La souche sauvage (SSR) de Drosophila melanogaster a un corps gris,
l’oeil rouge brique et des soies en forme de tronc de cône.
Il est utile de
savoir qu’il n’y a pas de crossing-over chez la drosophile mâle.
On dispose
d’une souche mutante pure, au corps noir, appelée ebony, d’une souche
aux yeux roses, appelée rosy, et d’une souche aux yeux pourpres, appelée
purple.
1. Les croisements réciproques de chacune de ces souches mutantes avec
la souche SSR donnent des descendants F1 de phénotype sauvage. Les F1
de chaque sexe croisé en retour avec un parent mutant donnent pour moitié
des F2 sauvages et pour moitié des mutants. Concluez.
2. On croise entre elles les souches ebony et purple. Les croisements réciproques
donnent des individus F1 de phénotype sauvage [corps gris et oeil
rouge brique].
Les individus F1 sont croisés entre eux et on observe, parmi les individus F2,
les proportions de 9/16 de [corps gris; oeil rouge brique], 3/16 de [corps
gris; oeil pourpre], 3/16 de [corps noir; oeil rouge brique] et 1/16 de [corps
noir; oeil pourpre].
Interprétez ces résultats en construisant le tableau de gamètes le plus
général puis en discutant, éventuellement en le réduisant, ce tableau de
gamètes au cas où les gènes étudiés sont physiquement indépendants ou
liés, génétiquement indépendants ou non.
Vous préciserez, par l’analyse de
ce tableau, lequel des paramètres génétiques ne peut être estimé par un tel
croisement.
3. On croise entre elles les souches ebony et rosy.
Les croisements réciproques
donnent des individus F1 de phénotype sauvage [corps gris et yeux
rouge brique].
a. Les individus F1 sont croisés entre eux et on observe, parmi les individus
F2, les proportions de 1/2 [corps gris; oeil rouge brique], 1/4 de
[corps gris; oeil rose] et 1/4 de [corps noir; oeil rouge brique]. Interprétez
ces résultats.
b. Des mâles F2 de phénotype [corps noir; oeil rouge brique] sont croisés
avec une femelle rosy et on observe les résultats suivants :
– dans 11 % des croisements la moitié des descendants F3 sont de phénotype
sauvage et l’autre moitié de phénotype rosy [oeil rose];
– dans 89 % des croisements tous les descendants F3 sont de phénotype
sauvage.
En quoi ces résultats permettent-ils d’estimer ce qui n’avait pu l’être à la
question précédente ?
Le résultat aurait-il été différent avec des femelles F2 ? Trouvez un moyen
de sélectionner des individus de phénotype [corps noir; oeil rose] qui n’ont
pas été observés en F2.
4. On dispose d’une souche pure A, aux yeux roses et aux soies cylindriques
(la souche sauvage présentant des soies en tronc de cône).
a. Croisée avec la souche rosy, la souche A donne des descendants F1 de
phénotype [oeil rose; soies sauvages].
Que peut-on en conclure, sachant
que le croisement A × SSR donne des individus F1 de phénotype [oeil
rouge brique; soies sauvages] ?
b. Les individus F1 issus du croisement A × SSR sont croisés entre eux et
on observe, parmi les individus F2, 675 [oeil rouge brique; soies sauvages],
72 [oeil rouge brique; soies cylindriques], 73 [oeil rose; soies sauvages]
et 180 [oeil rose; soies cylindriques].
Interprétez ces résultats en vous fondant sur les résultats des questions
précédentes.
Montrez, en vous fondant sur le tableau de gamètes issus de la méiose,
que, dans ce croisement, il est possible de calculer directement le paramètre
non calculable à la question 2.
➤ Définition des objectifs.
– Test de la ségrégation 2/2 chez la drosophile.
– Test de l’indépendance et de la liaison génétique, test de l’indépendance
physique, distances génétique.
Solution
1. Les F1 étant de phénotype sauvage, les trois phénotypes mutants sont récessifs.
Les croisements réciproques donnant un même résultat, aucun des gènes étudiés n’est localisé
sur le chromosome X.
Les test cross donnant, quel que soit le parent F1, une ségrégation 1/2-1/2, on peut conclure
que chacune des trois souches ne diffère de la SSR que pour un seul gène.
2. Le fait que la F1 soit de phénotype sauvage permet de conclure que les souches ebony et
purple ne sont pas touchées dans le même gène (test de complémentation), la question
qui se pose alors est celle de leur indépendance génétique, éventuellement physique.
