Dans tout l’exercice, on ne tiendra pas compte du type sexuel, a ou α, des
souches.
On suppose qu’on dispose toujours d’une souche du type sexuel
requis pour le croisement.
On dispose :
– d’une souche haploïde sauvage (SSR) de la levure Saccharomyces cerevisiae,
de phénotype [val+, trp+, ura+, gal+];
– d’une souche A, auxotrophe pour la valine et incapable de métaboliser
le galactose, phénotype noté [val–, gal–];
– d’une souche B, auxotrophe pour le tryptophane et incapable de métaboliser
le galactose, phénotype noté [trp–, gal–];
– d’une souche C, auxotrophe pour l’uracile et incapable de métaboliser
le galactose, phénotype noté [ura–, gal–].
On effectue les croisements A × SSR, B × SSR et C × SSR; les diploïdes
qui en sont issus sont de phénotype sauvage.
On isole les spores haploïdes
issues de la méiose de chacun des diploïdes (la procédure de croisement
chez la levure est décrite en tête des problèmes levure dans la partie 2 de
l’ouvrage), puis on teste le phénotype des spores (tabl. 3.10).
TABLEAU 3.10.
1. Interprétez ces résultats (nombre de gènes mis en jeu, indépendance ou
liaison génétique, distances génétiques dans le dernier cas).
2. On croise entre elles les souches A B et C; les diploïdes issus des croisements
A × B et A × C ont un phénotype sauvage, le diploïde issu du croisement
B × C a un phénotype [gal–]. Quelles précisions ce résultat apportet-
il dans l’analyse génétique ?
3. On analyse les spores issues de la méiose du diploïde issu du croisement
B × C, en testant leur phénotype pour le tryptophane, l’uracile et le galactose
(tabl. 3.11). Quelle précision apporte ces observations ?
Vous présenterez
un schéma des gènes et de leurs sites de mutations.
TABLEAU 3.11.
4. On étale environ 200 000 spores issues du croisement B × C, sur une
boîte de milieu minimum (galactose) + uracile + tryptophane et on observe
la croissance de 100 colonies.
Quelle est votre interprétation de ce résultat ?
(schéma des gènes et des sites de mutations).
5. On teste ensuite, par des répliques adéquates, les phénotypes d’auxotrophie
des 100 spores obtenues (tabl. 3.12).
Quelle précision apporte ces
observations ? (Schéma des gènes et des sites de mutations.)
TABLEAU 3.12.
– Test de la ségrégation 2/2 et test de l’indépendance et de la liaison génétique
chez la levure.
– Test de complémentation fonctionnelle/test d’allélisme.
– Cartographies des gènes et carte fine des gènes (position des sites mutés d’un
même gène).
Solution
1. Le fait que les diploïdes soient tous de phénotype sauvage permet de conclure que tous les
phénotypes mutés sont récessifs.
La première question à résoudre est celle de savoir si chaque différence phénotypique identifiant
une des souches mutée A, B ou C de la souche de référence ne dépend que d’un gène.
Il
s’agit donc de faire, pour chacun des phénotypes, un test de ségrégation 2/2.
• Phénotype valine (analyse de la méiose chez les diploïdes issus du croisement A × SSR,
tabl. 3.10, colonne 2) : on observe 172 spores auxotrophes [val–] et 191 spores prototrophes
[val+], ce qui est conforme avec l’hypothèse d’une ségrégation 2/2.
On peut conclure
que A diffère de la SSR pour un seul des gènes impliqués dans la synthèse de la valine.
• Le dénombrement des spores auxotrophes (197) ou prototrophes (203) pour le tryptophane
(méiose chez les diploïdes issus du croisement B × SSR, tabl. 3.10, colonne 3) conduit à
conclure que B diffère de la SSR pour un seul des gènes impliqués dans la synthèse du
tryptophane.
• Le dénombrement des spores auxotrophes (199) ou prototrophes (201) pour l’uracile
(méiose chez les diploïdes issus du croisement C × SSR, tabl. 3.10, colonne 4) conduit à
conclure que B diffère de la SSR pour un seul des gènes impliqués dans la synthèse de
l’uracile.
