
retentissement facial sur le sens vertical en donnant une résultante
des forces passant au plus près du centre de résistance du maxillaire.
Cette précaution permet de limiter les effets parasites, et notamment
de freiner la version linguale des incisives maxillaires qui risquent
de venir limiter la réponse mandibulaire en réduisant
prématurément le surplomb par une combinaison de la rotation
horaire squelettique et de la rotation dentoalvéolaire.
Le renforcement de l’activité musculaire élévatrice par un
recrutement homogène de tous les récepteurs desmodontaux est
assuré par l’occlusion d’intercuspidation des dents mandibulaires dans la résine de l’interposition qui s’étend jusqu’à la dent la plus
distale de l’arcade pour éviter les surcharges articulaires.
L’effet activateur combiné des muscles élévateurs et rétropulseurs
est transmis aux dents et au squelette maxillaire par l’interposition
de résine et freine leur déplacement de croissance en bas et en avant.
Ce principe est retenu par tous les auteurs pour l’effet maxillaire ; cet effet peut être modulé aussi bien au niveau
squelettique que dentoalvéolaire maxillaire par la combinaison
d’une force extraorale judicieusement orientée.
À la mandibule, l’effet activateur donne une ligne d’action de sens
opposé à celle de l’effet activateur maxillaire, mais dont les
conséquences sur la denture sont mineures.
C’est surtout la
mandibule qui bénéficie de cet effet par un allongement de ses
dimensions, de l’articulation à la symphyse ; ce gain mandibulaire
en longueur est exploité au mieux dans la réponse mandibulaire
lorsque les paramètres de la divergence faciale restent stables.
Une modulation de cet effet activateur peut être obtenue en
privilégiant un déplacement plus horizontal ou plus vertical qui recrutera préférentiellement les muscles rétropulseurs
ou les muscles élévateurs.
2- Activateurs propulseurs à butée :
Ce sont des dispositifs mécaniques qui, s’appuyant sur les dents par
des systèmes d’ancrage amovibles ou fixes, ne font appel à
aucune aide fonctionnelle (proprioception desmodontale ou réflexe
d’évitement) pour limiter ou canaliser les forces musculaires
générées par la position de morsure.
L’effet viscoélastique dépend de l’amplitude de la propulsion
mandibulaire qui est plus facilement modulable sur ces appareils,
ce qui permet de pratiquer une propulsion progressive.
Cependant, ces dispositifs permettent d’obtenir des résultats d’une
grande rapidité, le contact incisif étant généralement atteint dans les
6 mois. L’ensemble dentoalvéolaire subit un recul au maxillaire, de
l’ordre de 2 mm avec la bielle, sans version incisive, alors qu’à
la mandibule, il y a une dérive mésiale de la denture de 2 mm avec
une vestibuloversion incisive d’environ 6° qui récidive à 75 % de sa
valeur dans les 12 mois suivant la dépose de l’appareil.
3- Activateurs élastiques composites
:
Ce sont essentiellement des dispositifs tissue borne appliance qui
sollicitent la musculature pour propulser la mandibule de manière
réflexe.
La réaction viscoélastique est donc quasi inexistante
et les forces créées par l’effet activateur très faibles.
Ce sont des
appareils parfaitement indiqués pour une propulsion progressive.
Ils accompagnent la croissance mandibulaire, en provoquant
un rattrapage avec une propulsion qui est activée de l’ordre de 1 mm
tous les 6 mois (Fränkel et Fränkel).
Ces particularités sont particulièrement mises en valeur par les
études cliniques qui ont comparé les effets des propulseurs à butée,
dispositifs à propulsion mécanique, aux activateurs élastiques ou
composites, dont la propulsion est issue d’un réflexe physiologique.
La comparaison de la bielle de Herbst avec l’appareil de Bass ou
avec le régulateur de fonction de Fränkel montre bien que le
dispositif mécanique de propulsion produit dans les deux cas des
effets orthopédiques maxillaires et mandibulaires identiques à ceux
obtenus avec les deux autres, mais que ces derniers ont très peu de
conséquences dentoalvéolaires, ne perturbent pas le sens vertical et
conduisent à des résultats plus soutenus dans le temps.
Il en va de
même dans la comparaison entre le Twinblock de Clark et le
régulateur de fonction de Fränkel.
Le patient est aussi une composante importante dans la réponse
qu’on peut attendre au traitement par activateur de croissance.
Le
type facial, le schéma dynamique de croissance et la catégorie auxologique à laquelle appartient le patient sont autant de
paramètres à examiner.
