Si l’exploration radiologique du squelette a suivi de peu la
découverte des rayons X du fait du contraste naturel fourni par les
os par rapport aux autres tissus, l’utilisation de traceurs radioactifs
pour étudier le tissu osseux a suivi de peu la découverte de la
radioactivité artificielle.
C’est en effet dès 1942, que la fixation du
45Ca et du 89Sr sur les tumeurs osseuses a été démontrée.
Il faudra encore cependant d’assez nombreuses années pour que ces espoirs
précoces débouchent sur des applications courantes.
En effet, les
isotopes du calcium, qui sont évidemment les premiers à avoir été
étudiés dans cette application, et ceux d’autres corps simples qui
ont des propriétés chimiques analogues, ne sont finalement pas les
mieux adaptés à l’étude du squelette.
D’autre part, il a fallu que les
techniques d’imagerie scintigraphique se développent et se
perfectionnent, pour que soient fournies des images de bonne
qualité obtenues dans un temps raisonnable permettant à la
scintigraphie osseuse de rentrer dans la pratique courante en
pathologie ostéoarticulaire.
La place particulière qui est occupée par
cette technique est liée à sa capacité d’apprécier localement la
fonction métabolique osseuse et d’en faire l’étude sur l’ensemble du
squelette.
Les modifications locales du métabolisme osseux induites
par de très nombreuses pathologies sont ainsi détectées souvent plus précocement que par les autres techniques d’imagerie, aussi précises
soient-elles pour montrer l’anatomie.
Les indications de la
scintigraphie osseuse sont donc très larges et sont détaillées dans
cet article : elle permet suivant les cas d’affirmer un diagnostic, de
localiser une lésion, de détecter une anomalie méconnue, de dépister
une complication, de suivre l’évolution d’une pathologie.
Dans tous
les cas, ces renseignements sont fournis par un examen simple, non
invasif, parfaitement supporté par le patient.
Traceurs du tissu osseux
:
A - BASES PHYSIOLOGIQUES
:
L’os se présente sous deux formes : l’os compact ou os cortical
présent à la surface qui donne à l’os sa forme générale et ses
caractéristiques, et l’os spongieux ou trabéculaire constituant la
partie interne de l’os et qui renferme les cellules hématopoïétiques,
de la graisse et de nombreux vaisseaux sanguins.
Ils sont différents
dans leur structure, puisque l’os compact est très dense, constitué
de fibres orientées, alors que l’os spongieux est un tissu beaucoup
plus lâche, constitué de travées en réseau irrégulier.
Cependant, la
composition de l’os sous ces deux formes, de même que les
mécanismes de synthèse et de résorption du tissu osseux, sont
identiques.
La matrice organique de l’os est essentiellement
composée de collagène et est secrétée par les ostéoblastes.
Sur cette
base se déposent les sels minéraux comportant les ions calcium et
phosphates. Le phosphate de calcium est initialement sous forme
amorphe et présent sous différents états d’hydratation.
À partir de ce dépôt initial, se constituent les cristaux d’hydroxyapatite
Ca10(OH)2 (PO4)6, cristaux plats, allongés, de 1 à 3 nm d’épaisseur
sur 45 nm de long et 10 nm de large.
D’autres ions sont également
présents dans la trame minérale de l’os, comme le Mg2+, Na+, K+,
CO3
-.
Cette capacité des cristaux d’hydroxyapatite d’adsorber à leur
surface de nombreux types d’ions s’étend à des corps qui ne sont
normalement pas présents dans l’organisme, comme le strontium, le
plutonium, l’uranium, le plomb, l’or, etc.
L’os, malgré sa rigidité, est un tissu qui est en permanence en cours
de remodelage : alors que les ostéoblastes sécrètent la trame
protéique, les ostéoclastes assurent une résorption, de sorte qu’il
existe constamment un renouvellement du tissu osseux.
La
formation de la substance osseuse est stimulée par les contraintes
mécaniques.
Ainsi, une sollicitation physique permanente favorise
l’activité des ostéoblastes, alors qu’un os au repos se décalcifie.
Une
fracture active au maximum tous les ostéoblastes périostés et
intraosseux.
De même, une atteinte osseuse comportant une
destruction d’origine tumorale ou infectieuse s’accompagne
habituellement d’une augmentation réactionnelle de l’activité ostéoblastique.
B - TRACEURS OSSEUX
:
La matrice osseuse comporte la trame collagène et le dépôt minéral
de calcium et phosphore.
Dans la recherche d’un traceur osseux, on
s’est tourné tout d’abord vers le calcium et les autres alcalinoterreux
(de valence +2) de la classification périodique, notamment le
strontium.
Les isotopes 45 et 47 du calcium ont été utilisés pour
l’étude du métabolisme phosphocalcique, mais leur longue période
(respectivement 165 et 45 jours) et les caractéristiques physiques des
rayonnements émis ne permettent pas de les utiliser pour l’imagerie scintigraphique du squelette.
Le strontium, en revanche, a été précocement utilisé avec les isotopes
85Sr et 87mSr, mais a laissé la place dans les années 1970 aux traceurs technétiés mieux adaptés. Seul le 89Sr est aujourd’hui utilisé, non
pas pour la scintigraphie puisqu’il s’agit d’un émetteur b mais pour
le traitement des métastases osseuses.
Le fluor 18F a été proposé dès 1962.
Les caractéristiques de l’ion
fluor en font un traceur de choix pour l’os, où il se fixe avec avidité
en s’échangeant avec les ions OH– (50 % de l’activité injectée se fixe
sur le squelette).
Cependant, il s’agit d’un émetteur de positons qui
n’est correctement détecté qu’avec des caméras spécialisées et sa
courte période (1,85 heure) en rend la production et l’utilisation
difficiles.
Une nouvelle époque pour la scintigraphie osseuse est apparue à
partir du moment où des composés phosphatés marqués au
technétium ont été proposés.
Ce fut tout d’abord en 1971 des polyphosphates, puis le pyrophosphate, et enfin les
diphosphonates (éthane-1-hydroxy-1,1-diphosphate [EHDP],
méthylène diphosphonate [MDP] et hydroxy-méthylène
diphosphonate [HMDP]).
Les polyphosphates, dont la forme la plus simple est le
pyrophosphate, ont été utilisés au début des années 1970, mais la
liaison P-O-P qui les caractérise est beaucoup moins stable que la
liaison P-C-P que l’on retrouve dans les phosphonates, et ce sont
donc ces dernières molécules qui se sont imposées.
