Les lésions traumatiques du squelette en pratique pédiatrique sont
fréquentes, faites de macrotraumatismes et de microtraumatismes
répétés.
Le diagnostic et le bilan de cette pathologie sont, dans
l’immense majorité des cas, réalisés grâce aux clichés standards,
surtout pour le squelette appendiculaire ; le scanner peut être
utile dans l’étude des lésions traumatiques des ceintures et des
vertèbres.
Cependant, l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
présente un intérêt évident dans certaines indications communes à
l’enfant et à l’adulte, comme les lésions méniscoligamentaires, les
fractures occultes, les fractures de fatigue, voire les fractures
apophysaires.
D’autres indications sont propres à la pathologie
pédiatrique, en particulier les lésions intéressant la physe ou
cartilage de croissance.
Le
développement de la pratique du sport chez l’enfant et l’adolescent,
source d’une pathologie traumatique particulière, et l’accroissement
du parc d’appareils d’IRM sur le territoire français rendent le sujet
particulièrement d’actualité.
Le but de cette mise au point est de
préciser les données techniques, les indications et les aspects de
l’IRM dans la pathologie traumatique de l’appareil locomoteur en
cours de croissance.
Généralités et données techniques
:
La décision de réalisation de l’IRM est soumise à deux préalables
qui sont une indication clinique clairement définie et des clichés radiographiques en incidences orthogonales centrés sur la région
d’intérêt.
Ceux-ci sont éventuellement complétés d’incidences
obliques mais pas de clichés comparatifs.
L’IRM est rarement
effectuée sous sédation (enfants âgés de moins de 5 ans) car la
tranche d’âge de la population intéressée par cette pathologie se
situe le plus souvent entre 8 et 15 ans.
En raison de l’accès difficile
aux machines et de l’absence de pronostic vital ou fonctionnel
immédiat, l’exploration n’est généralement pas réalisée en urgence,
mais dans un délai raisonnable de quelques jours.
La mise en place
d’un plâtre, quand elle est nécessaire, n’altère en rien la qualité de
l’imagerie.
Les données techniques diffèrent peu de celles appliquées chez
l’adulte : utilisation d’antennes de surface adaptées au segment
étudié, coupes fines (3 ou 4 mm) dans au moins deux plans de
l’espace.
Un bon compromis entre la durée de la séquence, la qualité
du signal et la résolution de l’image doit être trouvé en fonction de
la puissance de l’aimant dont on dispose.
Les séquences permettant la détection optimale d’un type de lésion
donné sont bien connues mais leur utilisation préférentielle dépend
du type de machine ainsi que des habitudes de chaque praticien.
L’oedème médullaire est bien visible sur les séquences en inversionrécupération
(STIR), écho de spin (SE pour spin-echo) T2 au mieux
avec suppression du signal de la graisse (fat-sat), SE T1.
En revanche, il n’est pas visible en densité de protons
sans fat-sat ou mal visualisé sur les séquences en écho de
gradient en pondération T2*.
Il ne faut pas confondre des
foyers résiduels d’érythropoïèse de siège métaphysaire avec un
oedème.
Ceux-ci sont de direction radiaire, en hyposignal T1 et T2 et
en discret hypersignal STIR et T2 fat-sat.
Une fracture osseuse ou cartilagineuse apparaît quelle que soit la
séquence ; cependant, les séquences apportant le plus de précision
sont : écho de gradient T2*, densité de protons avec ou sans fat-sat,
SE T1 avec ou sans fat-sat, parfois associé à l’injection de gadolinium
avec réalisation d’un post-traitement en soustraction.
Sur la séquence STIR, l’oedème
adjacent peut masquer le trait de fracture.
Une atteinte méniscoligamentaire est au mieux visualisée en densité
de proton avec ou sans fat-sat, écho de gradient T2 (T2*), SE T1, SE
T2.
Les séquences en SE rapide peuvent donner des images floues et un
contraste graisse-eau insuffisant.
Ce choix nécessaire souligne le caractère impératif de la
connaissance des données de l’examen clinique. À titre d’exemple,
on peut proposer le schéma d’exploration suivant pour un genou
traumatique de l’enfant :
– coupes sagittales en densité de protons (avec ou sans fat-sat) :
recherche de lésions méniscales, d’une atteinte du pivot central,
recherche d’un oedème si fat-sat activée ;
– coupes coronales en écho de gradient T2* ou SE T1 ou turbo SE
T2 avec ou sans fat-sat : aspect du cartilage de croissance,
complément d’analyse sur les ménisques, recherche d’un oedème ou
d’une impaction trabéculaire, état des ligaments latéraux ;
– coupes transversales en écho de gradient T2* ou turbo SE T2 avec
ou sans fat-sat : état de la rotule, des ailerons rotuliens, des
ligaments latéraux ;
– complément éventuel en fonction des anomalies rencontrées.
