La recombinaison génétique par crossing-over et ses conséquences :
Si on considère deux gènes physiquement liés (le couple d’allèles A et a étant
localisés sur le même chromosome que le couple d’allèles B, b), le croisement
de deux souches pures (AB//AB) et (ab//ab) donne un double hétérozygote
(AB//ab).
La méiose, chez ce double hétérozygote, conduira à deux dispositions métaphasiques
possibles mais pas forcément équifréquentes (fig. 3.2), selon que sera survenu
ou non un échange entre chromatides homologues (non soeurs) entre les locus de ces
deux gènes.
Cet échange résulte d’un mécanisme moléculaire de cassure, d’échange et de
soudure des molécules d’ADN contenues dans ces chromatides, mécanisme appelé
crossing-over.
• Dans la fraction (1 – f ) des méioses, où aucun crossing-over n’est survenu entre
les locus des deux gènes (fig. 3.2, gauche), les centromères unissent des chromatides
parentales et leur ségrégation, à la méiose I, conduira à quatre gamètes de type
parental, deux (A, B) et deux (a, b).
• Dans la fraction f des méioses où un crossing-over est survenu entre les locus des
deux gènes, chacun des deux centromères unit deux chromatides dont l’une est
parentale et l’autre recombinée.
La ségrégation des centromères, à la méiose I,
conduira (fig. 3.2, droite) à deux gamètes de type parental, (A, B) et (a, b), et deux
gamètes de types recombinés (A, b) et (a, B).
Remarque 1. La survenue d’un crossing-over entre les deux locus de deux
gènes est un événement d’autant plus rare que les locus sont proches et
d’autant plus fréquents que les locus sont éloignés.
De ce fait les deux types de méioses, sans ou avec un crossing-over, auront
des fréquences respectives (1 – f ) et f dépendant de la distance entre les locus
des gènes étudiés.
Remarque 2. Tant que la distance est faible, on peut considérer que seuls
surviennent les deux types de méioses décrites par la figure 3.2, avec un seul
crossing-over possible entre deux chromatides non-soeur, événement de
probabilité f, comprise entre 0 et 1.
Mais dès que la distance est suffisamment grande, de nombreux autres
schémas de méioses sont possibles, avec plusieurs crossing-over, soit entre les
deux mêmes chromatides soit entre plus de deux chromatides; ces cas seront
explicités dans l’analyse de tétrades.
Quoi qu’il en soit, on peut simplifier la complexité des situations en les résumant
en deux grands cas :
– soit la distance est assez faible, de sorte qu’un certain nombre de méioses se
déroule sans crossing-over entre les locus des deux gènes; dans ce cas la probabilité
(1 – f ) est non nulle.
La conséquence génétique de cette situation (sur un grand nombre de méioses) est
que la fréquence des gamètes recombinés est inférieure à celle des gamètes parentaux,
puisqu’une fraction (1 – f ) non nulle des méioses se déroule sans crossingover
et conduit à des gamètes exclusivement parentaux, alors que les méioses avec
un ou plusieurs crossing-over donnent, en moyenne, autant de gamètes parentaux
que de recombinés.
Pour deux gènes, on définit la liaison génétique par le fait que la fréquence des
gamètes recombinés est inférieure à la fréquence des gamètes parentaux.
– soit la distance est suffisamment élevée, de sorte qu’il y a toujours au moins un
crossing-over; dans ce cas, la probabilité (1 – f ) qu’il n’y ait aucun crossing-over
est nulle.
La conséquence génétique de cette situation est que la fréquence des gamètes
recombinés (sur un grand nombre de méioses) est statistiquement égale à celle des
gamètes parentaux, puisque la fraction (1 – f ) des méioses sans crossing-over,
conduisant à des gamètes exclusivement parentaux, est nulle.
On a défini l’indépendance génétique de deux gènes (voir plus haut) comme
l’égalité des fréquences, à l’issue de la méiose, des gamètes parentaux et des gamètes
recombinés.
Lorsque deux gènes sont physiquement liés mais suffisamment distants pour qu’il
y ait toujours au moins un crossing-over entre leurs locus, ils apparaissent comme
génétiquement indépendants, résultat équivalent à celui de la ségrégation de deux
gènes physiquement indépendants.
Aussi l’observation expérimentale que deux gènes sont génétiquement indépendants
conduit à deux interprétations cartographiques mutuellement exclusives,
soit les deux gènes sont génétiquement indépendants parce qu’ils le sont physiquement,
soit ils sont génétiquement indépendants parce qu’ils sont physiquement
liés mais à une distance telle que la ségrégation de leurs allèles respectifs est
indépendante.
Au contraire, l’observation expérimentale d’une liaison génétique conduit à une
conclusion unique : les deux gènes sont physiquement liés à une distance telle
qu’une fraction des méioses se déroule sans qu’aucun crossing-over ne survienne
entre leurs locus respectifs.