La fixation des diphosphonates dans le tissu osseux est d’environ
30 % de la dose injectée pour le MDP, de 40 à 50 % pour le HMDP et
le DPD, et le tétraphosphonate éthylène diamine-tétraméthylènephosphonate
(EDTMP) est fixé à près de 65 %.
L’excédent (35 à 70 %
suivant les produits) est éliminé dans les urines en quelques heures,
et l’activité présente dans le sang n’est que de 3 % après la troisième
heure.
Le site de fixation de ces molécules sur le tissu osseux a fait
l’objet de nombreuses études : il en ressort que, pour les diphosphonates, la fixation se fait sur la phase minérale, sur les
cristaux d’hydroxyapatite en formation, plutôt que sur la trame
collagène.
Le traceur étant amené par voie sanguine, la
vascularisation joue un rôle important dans l’intensité de la fixation,
de même que la perméabilité capillaire, et le produit se fixe sur les
zones d’os en formation qui présentent une activité ostéoblastique.
Le technétium est l’isotope le plus utilisé en médecine nucléaire, car
il présente les caractéristiques idéales pour la réalisation d’images
diagnostiques : il est produit sur place par un générateur et il est
donc toujours disponible au moment où un examen doit être réalisé.
Il s’agit d’une forme mésomère 99mTc qui se désintègre en n’émettant
que des rayons gamma dont l’énergie est bien adaptée aux
détecteurs à scintillation.
Enfin, sa demi-vie physique de 6 heures
est suffisamment longue pour un enregistrement simple des images,
et suffisamment courte pour minimiser l’irradiation du patient.
Obtenu à la sortie du générateur sous forme de pertechnétate de
sodium TcO4
- Na+, il est utilisé pour marquer les molécules de
diphosphonate avec lesquelles il forme des complexes stables.
Techniques d’imagerie
:
Comme pour les autres explorations scintigraphiques, l’examen du
squelette est effectué à l’aide de gamma-caméras.
A - PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT
:
Lorsque le traceur a été injecté, les photons gamma qu’il émet sont
détectés par la caméra placée en regard de la zone d’intérêt.
La détection elle-même est faite par l’absorption du photon gamma
par un cristal (NaI) qui transforme l’énergie du photon gamma en
photons lumineux.
Sur les gamma-caméras actuelles, le cristal atteint couramment une
dimension de 50 cm sur 40 cm, permettant d’explorer une large région sur une seule vue.
Pour localiser avec précision le traceur
dans l’organisme, il faut d’une part, connaître le trajet du photon
gamma depuis l’organe où il a été émis jusqu’au cristal de détection,
et d’autre part localiser le point d’impact du photon sur le cristal.
C’est le collimateur placé devant le cristal qui permet de connaître
le trajet des photons : plus précisément, seuls les photons qui ne
sont pas arrêtés par le collimateur atteignent le cristal.
On utilise
dans la plupart des cas pour la scintigraphie osseuse un collimateur
« parallèle » qui est une plaque de plomb percée de trous
perpendiculaires au cristal.
De la sorte, seuls les photons arrivant
perpendiculairement au détecteur peuvent atteindre le cristal et
l’image obtenue est une projection droite de la zone placée en regard.
La localisation de l’impact sur le cristal est faite à partir des photons
lumineux émis par le cristal lors de l’absorption du photon
gamma.
Le pouvoir de résolution d’un tel système est de l’ordre de quelques
millimètres.
Il dépend des caractéristiques du détecteur et de son
collimateur, de l’énergie du photon gamma, mais aussi du contraste
lié à la concentration du traceur dans la zone d’intérêt par rapport
aux régions voisines.
Pour les applications au squelette, cette technique de base est le plus
souvent utilisée dans des modes particuliers qui sont les suivants :
– image du corps entier : malgré la taille relativement grande du
détecteur, il est loin de couvrir la totalité du corps d’un adulte.
Un
balayage est donc effectué, au cours duquel l’ensemble du corps du
patient passe devant le détecteur à une vitesse uniforme.
À chaque
instant, le traitement numérique de l’image repositionne les photons
détectés, de façon à construire progressivement au cours du
balayage l’image de la totalité du corps en 10 à 15 minutes.
En outre, la plupart des caméras actuelles possèdent deux détecteurs
qui sont placés au-dessus et au-dessous du lit d’examen, de sorte
qu’en un seul passage sur la hauteur du corps on obtient
simultanément l’image de la face antérieure et de la face postérieure ;
– très souvent l’examen du corps entier est complété par des vues
supplémentaires sous des incidences particulières (par exemple les
profils) ;
– dans certains cas où l’on souhaite une image à haute résolution,
on peut utiliser un collimateur particulier (pin-hole) qui consiste en
un petit orifice au sommet d’un cône de plomb, placé devant le
cristal.
Le schéma montre que l’on obtient une image agrandie (et
inversée) de la zone d’intérêt.
La résolution obtenue est excellente,
mais le nombre de photons détectés est très faible compte tenu de la
petite taille de l’orifice et les temps de pose pour obtenir une bonne
image sont longs.
B - TOMOGRAPHIE D’ÉMISSION MONOPHOTONIQUE
(TEMP) OU SINGLE PHOTON EMISSION COMPUTED
TOMOGRAPHY (SPECT)
:
Les caméras actuelles permettent d’enregistrer les photons gamma
au cours d’une rotation complète du détecteur autour du corps.
Toutes les informations accumulées permettent, par un calcul
analogue à celui du scanner X, de retrouver la position de chacune
des sources dans l’ensemble du volume placé devant le détecteur au
cours de la rotation.
Le résultat est présenté sous la forme de coupes tomographiques
dans le plan axial, frontal ou sagittal, ou sous forme d’une
visualisation tridimensionnelle.
La TEMP est de plus en plus utilisée en exploration osseuse,
notamment pour préciser la topographie des lésions hyperfixantes
sur le rachis.
Protocole d’examen
:
Les propriétés des diphosphonates et du technétium expliquent le
protocole qui est suivi pour réaliser une scintigraphie osseuse.
– Une activité de 550 à 900 MBq (environ 15 à 25 mCi) pour un
adulte est injectée par voie intraveineuse.
Si une scintigraphie en
trois phases est requise, on enregistre immédiatement des images
correspondant à l’arrivée vasculaire du traceur au niveau de la
région pathologique, puis, quelques minutes plus tard, des images
correspondant à la phase tissulaire où le traceur a diffusé dans les
tissus, mais ne s’est pas encore fixé de façon appréciable sur le
squelette.
Pour réaliser la scintigraphie osseuse proprement dite, un
délai de 2 à 4 heures après l’injection est nécessaire, pendant lequel
le patient est invité à boire abondamment pour favoriser
l’élimination urinaire du produit et à uriner souvent pour minimiser
l’irradiation de la vessie.
