L’intérêt porté aux tumeurs endocrines du pancréas ne se dément pas
depuis près de 20 ans.
Le biologiste y trouve un remarquable modèle de
recherche sur la physiologie des sécrétions hormonales.
Le clinicien,
armé des nouvelles méthodes de diagnostic biologique, s’aperçoit que
cette pathologie peut être bien plus fréquente qu’il ne le soupçonnait
jusque-là (gastrinome), et acquiert de nouvelles armes thérapeutiques
(somatostatine).
L’anatomopathologiste développe sur ce modèle des
théories qui vont bien au-delà de la pathologie purement pancréatique et
même digestive.
L’imagier, qui se heurte depuis toujours aux difficultés
d’exploration du pancréas, s’est forgé de nouvelles armes (échographie peropératoire et endoscopique, méthodes fonctionnelles de localisation
radioendocrinologiques) particulièrement adaptées aux problèmes de
détection que posent ces tumeurs.
Généralités
:
A - Terminologie
:
La désignation de tumeur endocrine du pancréas a supplanté celle de
tumeur du pancréas endocrine (ou tumeur insulaire) qui sous-entendait
à tort que la tumeur ne pouvait se développer qu’à partir des cellules des
îlots de Langerhans.
On sait en effet que ces tumeurs peuvent aussi se
développer à partir de cellules endocrines pluripotentes (nésidioblastes)
situées le long des canalicules excréteurs pancréatiques.
On rencontre encore dans la littérature les termes d’adénome (ou
de carcinome) endocrine du pancréas et de nésidioblastome ; ce dernier
est souvent réservé (à tort) aux tumeurs endocrines du pancréas non
sécrétantes.
L’usage a consacré la dénomination des tumeurs sécrétantes par une
déclinaison de leur sécrétion cliniquement parlante : insulinome,
gastrinome, somatostatinome, vipome (vasoactive intestinal peptide),
etc.
Dans la mesure où ces tumeurs semblent souvent multisécrétantes
et où les cellules qui les composent sont pluripotentes, il serait plus juste
de ne pas être aussi restrictif ; néanmoins, pour des raisons de
simplification, nous en resterons à la dénomination consacrée.
B - Système APUD (amine precursor uptake
decarboxylase), crête neurale,
tumeurs neuroendocrines
:
Certaines des tumeurs endocrines du pancréas sécrètent une hormone
élaborée par le pancréas normal (insuline ou glucagon par exemple).
On
les dit orthoendocrines.
D’autres sécrètent plusieurs hormones, soit à
partir d’une même lésion, soit dans de multiples tumeurs intrapancréatiques.
D’autres enfin peuvent sécréter des hormones dont
l’élaboration normale est extrapancréatique (gastrine par exemple) :
elles sont nommées paracrines.
Cette variété sécrétoire peut s’expliquer
si l’on admet que les tumeurs endocrines du pancréas se développent à
partir de cellules souches parfaitement totipotentes (nésidioblastes) et
aptes à se différencier vers des activités sécrétoires variées.
Ce concept
est également supporté par les théories de système, telle que la théorie
de Pearse qui fait dériver les cellules endocrines des éléments
constitutifs de la crête neurale.
Bien que cette théorie ait subi des
fortunes diverses au cours des dernières années, elle reste suffisamment
didactique pour continuer de mériter droit de cité ; elle présente en
particulier le mérite essentiel de souligner la grande similitude des
hormones et des neurotransmetteurs ainsi que des fonctions
physiologiques du système nerveux et celles du système endocrine
digestif.
Les cellules endocrines digestives, dont les cellules langerhansiennes et les nésidioblastes, avaient, d’après Pearse, une
origine neuroectodermique ; certaines groupées en amas (système
endocrinien disséminé) comme les cellules langerhansiennes ; d’autres
diffuses le long du tube digestif (système endocrinien diffus) tels les
nésidioblastes.
Toutes ces cellules provenant de cellules ectodermiques
ayant colonisé l’endoderme sont dites argentaffines en raison de leur
capacité de réduire les sels d’argent qu’elles ont absorbés.
Les cellules
argentaffines ont en commun avec certaines cellules sécrétrices
spéciales extradigestives (tels les phéochromocytes) la propriété de
prélever dans le sang les précurseurs d’amines biogènes et de les
décarboxyler ; cette fonction est à l’origine du nom donné au système
qui regroupe ces différentes cellules : le système APUD.
Les tumeurs
développées à partir de cellules qui appartiennent à ce vaste système sont
généralement dénommées « apudomes ».
Au début des années 1990, il a été démontré que les cellules
neuroendocrines du tube digestif, du pancréas et de l’appareil
respiratoire n’étaient pas d’origine neuroectodermique mais
endodermique, ainsi d’ailleurs que les cellules conjonctives de la face.
Le concept de systèmeAPUDest donc actuellement abandonné au profit
du terme « neuroendocrine ».
De nombreux neuropeptides ont pu être
isolés de ces différents tissus puis séquencés, dosés et identifiés par immunohistochimie.
Plus récemment encore, la caractérisation
phénotypique des cellules neuroendocrines est devenue possible et
permet par exemple dans certaines des pathologies neuroendocrines
familiales de mettre en évidence le gène de prédisposition et
d’individualiser dans chaque famille les sujets avec ou sans risque.
Les
tumeurs neuroendocrines familiales peuvent être ubiquitaires ou
s’intégrer dans le cadre d’autres maladies (maladie de von Hippel-Lindau, neurofibromatose de type I) ou encore être associées à d’autres
tumeurs, neuroendocrines ou non.
Dans ce cadre qui dépasse donc
largement le cadre du pancréas, les néoplasies endocriniennes multiples
de type I (NEM I) associent par exemple tumeurs de l’hypophyse, des
parathyroïdes et du pancréas ; ainsi, le syndrome de Wermer associe
typiquement adénome hypophysaire à prolactine, adénome
parathyroïdien et tumeur endocrine du pancréas.
C - Épidémiologie
:
Les tumeurs endocrines du pancréas sont des tumeurs rares.
L’insulinome et le gastrinome (syndrome de Zollinger-Ellison [SZE])
en sont de loin les plus fréquentes (de l’ordre de 1 cas par million
d’habitants par an), devant le glucagonome et le vipome, de l’ordre de
100 à 200 cas décrits dans la littérature.
Le SZE, initialement
considéré comme d’une grande rareté, apparaît maintenant comme une
lésion assez fréquente depuis que le dosage de la gastrine est largement
accessible : potentiellement 4 à 6 000 cas en France, ce qui est très loin
du chiffre effectivement rapporté et laisse donc entendre que les formes
frustes sont largement méconnues.
D - Anatomopathologie
:
1- Malignité
:
Toutes les tumeurs endocrines du pancréas sont potentiellement
malignes.
Il ne s’agit cependant pas d’une malignité cellulaire, ni même
tissulaire locale, au sens habituel du terme.
Seule la constatation de
métastases, généralement ganglionnaires locorégionales ou hépatiques,
permet de se prononcer avec certitude.
Rien ne permet en effet la plupart
du temps, à l’examen « conventionnel » de la tumeur pancréatique, de
différencier une forme « bénigne » d’une forme maligne métastasée.
Le
pronostic d’une tumeur neuroendocrine dépend actuellement assez
étroitement du degré de différenciation et passe aussi par l’étude immunohistochimique des marqueurs de prolifération.
La plus grande
prudence est de toute façon de rigueur dans ce domaine car, de surcroît,
l’évolution des formes malignes (même métastatiques) peut être d’une
extrême lenteur (plus de 10 ans).
Tous les types de tumeurs endocrines du pancréas n’ont cependant pas
le même potentiel d’évolution maligne.
L’insulinome est
presque toujours d’évolution bénigne, le gastrinome présente des
critères de malignité dans environ deux tiers des cas, le glucagonome
est presque constamment malin d’emblée.
Les métastases elles-mêmes ne présentent pratiquement pas de critères
histologiques de malignité.
De plus, elles peuvent fort bien se
différencier de la lésion primitive par des sécrétions hormonales, voire
une réponse au traitement, différentes.
2- Caractères macroscopiques
:
La taille tumorale au moment du diagnostic est variable d’un type
tumoral à l’autre ; elle conditionne les difficultés de mise en
évidence par les examens morphologiques.