Lésions traumatiques méniscoligamentaires et articulaires
:
A - LÉSIONS MÉNISCALES
:
Le genou est une région anatomique particulièrement exposée aux
traumatismes chez l’enfant et l’adolescent.
Cependant, les lésions méniscoligamentaires sont nettement moins fréquentes que chez
l’adulte.
Il faut opposer la situation de l’enfant jeune où la
pathologie méniscale traumatique, ou non, est en relation avec une
anomalie constitutionnelle, le ménisque discoïde, et celle de l’enfant
plus grand et l’adolescent où les lésions méniscales sont voisines de
celles de l’adulte, souvent associées à des atteintes ligamentaires.
Le ménisque discoïde est une pathologie malformative touchant
presque exclusivement le ménisque externe.
Il est facilement diagnostiqué en IRM sur les coupes coronales où il ne présente pas
sa forme triangulaire à base externe pour apparaître rectangulaire
ou trapézoïdal d’avant en arrière.
Sur les coupes sagittales, le
diagnostic est posé quand la continuité entre cornes postérieure et
antérieure est maintenue sur au moins quatre coupes jointives de
3 mm d’épaisseur.
Le ménisque discoïde peut être le siège de
tous les types de lésions traumatiques (déchirure, désinsertion).
Une
augmentation marquée du signal intraméniscal est fréquemment
retrouvée chez les patients symptomatiques.
Le caractère bilatéral et
l’association à une ostéochondrite fémorale ont été rapportés.
Chez l’enfant, la riche vascularisation des ménisques est responsable
d’une augmentation relative du signal dans leur partie centrale, en
particulier dans la corne postérieure du ménisque interne, ce qui
représente un piège diagnostique avec une fissure longitudinale
mais dont la distinction est sans conséquence sur la prise en charge
thérapeutique.
Les lésions méniscales traumatiques sont plus
souvent verticales que chez l’adulte ; la prédominance de l’atteinte
méniscale interne est retrouvée chez l’individu immature.
B - ATTEINTES TENDINOLIGAMENTAIRES
:
Elles ont un même aspect que celles vues chez l’adulte et se
rencontrent chez les adolescents.
Chez les plus jeunes,
l’attache osseuse est moins résistante que le tendon ou le ligament
lui-même. Un traumatisme intéressant ces structures se présente le
plus souvent sous la forme d’une fracture ostéochondrale (épiphyse
fibulaire inférieure, massif des épines tibiales, etc).
C - OSTÉOCHONDRITE CONDYLIENNE DU GENOU
:
L’ostéochondrite condylienne du genou, dont l’origine
microtraumatique est retenue, touche, dans l’extrême majorité des
cas, le compartiment moyen du condyle fémoral interne dans sa
partie centrale.
Le diagnostic positif doit être fait sur
les clichés simples.
Tant que le cartilage de croissance n’est pas
soudé, le risque de libération du fragment est très faible, compte
tenu de l’importance des phénomènes de réparation présents.
L’IRM ne permet pas de faire, de façon formelle, la différence entre
un fragment ostéocartilagineux stable ou instable, car le liseré
d’hypersignal T2 peut n’être que de l’oedème sous-chondral et/ou
du tissu de granulation cicatriciel et non du liquide articulaire
s’insinuant entre le fragment et le reste de l’épiphyse.
L’IRM ainsi
que l’arthroscanner n’ont donc pas leur place chez ces patients.
En
revanche, après la fermeture du cartilage de croissance,
l’arthroscanner conserve des indications (recherche de niche ouverte
et de corps étranger intra-articulaire, bilan du cartilage articulaire).
Les irrégularités d’ossification du compartiment postérieur du
condyle fémoral externe sont des variantes du normal et ne doivent
pas être prises pour des anomalies ostéochondrales traumatiques et,
par conséquent, leur constatation ne doit pas entraîner la réalisation
d’un examen IRM.
D’autres localisations d’ostéochondrite d’origine traumatique peuvent se rencontrer (rotule, condyle huméral, talus) ;
la place de l’IRM dans leur diagnostic reste à préciser.