Ce délai de quelques heures, associé à une
bonne hydratation, est nécessaire pour avoir un contraste optimal
entre ce qui est fixé sur le squelette et l’activité qui reste présente
dans les tissus mous.
La vessie est à nouveau vidée juste avant
l’examen.
– Dans certains cas, en particulier pour étudier le bassin dans des
zones où la superposition vésicale gêne l’interprétation, on peut
pratiquer des images 24 heures après l’injection.
À ce moment, il n’y
a plus de produit dans l’urine et seul le squelette est visible.
– Les doses d’irradiation reçues par l’organisme pour une activité
injectée de 750 MBq de MDP marqué au c 99mTc, et exprimées en
cGy, sont de 4,5 pour les surfaces osseuses, de 2,5 pour la paroi
vésicale et de 0,17 pour le corps entier.
Scintigraphie osseuse. Aspects normaux, variantes et pièges
:
Outre la bonne fixation sur les différentes
pièces osseuses du squelette, on remarque une activité persistante
dans les tissus mous, qui est faible mais reste cependant visible.
Les
reins sont normalement visibles, de même que la vessie lorsqu’elle
n’est pas totalement vidée.
A - ASPECTS NORMAUX
:
Un certain nombre de critères de normalité doivent être retrouvés
sur une scintigraphie osseuse.
1- Principe de symétrie
:
Le premier critère de normalité en imagerie ostéoarticulaire
correspond au principe de symétrie, et la scintigraphie osseuse ne
déroge pas à cette règle : les aspects scintigraphiques des
hémisquelettes droit et gauche sont les images miroirs l’un de
l’autre.
Néanmoins, ce critère n’est pas toujours nécessaire : un ou
plusieurs foyers d’hyperfixation asymétrique peuvent être visibles
physiologiquement.
Ce critère peut parfois s’avérer insuffisant : c’est
le cas de l’aspect dit de « trop belle image » (super bone scan).
2- Principe d’uniformité
:
La répartition de la fixation du traceur doit normalement être
relativement uniforme sur l’ensemble du squelette.
Ce principe
d’uniformité est évidemment modulé selon les pièces osseuses ou
les articulations : les régions anatomiques soumises aux plus fortes
contraintes font l’objet d’un taux de renouvellement accru, reflété
par une fixation localement augmentée.
Il peut s’agir de zones
portantes comme les articulations sacro-iliaques, ou de zones
d’attaches de groupes musculaires antagonistes, comme les
articulations scapulohumérales.
Enfin, le degré de fixation est
grossièrement proportionnel à la masse des éléments osseux (os
cortical et trabéculaire confondus).
D’autre part, l’intensité obtenue sur l’image dépend de l’atténuation subie par les photons gamma,
c’est-à-dire qu’elle est plus faible si l’épaisseur de tissu entre l’os et
le détecteur augmente.
B - FACTEURS DE VARIATION LIÉS AU PATIENT
:
1- Âge du patient
:
L’aspect de la scintigraphie osseuse chez l’enfant est très différent,
car il existe alors une fixation normale et intense sur les cartilages
de conjugaison.
Chez le patient âgé, le contraste obtenu est
parfois moins bon, et des hyperfixations discrètes liées à des lésions
arthrosiques très fréquentes peuvent être considérées comme des
variantes de la normale.
2- Travailleur manuel
:
Les travailleurs manuels et, parmi ceux-ci, surtout les travailleurs
de force, présentent souvent une nette asymétrie des fixations des
articulations des membres supérieurs, le côté dominant apparaissant
plus hyperfixant.
Cet aspect peut rendre le diagnostic différentiel
entre algodystrophie et aspect normal plus difficile.
3- Sportif
:
La scintigraphie osseuse peut être prescrite par un médecin du sport
en cas de suspicion de fracture de fatigue, mais l’exploration peut
aussi être indiquée dans un tout autre cadre (bilan d’extension d’un
cancer du sein chez une femme jeune, suspicion d’ostéome ostéoïde
chez l’adolescent ou l’adulte jeune par exemple).
Parfois, l’aspect scintigraphique observé peut s’apparenter à un super bone scan, ou,
plus localement, donner une hyperfixation bilatérale des sacroiliaques.
Ces images ne sont pas pathologiques, mais à considérer
comme des variantes de la normale (ou « supraphysiologiques »)
chez le sportif jeune.
4- Post-partum
:
Dans la période du post-partum, il existe physiologiquement une
hyperfixation des sacro-iliaques et de la symphyse pubienne.
C - VARIANTES SCINTIGRAPHIQUES
:
1- Crâne
:
* Hyperfixations punctiformes
:
Harbert et Desai ont identifié de petits foyers hyperfixants de la
voûte crânienne, localisés sur le trajet des scissures crâniennes
comme variantes de la normale.
Cette circonstance demeure rare,
puisqu’elle est présente chez moins de 1 % des individus.
La petite
taille, l’homogénéité et la situation scissurale permettent de les
distinguer des métastases ostéocondensantes ou lytiques d’un cancer
ostéophile.
* Hyperfixation diffuse
:
Roos et al ont dénombré de façon significative une plus grande
fraction de femmes que d’hommes, dont la scintigraphie osseuse est
caractérisée par un aspect d’hyperfixation diffuse de la voûte
crânienne (hot skull).
Cette différence significative persiste lorsque
l’on exclut les indications oncologiques de la scintigraphie osseuse.
Ces auteurs en déduisent que l’aspect de hot skull est à considérer
comme une variante de la normale, assez fréquente chez la
femme.
* Hypofixations crâniennes
:
L’amincissement de l’os occipital est une variante de la normale
d’étiologie inconnue, bien connue des anatomistes.
Cet
amincissement se traduit par une hypofixation occipitale modérée,
bilatérale, symétrique et isolée en vue postérieure.
2- Rachis cervical
:
L’effet d’hyperfixation sur une vue antérieure est dû à la lordose
cervicale, ou encore à une calcification du cartilage thyroïde ou cricoïdien.
3- Sternum
:
* Articulation sternoclaviculaire
:
La localisation sternoclaviculaire d’une hyperfixation isolée ou quasi
isolée peut être raisonnablement considérée comme une variante de
la normale.
* Angle de Louis
:
Fink-Bennett décompte 36 images d’hyperfixations focalisées à
l’angle de Louis parmi 100 scintigraphies osseuses consécutives.
