Inflammation

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Définitions, historique :

1- PROCESSUS INFLAMMATOIRE :

L’inflammation est un phénomène banal, quotidien, intervenant dans une multitude de circonstances et de maladies dont l’expression clinique et la gravité sont extrêmement diverses.

A première vue, il n’y a pas grand chose de commun entre un rhume et une polyarthrite rhumatoïde, ce sont pourtant deux maladies liées au déroulement d’un processus inflammatoire.

2- ÉLÉMENTS DE VOCABULAIRE :

L’inflammation est un processus lésionnel complexe dont la morphologie est étudiée et connue de longue date et dont les enchaînements et la physiopathologie sont encore imparfaitement élucidés.

Les étapes de ce processus lésionnel se succèdent dans un ordre déterminé, sous l’influence de substances chimiques qui apparaissent successivement dans le foyer inflammatoire et qui ont une action pharmacologique propre sur les cellules, les substances inter-cellulaires et les vaisseaux: ce sont les médiateurs chimiques de l’inflammation.

Le déclenchement du processus est la conséquence d’une agression de cause variable avec une destruction cellulaire localisée qui a entraîné une réaction du tissu conjonctif et des vaisseaux qui le parcourent.

Les tissus dépourvus de vaisseaux, comme le cartilage ou la cornée, sont donc incapables de développer une réaction inflammatoire complète.

Les agressions par des agents pathogènes vivants (bactéries, virus, champignons, parasites), appelées infections, sont des causes fréquentes et importantes de réactions inflammatoires.

Inflammation

Elles sont loin d’être les seules et les termes d’infection et d’inflammation ne sont nullement synonymes.

Il existe, en effet, des inflammations de causes non infectieuses et des infections qui ne déclenchent pas de réactions inflammatoires.

On emploie comme synonymes d’inflammation, les termes de réaction inflammatoire ou de processus inflammatoire, selon que l’on voudra mettre l’accent sur le fait que l’inflammation se produit en réaction à une agression ou sur le fait que c’est un processus lésionnel dont le déroulement se fait en phases successives.

Bien qu’il existe de multiples exceptions, il faut retenir qu’en principe un terme médical terminé par le suffixe “ite” désigne une inflammation:

• conjonctivite: inflammation de la conjonctive;

• péritonite: inflammation du péritoine;

• arthrite: inflammation d’une articulation, etc.

3- ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LE PROCESSUS INFLAMMATOIRE :

La connaissance que l’on a du processus inflammatoire s’est progressivement affinée au cours des siècles.

Jusqu’au 19è siècle, l’inflammation était définie comme elle l’avait été par CELSE dans l’antiquité par des signes purement cliniques: rougeur, augmentation de la chaleur locale, douleur et gonflement.

Ces signes étaient les signes cardinaux de l’inflammation.

Dans la seconde moitié du 19è siècle, des chercheurs tels CONHEIM et METCHNIKOFF ont décrit en détails les évènements microscopiques qui se déroulent au cours d’une réaction inflammatoire.

L’étude de la physiopathologie a débuté vers 1910 avec la découverte de l’histamine, premier médiateur chimique.

Après 1950, l’étude de l’inflammation a bénéficié des progrès de l’immunologie, de la pharmacologie, de la biologie cellulaire et de la thérapeutique avec la découverte de médicaments anti-inflammatoires.

L’élucidation des mécanismes précis du processus inflammatoire et de tous les évènements qui contribuent à son déroulement est loin d’être achevée.

Il faut qu’il soit clair qu’en matière de processus inflammatoire, il y a deux ordres de connaissances:

• des connaissances relativement anciennes et presque figées.

Ce sont celles qui concernent les lésions et la morphologie de la réaction inflammatoire.

Elles ont été établies par de multiples observations maintes fois répétées;

• des connaissances relativement récentes et en mutation permanente.

Ce sont celles qui concernent la physiopathologie de la réaction inflammatoire et expliquent l’enchaînement des diverses lésions et l’action des médicaments actifs sur l’inflammation.

Pour pouvoir suivre l’évolution des connaissances physiopathologiques, il est indispensable d’avoir une idée claire de la séquence morphologique.

Activations cellulaires et modifications tissulaires :

1 – LA SÉQUENCE MORPHOLOGIQUE DE LA RÉACTION INFLAMMATOIRE DANS L’EXEMPLE D’UNE PLAIE CUTANÉE :

La réaction inflammatoire a des caractères communs, quel que soit l’organe où elle se produit et quelle qu’en soit la cause.

Après son déclenchement par une agression initiale, la réaction inflammatoire comporte des étapes suivantes:

• réaction vasculo-sanguine (ou phase vasculaire),

• constitution d’un granulome inflammatoire et détersion (ou phase cellulaire),

• réparation et cicatrisation.

A) LA RÉACTION VASCULO-SANGUINE :

C’est le premier temps de la réaction.

Dans les instants qui suivent l’agression apparaissent une congestion et un oedème inflammatoire.

1) La congestion :

Résulte d’une vasodilatation active des vaisseaux artériolaires puis des vaisseaux capillaires.