On note A et a, les allèles impliqués dans la pigmentation du corps (gène ebony) et D et d, les
allèles impliqués dans la pigmentation de l’oeil (gène purple). Le génotype de la F1 est
double hétérozygote et peut s’écrire (A … d)//(a … D) si on considère que les pointillés figurent
notre méconnaissance d’une éventuelle liaison entre les deux gènes.
Comme on sait qu’il n’y a pas de crossing-over chez le mâle, il est nécessaire de distinguer le
cas où les gènes sont physiquement indépendants, cas dans lequel le mâle peut produire des
gamètes recombinés et le cas où les gènes sont physiquement liés, cas dans lequel les mâles
ne produisent que des gamètes parentaux.
• Cas où les gènes seraient physiquement indépendants. Le croisement F1 × F1 conduirait à
un tableau de croisement des gamètes où mâles et femelles donnent quatre types équifréquents
de gamètes (tabl. 3.18).
TABLEAU 3.18 TABLEAU DE CROISEMENT DE GAMÈTES POUR DEUX GÈNES PHYSIQUEMENT INDÉPENDANTS.
Dans ce cas (deux gènes physiquement indépendants) les seize cases de ce tableau sont équifréquentes
et on attend 9/16 de [corps gris, oeil brique], 3/16 de [corps noir, oeil brique],
3/16 de [corps gris, oeil pourpre] et 1/16 de [corps noir, oeil pourpre].
• Cas où les gènes seraient physiquement liés. Le croisement F1 × F1 conduirait à un tableau
de croisement des gamètes où les mâles ne donnent que des gamètes parentaux et les
femelles donnent quatre types de gamètes dont la fréquence dépend du taux r de recombinaison
(tabl. 3.19).
Dans le cas où les deux gènes seraient physiquement liés, on obtiendrait 1/2 de [corps gris, oeil brique], 1/4 de [corps noirs, oeil brique], 1/4 de [corps gris, oeil vif].
On peut remarquer que ces proportions sont indépendantes de la valeur de r; que les deux
gènes soient très liés ou non, on aura toujours les proportions 2-1-1.
Ce croisement ne permet
donc pas, en cas de liaison physique des deux gènes, d’en estimer la distance.
On peut aussi remarquer qu’on n’observerait pas le phénotype recombiné [corps noir, oeil
pourpre] puisqu’il supposerait la formation d’un gamète mâle recombiné.
TABLEAU 3.19 TABLEAU DE CROISEMENT DE GAMÈTES POUR DEUX GÈNES PHYSIQUEMENT LIÉS.
Les proportions observées pour les phénotypes de la F2 et l’observation du phénotype [corps
noir, oeil pourpre] permettent de conclure que les gènes « ebony » et « purple » sont physiquement
indépendants.
3.a Le fait que la F1 soit de phénotype sauvage permet de conclure que les souches ebony et
rosy ne sont pas touchées dans le même gène (test de complémentation), la question
qui se pose alors est celle de leur indépendance génétique, éventuellement physique.
Il convient d’entreprendre la même démarche que précédemment, en notant B et b les allèles
du gène « rosy » qui viennent se substituer au couple d’allèles D et d.
On peut donc conclure que les souches ebony et rosy sont mutées dans deux gènes différents,
physiquement liés, mais on ne peut statuer sur leur liaison génétique.
3.b Les mâles F2 de phénotype [corps noir, oeil brique] sont de génotypes (a-B)//(a-B) ou
(a-B)//(a-b) avec des fréquences respectives égales à (1 – r)/4 et r/4 (la somme est égale à 1/4
et indépendante de la valeur de r, voir question 2), au sein de l’ensemble de la descendance
F2, mais avec des fréquences respectives égales à (1 – r) et r au sein des seuls mâles de
phénotype [corps noir, oeil brique].
Leur croisement avec une femelle rosy de génotype
(A-b)//(A-b) va permettre de tester la liaison génétique en estimant la valeur de r.
En effet, les mâles F2 de génotype (a-B)//(a-b) donneront pour moitié une descendance b//b
de phénotype [oeil rose] et une moitié de descendants de génotype B//b de phénotype [oeil
brique] tandis que les mâles F2 de génotype (a-B)//(a-B) ne donneront que des descendants
B//b de phénotype sauvage.
• Si les gènes A et B sont génétiquement indépendants les deux types de mâles F2 seront équifréquents (valeur de r égale à 1/2);
• Si les deux gènes A et B sont génétiquement liés, r sera inférieur à 1/2 et donc à (1 – r) et
la fréquence des mâles F2, capables de donner des descendants rosy, sera significativement
inférieure à 1/2.