Fractures occultes
et fractures de contrainte :
A - FRACTURES OCCULTES
:
Elles sont typiquement localisées à proximité des articulations et
n’ont pas de traduction radiologique (sur les clichés simples ou sur
un examen tomodensitométrique).
Elles consistent en des fractures microtrabéculaires sans effraction corticale.
Elles sont secondaires à
des forces de compression ou d’impaction par choc direct ou
indirect.
Elles se présentent en IRM sous la forme d’un oedème
médullaire localisé, en hyposignal T1, hypersignal STIR et T2 ou
encore en séquences fat-sat ou soustraction après injection de
gadolinium (pour ces dernières, en raison de l’hyperhémie locale
induite par le traumatisme) et d’une modification de la trabéculation
de l’os spongieux.
Les fractures occultes sont
souvent découvertes, sur le genou, dans le cadre d’un bilan de
lésions méniscoligamentaires auxquelles elles sont très souvent
associées ; elles peuvent être aussi le seul stigmate du traumatisme
et, par leur présence, expliquer la persistance d’une
symptomatologie douloureuse.
Dans ce contexte, de véritables
fractures passées inaperçues au bilan radiologique peuvent être
découvertes.
B - FRACTURES DE CONTRAINTE
:
Elles sont réparties en fractures de fatigue (par contraintes répétées
ou inhabituelles sur un os normal) et en fractures par insuffisance
osseuse (par contraintes normales sur un os anormal).
Ces dernières sont exceptionnelles chez l’enfant (ostéoporose, insuffisance rénale,
fragilité osseuse constitutionnelle…).
Les clichés simples peuvent
mettre en évidence une réaction périostée focale, fine ou épaisse,
une zone de condensation endo-osseuse (à condition que la lésion
survienne sur une zone comportant de l’os spongieux) et, parfois,
une solution de continuité linéaire sur la corticale.
L’anamnèse et le
tableau radiologique permettent le diagnostic dans la plupart des
cas.
Le piège réside en fait lorsque le diagnostic n’a pas été évoqué.
Si une IRM est pratiquée, il faut savoir reconnaître les signes d’une
fracture de fatigue et les différencier de ceux d’une tumeur ou d’une
infection.
Il n’y a pas de syndrome de masse des parties molles, tout
au plus un oedème mal limité ; il existe un oedème médullaire avec
prise de contraste, une apposition périostée linéaire dont l’épaisseur
dépend de l’ancienneté du traumatisme et un trait cortical et/ou
spongieux est visible.
La pratique malencontreuse d’une
biopsie ne résout pas facilement le problème, car les aspects
microscopiques d’un processus de régénération et de réparation
peuvent être difficiles à différencier d’une lésion maligne.
Traumatismes du cartilage
de croissance et leurs conséquences :
A - PHASE AIGUË DES TRAUMATISMES
DU CARTILAGE DE CROISSANCE
:
Le rôle de l’IRM dans l’évaluation précoce des lésions traumatiques
touchant le cartilage de croissance et son environnement reste à
établir.
En pratique, les chirurgiens orthopédistes
ont besoin de savoir s’il existe une fracture épiphysaire associée et
quel intervalle sépare ses fragments.
Ces deux paramètres modifient
la prise en charge thérapeutique.
L’IRM permet de visualiser le trait
de fracture avec précision mais il est une évidence de dire que les
clichés simples restent le premier moyen d’évaluation, et souvent le
seul nécessaire, de ce type de lésion.
Dans l’étude des fractures de
l’extrémité inférieure du tibia, nous avons montré que l’IRM devait
être limitée à l’exploration des fractures complexes, de façon
concurrentielle à la tomodensitométrie.
Elle s’avère cependant
très utile dans l’exploration précoce des traumatismes du genou afin
de rechercher des lésions associées (méniscales et ligamentaires),
d’apprécier la topographie du trait de fracture (en sachant que les
fractures verticales et celles touchant le versant épiphysaire du
cartilage de croissance, la zone germinale, ont un risque potentiel
plus élevé que celles touchant le versant métaphysaire de la physe)
et de mettre en évidence une contusion osseuse.
Les
épiphyses non encore ossifiées sont d’évaluation radiographique
difficile.
La valeur de l’IRM a été rapportée dans l’étude des
fractures condyliennes du coude pour apprécier l’existence d’un trait
de refend articulaire.
Si les résultats présentés sont séduisants,
il paraît bien difficile, compte tenu de la fréquence des traumatismes
du coude de l’enfant, de la relative difficulté d’accès aux appareils et
de l’impérative sédation des jeunes patients, d’étendre cette
indication à l’heure actuelle.
