1. a Comme on observe quatre phénotypes différents, avec des phénotypes recombinés nonparentaux
[arg–; trp+] et [arg+; trp–], on peut conclure que la souche mutante diffère de la
SSR pour au moins deux gènes, l’un de la chaîne de biosynthèse de l’arginine, noté ARG1,
l’autre de la chaîne de biosynthèse du tryptophane, noté TRP1.
Compte tenu des informations disponibles, on observe une ségrégation 2/2 pour chacun des
phénotypes d’auxotrophie arg ou trp, correspondant soit à la ségrégation allélique au locus
TRP1, soit à la ségrégation allélique au locus ARG1.
Les souches arg1-1 et SSR ne diffèrent
donc, pour ces phénotypes d’auxotrophie, que pour ces deux gènes.
L’analyse de tétrades montre qu’il y a 12 DP, 10 DR et 13 T; il y a donc indépendance génétique,
puisque f(DP) = f(DR), et physique, puisque f(T) < 2/3.
Les deux gènes ARG1 et TRP1
sont portés par des chromosomes différents.
Par ailleurs, sachant que le locus du gène TRP1 ségrège avec son centromère, on peut en
déduire que tous les tétratypes résultent d’une recombinaison entre le locus du gène ARG1 et
son centromère, la fréquence des tétratypes est donc égale à la fréquence de postréduction
pour le locus ARG1, soit 37,2 %, ce qui permet d’en déduire sa distance au centromère, soit
18,2 unités de postréduction.
b. • La première expérimentation est destinée à estimer la fréquence de la recombinaison intragénique entre deux sites de mutation du même gène, permettant ainsi à la méiose, chez
le diploïde porteur de deux mutations différentes du même gène, de reconstituer par crossingover
entre les sites, une séquence sauvage fonctionnelle, selon le schéma ci-dessous :
C’est possible dans les deux premiers croisements, c’est difficile, voire impossible dans le
troisième.
Ce résultat peut signifier que la distance entre les sites mutés arg1-2 et arg1-3 est
très faible ou que la mutation arg1-3 est une délétion couvrant le site arg1-2, ce qui exclut
toute possibilité de reconstitution d’une séquence sauvage.
La recombinaison intragénique, dans les deux premiers croisements, génère deux gamètes
recombinés, l’un de génotype sauvage, l’autre doublement muté (voir schéma ci-dessus).
La
fréquence des gamètes recombinés est donc égale au double de la fréquence des gamètes
sauvages générés par crossing-over, ce qui donne une fréquence de 0,15 ur entre arg1-1
et arg1-2 et 0,10 ur entre arg1-1 et arg1-3.
Si arg1-3 était une mutation ponctuelle, sa distance avec arg1-1 étant de 0,15 ur, sa distance
avec arg1-2 devrait être au moins de 0,05 ur (si arg1-2 est centrale), ce qui conduirait à
observer 25 colonies sauvages sur 200 000 spores testées.
Le fait de n’en observer aucune
(y compris quand on répète l’expérience) est favorable à l’hypothèse que arg1-3 est une
délétion.
• La seconde expérimentation permet d’obtenir des révertants [arg+] à partir des mutants
arg1-1 et arg1-2 mais pas à partir de arg1-3, ce qui renforce l’hypothèse de délétion pour
arg1-3.
• La troisième expérimentation montre que des révertants [arg+] issus de arg1-2 sont souvent
aussi [trp+].
Cette observation est favorable à l’hypothèse que les deux mutations arg1-2
et trp1-5 voient leur effet corrigé par un même suppresseur allèle spécifique d’opale, puisque
la souche mutée est trp1-5. La mutation arg1-2 serait une mutation opale.
• La quatrième expérimentation montre que les révertants [arg+] issus du mutant arg1-1 ne
sont jamais [trp+], ce qui peut s’interpréter de plusieurs manières, soit la mutation arg1-1 est
une mutation non-sens autre que opale, et un suppresseur informationnel de arg1-1 restera
inactif vis-à-vis de la mutation opale trp1-5, soit c’est une mutation de nature différente
(faux-sens, décalage, promoteur…); arg1-1 peut aussi être une mutation opale qui exige du
suppresseur l’apport d’un acide aminé compatible avec la séquence de ARG1 mais incompatible
avec celle de TRP1.
• La cinquième expérimentation permet de conclure que arg1-1 n’est pas une mutation de
décalage du cadre de lecture, sinon l’action mutagène d’un agent intercalant serait susceptible
de fournir des révertants.