L’étude des dossiers cliniques ne révèle aucune piste pathologique
parmi ces 36 patients, parfaitement indolores au site de
l’hyperfixation, incitant les auteurs à ranger cet aspect dans la
catégorie des variantes de la normale.
* Corps :
Plusieurs équipes ont rapporté l’existence d’hypofixations
physiologiques intéressant le corps sternal, mais selon une
fréquence variable (2, 8 et 31 %).
Les critères d’une telle hypofixation
sont stricts : forme ovalaire, situation médiane, répartition homogène
de la fixation sternale alentour, afin de ne pas passer à côté d’une
métastase ostéolytique.
4- Gril costal
:
La fixation est fréquemment un peu augmentée sur les côtes en vue
postérieure aux sites d’insertion du grand dentelé.
La pointe de
l’omoplate se projette sur le trajet de la septième côte en vue
postérieure, et est parfois difficile à distinguer d’une hyperfixation
costale.
Pour préciser le diagnostic, on réalise une vue
supplémentaire avec le bras en abduction, ce qui repousse en dehors
la pointe de l’omoplate et dégage la vue de la côte.
5- Humérus
:
Le siège d’insertion du deltoïde peut être visible sous forme d’une
hyperfixation discrète, et celle-ci peut être asymétrique suivant
l’usage du bras.
6- Sacro-iliaques
:
Chez le sujet jeune, l’interprétation de la scintigraphie osseuse est
difficile lorsque les sacro-iliaques ont une fixation symétrique, car
on observe physiologiquement chez un sujet entre 20 et 40 ans, de
faible indice de masse corporelle, un aspect d’hyperfixation
apparente bilatérale des sacro-iliaques difficile à distinguer d’une sacro-iliite bilatérale de stade précoce.
De nombreuses équipes ont
décrit des méthodes d’analyse semi-quantitative (tracés de régions
d’intérêt, graphes de profils d’activité) à partir de scintigraphies
osseuses planaires, et plus récemment à partir de
tomoscintigraphies (TEMP).
Les résultats se sont révélés
globalement décevants en raison d’un chevauchement substantiel
des indices semi-quantitatifs entre les divers groupes comparés
(témoins, patients atteints de spondylarthropathie, patients atteints
de polyarthrite rhumatoïde) et ces méthodes sont aujourd’hui peu
utilisées dans la pratique.
7- Genoux
:
Une hyperfixation modérée des rotules est fréquemment retrouvée
sur la scintigraphie osseuse : il s’agit parfois d’une atteinte
dégénérative mineure, mais souvent aucune cause particulière n’est
retrouvée, et cet aspect peut être considéré comme une variante de
la normale.
On peut également observer sous la forme d’un foyer
peu intense les tubérosités tibiales antérieures qui ne doivent pas
être prises pour des images pathologiques.
D - IMAGES PIÈGES EXTRAOSSEUSES
:
1- Point d’injection
:
Le cas le plus fréquent correspond au foyer d’hyperactivité qui est
visible au point d’injection, lorsqu’il y a eu extravasation d’un peu
de produit : facilement reconnu lorsqu’il se situe au pli du coude, il
peut être plus trompeur et plus gênant pour l’interprétation si
l’injection a été faite au niveau de la main ou du pied.
Lorsque le
produit au point d’injection s’est de plus répandu dans le tissu souscutané,
le drainage lymphatique entraîne parfois une opacification
des ganglions notamment du creux axillaire.
2- Reins, vessie, urine
:
Les petites rétentions pyélocalicielles du traceur se projettent au
niveau de l’arc postérieur des 11e et 12e côtes en incidence
postérieure.
Pour les distinguer de foyers costaux, il convient de
compléter le balayage du corps entier par des incidences obliques
postérieures du gril costal, ou de réaliser une TEMP, ou encore de
prévoir un cliché très tardif, 24 heures après l’injection.
L’autocontamination du patient par l’urine radioactive est souvent
reconnaissable lorsqu’il apparaît plusieurs « flaques »
d’hyperfixation manifestement extraosseuses sur le bassin en face
antérieure. Parfois, la souillure urinaire se réduit à un foyer unique
se projetant sur une pièce osseuse (par exemple sur une branche
ischiopubienne).
En général, cette contamination par l’urine siège
sur les vêtements ou sous-vêtements du patient, et l’image disparaît
lorsque ceux-ci sont retirés.
Les diverticules vésicaux peuvent donner des foyers d’hyperfixation
sur la symphyse pubienne ou les cadres obturateurs, simulant,
parfois masquant, des métastases ou des fractures de fatigue.
Plusieurs recours techniques sont possibles pour lever le doute :
incidences de profil, TEMP, cliché à 24 heures du bassin de face.
Sémiologie générale
:
Toute pathologie qui entraîne une modification du métabolisme de
l’os apporte une modification de la fixation du traceur.
En règle générale, une augmentation de l’activité ostéoblastique se
traduit par une hyperfixation : c’est ce que l’on observe dans la
majorité des situations pathologiques.
L’hyperfixation peut être
localisée s’il s’agit d’une anomalie focale (fracture, métastase) ou
diffuse (ostéopathie métabolique).
Lorsque l’activité ostéoblastique est diminuée et/ou l’activité
ostéoclastique majorée, l’aspect scintigraphique consiste en une
hypofixation : c’est le cas des ostéonécroses à la phase initiale, des
séquelles de radiothérapie, des métastases purement lytiques.
Si les anomalies de fixation, en particulier les foyers hyperfixants,
sont facilement décelables, l’étiologie est plus difficile à déterminer
puisque ces modifications sont non spécifiques.
Pour l’interprétation,
on s’appuie donc également sur l’intensité de la fixation, son
homogénéité, la topographie, le nombre et la forme des foyers, la
cinétique et la vascularisation, appréciés sur la scintigraphie en trois
phases, et bien entendu, tout ceci est analysé en fonction du contexte
clinique.
Il est nécessaire de reconnaître les anomalies de fixation qui ne
correspondent pas à du tissu osseux : les images urinaires décrites
ci-dessus sont un exemple de fixation extraosseuse normale. Des
fixations extraosseuses pathologiques peuvent correspondre à des
calcifications des tissus mous, des hématomes, des nécroses
tissulaires (infarctus, rhabdomyolyse), des métastases viscérales
(hépatiques, pulmonaires), etc.
Pathologie bénigne
:
A - FRACTURES
:
Les fractures entraînent une augmentation très importante de
l’activité ostéoblastique, aboutissant à l’apparition du cal qui donne
toujours des signes scintigraphiques très marqués.