C’est le cas ici puisque seuls 11 % des mâles F2 sont de génotype (a-B)//(a-b), ce qui permet
de conclure à la liaison génétique des gènes A et B, et au calcul de leur distance.
En effet
r = 0,11, la fréquence de ces mâles capables de donner une descendance rosy; la distance
génétique entre les gènes A et B est égale à 11 ur.
Les femelles F2 auraient tout aussi bien pu être utilisées dans ce protocole où on n’étudie pas
la recombinaison mais où on teste simplement la fréquence des hétérozygotes pour le couple
d’allèles B et b.
Pour obtenir des drosophiles de phénotype [corps noir, oeil rose], de génotype (a-b)//(a-b), il
est judicieux de croiser entre eux les femelles et les mâles de génotype (a-B)//(a-b) qui
donnent dans le croisement précédent une descendance rosy.
Remarque. Lors de son croisement, la femelle doit être vierge, on ne peut donc
l’avoir testée et on ne peut savoir a priori quel est son génotype, alors que le mâle
peut avoir été testé par le croisement précédent.
Il suffit alors de faire un grand
nombre de croisements individuels (dans des tubes séparés) entre de tels mâles testés
et des femelles vierges F2 de phénotype [corps noirs, oeil brique], et dans 11 % des
tubes on verra apparaître des descendants [corps noir, oeil rose].
4.a La souche A croisée avec la SSR donne une F1 sauvage, ce qui permet de conclure à
la récessivité des deux phénotypes mutants et d’interpréter l’observation de la F1 de
phénotype [oeil rose, soies sauvages] issu du croisement entre A et rosy par la conclusion
que A et rosy sont mutées dans un même gène (au moins un) impliqué dans le phénotype
[oeil rose], puisqu’il n’y a pas de complémentation fonctionnelle pour ce phénotype.
On montre facilement que chaque différence phénotypique entre A et la SSR est sous la
dépendance d’un seul couple d’allèles (ségrégation 2/2 illustrée par la ségrégation phénotypique
3/4 1/4 en F2), ce qui permet alors de préciser que A et rosy sont mutées dans un seul
et même gène, relativement au phénotype [oeil rose].
4.b Contrairement à la situation génétique de la question précédente, les gamètes parentaux
sont porteurs, soit des deux allèles sauvages soit des deux allèles mutés, ce qui permettra
d’estimer la distance génétique, en cas de liaison (tabl. 3.20).
On note A et a, les allèles du gène impliqué dans la pigmentation de l’oeil (phénotype rosy) et C
et c, les allèles du gène impliqué dans la forme des soies; la F1 est (A…C)//(a…c).
TABLEAU 3.20 TABLEAU DE CROISEMENT DES GAMÈTES POUR DEUX GÈNES.
r est le taux de recombinaison chez les femelles; les fréquences gamétiques mâles
sont données d’abord sous l’hypothèse d’indépendance physique, ensuite sous
celle de liaison physique.
• Dans le cas de deux gènes physiquement indépendants, les seize cases de ce tableau sont
valides et équifréquentes (dans ce cas, la valeur de r est égale à 1/2), et on attend 9/16 de [oeil
brique, soies sauvages], 3/16 de [oeil brique, soies cylindriques], 3/16 de [oeil rose, soies
sauvages] et 1/16 de [oeil rose, soies cylindriques].
• Dans le cas de deux gènes physiquement liés, mais génétiquement indépendants, les
gamètes mâles sont exclusivement parentaux et les deux dernières lignes du tableau ne
doivent pas être prises en compte.
Comme r est égal à 1/2, on attend 5/8 de [oeil brique, soies
sauvages], 1/8 de [oeil brique, soies cylindriques], 1/8 de [oeil rose, soies sauvages] et 1/8 de
[oeil rose, soies cylindriques].
Remarque. Du fait que les gamètes parentaux sont porteurs, soit des deux allèles
sauvages soit des deux allèles mutés, les quatre phénotypes sont observables, contrairement
aux observations de la question précédente.
• Dans le cas d’une liaison physique et génétique (valeur de r inférieure à 1/2), on observera,
cette fois, les phénotypes avec des fréquences égales à :
On peut alors estimer la valeur de r, en posant que r/2 = (72 + 73)/1 000, soit r = 0,29 ou que
(1 – r)/4 = 180/1 000, soit r = 0,28 ce qui est très peu différent.
Remarque. On retrouve 5/8, 1/8, 1/8 et1/8 si r = 1/2.
On peut donc conclure que les souches A et SSR sont mutées dans deux gènes différents,
physiquement liés, à une distance de 28 ur.