2. Une analyse génétique semblable à celle de la question 1 permet d’affirmer que la souche
arg2-1 et la SSR ne diffèrent que pour deux gènes ARG2 et TRP1.
L’analyse de tétrades permet d’établir que les deux gènes ARG2 et TRP1 sont génétiquement
liés, puisque f(DP) >> f(DR). Leur distance est égale à [f(T)/2 + 3f(DR)] × 100 = 9 ur.
3. En clonant des fragments de digestion partielle, on souhaite cloner des fragments susceptibles
d’être porteurs de séquences fonctionnelles, pouvant restituer un phénotype sauvage
dans la souche transformée.
L’allèle trp1+ du plasmide est un gène de sélection positive des transformés. Ici la souche
transformée est (arg1-1; trp1-5) de phénotype [Arg–; Trp–].
Le fait que certains transformés
[trp+], qui ont acquis le plasmide, soient aussi [arg+], phénotype testé par la réplique sur Mo,
prouve qu’une séquence originaire de la souche arg1-1 est susceptible de restituer le phénotype
[arg+] à la souche arg1-1 :
– il ne peut pas s’agir de l’allèle arg1-1;
– il peut s’agir de révertants spontanés, auquel cas le phénotype [trp+] est conféré par le plasmide
mais le phénotype [arg+] est conféré par une mutation dans le génome du révertant;
– il peut s’agir de la séquence sauvage d’un gène G qui, malgré son existence chez arg1-1,
n’a d’effet ici que parce qu’elle est en multicopie grâce au plasmide.
C’est pourquoi il est utile de réextraire les plasmides des 5 souches transformées afin de
retransformer la souche arg1-1 :
– en cas de réversion, les plasmides extraits des transformées sont porteurs d’une séquence
quelconque et seront donc incapables de restituer le phénotype [arg+] à des cellules arg1-1
retransformées par le plasmide; c’est le cas 1 fois sur 5;
– en cas d’apport d’un transgène suppresseur G par le plasmide, la retransformation de arg1-1
par ces plasmides permettra de restituer chez tous les transformants le phénotype [arg+];
c’est le cas 4 fois sur 5.
4. a Les quatre plasmides ayant une séquence commune, il semble qu’ils soient tous porteurs
d’un même transgène G.
4. b Le fragment r correspond à la plus petite partie commune des quatre inserts obtenus et il
contient le gène G puisque son clonage dans un plasmide réplicatif multicopie à un effet
suppresseur sur arg1-1.
Le fait que les fragments p et q soient incapables, après clonage et transformation d’une
souche arg1-1, d’avoir un effet suppresseur, comme r, permet de conclure que le gène G est délété dans chacun des fragments p et q. Le gène G s’étend à gauche de p et à droite de q.
En conséquence, le fragment o est central, il est délété de la partie 5′ et de la partie 3′ du
gène G, il est logique que son insertion dans un plasmide réplicatif multicopie ne permette
pas à ce plasmide de restituer le phénotype [Arg+].
4. c La souche A est simplement trp1-5.
La transformation avec le plasmide linéarisé est obligatoirement de type intégratif; les transformants
[Trp+] ont intégré l’ADN linéaire par recombinaison homologue au niveau des
séquences terminales de cet ADN linéaire, c’est-à-dire dans le gène G, puisque le fragment O
est interne à G.
Ce gène G est alors inactivé, puisque l’insertion du plasmide va générer deux copies incomplètes
de G, l’une dépourvue de la partie 5′ et l’autre dépourvue de sa partie 3′.
Le fait que tous les transformés [Trp+] soient [Arg–] montre que l’inactivation du gène G, par
insertion du plasmide restituant le phénotype [trp+], conduit systématiquement au phénotype
[Arg–].
Ce protocole a permis d’avoir, de manière « ciblée », un mutant par inactivation de G.
Le croisement d’un transformant [trp+; arg–] par sauvage donnant des diploïdes [arg+]
prouve que la perte de fonction dans le gène G a un effet récessif vis-à-vis de l’effet de
l’allèle sauvage; ce qui autorise à conclure dans le croisement suivant.
En effet, le croisement entre un transformant [trp+; arg–], muté dans le gène G et un mutant
arg2-1, muté dans le gène ARG2, est un test de complémentation fonctionnelle, prouvant que
le gène G cloné est, en fait, le gène ARG2.