• Le dénombrement des spores [gal–] ou [gal+] pour la capacité de croissance sur galactose
(méiose chez les diploïdes issus de chacun des croisements, tabl. 3.10, colonne 2, 3 ou 4)
conduit à conclure que chaque mutant A, B ou C ne diffère de la SSR que pour un seul des
gènes impliqués dans la métabolisation du galactose.
Mais attention, rien à ce stade ne permet de dire si A, B ou C sont mutés dans le même gène
ou non.
La deuxième question est de savoir par combien de gènes chaque mutant diffère de la SSR.
Il
peut paraître logique que ce soit par deux gènes puisque l’auxotrophie résulte de la mutation
d’un seul gène, de même que l’incapacité de croissance sur galactose, mais on pourrait
formellement imaginer que ces deux phénotypes mutants puissent résulter d’une mutation
pléiotrope d’un seul gène.
Ce n’est pas le cas puisqu’on observe des phénotypes recombinés, observation impossible dans le cas d’une mutation pléiotrope (on aurait transmission en bloc
des deux phénotypes parentaux).
Comme chaque différence phénotypique ne dépend que d’un seul gène, on peut conclure que
chacun des mutants est muté dans deux gènes.
La troisième question est de savoir si les deux gènes mutés, chez chacun des mutants A, B
ou C, sont génétiquement indépendants ou liés, et dans le dernier cas d’en déduire leur
distance génétique.
Dans le tableau 3.10 les lignes 2 et 5 correspondent aux spores parentales et les lignes 3 et 4
aux spores recombinées.
• L’analyse de la méiose chez les diploïdes issus du croisement A × SSR permet de conclure
à l’indépendance génétique des deux gènes (fréquence des spores parentales, 176, égale à
celle des recombinées, 170).
• L’analyse de la méiose chez les diploïdes issus du croisement B × SSR permet de conclure
à l’indépendance génétique des deux gènes (fréquence des spores parentales, 207, égale à
celle des recombinées, 193; on doit valider cette conclusion par un test statistique, χ2 = 0,49
pour 1 ddl).
Les gènes génétiquement indépendants sont, soit physiquement indépendants soit physiquement
liés mais à une distance telle que la ségrégation de leurs allèles respectifs est
indépendante.
• L’analyse de la méiose chez les diploïdes issus du croisement C × SSR permet de conclure
à la liaison génétique des deux gènes (fréquence des spores parentales, 240, supérieure à
celle des recombinées, 160; on peut valider cette conclusion par un test statistique, χ2 = 16
pour 1 ddl).
Les deux gènes de la souche C, respectivement impliqués dans l’auxotrophie
pour l’uracile et l’incapacité de croissance sur galactose, sont distants de 40 unités de
recombinaison.
Remarque. La distance en cM (ici 80) corrige la sous-estimation de la distance en
unités de recombinaison et peut être supérieure à 50, limite évidente de la distance en
unités de recombinaison.
Dans le cas présent, l’estimation est sans doute assez
mauvaise car il y a peut-être assez souvent plus de deux crossing-over (les seuls cas
envisagés par la distance de Haldane étant 0, 1 et 2 crossing-over).
2. Les croisements entre mutants, sachant que leurs phénotypes sont récessifs, permet
d’interpréter les observations comme le résultat d’un test de complémentation fonctionnelle
et de conclure que les mutations d’auxotrophie touchent trois gènes différents
(a priori on aurait pu imaginer qu’un même gène puisse être impliqué dans deux voies de
biosynthèse), que A et B sont mutés dans deux gènes différents de la voie de métabolisation
du galactose, comme A et C, et qu’au contraire B et C sont mutés dans le même gène de cette
voie.
Bien évidemment, B et C étant des mutants indépendants sont sans doute touchés en des sites
différents de ce gène, mais les deux allèles (hétéro-allèles) sont non fonctionnels.
L’analyse
génétique des trois mutants A, B, C porte donc sur cinq gènes.
3. Pour le gène impliqué dans la voie de métabolisation du galactose, la souche B fournit un
allèle muté noté « gal-B » et la souche C fournit un allèle muté du même gène, noté « gal-C »
(fig. 3.4).
Le nombre de méioses étudiées n’est pas assez important pour pouvoir observer des spores
[gal+] qui supposent un crossing-over intragénique entre les deux sites gal-B et gal-C.