Les véritables fractures, à la suite d’un traumatisme, sont en général
évidentes sur les signes cliniques et radiologiques : la scintigraphie
osseuse est donc peu utilisée dans cette indication, et l’on y a recours
que lorsque la suspicion clinique n’est pas confirmée par les
radiographies initiales.
On peut citer en particulier dans cette
rubrique les fractures du gril costal et des extrémités (carpe,
métacarpes, tarse, métatarses), qui sont parfois difficiles à déceler
sur les radiographies et pour lesquelles la scintigraphie confirme
aisément et localise la lésion.
À côté de ces lésions, deux situations particulières en traumatologie
relèvent couramment de la scintigraphie osseuse : il s’agit des
fractures de fatigue qui surviennent le plus souvent chez le sportif
et des fractures qui apparaissent comme des complications de
l’ostéoporose.
1- Fractures de fatigue et périostites du membre
inférieur chez le sportif :
La fracture de fatigue est une rupture partielle ou complète d’un os
préalablement sain devenu incapable de résister à une contrainte
non violente répétitive, d’amplitude modérée.
Cette solution de
continuité survient en l’absence de troubles métaboliques et de tout
traumatisme précis. La première description des fractures de
fatigue remonte en 1855 lorsque Briethaupt, chirurgien de l’armée
prussienne, détaille les signes cliniques de la fracture des
métatarsiens.
* Physiologie. Physiopathologie
:
L’os est un tissu dynamique qui exige une sollicitation pour un
développement normal.
Des forces intermittentes appliquées à l’os
stimulent le remodelage de son architecture, de façon à résister au
nouvel environnement mécanique.
Si les efforts habituels sont
supprimés, la résorption par les ostéoclastes s’accompagne d’un
déclin de l’activité ostéoblastique.
Ce découplage entre ostéorésorption et ostéoformation aboutit à l’ostéoporose
d’immobilisation.
Dans le cas contraire, à la suite de sollicitations mécaniques intenses,
inhabituelles, répétées, s’installe une accentuation de la résorption ostéoclastique avec augmentation du remodelage osseux, qui n’est
suivie que tardivement d’un accroissement de la formation
ostéoblastique.
Cette fragilisation temporaire expose à la
décompensation fracturaire en cas de poursuite de l’hypersollicitation.
* Épidémiologie
:
Les fractures de fatigue représentent 10 % des blessures des sportifs
et atteignent les membres inférieurs dans 95 % des cas.
Le sport le plus souvent en cause est la course à
pied. Un facteur déclenchant classique est une modification
récente et mal adaptée des conditions d’entraînement.
L’augmentation de la fréquence des fractures de fatigue est
probablement liée à la prise de conscience accrue du diagnostic par
le médecin traitant, au nombre croissant d’individus de tous âges
s’adonnant à une activité sportive, à l’intensification des
programmes d’entraînement des athlètes, enfin à une amélioration
de la perception par le sportif de ses propres blessures.
Le motif de la consultation est une douleur d’apparition brutale
mais sans traumatisme, typiquement mécanique, s’aggravant à
l’effort et calmée par le repos, tandis que l’examen clinique trouve
inconstamment un oedème, une ecchymose ou un point douloureux
exquis.
Le diagnostic de fracture de fatigue est évoqué chez le sportif devant
des douleurs mécaniques progressivement invalidantes, contrastant
avec la pauvreté de l’examen physique.
Les signes radiographiques sont le plus souvent retardés (2 semaines
à 3 mois), discrets, parfois même absents (tarse, métatarsiens).
Il faut
souligner le même caractère tardif des anomalies visibles à la
tomodensitométrie (TDM).
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est également
susceptible de fournir un diagnostic précoce des lésions
traumatiques osseuses liées à la pratique sportive.
Les mérites
de cette technique sont d’identifier les atteintes traumatiques extraosseuses et de procurer une image anatomique des lésions.
Les
inconvénients sont le caractère limité de l’exploration, la nonspécificité
de l’oedème médullaire lorsque le trait de fracture est
invisible, une sensibilité un peu inférieure à la scintigraphie lorsque
l’IRM n’est pas guidée par cette dernière.
C’est pour parvenir à un diagnostic précoce que la scintigraphie
osseuse a été préconisée et largement utilisée dans cette indication
dès 1976.
Les progrès de l’instrumentation et des radiopharmaceutiques
accomplis en 25 ans ont permis d’améliorer très
significativement les performances (sensibilité, spécificité, valeur
localisatrice) de cet examen.
Ce recul de 25 ans d’utilisation de la scintigraphie dans cette famille
d’indications, et ses améliorations technologiques, ont même incité
certaines équipes de médecine du sport à recourir à la scintigraphie
de première intention, la radiographie rétrogradant en deuxième
ligne et souvent de façon différée.
La scintigraphie est pratiquée suivant le protocole de triple phase :
– une phase angiographique ou phase d’arrivée vasculaire centrée
sur la zone pathologique ;
– une phase tissulaire (ou précoce) enregistrée quelques minutes
après l’injection ;
– une phase osseuse (ou tardive) 2 à 4 heures après l’injection : cette
dernière phase reprend évidemment la zone algique strictement sous
la même incidence qu’aux temps angiographique et tissulaire, mais
doit aussi comporter des incidences supplémentaires, de façon à
bien caractériser la lésion osseuse motivant la scintigraphie et aussi
à examiner les autres os et articulations afin de déceler d’éventuelles
lésions asymptomatiques associées.
Les critères scintigraphiques de fracture de fatigue et de périostite
se classent en deux catégories :
– critères dynamiques :
– la fracture de fatigue se caractérise par une hyperfixation qui
apparaît aux temps angiographique et tissulaire, témoignant de
l’hyperhémie locale.
Cette hyperfixation se renforce au temps
tardif ;
– la périostite se caractérise par une fixation normale aux temps angiographique et tissulaire.
L’hyperfixation n’apparaît qu’au seul
temps tardif ;
– critères morphologiques (temps tardif) :
– la fracture de fatigue des os longs (fémur, tibia, péroné) se
présente typiquement comme une hyperfixation focale ou
fusiforme, localisée à la corticale mais empiétant sur l’endoste.
L’hyperfixation focale est aussi le signe scintigraphique d’une
fracture de fatigue des os de la ceinture pelvienne et du pied ;
– la périostite que l’on observe volontiers au niveau du tibia (shin
splints) se traduit par une hyperfixation moins intense, linéaire,
hétérogène, postérieure, limitée au périoste de la diaphyse tibiale,
assez étendue sur plus du tiers de la longueur du fût diaphysaire,
au niveau de l’insertion des fibres du muscle soléaire.