4. d Cette observation confirme en effet la conclusion que le transgène G est ARG2.
En effet, le diploïde étant hétérozygote trp1+//trp1-5 au locus du gène TRP1, le phénotype
[Trp+] dépendra à la fois de la ségrégation à ce locus, mais aussi de la ségrégation au
locus du gène ARG2, où l’un des allèles est sauvage et l’autre muté par inactivation, par
insertion d’un plasmide apportant l’allèle trp1+.
Sachant que les deux locus sont liés, à une distance de 9 ur, on peut écrire ainsi le génotype
du diploïde :
On attend et on observe bien une ségrégation 2/2 pour le phénotype arginine, avec un allèle
sauvage arg2+ et un allèle muté par insertion du plasmide porteur de trp1+, noté arg2::trp1+.
Pour le phénotype tryptophane, le résultat ne dépend pas que de la ségrégation 2/2 des
allèles trp1+ et trp1-5 au locus TRP1, mais aussi de la ségrégation de l’allèle trp1+ dans
l’allèle de perte de fonction au locus du gène ARG2, situé à 9 ur, de sorte qu’un crossing-over
peut former des spores recombinées avec deux allèle trp1+ ou aucun.
On attend alors, si le plasmide porteur de trp1+ est bien inséré dans ARG2 :
– 45,5 % de spores parentales (arg2+ ; trp1+) de phénotype [Trp+; Arg+], ce qu’on observe;
– 4,5 % de spores recombinées (arg2+ ; trp1-5) de phénotype [Trp–; Arg+], ce qu’on observe;
– 4,5 % de spores recombinées (arg2::trp1+ ; trp1+) de phénotype [Trp+; Arg–] qui s’ajoutent
aux 45,5 % de spores parentales (arg2::trp1+; trp1-5) de même phénotype, ce qui conduit
au total observé de 50 % de phénotypes [Trp+; Arg–].
On ne peut évidemment obtenir aucune spore de phénotype [Trp–; Arg–], puisque le phénotype
[Arg–] résulte de l’inactivation du gène ARG2 par l’insertion du plasmide qui apporte
obligatoirement trp1+ conférant le phénotype [Trp+].
5. La souche arg1-1 est de phénotype [Arg–] alors qu’elle possède l’allèle sauvage arg2+ du
gène ARG2.
Le fait de cloner, en multicopie cet allèle arg2+ dans arg1-1, lui confère le phénotype [Arg+],
ce qui prouve que le phénotype [Arg+] dépend de la quantité de produit du gène ARG2.
Par ailleurs, la position de la mutation arg1-1 dans le gène ARG1 semble indiquer qu’elle
affecte le promoteur.
On pourrait faire l’hypothèse que le gène ARG2 code pour un activateur de ARG1 et que la
mutation arg1-1, affectant le promoteur, limiterait l’efficacité de l’activateur en deçà d’un
seuil critique.
L’effet suppresseur serait alors dû à la concentration de l’activateur résultant du nombre
élevé de copies du gène ARG2, pouvant alors forcer l’équilibre thermodynamique en faveur
de la fixation de l’activateur.
Cette hypothèse reste à vérifier expérimentalement !
Problème 10.7
On rappelle que les gènes CYC1 et CYP3 codent
respectivement l’iso1-cytochrome c et l’iso2-cytochrome c, que ces deux isoenzymes représentent respectivement 95 % et 5 % de la quantité totale
de cytochrome c présente dans les chaînes respiratoires de la souche
sauvage, et que l’absence d’iso1-cytochrome c ne permet plus de pousser
sur lactate (lct) mais permet encore de pousser sur glycérol (gly).
On a montré que le gène CYP3 était soumis à une régulation transcriptionnelle
positive.
On dispose de deux souches haploïdes sauvage de levure Saccharomyces cerevisiae, S de signe MATa et S′ de signe MATα.
On dispose de deux souches haploïdes de levure Saccharomyces cerevisiae,
de génotype cyc1-1 (délétion totale du gène cyc1), A de signe MATa
et A′ de signe MATα.
1. Après avoir soumis une culture de A à l’action d’un mutagène, on
dépose environ 109 cellules sur une boîte de milieu Mo (lct); cinq colonies
s’y développent, nommées respectivement R1 à R5. R1 à R5 se développent
aussi sur glycérol.
