Réparation et sclérose

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Définition :

La réparation est la restauration des tissus endommagés, qui constitue le terme normal du processus inflammatoire.

La réparation est complexe et fait appel à deux phénomènes :

• la cicatrisation ou réparation : toute nécrose tissulaire est remplacée par un tissu conjonctif formé à partir du bourgeon charnu ou tissu de granulation.

Il s’agit d’un phénomène général qui aboutit à une sclérose plus ou moins importante.

Par extension, le terme de tissu de granulation est appliqué pour désigner un tissu conjonctif jeune riche en vaisseaux.

• la régénération, phénomène qui vise à restaurer un parenchyme noble après sa destruction partielle.

Ce phénomène est variable en fonction de l’organe et de ses aptitudes mitotiques.

On oppose :

• les organes à cellules dites permanentes, incapables de se diviser (système nerveux central, cellules cardiaques),

• la majorité des tissus épithéliaux dont les cellules labiles conservent l’aptitude à proliférer dans la vie adulte.

Réparation d’une plaie cutanée :

A – Bourgeon charnu : tissu de granulation :

1- Définition :

Réparation et sclérose

Structure constituée par la prolifération d’un tissu conjonctif jeune et riche en vaisseaux.

Il s’agit d’un des stades de la réparation d’une plaie ou d’une perte de substance tissulaire.

2- Microscopie :

La structure est complexe, constituée de cinq zones.

• a) En haut, couche purulente ou nécrotique = couche fibrineuse comportant des polynucléaires altérés et des cellules nécrotiques à noyau picnotique.

• b) Zone granulomateuse = sous la zone de nécrose, se trouvent des polynucléaires et des cellules histiocytaires.

• c) Zone de fibrillogénèse.

Prolifération de capillaires de type embryonnaire à paroi haute, apparaissant dès le 3ème jour et entourés par de rares polynucléaires et de nombreuses cellules histiocytaires des lymphocytes et des plasmocytes.

– La progression des capillaires vers la superficie fait intervenir l’activité protéolytique des cellules endothéliales qui produisent de la collagénase et de la stromélysine.

– Parallèlement, se produisent la migration et la prolifération de cellules fusiformes d’allure fibroblastique appelées les myofibroblastes.

Ce sont des cellules intermédiaires entre le fibroblaste et les cellules musculaires lisses qui interviennent dans l’élaboration des structures fibrillaires

– collagènes

– et dans la rétraction de la plaie. Les fibroblastes sécrètent les constituants de la matrice extra-cellulaire, les glycosaminoglycanes qui se lient à des protéines pour former des protéoglycanes.

• d) Zone de transition : Dans la partie inférieure, les nombreux vaisseaux sont entourés par des manchons lymphocytaires et plasmocytaires séparés les uns des autres par un feutrage fibrillaire plus dense.

• e) – Zone de raccordement :

Le bourgeon charnu est amarré au tissu conjonctif normal.

B – L’épidermisation :

C’est un phénomène qui débute à la 24ème heure.

Les cellules de l’assise basale de l’épiderme se divisent et glissent sur le tissu conjonctif, vraisemblablement du fait de la « perte de l’inhibition de contact ».

Cette migration fait intervenir les phénomènes d’adhésion et nécessite la présence de fibronectine.

L’épiderme néoformé est toujours simplifié et ne comporte jamais d’annexe.

C – Remaniements ulterieurs :

A la fin de la cicatrisation, le bourgeon charnu laisse un tissu conjonctif jeune dont les fibres sont encore orientées perpendiculairement à l’épiderme et sont riches en vaisseaux.

Le remodelage du tissu conjonctif jeune

– diminution des vaisseaux, raréfaction des fibroblastes, orientation parallèle à la surface du collagène

– peut demander plusieurs mois avec constitution d’un tissu blanchâtre et dur : la cicatrice.

Facteurs influençant les phénomènes de réparation :

A – Facteurs locaux :

1- Facteurs de croissance et inhibiteurs :

De nombreux facteurs de croissance polypeptidiques libérés par les macrophages, les lymphocytes et les plaquettes agissent de façon paracrine sur la réparation tissulaire.

a- Les chalones (du grec Chalao) :

Glycoprotéine dépourvue de spécificité d’espèce mais douée d’une grande spécificité tissulaire.

Les effets des chalones sont identiques dans tous les tissus et se résument à l’inhibition des mitoses.

b- Les facteurs de croissance :

PDGF (Platelet-Derived Growth Factor): facteurs de croissance ubiquitaires dérivés des plaquettes, il se fixe avec une grande affinité sur un récepteur à la surface des fibroblastes.