* Topographie des fractures et pronostic fonctionnel
:
La scintigraphie permet généralement d’identifier avec précision le
site de la fracture et l’orientation grossière du trait de fracture
(pour les os longs).
Les modalités du traitement d’une fracture
de fatigue varient notablement selon sa localisation, limitées à une
trêve sportive partielle de 2 semaines pour une localisation bénigne,
mais comprenant un arrêt complet de toute activité sportive pendant
2 à 3 mois pour certaines localisations critiques.
Cette dernière
mesure est très rarement associée à une contention plâtrée ou à une
ostéosynthèse.
Ainsi, les localisations sont classées critiques pour le
col du fémur et certaines atteintes tibiales (tiers supérieur, trait
longitudinal), intermédiaires pour la diaphyse fémorale, la diaphyse
tibiale et le scaphoïde tarsien, enfin bénignes pour le péroné, les
métatarsiens, le calcanéum et le pelvis.
* Sensibilité. Spécificité
:
Tous les auteurs s’accordent sur une sensibilité de la scintigraphie
osseuse pratiquement égale à 100 %.
Cette valeur idéale de
la sensibilité n’est valide que pour les fractures de fatigue survenant
sur un os sain non ostéoporotique (fractures de « surutilisation »)
chez un individu jeune et, théoriquement, lorsqu’un délai minimal
de 12 heures sépare l’apparition de la douleur de la scintigraphie
osseuse.
La spécificité des critères dynamiques et morphologiques pour la
fracture de fatigue ou la périostite est supérieure à 80 %.
Parmi les
lésions osseuses pouvant donner le change, les plus fréquemment
rencontrées sont l’ostéonécrose pour les métatarsiens et l’astragale,
l’algodystrophie parcellaire ou l’ostéonécrose pour le plateaux tibial,
l’ostéome ostéoïde pour le calcanéum et les métatarsiens.
Cette liste
n’est évidemment pas limitative.
* Conclusion
:
En l’absence de signes radiographiques, ce qui représente 80 % des
situations, la scintigraphie osseuse dynamique trois phases doit être
prescrite en première intention, afin d’établir un diagnostic précoce
d’une fracture de fatigue suspectée sur des arguments cliniques chez
le sportif.
En cas de doute sur la nature de l’hyperfixation observée,
cette imagerie sert de « viseur » à l’IRM.
C’est à nouveau vers l’IRM
qu’il faut se tourner en cas de normalité de la scintigraphie, afin de
rechercher une lésion extraosseuse (syndrome des loges, atteintes
musculoligamentaires…).
2- Fractures de fatigue par insuffisance osseuse
du sujet âgé :
La fracture de fatigue par insuffisance osseuse survient en dehors
de tout traumatisme franc, mais le déséquilibre naît plus de
l’amoindrissement de la résistance de l’os que de l’intensité de
l’effort exercé sur celui-ci.
Les premières observations de fractures
de fatigue par insuffisance osseuse sont publiées par Singer en
1954.
C’est à Pentecost que l’on doit l’appellation de « fracture
par insuffisance osseuse ».
Cet auteur en précise la définition
pour la première fois : fracture survenant sans traumatisme, sur un
os non tumoral mais dont la résistance osseuse est diminuée.
* Physiologie. Physiopathologie
:
Les os trabéculaires, comme les corps vertébraux, sont plus exposés
à la raréfaction osseuse que les os compacts.
Cette diminution
progressive du capital osseux que chaque individu possède à 20 ans
peut aboutir à des fractures par incompétence biomécanique du
squelette.
On pourrait définir un seuil fracturaire au-dessous duquel
la masse osseuse serait suffisamment diminuée pour ne plus
permettre aux pièces osseuses de supporter les contraintes
habituelles.
Il séparerait l’ostéopénie physiologique sans incidence
fracturaire de l’ostéoporose, fracturaire par définition.
La diminution
progressive de la masse osseuse avec l’âge n’est qu’un des facteurs
de risque fracturaire.
Dans l’ostéopénie-ostéoporose, la diminution
de la masse trabéculaire débute par une diminution d’épaisseur des
travées osseuses principales et secondaires.
Les travées secondaires
disparaissent ensuite.
Leur perte peut être compensée par un
renforcement des travées principales restantes.
Hayes a démontré
que les lignes d’orientation de l’os trabéculaire répondaient aux
ondes de choc les plus fréquemment transmises.
Il est vraisemblable
qu’à ostéopénie égale, les individus les plus actifs possèdent un
système trabéculaire plus résistant aux chocs.
L’os normal est
fréquemment le siège de microfractures trabéculaires et corticales.
Ces microfractures échappent à l’analyse radioclinique et se réparent
spontanément.
L’âge croissant, l’activité de remodelage diminue, la
réparation de ces microdommages est imparfaite ou ne se produit
plus.
Enfin, l’involution des fibres collagènes liée à l’âge est la
conséquence de la diminution du taux de remodelage.
L’ostéoporose expose tous les sites osseux au risque fracturaire mais
trois sites, fréquents et souvent graves, ont été intensivement
étudiés : la fracture vertébrale (44 %), la fracture de l’extrémité
supérieure du fémur (19 %), la fracture de l’extrémité inférieure du
radius ou fracture de Pouteau-Colles (14 %).
Le diagnostic positif des fractures de fatigue par insuffisance osseuse
du squelette axial et/ou périphérique est malaisé dans la majorité
des situations, en raison de l’absence de spécificité des signes
d’appel cliniques, dominés par la douleur, et de la normalité des
radiographies.
La scintigraphie osseuse est l’examen clé constituant un élément
d’orientation majeur.
La reconnaissance précoce de ces fractures est
capitale afin d’éviter des biopsies intempestives et de prescrire une mise en décharge puis la rééducation ultérieurement, garantes d’une
évolution favorable et d’une reprise de la vie sociale.
* Rachis dorsolombaire
:
La fracture vertébrale est une manifestation cardinale de
l’ostéoporose.
Le risque fracturaire est évalué par la mesure de la
densité minérale osseuse et par la recherche de fractures antérieures.
Il est bien établi que ces deux éléments augmentent le risque de
fracture de manière indépendante.
Le principal facteur de
risque d’un tassement vertébral est un tassement vertébral antérieur.
Cependant, approximativement la moitié des fractures peuvent être
asymptomatiques.
Cette alternative, fracture-tassement clinique ou
infraclinique, est encore compliquée à l’étape radiographique du
diagnostic positif.
Un désaccord interlecteurs s’exprime souvent sur
la présence d’une fracture dans les formes modérées, notamment
s’il n’existe pas de radiographie antérieure pour comparer.