Il n’y a pas de corrélation
directe entre la taille de la lésion et l’intensité de l’hypersécrétion et donc
des symptômes.
L’insulinome mesure moins de 15 mm environ deux
fois sur trois ; les gastrinomes sont généralement encore plus petits ; les
autres types tumoraux sont en revanche en règle beaucoup plus
volumineux au moment du diagnostic et leur mise en évidence ne pose,
sauf exception, aucun problème.
Les formes occultes, où une lésion
microscopique n’est découverte qu’après examen minutieux de dizaines
de coupes de la pièce d’exérèse, ne sont donc pas exceptionnelles,
surtout depuis que l’imagerie fonctionnelle permet de localiser les
tumeurs indépendamment de leur taille.
Ces différences sont liées à
l’efficacité plus ou moins grande des mécanismes compensateurs
suscités par l’hypersécrétion hormonale anormale : le glucagonome est
volumineux car les mécanismes compensateurs de l’hypersécrétion de
glucagon sont efficaces, le gastrinome est parlant dès le stade
microscopique car l’hypersécrétion de gastrine n’a pas de
compensation, les tumeurs non sécrétantes, sauf découverte fortuite,
sont évidemment très volumineuses.
Le caractère éventuellement multiple des lésions tumorales intrapancréatiques est à prendre en compte.
Le SZE
s’accompagne par exemple de tumeurs multiples, sinon diffuses, une
fois sur deux ; inversement, insulinome, vipome, glucagonome sont en
règle uniques et évoluent très rarement dans un contexte de NEM.
La localisation de la tumeur dans la glande pancréatique, quel qu’en soit
le type, peut aussi bien être céphalique que corporéale ou caudale, ce qui
interdit définitivement les résections chirurgicales à l’aveugle dans les
formes « occultes », en particulier dans l’insulinome qui se trouve avec une égale fréquence dans la tête ou dans la queue.
L’existence de
localisations ectopiques est possible mais d’importance variable :
exceptionnelle pour l’insulinome, une fois sur cinq environ pour le
gastrinome ou le vipome.
La tumeur proprement dite peut être encapsulée (surtout dans les formes
de petite taille), ou non.
Elle est superficielle (voire parfois pratiquement
de développement exopancréatique) ou au contraire profonde et très
difficile à repérer à la palpation chirurgicale.
Les tumeurs les plus
volumineuses adhèrent souvent aux organes de voisinage et
correspondent à des carcinomes.
Diagnostic
:
A - Clinique
:
Quand elles sont sécrétantes, ces tumeurs ont en commun de se révéler
par des symptômes très courants, conséquence de l’hypersécrétion
anormale : diarrhée, ulcère, troubles neuropsychiques, diabète… dont
ce n’est que l’intensité ou le caractère résistant aux traitements habituels
qui alarme et finit par attirer l’attention vers une étiologie aussi rare.
Il
est ainsi tout à fait remarquable de se trouver en présence d’une
pathologie tumorale dont l’expression clinique n’est pratiquement
jamais le syndrome tumoral.
Quand elles sont non sécrétantes, le syndrome tumoral est alors
révélateur.
Comme pour toutes les tumeurs du pancréas, on se trouve
souvent d’emblée devant une lésion extrêmement volumineuse.
Ceci est
d’autant plus vrai que les tumeurs endocrines du pancréas, même très
grosses et céphaliques, ont peu ou pas de retentissement biliaire.
La lenteur de l’évolution clinique, y compris dans certaines formes
malignes et métastatiques, a déjà été soulignée.
B - Diagnostic biologique
:
La confirmation du diagnostic des formes sécrétantes repose toujours sur
la constatation d’une hypersécrétion hormonale permanente et
autonome.
Les examens radiologiques n’ont d’intérêt que localisateur
et il n’est pas concevable de leur accorder un rôle dans le diagnostic
positif ; autrement dit, les explorations morphologiques ne peuvent en
aucun cas précéder le temps incontournable du diagnostic biologique.
En corollaire, il faut savoir qu’une hypersécrétion hormonale ne suffit
pas à elle seule à affirmer le diagnostic de tumeur endocrine du pancréas,
aussi bien que la normalité des sécrétions ne l’exclut pas.
Le radiologiste
doit donc être averti des principales causes d’hyperhormonémie, autres
que tumorales pancréatiques.
1- Diagnostic localisateur préopératoire
:
Le traitement idéal étant chirurgical, la localisation précise des lésions
tumorales, si possible en préopératoire, revêt une grande importance.
2- Imagerie morphologique : techniques et sémiologie
* Abdomen sans préparation (ASP)
:
Du fait de leur petite taille, ces tumeurs sont peu parlantes, les
syndromes de masse étant généralement trop discrets pour être mis en
évidence sur un ASP.
De même, les calcifications qui traduisent des
remaniements hémorragiques anciens ne surviennent que dans des
tumeurs suffisamment volumineuses.
Des calcifications ont été décrites
de façon exceptionnelle dans de grosses tumeurs malignes ou leurs
métastases : elles prennent un aspect grossier, nodulaire et localisé
qui doit les différencier d’une pancréatite.
* Opacifications du tube digestif et des voies biliaires
:
Leurs indications sont exceptionnelles en dehors du SZE où le transit
oesogastroduodénal et le transit du grêle mettent en évidence les
conséquences de l’hypersécrétion gastrique acide.
Il ne faut pas oublier
que certains SZE se présentent comme une diarrhée apparemment isolée
et il convient donc d’être à même d’évoquer le SZE sur les signes
radiologiques qui en sont évocateurs.
Les opacifications biliaires n’ont pratiquement plus cours.
En tout état
de cause, le faible retentissement biliaire des tumeurs endocrines du
pancréas sur la voie biliaire principale, même lorsqu’elles sont
volumineuses (car elles sont peu infiltrantes), est remarquable et fait que
l’ictère y est exceptionnel.
* Échographie
:
Les tumeurs les plus petites se présentent généralement sous la forme de
nodules bien limités, de structure homogène, hypoéchogènes, arrondis
ou ovalaires.
Sauf exception, l’échographie ne détecte que les
lésions dont le diamètre est supérieur ou égal à 10 mm.
Parfois, une fine
capsule hyperéchogène peut être mise en évidence dans les
insulinomes. Exceptionnellement, l’aspect peut être trompeur : des
formes kystiques ont été en particulier rapportées.
Dans les
formes plus volumineuses, la structure échographique est généralement
hétérogène et des zones de nécrose liquidienne ou d’hémorragies
peuvent être visibles.
La sensibilité de l’échographie, de 25 à 65 %,
dépend étroitement de l’expertise de l’opérateur ; en revanche, sa
spécificité reste médiocre en l’absence d’informations cliniques
évocatrices de tumeur endocrine.
L’examen échographique doit
également s’attacher à rechercher des adénopathies duodénopancréatiques,
coeliomésentériques et du pédicule hépatique, ainsi que
des métastases hépatiques.
L’aspect des métastases, lorsqu’elles sont de
petite taille, est volontiers hyperéchogène, pouvant simuler un
hémangiome.
Très volumineuses, elles présentent souvent une nécrose
centrale importante, parfois avec un niveau liquide-liquide.
Les
métastases ganglionnaires ont un aspect échographique identique à celui
des petits adénomes, la différenciation ne pouvant être faite que sur des
arguments topographiques, ce qui n’est pas toujours facile, certaines
adénopathies étant au contact de la glande et certaines tumeurs se
développant de façon presque pédiculée.
L’étude des gros troncs
veineux péripancréatiques doit être systématique, à la recherche d’un
envahissement qui signerait la malignité, de même qu’exceptionnellement,
le développement d’un bourgeon tumoral endoveineux.
* Échoendoscopie
:
La sonde d’échographie est solidaire de l’extrémité d’un endoscope à
vision latérale.
Pour faciliter la transmission, l’estomac est rempli d’eau
et, pour améliorer le contact sonde/muqueuse, un ballon gonflable à l’eau recouvre le transducteur.
La rotation du transducteur, de fréquence
7,5 à 12,5 MHz, donne des images axiales sur 360°, perpendiculaires au
grand axe de l’endoscope.
La tête du pancréas est explorée à travers le
duodénum, alors que le corps et la queue sont bien examinés à travers la
face postérieure de l’estomac.