Le débit sanguin augmente, expliquant la rougeur et la chaleur observées cliniquement.

Morphologiquement, les capillaires sont distendus par les hématies et bordés par un endothélium turgescent.

2) L’oedème inflammatoire :

Est le résultat du passage dans le tissu conjonctif de liquide intra-vasculaire.

Ce passage est rendu possible par l’augmentation de la perméabilité de la paroi des vaisseaux qui permet la fuite d’un liquide riche en protéines (exsudat).

Cette augmentation de perméabilité relève de différents mécanismes :

* contraction endothéliale libérant des pores intercellulaires,

* formation de pores intracellulaires (ou transcytose),

* lésions des cellules endothéliales, …

L’augmentation de la pression sanguine hydrostatique et la baisse de la pression oncotique (à cause de la fuite des protéines) aboutissent à l’accumulation massive, dans les espaces interstitiels du tissu conjonctif, d’eau et de protéines plasmatiques, en particulier du fibrinogène, des fractions du complément et des immunoglobulines

3) La diapédèse des polynucléaires :

Elle est presque contemporaine de l’oedème et de la congestion.

Il s’agit du passage des polynucléaires neutrophiles, ou éosinophiles, voire basophiles, à travers la paroi des veinules post-capillaires.

a) Ce passage se fait au terme de la séquence suivante:

• ralentissement du courant circulatoire;

• margination des polynucléaires qui se rapprochent de la paroi des vaisseaux, circulant à la partie périphérique de la colonne intra-vasculaire, dont le centre est occupé par les hématies;

• roulement des polynucléaires le long de l’endothélium;

• adhérence des polynucléaires à l’endothélium;

• transmigration des polynucléaires entre deux cellules endothéliales.

b) Le ralentissement du courant circulatoire (ou stase) est dû à l’hémoconcentration secondaire à la fuite de liquide plasmatique décrite précédemment.

Le phénomène d’adhérence des cellules inflammatoires sur l’endothélium vasculaire est rendu possible grâce à l’existence de molécules d’adhésion intercellulaires.

Ces molécules, présentes sur la membrane des leucocytes se lient de façon spécifique à d’autres molécules, exprimées sur la membrane des cellules endothéliales.

Au cours de la réaction inflammatoire, on observe une augmentation de l’expression de ces molécules d’adhésion sous l’influence de divers médiateurs ( C5a, IL-1).

Les sélectines (E-sélectine ELAM1,…) sont impliquées dans la phase initiale (roulement, adhérence labile).

Les intégrines (LFA-1, VLA-4,…) interviennent dans la phase suivante d’adhérence forte.

La transmigration est rendu possible par l’écartement des cellules endothéliales et la mobilité et la déformabilité du cytoplasme des polynucléaires.

Ils peuvent émettre des pseudopodes, leur noyau est segmenté, formé de plusieurs masses chromatiniennes de diamètre réduit, ce qui leur permet de se faufiler entre deux cellules endothéliales.

Cette transmigration implique aussi des molécules d’adhésion (CD31 appelée aussi PECAM-1,…)

Les polynucléaires traversent ensuite la membrane basale, localement dissoute par leurs enzymes (collagénases,…).

c) Les polynucléaires vont quitter l’environnement des vaisseaux, attirés par un phénomène de chimiotactisme et exercer éventuellement une activité de phagocytose (voir ci-après).

Le polynucléaire est une cellule à durée de vie limitée (de l’ordre de 24h à 48h); il sera rapidement détruit dans le foyer inflammatoire.

Il peut, dans certains cas, se charger de graisse et perdre son noyau qui se pycnose.

Lorsque les polynucléaires ainsi altérés sont en grand nombre, ils forment, avec les débris de la nécrose tissulaire, ce que l’on appelle le pus, liquide plus ou moins consistant défini comme une accumulation de polynucléaires altérés; le polynucléaire altéré porte le nom de pyocyte

4) L’exsudat inflammatoire :

Au terme des événements qui précèdent, se trouve dans les tissus un liquide riche en protéines, contenant plus ou moins de fibrine, plus ou moins de polynucléaires, avec ou sans pus.

L’ensemble de ces éléments qui sont sortis des vaisseaux pour passer dans le tissu conjonctif ou se répandre à la surface d’une plaie ouverte constitue l’exsudat inflammatoire.

La réaction vasculo-sanguine constitue la phase exsudative de l’inflammation et l’on parlera d’inflammation exsudative lorsque les phénomènes vasculo-sanguins dominent l’ensemble du tableau anatomo-clinique.

B) LA RÉACTION CELLULAIRE ET LA FORMATION DU GRANULOME INFLAMMMATOIRE :

Très rapidement, le foyer inflammatoire va s’enrichir en cellules de provenance variée.

Les polynucléaires arrivés dès la phase vasculo-sanguine sont suivis rapidement par d’autres cellules sanguines, les monocytes, qui vont se transformer dans les tissus en histiocytes.