– Il stimule la prolifération et la synthèse de collagène.

Puissant mitogène des cellules musculaires lisses et des cellules gliales.

– Activité chimiotactique vis-à-vis des fibroblastes, des cellules musculaires lisses, des monocytes et des granulocytes.

TGFß (Transforming Growth Factor ß) facteur transformant ß contenus également dans les granules μ des plaquettes mais également dans d’autres cellules : lymphocytes, macrophages, fibroblastes.

– Stimulation de la prolifération des fibroblastes et des cellules endothéliales, mais inhibition de la prolifération des cellules épithéliales.

– Activité chimiotactique vis-à-vis des fibroblastes, des macrophages et des kératinocytes

– Contraction de la cicatrice. bFGF, aFGF (acid/basic Fibroblastic Growth Factor) : facteurs de croissance fibroblastiques acides et basiques.

– Action large sur le processus cicatriciel et en particulier sur l’angiogénèse par activité mitotique sur les cellules endothéliales.

– Activité mitogène pour les fibroblastes et les kératinocytes. EGF (Epidermal GrowthFactor) ou facteur de croissance épidermique :

– croissance des cellules épidermiques et des fibroblastes

– angiogénèse IGF1 (Insulin Like Growth Factor) Homologie de séquence avec la proinsuline ; produit par les plaquettes, les fibroblastes et les macrophages.

– Action mitogène

c- Cytokines :

L’interleukine I (IL1) synthétisée par les monocytes et les macrophages stimulerait la prolifération des fibroblastes et la synthèse du collagène ainsi que la prolifération des kératinocytes, des fibroblastes et des cellules endothéliales.

Le TNF (tumor necrosis factor) sécrété par monocytes et macrophages favorise l’angiogénèse.

2- Facteurs tissulaires :

a- La détersion :

Nettoyage du foyer inflammatoire consiste en l’évacuation hors du foyer des éléments cellulaires ou tissulaires détruits par l’agression initiale.

Ce nettoyage est assuré par les macrophages et les polynucléaires grâce à leurs enzymes protéolytiques.

Lorsque la détersion est de mauvaise qualité, le processus inflammatoire persiste sous forme chronique.

b- Absence d’infection :

L’infection retarde les phénomènes de réparation en aggravant la nécrose.

c- Vascularisation :

La trophicité du bourgeon charnu est assurée par les vaisseaux.

d- L’immobilisation :

L’immobilisation du foyer en voie de réparation est indispensable à la réparation d’une fracture osseuse

e- Effet néfaste des radiations ionisantes :

La fragilité du tissu de granulation et les altérations vasculaires à type d’oblitération fragilisent la cicatrisation.

B – Facteurs généraux :

1- Age :

Les sujets âgés cicatrisent plus lentement que les jeunes vraisemblablement par le biais des troubles vasculaires et de la malnutrition.

2- Facteurs nutritionnels :

L’intense activité cellulaire mise en jeu par la cicatrisation nécessite un apport protidique et vitaminique (vitamine C et A) suffisants.

3- Facteurs hormonaux :

Les glucocorticoïdes ralentissent la cicatrisation en diminuant la collagénèse et la néovascularisation.

C – Conséquences des phénomènes de réparation cutanée :

1- Anomalie précoce :

Le bourgeon charnu hyperplasique dépasse largement les plans cutanés interdisant ainsi l’épidermisation : macroscopiquement, il s’agit d’une petite tumeur qui porte le nom de botriomycome ou granulome pyogénique.

Il peut y avoir également une hyperproduction de tissu collagénique qui donne naissance à une chéloïde : formation hypertrophique sous forme de saillie rosée lisse et dure.

L’aspect microscopique est celui d’une prolifération conjonctive comportant de volumineux trousseaux de tissu collagène hyalinisé.

Ces lésions sont riches en myofibroblastes et sont constituées par une variété de collagène de type embryonnaire (collagène de type III).

Ces chéloïdes s’observent plus volontiers chez les hommes que chez les femmes.

Tendance à récidive après exérèse.

2- Anomalies tardives :

Elles sont liées à la rétraction subie par tout tissu scléreux cicatriciel.

Exemple : ride para-articulaire ; éversion de la paupière avec ulcération de cornée ; distension pariétale abdominale ou hernie directe.

Sclérose :

A – Définition :

A l’origine, le terme est utilisé pour désigner des organes de consistance dure (du grec scléros qui signifie dur).

La sclérose se définit par l’apparition au niveau d’un tissu ou d’un organe d’une quantité anormale de tissu fibreux, le plus souvent collagénique, parfois associé à des fibres élastiques.