La résolution élevée et l’absence d’interposition gênante permettent de
mettre couramment en évidence des lésions de 6 mm ; des lésions de
2-3 mm ont même pu être vues.
La détection s’avère la plus difficile
quand la tumeur est inférieure à 10 mm, pédiculée ou isoéchogène au
parenchyme pancréatique.
La paroi duodénale peut également être
finement étudiée, particulièrement à la recherche des gastrinomes
extrapancréatiques.
Les appareils les plus récents permettent aussi de
pratiquer des biopsies guidées à l’aiguille fine qui doivent encore réduire
le taux de faux positifs.
En revanche, la profondeur d’exploration reste limitée à 6-8 cm de la
sonde, ce qui ne permet pas d’explorer convenablement les tumeurs
volumineuses (et généralement non sécrétantes).
De même, le bilan
d’extension à distance des lésions malignes ne peut être pris en charge
par cette méthode d’imagerie strictement locorégionale.
La sémiologie échographique est comparable à celle de l’échographie transabdominale.
La finesse des images obtenues permet toutefois de
mettre plus souvent en évidence de petites calcifications, des
hétérogénéités de structure interne ou, en cas de lésions malignes, des
irrégularités de contour ou des adénopathies péripancréatiques.
L’échoendoscopie a démontré sa supériorité sur l’échographie
transabdominale, le scanner et l’artériographie.
Pour les équipes
expérimentées, son taux de détection des tumeurs endocrines du
pancréas est de 82 à 87 % et sa spécificité proche de 95 % lorsque la
clinique est parlante.
* Tomodensitométrie
:
L’examen scanographique doit bien explorer toute la glande,
particulièrement au niveau de la tête dont l’étude ne doit s’arrêter vers le
bas que lorsque le troisième duodénum a été concerné par les coupes.
L’opacification gastroduodénale est essentielle au bon repérage des
éléments du bloc duodénopancréatique et à la recherche d’un
envahissement digestif.
Le foie devra toujours être totalement exploré,
à la recherche de métastases, souvent synchrones en cas de formes
malignes ou de tumeurs volumineuses (sécrétantes ou non).
Sans injection de produit de contraste, les petites tumeurs sont
généralement isodenses.
La constatation de petites calcifications
punctiformes est possible mais rare.
Les tumeurs plus volumineuses sont
volontiers hétérogènes avec des zones hypodenses de nécrose.
Le diagnostic de la tumeur repose sur sa mise en évidence après injection
intraveineuse de produit de contraste.
L’injection en bolus rapide avec
étude dynamique (quatre à six coupes sur le même niveau, en
30 secondes environ, débutées 15 à 20 secondes après le début de
l’injection) permet de mettre en évidence le caractère hypervasculaire
de la plupart des tumeurs.
Les petites tumeurs sont le plus souvent
hyperdenses homogènes ; quelquefois, la lésion se présente sous
forme d’une image hypodense entourée d’un anneau hyperdense.
Le choix du niveau de coupe adéquat est évidemment de première
importance.
La détection préalable d’une lésion ou d’une zone suspecte
par échographie peut aider à choisir ce niveau.
Lorsque la lésion est
suffisamment volumineuse, ou suffisamment périphérique pour
déformer le contour de la glande, on dispose également d’une
orientation utile pour conduire l’examen.
Après injection, les petites
tumeurs endocrines pancréatiques présentent le plus souvent un
renforcement homogène mais transitoire (de l’ordre de 1 à 2 minutes), si bien que sur des coupes un peu trop tardives, la lésion peut être
redevenue parfaitement isodense.
Lorsque plusieurs injections
successives sont nécessaires, le renforcement de la tumeur tend à
diminuer, car le parenchyme pancréatique normal se sature
progressivement en contraste et rehausse sa densité.
Le diagnostic différentiel des tumeurs non sécrétantes volumineuses est
difficile ; leur aspect de nécrose centrale entourée d’une couronne hypervasculaire se rencontre également dans les adénocarcinomes
macrokystiques, les carcinomes à cellules acineuses et certaines
métastases ; la constatation d’une infiltration péripancréatique et la
précocité de l’obstruction canalaire (biliaire ou pancréatique) sont plutôt
en faveur d’une tumeur d’origine exocrine.
L’utilisation d’un scanner spiralé ou hélicoïdal surmonte la difficulté de
choisir le bon niveau de coupes.
En revanche, dans la mesure où le
pancréas est exploré en totalité en 15 secondes, il est plus difficile de
choisir le temps de coupe après injection qui corresponde au meilleur
renforcement tumoral.
Il faut en particulier veiller, chez un sujet âgé
et/ou à circulation un peu lente, à ne pas avoir coupé tout le pancréas
avant le début du renforcement.
L’injection intra-artérielle de contraste (artérioscanner dynamique)
vise à améliorer la détection tumorale au prix de l’injection d’une faible
quantité de contraste.
Les aspects rapportés sont assez variables :
hyperdense, hypodense, hypodense avec halo hyperdense.
Cette
technique permettrait entre autres de mieux détecter les rares formes relativement hypodenses.
L’expérience reste toutefois trop limitée
pour pouvoir actuellement définir clairement la place de cette
exploration, du moins tant qu’elle ne pourra pas être considérée comme
le complément simple et naturel d’une exploration artérielle indiquée
par ailleurs (artériographie diagnostique ou test de stimulation intraartériel).
À défaut d’injecter simultanément le tronc coeliaque et la
mésentérique supérieure (ce qui alourdit singulièrement la technique),
le remplissage partiel du pancréas (et les fausses images qu’il induit)
restera néanmoins une limite à la méthode.
* Imagerie par résonance magnétique (IRM)
:
L’IRM a été en mesure de mettre en évidence quelques cas de petites
tumeurs endocrines du pancréas.
Néanmoins, après quelques
publications anciennes et ponctuelles intéressantes, l’expérience reste
encore trop limitée et les résultats trop modestes pour accorder
actuellement une place prépondérante à l’IRM dans l’exploration de ces
tumeurs.
L’aspect le plus fréquemment rencontré semble être un hyposignal modéré sur les séquences en écho de spin pondérées en T1 et
un signal iso-intense ou discrètement hyperintense sur les séquences
pondérées en T2.
Le contraste de l’image tumorale est renforcé quand
le pancréas est lipomateux.
Les difficultés rencontrées tiennent à la petite
taille des lésions associées et aux nombreux artefacts de volume partiel
dans cette région, liés aux mouvements respiratoires et digestifs.
L’injection en bolus de gadolinium-DTPA (acide diéthylène triamine
penta-acétique) au cours d’acquisitions rapides (de type flash, turboflash…)
peut permettre de mettre en évidence le caractère
hypervasculaire, intense et transitoire, de la plupart de ces tumeurs.
En
l’absence d’un syndrome sécrétoire évocateur, le diagnostic différentiel
est aussi difficile que pour le scanner, et repose sur la même analyse.
* Octréoscan
:
À la multiplicité des fonctions, des localisations et des formes
moléculaires de la somatostatine correspond une diversité de sous-types
(sst) de récepteurs.
Les gènes de cinq sous-types ont été séquencés et
clonés (sst 1 à 5).
Un analogue de la somatostatine, l’octréotide, marqué
par In111 DTPA-D-Phe, peut être détecté par scintigraphie (octréoscan).
Sa fixation sur un tissu exprime donc la présence en quantité suffisante
des sous-types pour lesquels il a une affinité importante : avant tout sst 2
(et à un bien moindre degré sst5 et peut-être sst 3).
Les récepteurs de la
somatostatine sont présents dans les tumeurs endocrines du pancréas (y
compris dans les tumeurs non sécrétantes) mais l’expression de chaque
sous-type varie selon le type tumoral ; sst 2 est ainsi rencontré dans 73 %
des tumeurs carcinoïdes et 80 % des tumeurs non fonctionnelles des îlots
de Langerhans ; sur de petites séries étudiées, sa présence dans les
insulinomes a été plus faible que dans les gastrinomes ; il a également
été rencontré dans les glucagonomes.
En dehors des tumeurs carcinoïdes
et du bilan d’extension des formes métastatiques où l’intérêt de
l’octréoscan est admis par la plupart des équipes, le rôle de cet examen
dans la détection des petites tumeurs semble très faible.