De plus, le traitement des fractures
condyliennes étant chirurgical, les orthopédistes considèrent pouvoir
juger de façon fiable une atteinte associée du cartilage articulaire
lors du geste chirurgical.
B - ÉVALUATION DES CONSÉQUENCES
:
La plupart des fractures touchant le cartilage de croissance ont un
bon pronostic.
Cependant, le risque potentiel d’un traumatisme du
cartilage de croissance est la constitution d’un pont osseux épiphysométaphysaire (épiphysiodèse) avec, comme conséquence,
un raccourcissement ou une désaxation selon la topographie centrale
ou latérale, respectivement.
Certaines localisations comme le fémur
inférieur, le tibia supérieur et le tibia inférieur sont plus exposées au
risque ; à titre d’exemple, si les lésions physaires du genou ne
représentent que 5 % de l’ensemble des lésions touchant le cartilage
de croissance, une sur deux entraîne un trouble localisé de la
croissance.
Il faut toujours pondérer le risque par le
potentiel de croissance restant ; le risque est d’autant plus élevé que
le potentiel de croissance est grand.
Le diagnostic d’épiphysiodèse
repose sur les clichés simples : déformation de la plaque conjugale,
trouble de l’orientation de la trabéculation de l’os spongieux
métaphysaire et trouble de longueur ou désaxation du segment
intéressé.
L’IRM est utile dans le bilan préopératoire des épiphysiodèses afin d’apprécier la topographie exacte et l’étendue
; certains auteurs préfèrent la tomodensitométrie, mais
aucune étude comparative n’a été menée.
Les séquences en écho
de gradient T2* mettent en évidence une interruption de
l’hypersignal normal de la physe ; en séquence SE T1, le pont
d’épiphysiodèse apparaît en hyposignal franc s’il est fibreux ou
osseux mais de petite taille ou en hypersignal cerné d’un liseré
d’hyposignal si le pont a été colonisé par la graisse médullaire.
La déformation épiphysaire, la perte du parallélisme
des stries d’arrêt de croissance par rapport à la physe et la
convergence de la trabéculation métaphysaire vers le pont sous la
forme de lignes en hyposignal sont les signes associés visibles sur
toutes les séquences.
Dans certains cas, l’épiphysiodèse ne s’est pas
constituée ou a été spontanément rompue ; des altérations
métaphysaires sont alors visibles.
Lésions apophysaires
:
Les traumatismes apophysaires (arrachement aigu ou
microtraumatismes répétés) se rencontrent surtout chez l’enfant
sportif et ne requièrent que la pratique de clichés simples, voire d’une échographie.
Les zones les plus touchées portent sur la
ceinture pelvienne (épines iliaques, tubérosité ischiatique, petit
trochanter), le genou et l’arrière-pied.
Ainsi, l’IRM est inutile dans
les situations telles que la maladie d’Osgood-Schlatter (tubérosité
tibiale antérieure), la maladie de Sever (noyau d’ossification
secondaire du calcanéus) et la maladie de Sinding Larsen-Johansson
(pointe de la rotule).
Tumeurs osseuses découvertes
dans le cadre d’un traumatisme :
En pratique radiologique pédiatrique, la découverte de tumeurs
osseuses bénignes ou malignes au décours d’un traumatisme est une
éventualité non exceptionnelle.
Si la plupart des ces lésions sont
facilement identifiées sur les radiographies standards en raison de
leur siège et de leur aspect, le contexte traumatique peut être
faussement rassurant.
Dans ce domaine, les diagnostics
d’« hématome sous-périosté », de « cal osseux hypertrophique
exubérant », de « périostite » doivent être portés avec la plus grande
prudence.
L’IRM peut aider à redresser le diagnostic.
Conclusion
:
En imagerie orthopédique pédiatrique, le traumatisme comme la
pathologie infectieuse, tumorale ou malformative représente un champ
d’application de l’IRM.
Il ne faut cependant pas constamment courir
après la « belle image » à tout prix et savoir pondérer les indications de
ce type d’examen.
L’IRM a une place :
– discutée, en phase aiguë (dans les 48 heures) à titre de complément
d’exploration (précision anatomique) ;
– intéressante, en phase semi-retardée (recherche de lésions
méniscoligamentaires, de fracture occulte) ;
– limitée, en phase tardive (recherche ou évaluation d’un pont
d’épiphysiodèse secondaire à un traumatisme du cartilage de croissance).