Le dosage d’iso1-cytochrome c, chez R1 à R5 se
révèle totalement négatif et le dosage d’iso2-cytochrome c donne des
valeurs comprises entre 40 % et 80 % de la quantité totale de cytochrome c
observée chez S.
Quelle est l’interprétation génétique, physiologique et biochimique de ces
résultats ?
2. On réalise les croisements R1 × S′ et R1 × A′. Les diploïdes sont tous de
phénotype [gly+, lct+].
L’analyse de tétrades issues de la méiose des diploïdes R1 × S′ donne :
– 20 tétrades à 4 spores [gly+, lct+];
– 19 tétrades à 2 spores [gly+, lct+] et 2 spores [gly+, lct–];
– 21 tétrades à 3 spores [gly+, lct+] et 1 spore [gly+, lct–].
L’analyse de tétrades issues de la méiose des diploïdes R1 × A′ donne
des tétrades qui sont toutes constituées de 2 spores [gly+, lct+] et 2 spores
[gly+, lct–].
Donnez une interprétation génétique précise et complète de tous ces résultats
(génotypes et phénotypes, finalité des croisements réalisés).
NB : on obtient des résultats semblables avec les souches R2 à R5.
3. On réalise les croisements R1 × C et R3 × C, où C est une souche de
phénotype [gly–, lct–] et de génotype (MATα, cyc1-1, cyp3-10), où cyp3-10
est une mutation ponctuelle du gène CYP3 aboutissant à l’absence totale
d’iso2-cytochrome c.
Les diploïdes sont tous de phénotype [gly+, lct+].
L’analyse de 30 tétrades issues de la méiose des diploïdes R1 × C donne :
– 6 tétrades à 2 spores [gly+, lct+] et 2 spores [gly–, lct–];
– 17 tétrades à 1 spore [gly+, lct+], 2 spores [gly–, lct–] et 1 spore [gly+, lct–];
– 7 tétrades à 2 spores [gly+, lct–] et 2 spores [gly–, lct–].
L’analyse de 86 tétrades issues de la méiose des diploïdes R3 × C donne :
– 85 tétrades à 2 spores [gly+, lct+] et 2 spores [gly–, lct–];
– 1 tétrade à 1 spore [gly+, lct+], 2 spores [gly–, lct–] et 1 spore [gly+, lct–],
tétrade notée T.
Donnez une interprétation génétique précise et complète de tous ces résultats,
sans oublier les aspects cartographiques, et confrontez vos conclusions
aux hypothèses formulées à la question 1.
4. On reprend les 2 spores [gly–, lct–] de la tétrade nommée T (question
précédente) et on les croise, selon le signe sexuel de chacune d’elle, avec une
souche A ou A′.
Les deux diploïdes obtenus sont de phénotype [gly+, lct–].
a. Quels sont les génotypes des deux spores de la tétrades T ? Justifiez le
choix de cette tétrade.
b. Que prouvent les observations réalisées, par rapport à vos conclusions
précédentes ?
c. Quelles auraient été les observations dans le cadre de l’hypothèse
alternative ?
5. À partir de la souche R1, on obtient deux mutants indépendants de phénotype
[gly–, lct–], notés D et E, toujours dépourvus d’iso1-cytochrome c.
E est également dépourvu d’iso2-cytochrome c, tandis que D présente un
taux égal à 2 % de la quantité sauvage, ce qui ne lui permet plus de pousser
sur glycérol.
Les souches D et E sont croisées avec R1′ (même génotype que R1 sauf
pour le signe sexuel qui est opposé); les diploïdes sont tous de phénotype
[gly+, lct+] et donnent à la méiose un seul type de tétrades avec deux spores
[gly+, lct+] et deux spores [gly–, lct–].
Les souches D et E sont également croisées avec C; le diploïde D × C est
de phénotype [gly+, lct–] et le diploïde E × C est de phénotype [gly–, lct–].
Donnez une interprétation génétique précise et complète de tous ces résultats,
et confrontez vos conclusions aux hypothèses formulées à la question 3
pour expliquer le phénotype [gly–, lct–] des mutants D et E, en rapport avec
les dosages réalisés chez ces mutants. Cette question est indépendante de
la 4.
➤ Niveau Licence-Master (L3, M1) :
NB : problème adapté d’un TD conçu par C. Isnard, J. Deutsch, D. Cohen (université
Paris VI) à partir des travaux de J. Verdière (CNRS, Gif s/Yvette).