Il faut aussi
noter, contrairement à ce qu’on aurait pu espérer, qu’il n’existe pas de
corrélation entre la probabilité de répondre au traitement par octréotide
ou somatostatine et la positivité de l’octréoscan.
* Artériographie
:
Les tumeurs endocrines du pancréas sont généralement considérées
comme un des grands succès de l’artériographie diagnostique, certaines
courtes séries allant jusqu’à faire état de 100 % de positivité.
S’il est vrai que les signes peuvent en être
particulièrement caractéristiques, la réalité sur toutes les séries de plus
de 50 cas est toute autre, ne dépassant certainement pas 50 % de
positivité.
Lorsque la tumeur est volumineuse, elle est le plus souvent
globalement hypervasculaire avec des zones hypodenses centrales ; ce
n’est sans doute pas dans ces cas que l’artériographie est la plus
contributive mais elle y a malgré tout le mérite de différencier assez
clairement une tumeur endocrine non sécrétante d’un adénocarcinome
pancréatique.
Quand la tumeur est de petite taille, les signes les plus
caractéristiques en sont :
– l’opacification précoce à partir d’une vascularisation périphérique
(c’est un adénome) qui réalise un petit syndrome de masse très localisé ;
ce corbeillage peut être identifié assez facilement s’il concerne des
vaisseaux intrapancréatiques, car seules les branches artérielles qui
contournent un bord du pancréas sont susceptibles à l’état normal de
présenter des boucles.
Le corbeillage est un signe essentiel, présent
même si la lésion est hypo- ou isodense ;
– au temps capillaire, l’opacification de la lésion est homogène,
parfaitement bien limitée et plus ou moins hypervasculaire en fonction
de sa nature propre et du degré de sélectivité de l’injection artérielle ;
– sur les temps tardifs, l’hypervascularisation s’efface souvent assez
rapidement et peut avoir disparu à la 15e seconde.
Les principaux faux positifs sont : une rate accessoire (son mode de
vascularisation est de type hilaire ; elle reste hyperdense plus longtemps,
sa dynamique se rapprochant de celle de la rate normale), une
adénopathie métastatique (rien ne permet de la différencier de
l’adénome, ce qui n’est pas sans poser un grave problème dans le SZE), une lésion ulcéreuse du duodénum, fréquente dans le SZE
(volontiers hypervasculaire mais sans syndrome de masse), la simple
visualisation en enfilade d’une queue de pancréas à direction
antéropostérieure.
Les faux négatifs, outre les lésions trop petites et trop peu vasculaires
pour être visualisées, sont le plus souvent le fait d’erreurs
d’interprétation anatomique qui conduisent sans le savoir à n’opacifier
le pancréas que partiellement.
Il faut à ce sujet insister sur l’importance
d’opacifier systématiquement au moins le tronc coeliaque et l’artère
mésentérique supérieure car certaines tumeurs (comme certaines têtes de pancréas) peuvent n’être vascularisées que par la mésentérique
supérieure…
Insistons aussi sur le fait que des prodiges de sélectivité de
cathétérisme sont loin d’être garants d’un meilleur diagnostic s’ils
précèdent les injections plus globales : générateurs de spasmes, ils
peuvent à l’occasion conduire au contraire à masquer la lésion…
3- Imagerie fonctionnelle
:
* Test au calcium intra-artériel
:
Le principe de cet examen est de localiser la région où se trouve une
lésion sécrétante en identifiant le pédicule artériel qui, sélectivement
perfusé d’un sécrétagogue, stimule la sécrétion tumorale et élève donc
significativement, et au premier passage, le taux circulant du produit
sécrété.
Le sécrétagogue est injecté successivement et sélectivement dans les
différentes artères vascularisant le pancréas : au moins splénique,
gastroduodénale, mésentérique supérieure, et si possible pancréatique
dorsale, pancréatique transverse, arcades céphaliques.
En cas de
suspicion de métastases hépatiques, l’artère hépatique propre doit
également être infusée. Le sécrétagogue utilisé pour la localisation du
gastrinome est la sécrétine, à la dose de 20-30 unités diluées dans 5 mL
de sérum physiologique.
En cas d’insulinome, le calcium est choisi
à la dose de 0,01 (chez les patients obèses) à 0,025 mEq de Ca2+ /kg
(chez un patient non obèse), sous forme de gluconate de calcium dilué
en quantité ad hoc dans 5 mLde sérum physiologique.
Des doses plus
faibles, de 0,00625 mEq de Ca2+ /kg, se sont aussi révélées efficaces,
tout en réduisant le risque d’hypoglycémie pendant le geste.
Les
prélèvements veineux sont effectués dans la veine sus-hépatique droite
ou gauche ; pour explorer efficacement le premier passage, les
prélèvements sont faits avant injection puis 30, 60, 90 et 120 secondes
après.
L’intérêt du dosage à 120 secondes est discuté par certains ;
néanmoins, dans notre expérience, le gradient maximal était noté à
120 secondes dans un tiers des cas.
Dans le SZE, le test est généralement considéré positif dans une artère
quand l’élévation du taux de gastrine dépasse 120 % après
40 secondes ou quand le gradient post/préinjection est supérieur à
50 %après 30 secondes.
Dans l’insulinome, le test au calcium intraartériel
a permis une localisation correcte dans les quatre premiers cas
rapportés, le critère de positivité retenu étant un doublement de
l’insuline à 30 ou 60 s.
* Localisation par prélèvements veineux pancréatiques
:
+ Méthodes :
Les techniques d’abord et de cathétérisme du système porte
permettent de réaliser des prélèvements de sang veineux pancréatique
efférent pour localiser les tumeurs sécrétantes.
La justification de la méthode tient :
– à la petite taille des tumeurs endocrines pancréatiques les plus
fréquentes (insulinome, gastrinome) qui met souvent en défaut les
méthodes de localisation morphologiques ;
– à l’existence possible de micropolyadénomatoses ou d’hyperplasie
qui sont obligatoirement méconnues par les examens morphologiques.
Les prélèvements veineux pancréatiques contournent ces difficultés en
localisant la tumeur non par le volume qu’elle occupe mais par la
sécrétion anormale qu’elle produit et qu’elle déverse dans ses veines de
drainage, dont nous avons vu que l’intensité était indépendante du
volume tumoral.
Cette investigation nécessite donc d’établir une
cartographie veineuse pancréatique la plus complète possible pour
chaque cas étudié, cartographie sur laquelle seront reportés, point par
point, les résultats des dosages hormonaux.
Une connaissance précise
de l’anatomie des veines pancréatiques et péripancréatiques est donc
indispensable à la réalisation et à l’interprétation de l’examen.
+ Anatomie des veines pancréatiques
:
Comme toujours pour les systèmes veineux, les variations individuelles
sont fréquentes et imposent une interprétation personnalisée de chaque
examen.
Un schéma d’ensemble qui se décompose en trois systèmes :
tête, corps et queue, isthme, peut cependant être décrit et servir de
référence.
Veines de la tête du pancréas.
Ce système est constitué de trois arcades superficielles (postérieure,
antérieure, inférieure) et une arcade intraglandulaire.
Il possède trois
veines efférentes principales : les veines pancréaticoduodénales
postérosupérieure, antéro-inférieure et postéro-inférieure.
– Veine pancréaticoduodénale postérosupérieure : dans notre
expérience, c’est le pédicule de drainage principal de la tête dans 94 %
des cas.
Elle se jette dans la face postérodroite des deux tiers inférieurs
du tronc porte proprement dit, bien plus rarement dans l’angle qu’il
forme avec la veine mésentérique supérieure, et de façon exceptionnelle
dans la veine mésentérique supérieure.
Du fait de l’importance
fonctionnelle de cette veine dans le drainage de la tête, les tumeurs
céphaliques sécrétantes, quel que soit leur siège, se drainent de façon
élective dans ce pédicule plus d’une fois sur quatre ; son cathétérisme
est donc impératif.
– Veine pancréaticoduodénale antéro-inférieure : elle se jette
généralement dans le tronc gastrocolique.
Rappelons que ce dernier
n’est pas constant et que ses branches de formation peuvent se jeter
individuellement, ou incomplètement réunies, dans la veine
mésentérique supérieure.