En effet, la lecture de clichés radiologiques expose aux erreurs de
mesure de la hauteur et la forme des corps vertébraux.
De surcroît,
il existe une grande variabilité interindividuelle et intervertébrale.
Typiquement, le patient se plaint de dorsolombalgies pseudoinflammatoires
invalidantes, nécessitant l’administration de
morphiniques.
Ce handicap fonctionnel contraste avec des
radiographies de face et de profil montrant un rachis arthrosique
et/ou scoliotique sans détecter d’affaissement vertébral évident.
Le
diagnostic différentiel est axé sur les métastases ostéomédullaires et
les localisations myélomateuses. Une spondylodiscite survient dans
un contexte clinique et biologique en règle distinct.
Enfin, lorsque le
diagnostic d’ostéoporose fracturaire est acquis, il importe de vérifier
si celle-ci est idiopathique ou secondaire.
3- Technique et sémiologie scintigraphiques
:
Le protocole d’acquisition des images comporte un cliché de
balayage du corps entier, au besoin complété par des incidences
obliques postérieures.
Actuellement, la TEMP du rachis
dorsolombaire tend à supplanter ces incidences planaires en routine
clinique.
Le mode tomographique détecte des foyers de plus petite
taille qu’en mode planaire et en précise la forme et la localisation :
corps vertébral, pédicule, articulation interapophysaire postérieure,
apophyses transverses et postérieures.
Le tassement
vertébral porotique fournit une image anormale symétrique de face,
tant sur le cliché radiographique que sur la scintigraphie osseuse.
Le motif scintigraphique typique est l’hyperfixation linéaire
horizontale.
Cette hyperfixation intéresse soit le plateau supérieur
ou inférieur (le plus souvent un seul des deux), soit le corps
vertébral en totalité qui apparaît de hauteur diminuée par rapport
aux vertèbres voisines isofixantes.
Ryan et Fogelman
constatent que pratiquement 95 % des hyperfixations modérées ou
intenses de type linéaire, correspondent à des fractures occasionnant
des tassements mesurés de - 2 à - 3 écarts-types au-dessous de la
hauteur moyenne du corps vertébral.
Cette hyperfixation se
manifeste dès la 48e heure suivant la survenue de la fracture et
s’éteint progressivement entre 6 et 18 mois.
Les fracturestassements
ostéoporotiques siègent typiquement à la charnière
dorsolombaire et au rachis lombaire.
Le plus souvent, les tassements
sont disséminés aux dépens du rachis lombaire.
Un tassement
vertébral au-dessus de D7 doit faire suspecter une origine maligne,
surtout s’il est unique.
Un tassement vertébral porotique se traduit par une hyperfixation
diffuse du corps vertébral deux fois plus fréquemment qu’une
localisation métastatique, une topographie apophysaire ou
interapophysaire postérieure suggère une atteinte arthrosique, une
atteinte du corps et du pédicule fait suspecter une métastase.
Le cliché systématique du corps entier permet éventuellement de
repérer d’autres fractures ostéoporotiques paucisymptomatiques
(par exemple : ceinture pelvienne), ou de détecter d’éventuelles
hyperfixations ou hypofixations extrarachidienness en faveur de
métastases ou de localisations myélomateuses.
Le dossier radiologique est indispensable au médecin nucléaire pour
le choix des incidences, mais surtout lors de l’interprétation, afin de
comparer la topographie des tassements vertébraux suspectés sur
les images scintigraphiques à celle des tassements évoqués sur les
clichés radiographiques.
Il est également obligatoire de s’enquérir si le patient suit un
traitement par corticostéroïdes au long cours ou par bisphosphonates, médicaments susceptibles de modifier l’image
scintigraphique.
* Gril costal
:
Les fractures de côtes sont une complication fréquente de
l’ostéoporose et surviennent à l’occasion de traumatismes minimes,
voire d’un simple effort de toux.
Elles sont à rapprocher des fractures de côtes post-traumatiques que
l’on observe chez le sujet non ostéoporotique, du fait de la même
difficulté à en faire le diagnostic radiographique et de la même
sémiologie scintigraphique.
+ Technique et signes scintigraphiques
:
Les fractures de côtes donnent des foyers hyperfixants localisés sur
le gril costal.
Ceux-ci apparaissent nettement sur les incidences
antérieure ou postérieure du balayage corps entier, si les fractures
siègent sur les arcs antérieurs ou postérieurs.
Si elles siègent sur
l’arc moyen, elles sont plus difficiles à voir sur les incidences
standards, et il faut compléter l’examen par des clichés de profil.
Les deux caractéristiques des fractures de côte sont :
– d’une part, le foyer élémentaire est bien localisé, à bord net,
intense si la fracture est récente ;
– d’autre part, la fracture est rarement isolée et il existe plusieurs
foyers d’intensité équivalente qui sont alignés sur les côtes
successives, donnant un aspect en « pointillés ».
Cet aspect reflète la
ligne d’application sur la paroi thoracique de la force qui a créé la
fracture, comme par exemple la position de la ceinture de sécurité
lors d’un accident de voiture, et il est pratiquement
pathognomonique.
Ces deux signes permettent de faire le diagnostic différentiel avec
les autres causes de foyers costaux :
– les métastases donnent des foyers plus étendus, volontiers
fusiformes et qui ne sont pas alignés sur les côtes adjacentes ;
– les pseudofractures de l’ostéomalacie intéressent souvent
plusieurs côtes, mais l’hyperfixation est moins intense et les foyers
ne sont pas aussi régulièrement alignés.
* Sacrum
:
Les fractures du sacrum par insuffisance osseuse n’ont été décrites
pour la première fois qu’en 1982 par Lourie à propos de trois
observations.
Leur fréquence est encore aujourd’hui
vraisemblablement sous-estimée.
Constitué uniquement d’os
spongieux, et donc fragilisé en premier lieu par l’ostéoporose postménopausique chez la femme âgée, le sacrum est exposé aux
fractures à la suite d’un traumatisme mineur ou de cisaillements
continuels des ailerons sacrés au cours de la marche, occasionnant
des microfissures qui, en s’additionnant, peuvent provoquer une
véritable fracture.
Le premier trait de fracture semble toujours être d’orientation
verticale et sagittale, aux dépens d’un, ou plus souvent des deux
ailerons sacrés, parallèlement aux sacro-iliaques.
En cas de
majoration des contraintes, les deux traits verticaux sont complétés
secondairement par un trait de fracture horizontal dit « de refend ».
+ Technique et sémiologie scintigraphiques
:
Les fractures du sacrum se traduisent par une hyperfixation intense
et globale des régions sacro-iliaques.