La sclérose est une lésion fréquente non spécifique, habituellement irréversible, dont la présence va diminuer la quantité de tissu noble fonctionnel.

Il existe deux formes topographiques de sclérose :

• Les scléroses systématiques qui respectent l’architecture de l’organe

– exemple : épaississement fibreux des cloisons alvéolaires au niveau du poumon

• Les scléroses mutilantes qui détruisent l’architecture générale de l’organe

– exemple : cirrhose hépatique post-éthylique.

B – Les scléroses cicatricielles :

L’augmentation de tissu fibreux dans un organe fait suite à un processus inflammatoire avec ou non perte de substance.

Le plus souvent, il s’agit d’une sclérose dite substitutive qui compense une perte de substance exemple : plaie cutanée, nécrose ischémique du coeur du poumon ou du rein.

Ces scléroses sont en général localisées, limitées dans le temps et dans l’espace.

1- Au niveau des organes creux :

Au niveau de l’oesophage, les bronches, l’uretère et les intestins, la cicatrisation peut entraîner un rétrécissement responsable de troubles du transit.

2- Au niveau des cavités séreuses :

L’organisation de l’exsudat inflammatoire, conduit à une symphyse de la plèvre (épaississement fibreux ou pachypleurite) et du péricarde (péricardite constrictive en général d’étiologie tuberculeuse égale à distolie).

3- Au niveau des organes pleins :

Les conséquences des phénomènes de réparation sont fonction des capacités de régénération du parenchyme noble :

• Les fibres musculaires nécrosées du myocarde ne se régénèrent pas : la nécrose importante entraîne une insuffisance cardiaque

• Dans le rein, les phénomènes de réparation ont généralement des conséquences moins graves étant donné l’excès de parenchyme noble par rapport aux fonctions exigées par l’organe.

Les néphrites interstitielles chroniques secondaires à des infections urinaires répétées par voie ascendante sont caractérisées par un infiltrat inflammatoire progressivement remplacé par une sclérose retentissant secondairement sur les tubes et les glomérules et provoquant alors une insuffisance rénale chronique

• Au niveau du foie, les phénomènes de réparation peuvent parfois aboutir à une cirrhose.

La cirrhose (décrite par Laënnec du terme grec Kiros, couleur rousse du foie pathologique) se définit par la perte de l’architecture normale du foie, avec sclérose cicatricielle mutilante et diffuse associée à une régénération parenchymateuse aboutissant à des nodules non fonctionnels.

Sclérose et régénération sont secondaires à la nécrose des hépatocytes.

Les cirrhoses ont pour conséquence une hypertension dans le système porte responsable de la symptomatologie d’accompagnement : ascite, oedème des membres inférieurs, splénomégalie, varices oesophagiennes et circulation collatérale abdominale.

Etiologies des cirrhoses :

– les cirrhoses alcooliques sont constituées de nodules de régénération réguliers et de très petite taille environ 3 mm de diamètre : cirrhose micro-nodulaire.

Il existe une stéatose notable.

10 à 30 % des éthyliques développeraient une cirrhose.

– les cirrhoses post-hépatitiques sont constituées de nodules irréguliers souvent volumineux : cirrhose micro et macro-nodulaire.

La sclérose est souvent très étendue, d’épaisseur variable, et riche en éléments inflammatoires.

– l’hémochromatose ou cirrhose pigmentaire par trouble du métabolisme du fer s’accompagne d’un diabète bronzé et d’une mélanodermie.

– chez le nourrisson et l’enfant, les cirrhoses sont secondaires soit à une malformation congénitale des voies biliaires soit à une maladie métabolique (maladie de Wilson, galactosémie, fructosémie).

C – Scléroses dystrophiques :

Leurs conditions d’apparitions sont très diverses.

– Vieillissement tissulaire en particulier, au niveau des glandes endocrines et surtout des glandes génitales, après la ménopause et l’andropause.

– Ischémie chronique qui détermine une atrophie.

D – Les scléroses des processus tumoraux :

La croissance des tumeurs malignes induit une prolifération conjonctive appelée stroma.

Ce stroma peut être très fibreux, donnant alors naissance à des formes particulières de cancer : linite gastrique, squirrhe mammaire.

Conclusion :

Le processus de cicatrisation par bourgeon charnu est un phénomène très général qui se rencontre au niveau de tous les tissus après agression et donc après toute réaction inflammatoire.

Le processus de réparation est indispensable mais peut être responsable de troubles fonctionnels dus à la sclérose, à l’absence de restauration du parenchyme noble ou à une régénération anormale.

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