– Veine pancréaticoduodénale postéro-inférieure : elle se jette le plus
souvent dans la première veine jéjunale ; parfois, son abouchement
glisse jusqu’à la deuxième jéjunale.
– Arcade veineuse céphalique postérieure : elle est tendue entre la
branche interne de la veine postérosupérieure et la branche supérieure
de la veine postéro-inférieure.
Elle circule à la face postérieure de la
glande et des vaisseaux mésentériques supérieurs.
Elle est généralement
facile à identifier, nettement en dedans des autres arcades de la tête,
d’autant que contrairement à ces dernières, elle est souvent rectiligne ou
seulement discrètement concave en haut et à gauche.
Elle reçoit peu de
veines duodénales comparé à l’arcade antérieure.
– Arcade veineuse céphalique inférieure : elle est tendue entre la
branche interne de la veine antéro-inférieure et la branche inférieure de
la veine postéro-inférieure.
Elle longe le processus unciné du pancréas
et le duodénum ascendant dont elle reçoit respectivement des branches.
Elle passe en arrière des vaisseaux mésentériques supérieurs.
Elle est
facile à identifier par sa situation très inférieure, longeant très
précisément le bord duodénal, décrivant une concavité supérieure très
marquée.
– Arcade veineuse céphalique antérieure : elle est tendue entre la
branche externe de la veine postérosupérieure et la branche externe de la
veine antéro-inférieure.
Elle contourne le cholédoque par en dehors.
Il
s’agit de l’arcade céphalique la moins facile à identifier clairement sur
les phlébographies en raison de ses superpositions avec les multiples et
volumineux pédicules duodénaux qu’elle reçoit, ainsi qu’avec les veines antrales et pyloriques qui se drainent dans la gastroépiploïque droite.
Sa
disposition générale est plutôt verticale, légèrement concave à gauche ;
c’est généralement l’arcade la plus externe sur presque tout son trajet.
– Arcade veineuse céphalique intrapancréatique : elle est tendue entre
la branche moyenne de la veine postérosupérieure et la branche
moyenne de la veine antéro-inférieure.
Elle descend entre le cholédoque
et le canal pancréatique, et entre les deux canaux pancréatiques.
Elle n’est que rarement clairement identifiable en angiographie ; elle se
projette alors verticalement entre les arcades antérieure (plus externe) et
postérieure (plus interne).
– Anastomoses des veines céphaliques : outre leurs anastomoses avec
les veines pancréatiques isthmiques et corporéales, les veines
céphaliques sont anastomosées avec les veines coliques moyennes, les
veines gastriques, les veines biliaires et le système porte intrahépatique.
Veines du corps et de la queue du pancréas.
Deux systèmes veineux s’associent dans le drainage corporéal et caudal
du pancréas : de multiples veines à disposition plutôt verticale qui se
jettent dans la veine splénique, homologues des artères pancréatiques
corporéales, et un axe veineux à disposition horizontale, homologue de
l’artère pancréatique transverse.
– Veines pancréatiques corporéales : elles sont constantes et se jettent
dans la veine splénique.
La veine gastrique gauche reçoit parfois à sa
terminaison une importante veine pancréatique qui draine la partie droite
du corps.
La veine gastroépiploïque gauche reçoit pour sa part une ou
plusieurs petites veines qui drainent l’extrémité gauche de la queue,
homologues des artères pancréatiques caudales.
En fonction des
rapports de la veine splénique et du pancréas, elles peuvent avoir aussi
bien un trajet descendant qu’ascendant ; au niveau de la partie droite du
corps, elles ont plus souvent un trajet ascendant presque vertical, la veine
splénique étant généralement située plus crânialement que le pancréas.
À la partie moyenne et gauche du corps, leur trajet est habituellement
nettement oblique vers la gauche, et se rapproche de l’horizontale.
– Veine pancréatique transverse : elle représente l’axe de drainage
longitudinal du corps et de la queue. Nous avons trouvé une ou plusieurs
veines pancréatiques transverses bien individualisées dans 56 cas sur
une série de 100 phlébographies complètes.
Dans trois cas, deux veines
transverses d’égale importance coexistaient.
La veine pancréatique
transverse se jette dans la veine mésentérique inférieure une fois sur
deux, mais semble-t-il seulement lorsque cette dernière se draine très à
droite, dans la veine mésentérique supérieure ou l’angle qu’elle fait avec
la veine splénique ; dans les autres cas, elle se draine avant tout dans la
terminaison de la veine splénique.
– Anastomoses : les veines corporéales sont largement anastomosées
entre elles ainsi qu’à la veine pancréatique transverse.
Quand cette
dernière n’est pas clairement individualisée, les anastomoses
longitudinales des veines corporéales entre elles en constituent
l’équivalent.
Les deux systèmes veineux sont anastomosés aux autres
veines pancréatiques, isthmiques et céphaliques.
Comme les artères
homologues, elles sont anastomosées aux veines coliques moyennes et
aux veines de l’angle colique gauche, aux veines gastriques et aux veines épiploïques, selon un trajet homologue à celui des anastomoses
artérielles.
Veines de l’isthme.
Elles constituent avant tout un pont anastomotique entre les systèmes
céphalique et corporéal.
Il existe cependant un drainage isthmique assez
souvent bien individualisé, par l’intermédiaire de deux veines
isthmiques.
Sur les phlébographies pancréatiques, une veine isthmique
est identifiée par sa topographie médiane et ses anastomoses aussi bien
avec les arcades céphaliques qu’avec le système veineux corporéal.
– Veine isthmique supérieure : elle se jette dans la terminaison de la
veine splénique, généralement sur son bord supérieur.
Nous avons
également vu son abouchement glisser sur la veine gastrique gauche ou
la veine mésentérique supérieure.
– Veine isthmique postérieure : elle se jette dans la veine mésentérique
inférieure, généralement très près de sa terminaison.
Elle se jette parfois
dans la veine mésentérique supérieure, juste sous l’angle qu’elle fait
avec la splénique, dans une veine colique moyenne accessoire se
drainant dans la mésentérique supérieure, voire dans la veine splénique.
+ Technique et méthodologie
:
La technique d’abord du système porte est largement décrite dans la
littérature.
Pour des raisons de confort, l’examen est généralement
réalisé sous anesthésie générale ; dans ce cas, il est important de
s’assurer de l’absence d’interférence entre les drogues utilisées et le
métabolisme des hormones dosées.
La technique des prélèvements est assujettie à des règles qui permettent
de limiter les artefacts et les erreurs d’interprétation :
– il est indispensable de réaliser des prélèvements pancréatiques
sélectifs car les dosages effectués dans les gros troncs exposent à des
erreurs d’interprétation très graves du fait de l’écoulement
systématiquement laminaire du sang à leur niveau ;
– la présence de produit de contraste iodé dans l’échantillon sanguin
peut perturber le dosage radio-immunologique hormonal au-delà d’un
certain seuil (30 % dans l’échantillon prélevé pour la gastrine).
Ceci
peut être évité en réalisant les prélèvements, soit avant toute injection
locale, soit après aspiration soigneuse du contraste ;
– dans notre expérience, la localisation des insulinomes et des
gastrinomes n’a pas bénéficié de la pratique de tests de stimulation ou de
sensibilisation.
En cas d’insulinome, il semble en revanche essentiel de
maintenir le patient en état de glycémie basse et stable, ce qui implique
un monitoring précis durant l’examen.
Le but en est de déprimer
préférentiellement la sécrétion physiologique puisque la sécrétion
tumorale est en principe peu sensible au stimulus glucose.
Les
médications hyperglycémiantes doivent être interrompues au moins
2 jours avant l’examen ; en cas de gastrinome, le traitement anti-H2 est
en revanche poursuivi puisqu’il ne modifie pas la sécrétion gastrinique
et que son arrêt fait courir un risque d’aggravation de la maladie ;
– ces précautions étant prises, les erreurs d’interprétation persistantes
sont liées d’une part à l’anatomie (erreurs par défaut), et d’autre part à
une connaissance imparfaite de la cartographie sécrétoire normale
(risque d’erreurs par excès).
+ Indications
:
Rappelons que cet examen ne doit être proposé qu’à titre purement
localisateur chez des patients dont le diagnostic est par ailleurs
formellement établi.