Lorsqu’il existe un trait de
refend sacré, les foyers sacro-iliaques sont reliés par une
hyperfixation linéaire également intense barrant horizontalement le
plan sacré.
Lorsque le tableau scintigraphique est complet et
pur, il réalise l’image dite en « H » ou en « ailes de papillon », ou
encore en « signe de Honda ».
Finiels et al attribuent à ce signe
une spécificité et une sensibilité élevées (proches de 100 %) et, en
tout cas, supérieures ou égales à celles tirées du scanner et de l’IRM.
Le diagnostic de fracture de fatigue par insuffisance osseuse du
sacrum est acquis de façon certaine lorsque l’image en « H » est
présente, et il n’y a pas lieu de procéder à d’autres modalités
d’imagerie.
* Ailes iliaques
:
Les fractures iliaques par insuffisance osseuse se classent en trois
catégories selon Davies :
– les fractures iliaques obliques (type 1) : le trait est oblique en haut
et en dehors, partant de la grande échancrure sciatique et remontant
plus ou moins loin à travers l’aile iliaque ;
– les fractures iliaques supéromédiales (type 2) : le trait intéresse la
partie la plus interne de l’aile iliaque, grossièrement parallèle à la
sacro-iliaque ;
– les fractures supra-acétabulaires (type 3) : le trait est
sus-cotyloïdien.
* Branches ischiopubiennes et iliopubiennes
:
Suspectées en général devant une douleur inguinale chez un patient
ostéoporotique, les fractures des branches pubiennes sont souvent
difficiles à voir sur les clichés du bassin.
La scintigraphie montre le
trait de fracture sous la forme d’une hyperfixation très nette et bien
localisée.
Lorsque l’on observe un foyer sur la branche iliopubienne
et un foyer en regard sur la branche ischiopubienne de l’autre côté
du trou obturateur, l’aspect est pratiquement pathognomonique.
Les fractures qui siègent dans la région parasymphysaire donnent
souvent des signes radiologiques inquiétants par l’aspect flou du
trait de fracture, alors que les localisations secondaires à cet endroit sont très rares.
Elles apparaissent sous forme de foyers
d’hyperfixation, très nets sur la scintigraphie, pour peu que l’on
arrive à supprimer la superposition du foyer intense de la vessie, ce
qui peut être obtenu :
– soit immédiatement après une miction complète (souvent difficile
à obtenir) ;
– soit en réalisant une incidence caudale (patient assis sur le
détecteur) ;
– soit en réalisant un cliché à la 24e heure alors que l’activité extraosseuse, et en particulier urinaire, a disparu ;
– soit en procédant à un sondage vésical (pour les patients
hospitalisés).
* Extrémité supérieure du fémur
:
Les fractures de l’extrémité supérieure du fémur sont classées en
deux grandes variétés : les fractures cervicales et les fractures trochantériennes.
Les fractures trochantériennes se partagent en
fractures pertrochantériennes et transtrochantériennes.
La fracture
cervicale est menacée par deux complications osseuses : la nécrose
ischémique de la tête fémorale et la pseudarthrose du col fémoral.
+ Technique et sémiologie scintigraphiques
:
Sur la scintigraphie, le trait de fracture se traduit par une
hyperfixation intense, linéaire ou fusiforme, parcourant
transversalement le col fémoral ou traversant selon une obliquité
variable le grand trochanter seul (fracture pertrochantérienne) ou
encore le grand et le petit trochanter (fracture transtrochantérienne).
Lorsque le diagnostic est fondé sur ces critères, la scintigraphie
osseuse est créditée d’une sensibilité et d’une spécificité proches de
95 %.
* Autres localisations
:
+ Plateaux tibiaux
:
Dans les zones où prédomine l’os spongieux, comme c’est le cas à
l’extrémité des os longs (les plateaux tibiaux en sont un exemple), une fracture de fatigue se caractérise radiographiquement par une
bande linéaire de sclérose, traduisant l’effondrement de l’os
spongieux et l’activité réparative ostéoblastique.
L’histoire clinique de la fracture de fatigue par insuffisance osseuse
prête souvent à confusion avec une gonarthrose fémorotibiale ou
une ostéonécrose d’un plateau tibial.
Les radiographies standards
comparatives entretiennent fréquemment cette confusion, en
montrant un pincement de l’interligne fémorotibial, zone
cliniquement douloureuse.
La ligne de condensation traduisant la
fracture de fatigue, même lorsqu’elle est présente dès la première
radiographie, peut être discrète et négligée, ou incorrectement
interprétée.
L’aspect caractéristique est représenté par une hyperfixation intense
intéressant généralement un des deux plateaux tibiaux, débordant
la région sous-chondrale, à la différence de l’ostéonécrose.
Dans les
formes sévères, l’hyperfixation englobe parfois les deux plateaux
tibiaux en débordant sur la tubérosité tibiale antérieure, mais les
condyles fémoraux restent normofixants ou faiblement hyperfixants,
à la différence de l’image de la gonarthrose.
+ Diaphyse tibiale
:
L’histoire clinique de la fracture de fatigue par insuffisance osseuse
de la diaphyse tibiale est déroutante.
En effet, l’aspect clinique
suggère, tantôt une arthropathie de la cheville en raison d’une
hydarthrose réactionnelle lorsque le trait de fracture se situe au tiers
inférieur de la diaphyse, tantôt une métastase osseuse en
l’absence de traumatisme chez un sujet âgé traité quelques années
auparavant pour un cancer ostéophile. D’autres tableaux cliniques
trompeurs ont été rapportés : pseudocellulite, pseudodermohypodermite
bactérienne notamment.
L’IRM, facultative dans la forme radioscintigraphique habituelle, est
cependant demandée pour confirmation lorsque l’hyperfixation, très
étendue et/ou hétérogène, fait redouter une métastase osseuse chez
un patient âgé comptant un antécédent de néoplasie, une tumeur
primitive maligne des os, voire une ostéomyélite aiguë ou subaiguë.
Le protocole d’acquisition comprend une scintigraphie osseuse en
trois phases des tibias en incidence face antérieure, centrée sur la
zone douloureuse, complétée par un cliché de balayage du corps
entier et un cliché de profil du tibia pathologique.
L’hyperfixation est soit longitudinale, engainant le fût diaphysaire
selon une localisation et une hauteur variables, soit transversale,
dessinant une bande hyperfixante d’épaisseur variable.
Cette
hyperfixation est très intense, mais souvent hétérogène.
Le cliché de
balayage du corps entier montre que cette hyperfixation osseuse est
en règle isolée, rendant très improbable l’hypothèse de métastase
osseuse.