Mais
le tableau des spores permet de tester l’indépendance entre le gène ura et le gène trp; on observe 140 spores parentales [ura– ; trp+] ou [ura+ ; trp–] contre 60 spores recombinées
[ura–; trp–] ou [ura+; trp+], ce qui permet d’estimer la distance entre ces deux gènes, soit 30 ur.
Comme on sait que le gène trp est génétiquement indépendant du gène gal, on peut en
déduire l’ordre des trois gènes et schématiser la situation cartographique chez le diploïde issu
du croisement B × C (fig. 3.4).
Figure 3.4 Carte des gènes et des sites de mutations chez le diploïde B × C,
la position des sites gal-B et gal-C, relativement à ura, est arbitraire.
– Pour le gène impliqué dans la voie de biosynthèse de l’uracile, la souche B fournit
un allèle sauvage noté « ura+ » et la souche C fournit un allèle noté « ura– ».
– Pour le gène impliqué dans la voie de biosynthèse du tryptophane, la souche B
fournit un allèle sauvage noté « trp– » et la souche C fournit un allèle noté « trp+ ».
4. Les 100 colonies [gal+] sur les 200 000 spores testées à l’issue des méioses résultent des
crossing-over intragéniques survenus entre les sites gal-B et gal-C dans certaines de ces
méioses, ce qui permet d’estimer la distance entre ces sites.
Pour 100 spores recombinées [gal+], il y a symétriquement 100 spores recombinées [gal–]
porteuses d’un gène doublement muté, de sorte que la meilleure estimation de la fréquence
des spores recombinées est 200/200 000, d’où une distance gal-B/gal-C égale à 0,001 ur.
5. Les observations réalisées ici constituent le résultat d’un test quatre points qui permet de
positionner les sites gal-B et gal-C l’un par rapport à l’autre en les positionnant par rapport
aux mutations touchant les gènes ura et trp (fig. 3.5).
En effet deux cartographies sont possibles selon la position des sites gal-B et gal-C relativement
au gène ura.
La recombinaison intragénique générant des spores [gal+] va générer un gène gal+ sur une
des chromatides. Dans le premier cas (fig. 3.5), la chromatide porteuse de gal+ sera potentiellement
porteuse de ura– et trp+, tandis que dans le second cas (fig. 3.5), la chromatide
porteuse de gal+ sera alors porteuse de ura+ et trp–.
Bien évidemment, comme des crossing-over, assez fréquents peuvent aussi intervenir entre
le gène gal et le gène ura et entre le gène ura et le gène trp, plusieurs résultats sont possibles,
ce qui complique l’analyse génétique.
Une analyse simple consisterait à définir la spore la plus rare dans chacun des deux cas, puis
à confronter avec les observations. Dans le cas 1, la plus rare, nécessitant deux crossing-over
ce serait [gal+, ura+, trp+]; dans le cas 2, ce serait [gal+, ura–, trp–].
Comme la spore observée
la plus rare est cette dernière, le cas 2 semble correspondre à la réalité, mais 9 et 16 sont-ils
si différents sur un si petit nombre de spores ?
Carte 1 : gal-B proximal/gal-C distal
Carte 2 : gal-B distal/gal-C proximal
Figure 3.5 Deux cartes sont possibles selon la disposition respective
des sites gal-B et gal-C vis-à-vis du gène ura.
Aussi, est-il préférable de faire une analyse plus fine et de tester la cohérence quantitative de
tous les résultats avec chacune des deux cartographies en confrontant les fréquences observées
aux fréquences attendues (tab. 3.13).
TABLEAU 3.13 FRÉQUENCES THÉORIQUES ET VALEURS ATTENDUES DES DIFFÉRENTS TYPES DE SPORES
EN FONCTION DE LA DISPOSITION DES SITES GAL-B ET GAL-C.
r est la fréquence des spores recombinées entre les gènes trp et ura, sa valeur est
0,30 et r′ est la fréquence des spores recombinées entre les gènes ura et gal, sa
valeur est 0,40.
Les observations étant cohérentes avec les valeurs attendues sous la deuxième cartographie,
on peut conclure que le site gal-B est distal par rapport au site gal-C, vis-à-vis des gènes ura
et trp.