À cet égard, il faut souligner que si une sécrétion
pancréatique de gastrine est en soi anormale (encore que la distinction
entre une sécrétion duodénale et pancréatique céphalique soit
pratiquement impossible), il n’en est pas de même pour l’insuline.
Par
ailleurs, les taux normaux sont obligatoirement plus élevés dans les
veines de la queue (qui ne drainent que le pancréas) que dans les veines
de la tête (où le sang pancréatique est dilué par du sang en provenance
du duodénum).
Dans notre expérience, les patients porteurs de tumeurs
sécrétant de l’insuline présentaient toujours des taux périphériques
élevés pendant l’examen (systématiquement effectué en état de
glycémie basse), à l’inverse des sujets normaux.
Au contraire, certains
patients avec insulinome avaient un taux d’insuline, dans la veine de
drainage de la lésion, inférieur en valeur absolue aux chiffres parfois
rencontrés au même endroit chez le sujet normal.
+ Résultats d’ensemble
:
L’efficacité localisatrice des prélèvements veineux se situe, suivant les
séries, entre 90 et 100 %.
Notre expérience nous
amène à proposer une stratégie différente suivant le type de tumeur
sécrétante à localiser.
Nous rapportons ces résultats plus loin pour
chaque type tumoral.
C - Localisation peropératoire
:
1-
Palpation chirurgicale
:
L’inspection et la palpation chirurgicales échouent dans le repérage des
petites tumeurs dans 15 à 50 % des cas selon les séries et le type
tumoral.
2- Échographie peropératoire
:
L’exploration peropératoire du pancréas nécessite l’ouverture
chirurgicale de l’arrière-cavité des épiploons.
Après libération du
pancréas, qui permet une exploration adéquate du corps et de la queue,
la cavité abdominale est remplie de sérum, et le pancréas est exploré par
des coupes sagittales et longitudinales à l’aide d’une sonde
généralement de 10 MHz.
L’étude optimale de la tête, du crochet et de la
paroi duodénale nécessite une mobilisation manuelle de ces structures,
et donc un large décollement.
Les lésions sont généralement hypoéchogènes, souvent avec un bord
discrètement échogène.
Parfois, la lésion apparaît isoéchogène ou
hyperéchogène avec un halo périphérique hypoéchogène, en particulier
chez l’enfant où le tissu pancréatique normal est volontiers moins
échogène.
Des limites tumorales peu nettes, l’occlusion du
Wirsung sont des signes en faveur de la malignité.
La sensibilité est élevée, des tumeurs de seulement 3 mm ayant pu à
l’occasion être détectées.
L’association échographie/palpation peropératoire améliore la sensibilité.
La détection des insulinomes est meilleure que celle des gastrinomes, dont les fréquentes
formes ectopiques de la paroi duodénale sont difficilement vues.
La sensibilité diminue également en cas d’insulinomes multiples de
petite taille, comme on en rencontre au cours des NEMI.
Dans une
étude de 44 patients opérés pour suspicion de tumeur endocrine
pancréatique, la sensibilité de l’échographie peropératoire était de 86 %
pour les insulinomes et de 83 % pour les gastrinomes ; en revanche,
le taux de faux positifs était de 25 %, habituellement dû à du tissu
pancréatique ectopique ou à des ganglions lymphatiques.
L’échographie peropératoire est particulièrement utile au chirurgien
chez les patients ayant des antécédents de chirurgie pancréatique où la
palpation est perturbée par la réaction inflammatoire.
De même,
l’étude des rapports précis avec les canaux pancréatique et biliaire ou la
constatation de signes de malignité peuvent aider utilement au choix du
type de résection.
À l’opposé, cette exploration allonge la durée de l’intervention, n’est pas
très fiable pour la détection des lésions extrapancréatiques et explore
difficilement la queue avec finesse sans sa mobilisation, ainsi que celle
de la rate, en dehors du rétropéritoine.
Enfin, les duodénopancréatectomies
entraînées par un faux positif non palpé dans la tête
ont une morbidité et une mortalité élevées, jusqu’à 30 % pour
certains.
3- Dosages veineux peropératoires
:
Dans les cas où la lésion n’est pas repérée pendant l’exploration
chirurgicale, certains ont proposé des exérèses gauches étendues vers la
droite tant que la preuve biologique que la tumeur avait été emportée
n’était pas obtenue (augmentation de la glycémie dans les 30 ou
90 minutes suivant l’exérèse, ou chute de l’insulinémie plus récemment,
pour l’insulinome ; chute de l’hyperacidité gastrique très rapide pour le
gastrinome).
Plus récemment ont été proposés des dosages hormonaux
extemporanés qui ont permis à certains de réaliser des prélèvements
veineux péripancréatiques peropératoires étagés, éventuellement sous
clampage de l’artère splénique.
Quand on connaît la multiplicité des
facteurs qui peuvent interférer sur l’interprétation des résultats de
prélèvements sélectifs et parfaitement repérés, on ne peut que mettre le
chirurgien en garde contre les erreurs qu’il va fatalement commettre s’il
accorde trop de valeur à ce moyen de localisation (d’autant plus que la
simple palpation de la tumeur est susceptible d’entraîner une libération
hormonale massive).
4- Scintigraphie peropératoire
:
La détection scintigraphique peropératoire de l’octréotide marqué est
envisageable en peropératoire, à l’aide d’une sonde manuelle déplacée
à la demande dans le champ opératoire.
Les études préliminaires ont
montré que cette méthode pouvait permettre de réséquer des lésions
occultes de gastrinome.
Il s’agit néanmoins pour l’instant d’une
technique de mise en oeuvre relativement complexe.
5- Combinaison test au calcium-injection de bleu
:
Un test au calcium intra-artériel peut être effectué en préopératoire pour
identifier le vaisseau alimentant la tumeur, lequel est alors injecté en
peropératoire avec du bleu de méthylène qui est susceptible de colorer
la tumeur et ainsi de faciliter son repérage chirurgical.
Cette technique a
été exclusivement rapportée en cas de gastrinome.
Principes du traitement
:
Le traitement se doit, avec une importance relative variable selon le type
tumoral, de contrôler la sécrétion anormale pour vérifier les symptômes,
et de contrôler le syndrome tumoral dans un but carcinologique.
Dans l’insulinome, le contrôle de l’hyperinsulinisme est vital alors que
le problème carcinologique est exceptionnellement au premier plan. Un
contrôle médical quand il est possible, ou une simple énucléation sont
donc parfaitement justifiés.
À l’opposé, dans le SZE, on a vu que le
problème carcinologique était souvent la préoccupation majeure.
Principaux syndromes tumoraux
:
A - Insulinome
:
1-
Clinique
:
Les manifestations cliniques sont très polymorphes mais avant tout
d’ordre neuropsychique.
Leur caractère est si peu évocateur que 25 %
des patients ont un passé clinique depuis plus de 5 ans au moment du
diagnostic.
La corrélation des signes avec un jeûne prolongé ou un effort
est le point le plus caractéristique.
2- Diagnostic
:
Le diagnostic repose avant tout sur l’épreuve de jeûne codifiée de
48 heures, avec dosages simultanés de la glycémie et de l’insulinémie.
L’abaissement de la glycémie au-dessous de 0,5 g/L signe la nature
organique de l’hypoglycémie ; la mise en évidence du caractère non
suppressible de l’hyperinsulinémie signe sa nature tumorale.
Un rapport
de Turner (glycémie [en mg/100 mL] / insulinémie [en mU/mL])
inférieur à 4 est la traduction de ce caractère et est considéré comme
positif à 100 % à la 72e heure de l’épreuve.
L’augmentation du peptide
C circulant (qui traduit celle de la pro-insuline dont la proportion
s’accroît au cours de l’insulinome) est également un excellent signe.
Il
permet aussi le diagnostic différentiel avec les hypoglycémies factices
par prise d’insuline ou de sulfamides hypoglycémiants dans lesquelles
l’insuline est élevée mais le peptide C effondré.
3- Localisation de la tumeur
:
Le taux de succès de
l’échographie varie de 25 à 65 % ; celui du scanner semble de
l’ordre de 25 à 30 %.
La performance de l’artériographie (inférieure à
60 %) n’est pas aussi élevée que dans les courtes séries initialement
publiées, d’autant plus que 25 %des insulinomes diagnostiqués sont peu
ou pas hypervasculaires.