Les types faciaux à tendance verticale doivent être évités dans les
indications de ces appareils, qu’il s’agisse de sujets hyperdivergents
ou de sujets à face longue, car l’un des effets le plus couramment
constaté est l’augmentation de la hauteur faciale.
Il faudra plutôt lui
préférer des types faciaux normo- ou hypodivergents.
Le schéma dynamique de croissance a été particulièrement étudié
par Bjork et Skieller, mais c’est surtout à Lavergne et Gasson
et à Petrovic que nous devons l’association des paramètres
biométriques et biologiques de la croissance.
En effet, ces auteurs
ont pu définir, à partir de l’analyse des composantes de déséquilibre
d’un patient, par rapport à des normes faciales équilibrées (normes flottandes de Hasund), le schéma dynamique de croissance qu’a
opéré ce patient, c’est-à-dire son type rotationnel.
Ils en déduisent la
catégorie auxologique, le potentiel biologique de croissance du
patient et sa capacité à répondre ou à ne pas répondre à un
traitement orthopédique.
Cette méthode a été appliquée par Moro et al à la correction de la
classe II.
Elle confirme les hypothèses de Petrovic en trouvant la
meilleure réponse orthopédique possible chez les patients qui
appartiennent à la catégorie auxologique la plus favorable.
Les praticiens ont souvent cherché à conforter le choix de leur
méthode de traitement par des données explicatives sur la croissance.
Les activateurs de croissance n’ont pas échappé à cette
règle et des différences d’appréciation sur les effets des activateurs
apparaissent nettement dans les interprétations des auteurs.
L’école nord-américaine de Harvold et de Woodside ne
cherche pas à exploiter la croissance mandibulaire qu’ils considèrent
comme non modifiable dans des proportions suffisantes pour
présenter un intérêt clinique ; ils préfèrent créer une matrice
musculaire de contention qui empêche la croissance normale du
complexe nasomaxillaire vers le bas et l’avant en sollicitant la
réaction viscoélastique des muscles par l’hyperpropulsion et une
position d’ouverture importante.
Ils gèrent aussi la croissance dentoalvéolaire en autorisant une éruption des secteurs latéraux qui
privilégie des mouvements de correction de la classe II.
À l’inverse, l’école nord-américaine de Shaye adhère aux idées
de Petrovic selon lesquelles la propulsion mandibulaire permet
d’obtenir un surcroît de croissance condylienne qui bénéficie à la
correction de la classe II, et de nombreux travaux s’orientent dans
cette direction.
Conclusion
:
L’orthopédie fonctionnelle est une discipline de l’orthopédie dentofaciale
qui est de plus en plus codifiée à partir d’une meilleure connaissance des
données de la croissance faciale, des particularités des appareils qui ont
des modes d’action différents et s’appliquent à des dysmorphoses
variées, chez des sujets auxologiquement différents.
L’orthopédie fonctionnelle s’applique aussi à des dysmorphoses de la
classe III ou à des dysmorphoses du sens vertical, mais son
indication majeure reste la classe II.
Elle doit bien sûr tenir compte de
paramètres divers dans le choix des indications, y compris de ceux qui
concernent l’exercice des fonctions orales ou l’existence des parafonctions.
L’orthopédie fonctionnelle, à l’aide d’activateurs de croissance, est
redevable à Fränkel d’avoir défini une attitude de traitement qui se
calque sur celle des orthopédistes généraux, mais nécessite un
accompagnement de la croissance faciale sur une très longue durée.
Les conditions modernes de l’exercice de l’orthodontie réduisent les
possibilités de ces dispositifs et limitent leur exploitation à la correction
orthopédique de la dysmorphose en 1 an environ.
L’utilisation de ces
activateurs de croissance doit donc se limiter à la correction
orthopédique de la classe II squelettique après une préparation des
arcades et une levée des verrous occlusaux et fonctionnels.
Cette phase
orthopédique s’inscrit dans le plan de traitement global du patient et
ne doit pas rallonger démesurément la durée de celui-ci.
Le concept activateur moderne est fondé sur : un choix sélectif des
activités musculaires que l’on souhaite recruter ; l’activateur choisi
privilégie un mode d’action dont dépendent les effets ; une utilisation
raisonnée des forces que l’appareil engendre en fonction des effets
recherchés sur les constituants squelettiques et dentoalvéolaires ; une
modulation du transfert des forces aux dents et au squelette, en
associant des auxiliaires à l’activateur pour en éliminer, réduire ou
accentuer certains effets.