En revanche, l’échoendoscopie donne
actuellement le meilleur taux de succès de tous les examens
morphologiques (de l’ordre de 85 %), et constitue l’examen
morphologique de base de l’exploration de toutes les tumeurs
endocrines du pancréas.
Dans les séries les plus récentes, la localisation correcte était établie par
le test au calcium intra-artériel dans 33 à 88 % des cas.
En tant que méthode de localisation fonctionnelle, le test au calcium peut
être positif alors que tous les examens morphologiques préopératoires
sont négatifs ; dans une publication récente, il a ainsi été positif dans une
série de sept cas consécutifs avec imagerie négative, modifiant la
technique chirurgicale dans trois cas sur sept.
Comparé aux prélèvements veineux pancréatiques (PVP) dans des
études prospectives, le test au calcium semble un peu supérieur pour
localiser les tumeurs uniques, et un peu inférieur quand les hyperplasies
diffuses sont incluses dans la série étudiée.
Trop peu de données sont actuellement disponibles pour préciser la
spécificité du test au calcium dans la détection et la différenciation des
hyperplasies diffuses et des tumeurs multiples, aussi bien entre elles
qu’avec les formes uniques.
On peut toutefois noter que dans la
littérature déjà citée, la plupart des 14,5 %de faux positifs ou de résultats
incomplets correspondaient précisément à de telles présentations
inhabituelles.
Il convient donc à ce sujet de rester encore prudent dans
l’interprétation des résultats.
À ces réserves près, il paraît néanmoins
évident que le test au calcium intra-artériel mérite d’être inclus dans
l’arsenal des méthodes de localisation, ne serait-ce qu’en raison de son
caractère fonctionnel et relativement peu invasif.
Les PVP sont les plus performants dans l’insulinome
quand on inclut hyperplasies et formes multiples, dont le diagnostic
constitue précisément l’indication de pratiquer des explorations
fonctionnelles.
Tant que la réelle fiabilité du test au calcium dans ces
formes ne sera pas établie, les PVP nous paraissent donc rester
indispensables dans l’exploration préopératoire des insulinomes.
De plus, il s’agit en effet d’une pathologie tellement rare, ne
récidivant pratiquement jamais, tellement bénigne après exérèse
complète et tellement grave après exérèse pancréatique inappropriée,
qu’il nous paraît futile de discuter un quelconque algorithme
d’exploration, toutes les méthodes n’étant pas de trop pour s’assurer
d’une localisation de certitude.
La laparotomie exploratrice dans la série
de 1 067 cas colligés par Stefanini et al trouve la tumeur dans 76 %
des cas à la première exploration et 11 % à la deuxième ; 7 % ne sont
jamais retrouvés.
Les meilleurs résultats de l’échographie peropératoire qui sont rapportés
font état de 84 à 90 % de sensibilité dans la détection d’insulinomes de
14 mm de diamètre en moyenne, sans faux positif.
En connaissance des
examens radiologiques préopératoires, il semble donc que le chirurgien
voit, palpe et/ou détecte par échographie la lésion dans 80 à 90 % des
cas.
Il lui reste donc au moins 1 cas sur 10 où il va devoir pratiquer
l’exérèse sur la seule foi des examens radiologiques morphologiques,
voire seulement fonctionnels.
4- Traitement
:
Le traitement de choix est chirurgical, si possible par simple énucléation,
ce qui sous-entend une localisation précise.
La mortalité
opératoire reste faible (6 %).
Dans les rares cas de malignité, on peut
faire appel aux drogues cytotoxiques (streptozotocine) par voie générale
ou locale hépatique.
Quand la chirurgie est récusée, le diazoxide, un
sulfamide hyperglycémiant qui bloque la sécrétion d’insuline induite par
le glucose, peut parfois contrôler la situation.
L’insulinome est donc le plus souvent une affection bénigne quand elle
est diagnostiquée avant un accident grave, source de séquelles
neurologiques, et quand la tumeur peut être extirpée chirurgicalement
après une localisation correcte où le rôle du radiologiste est primordial.
B - Gastrinome : syndrome de Zollinger-Ellison
1-
Clinique
:
Les deux signes clés sont la diarrhée et les ulcères digestifs hauts. Les
ulcères sont présents dans 85 % des cas.
Ils sont souvent multiples et
peuvent toucher le tube digestif, de l’oesophage au jéjunum.
Le
diagnostic de SZE mérite d’être évoqué lorsque ces ulcères présentent
l’un des caractères distinctifs suivants : survenue chez une femme, un
individu jeune ou présentant un caractère familial, résistance particulière
au traitement médical, survenue de complications itératives, association
à une diarrhée, existence de vomissements sans qu’une sténose digestive
l’explique, siège à proximité de l’angle de Treitz, éventualité rare mais
caractéristique.
La diarrhée est un élément essentiel du syndrome ; elle
est présente dans environ 70 % des cas ; elle reste isolée ou précède les
manifestations ulcéreuses dans 50 % des cas.
2- Diagnostic
:
Le diagnostic repose sur la démonstration de l’hypersécrétion gastrique
acide qui est responsable des signes radiologiques caractéristiques de
l’affection : ulcérations oesophagiennes et oesophagite, ulcères
gastriques développés sur un estomac à gros plis et hypersécrétant,
ulcérations et épaississement du plissement au niveau du duodénum et
du jéjunum proximal.
La preuve biologique est apportée par
l’augmentation du débit acide basal au-dessus de 15 mmol/h et/ou de la
concentration acide de base au-delà de 100 mmol/L.
L’hypergastrinémie est le second élément du diagnostic biologique, en
sachant toutefois que les causes d’augmentation de la gastrine, à des taux
cependant généralement plus limités qu’au cours du SZE, sont
nombreuses.
Ce signe peut être sensibilisé par l’injection de sécrétine
qui normalement diminue le taux de gastrine alors qu’au contraire elle
l’augmente au cours du SZE.
3- Localisation de la tumeur
:
Concernant l’artériographie; comme Mills et al, nous avons rencontré environ 30 % de faux positifs, essentiellement dus à une confusion entre le gastrinome
et une adénopathie métastatique.
Quand l’imagerie préopératoire
était négative, l’exploration chirurgicale a retrouvé une lésion
macroscopique dans 77 % des cas dans l’expérience de Bichat mais
trois fois sur quatre, il s’agissait d’une tumeur ectopique (duodénale
avant tout).
L’indication des PVP est très discutable en cas de SZE.
En effet, les tumeurs sont multiples dans la majorité des cas, et plus
ou moins sécrétantes.
Seules les tumeurs suffisamment sécrétantes au
moment des prélèvements sont parlantes.
Dans notre expérience, la
localisation sécrétoire est pancréatique céphalique ou duodénale dans
près de 90 % des cas.
Ceci oblige donc à discuter neuf fois sur dix une duodénopancréatectomie céphalique puisque, quatre fois sur dix, la
tumeur, trop petite, n’est pas retrouvée en peropératoire.
Cette
intervention paraît d’autant plus lourde que dans plus de 50 % des cas,
des localisations corporéales alors non sécrétantes seront laissées en
place, et que l’on sait que dans 25 % des cas, le SZE évolue dans le
cadre d’une NEM.
Plus récemment, le test au calcium intra-artériel a permis de
localiser les lésions dans sept cas sur 13 explorés et, dans un cas, de
différencier hémangiome et métastase hépatique.
Dans ces mêmes cas,
l’artériographie, le test au calcium et les PVP étaient respectivement positifs dans 36, 54 et 46 %.
De plus, la valeur combinée de
l’artériographie et du test au calcium était de 77 % ce qui, compte tenu
du caractère moyennement invasif de la méthode, mérite d’être souligné.
Dans une étude prospective, le test au calcium s’est révélé plus
sensible que les PVP pour localiser les gastrinomes duodénaux
(respectivement 78 et 31 %).
Dans une autre étude, il était contributif
dans des cas sélectionnés de suspicion de métastases hépatiques pour
lesquels un résultat positif (élévation de gastrine d’au moins 25 % à
20 secondes ou de 50 % à 30 secondes) modifiait utilement la décision
thérapeutique chez 22 % des patients.
4- Traitement
:
L’hypersécrétion acide peut constituer un danger vital ; elle doit donc
être contrôlée en priorité.
La gastrectomie totale est actuellement
presque toujours évitée grâce aux drogues à effet anti-H2 dont
l’efficacité est pratiquement absolue.
Dans un second temps, le traitement du syndrome tumoral est une
préoccupation de plus en plus fréquente, facilitée en cela par les
possibilités de localisation tumorale.
Cette approche
carcinologique du traitement est supportée par l’existence de guérisons
apparemment définitives après certaines exérèses et par le fait que
l’hypergastrinémie pourrait entraîner à terme l’apparition de tumeurs
carcinoïdes fundiques.
Le traitement idéal est chirurgical mais
l’exérèse n’est en fait justifiée qu’en cas de geste simple : tumeur de la
queue, de la paroi duodénale, ou tumeur très superficielle qui peut être
énucléée.
La mortalité opératoire des pancréatectomies droites chez les
sujets porteurs de SZE est en effet très élevée (de l’ordre de 35 % dans
certaines séries de référence) et la probabilité que l’exérèse soit
néanmoins complète est trop faible pour qu’une duodénopancréatectomie
céphalique soit proposée sans réserve, même dans les
cas où tout laisse croire que les lésions sont limitées à la tête.
Inversement, une attitude très agressive pourrait être proposée, compte
tenu de la malignité avérée de la maladie deux fois sur trois, et conduire
à proposer dans certains cas une pancréatectomie totale dans une optique
carcinologique.
En cas de syndrome malin, particulièrement avec
métastases hépatiques, une chimiothérapie (IV, IA ou par
chimioembolisation) est généralement proposée, à base de
streptozotocine et/ou 5-FU et/ou adriamycine ; les taux de réponse sont
de 40 à 60 % dont la moitié de réponses complètes.
5- Pronostic
:
Le mauvais pronostic du SZE est la conséquence de sa fréquente
évolution maligne, et ce malgré une progression souvent lente (des
évolutions de plus de 15 ans sont possibles, même au cours de formes
avec métastases hépatiques).
La survie actuarielle à 5 ans est de 65 % ;
elle reste stable à 50 % après 10 ans.
La meilleure survie à 5 ans est
associée aux tumeurs ectopiques (69 %) et aux formes où la laparotomie
exploratrice est négative (67 %).
Les survies les moins bonnes sont
associées aux formes avec métastases hépatiques (27 % à 5 ans) et celles
qui évoluent dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple
(48 %).
La cause du décès est une fois sur quatre une complication
postopératoire et presque une fois sur deux la conséquence des
métastases hépatiques.
C - Glucagonome
:
1-
Clinique
:
Dans 70 % des cas, le syndrome cutanéomuqueux est révélateur de la
maladie : il s’agit d’un érythème nécrolytique migrateur, siégeant aux
zones de frottement, associé à des manifestations muqueuses (en
particulier la glossite).
La pathogénie de ce syndrome n’est pas claire
mais une diminution du taux de glucagon entraîne souvent sa disparition
rapide et spectaculaire en quelques jours.
Lorsque la maladie est
constituée, ce syndrome ne manque qu’une fois sur dix.
Les autres
signes sont : le diabète sucré, l’anémie, des signes de cachexie
éventuellement associés à des signes directs de tumeur pancréatique et
assez souvent une diarrhée.
Le diagnostic repose sur la constatation d’un
taux élevé de glucagon ; il existe également une diminution des acides
aminés plasmatiques.
2- Localisation de la tumeur
:
Elle ne pose habituellement pas de problème majeur, la lésion étant
volumineuse au moment du diagnostic.
Dans de rares cas où le
diagnostic paraît suffisamment probable mais où les examens
morphologiques localisateurs sont négatifs ou discordants, on peut être
amené à réaliser des PVP.
Parmi six patients ainsi explorés,
nous avons pu faire la preuve et localiser trois glucagonomes dont deux
tumeurs de moins de 5 mm dont une sans signes de malignité dont on
peut espérer une guérison définitive.
Dans tous les cas de glucagonome
avéré, le gradient hormonal dans la région pathologique était de plus de
dix fois la valeur périphérique.
Il convient néanmoins d’être réservé dans l’interprétation des résultats,
car il existe fréquemment des métastases sécrétantes régionales ou
ganglionnaires qui rendent délicate l’analyse de la cartographie
hormonale.
3- Traitement
:
Le traitement idéal est chirurgical. La lenteur habituelle d’évolution de
la tumeur justifie de proposer parfois une chirurgie incomplète de
réduction tumorale.
Cette lenteur explique qu’au moment du diagnostic,
la tumeur progresse certainement depuis des années et rend compte de
sa malignité presque constante à ce stade.
Elle plaide aussi en faveur des
tentatives de localisation précoces dont la réussite améliore à l’évidence
l’efficacité du traitement chirurgical comme dans l’un de nos cas.
Une
chimiothérapie est proposée aux formes malignes avec métastases
(streptozotocine, 5-FU, Déticènet) par voie générale ou locale.
Nous
avons pu, dans un cas, contrôler l’évolution tumorale et le syndrome
clinique par chimioembolisation avec adriamycine.
La somatostatine
parvient généralement à contrôler l’hypersécrétion de glucagon de façon
transitoire.
D - Vipome (choléra pancréatique, syndrome de Verner
et Morrison)
:
1- Clinique
:
Par définition, l’affection se caractérise par une diarrhée chronique.
Il
s’agit d’une diarrhée hydroélectrolytique, afécale, sécrétoire (persistant
même pendant le jeûne prolongé), avec des débits journaliers qui
peuvent, pendant les poussées, atteindre 10 L.
Les autres signes sont
avant tout les conséquences de la déshydratation qui accompagne ces
pertes hydriques majeures.
La survenue de flushes n’est pas
exceptionnelle ; en revanche, les hémorragies digestives ne sont pas
fréquentes.
2- Diagnostic
:
Il repose sur la mise en évidence du caractère sécrétoire de la diarrhée,
en l’absence de lésion organique du tube digestif ainsi que
d’hypersécrétion gastrique acide.
Dans ces conditions, les principaux
diagnostics différentiels sont les tumeurs carcinoïdes s’accompagnant
de métastases hépatiques, le cancer médullaire de la thyroïde et certains
phéochromocytomes ou ganglioneuro(blasto)mes.
L’augmentation du
taux de VIP est sensible et spécifique mais elle peut manquer, en
particulier au cours des hyperplasies.
3- Localisation de la tumeur
:
Les remarques concernant le glucagonome sont applicables aux
vipomes.
La phlébographie ne paraît pas avoir jamais été contributive.
Elle reste néanmoins le seul examen pouvant faire espérer une
localisation, voire un diagnostic précoce de ces tumeurs, avant qu’elles
n’atteignent une taille où la malignité est la règle.
4- Traitement
:
Il repose sur les mêmes principes que celui des autres tumeurs avec
lesquelles le vipome partage la lenteur d’évolution.
Seules les tumeurs
extirpées en totalité et sans métastases hépatiques peuvent espérer une
guérison complète : elles représentent environ 50 % des cas.
Certaines
hyperplasies ont pu guérir après chirurgie mais la mortalité opératoire y
atteint 30 %.
E - Somatostatinome
:
La clinique en est peu spécifique.
Elle est le résultat de l’effet inhibiteur
de la somatostatine sur les sécrétions endocrines de gastrine, d’insuline,
de cholécystokinine, de glucagon.
C’est cet effet inhibiteur qui est mis à
profit pour traiter les autres tumeurs endocrines pancréatiques par des
analogues de la somatostatine.
Les signes le plus souvent rencontrés sont
l’altération de l’état général, le diabète et la lithiase biliaire ; les autres
signes peuvent être une diarrhée avec stéatorrhée, une anachlorhydrie
gastrique. Toutefois, la tumeur paraît souvent multisécrétante, ce qui
agrémente la symptomatologie de signes imprévus : hypersécrétion de
thyrocalcitonine, d’ACTH (adrenocorticotrophic hormone), de GRH
(gonadotropin-releasing hormone), de gastrine...
Le taux de
somatostatine circulante s’élevait à plusieurs milliers de fois la normale
dans les cas rapportés.
La localisation lésionnelle ne se distingue pas de
celle des autres tumeurs volumineuses.
Les principes du traitement,
chirurgie si possible et chimiothérapie sinon, sont classiques.