Outre cet afflux sanguin, on assiste à une multiplication sur place d’un certain nombre de cellules telles les fibroblastes, les cellules lymphoïdes (lymphocytes et plasmocytes).

Les histiocytes formés par transformation des monocytes peuvent eux-même se diviser et se multiplier sur place.

On donne à l’ensemble des cellules présentes dans le foyer inflammatoire le nom de granulome inflammatoire.

Il est constitué d’éléments ayant des spécialités fonctionnelles différentes:

• phagocytes

• cellules immunologiquement compétentes,

• fibroblastes.

1) Les phagocytes et la phagocytose :

Les phagocytes comprennent les polynucléaires et les macrophages (ou phagocytes mononucléés).

La phagocytose est l’englobement dans le cytoplasme du phagocyte d’une particule étrangère vivante ou inerte qui sera digérée par les enzymes protéolytiques des lysosomes ( hydrolases, phosphatases, élastases, collagénases, etc.).

a) Les étapes de la phagocytose sont les suivantes

1- Reconnaissance et adhérence: les opsonines.

Le plus souvent, la phagocytose n’est possible que lorsque la particule à phagocyter est englobée par une molécule protéique appelée opsonine.

Les deux opsonines les mieux connues sont les IgG et C3b.

A chacune de ces opsonines correspond sur la membrane du phagocyte un récepteur spécifique qui permet l’adhérence entre le phagocyte et l’ensemble opsonine – particule à phagocyter.

2- Englobement dans une vacuole cytoplasmique.

Fusion de cette vacuole avec un lysosome pour former un phagolysosome au sein duquel le corps phagocyté sera détruit par les enzymes.

b) Au cours du processus de phagocytose, les phagocytes vont libérer un certain nombre d’enzymes protéolytiques dans leur environnement et ces enzymes vont se répandre dans le foyer inflammatoire.

c) La particule phagocytée n’est pas constamment détruite, soit qu’il s’agisse de germes virulents capables de tuer le phagocyte, soit qu’il s’agisse de particules complètement indigestes (voir infra, silicose,)

d) Les phagocytes impliqués dans le processus que nous venons décrire sont les macrophages et les polynucléaires.

Ils ont en commun un précurseur médullaire, la mobilité, les récepteurs de membrane pour les opsonines et, à des détails près, l’équipement enzymatique protéolytique.

Il y a cependant des différences importantes entre polynucléaires et macrophages:

1- Le polynucléaire est une cellule sur spécialisée.

La phagocytose est son activité exclusive, il est incapable de se diviser et sa durée de vie est brève, ne dépassant pas 3 à 5 jours.

2- Le macrophage, à l’inverse, est une cellule ayant conservé ses capacités de différenciation et de division.

Outre la phagocytose, le macrophage assure la présentation d’antigène aux cellules immunologiquement compétentes et sécrète divers facteurs solubles actifs dans le foyer inflammatoire. d’opsonines (Ig et C3b), sont reconnus par les récepteurs des opsonines et internalisés.

La vacuole de phagocytose se fusionne avec un lysosome pour former un phagolysosome.

Au cours de ce processus, la réduction du NADPH entraîne la formation de dérivés oxygénés (ion peroxyde: O2- et eau oxygénée), ainsi que de dérivés chlorés (ion HOCl-), très bactéricides.

Leur action est complétée par celle des enzymes déjà présents dans les lysosomes.

e) la détersion

Définition: c’est l’évacuation hors du foyer inflammatoire des éléments cellulaires ou tissulaires détruits lors de l’agression initiale ou au cours du développement du processus inflammatoire, des germes pathogènes et des corps étrangers éventuels, et des liquides en excès apportés par l’exsudat inflammatoire.

La détersion est un préliminaire indispensable à la guérison: faute de détersion, le processus inflammatoire persiste sous une forme modifiée et passe à la chronicité.

Dans la plupart des cas, la détersion se fera grâce aux phagocytes qui assureront la destruction locale des éléments présents dans le foyer inflammatoire, le liquide d’oedème étant drainé par le système lymphatique.

On parle dans ces cas de détersion interne.

Ces mécanismes peuvent être insuffisants, notamment lorsqu’il existe dans le foyer inflammatoire des corps étrangers qui ne peuvent être digérés par des macrophages ou lorsqu’il existe une certaine quantité de pus.

Celui-ci doit alors nécessairement être évacué à l’extérieur, soit par une excision chirurgicale, soit par une ouverture spontanée (fistulisation).

Dans ce cas, la détersion n’est souvent que partielle et la persistance d’éléments nécrosés non détergés entretient indéfiniment le processus inflammatoire qui va évoluer vers la chronicité.

2) Les cellules immunologiquement compétentes :

Ce sont des lymphocytes T, supports de l’immunité cellulaire et des lymphocytes B qui se transforment en plasmocytes et sécrètent des immunoglobulines spécifiquement dirigées contre les antigènes présents dans le foyer inflammatoire; ceci permet la formation locale de complexes immuns.

Des marqueurs immunohistochimiques permettent de différencier les différentes populations lymphocytaires : les lymphocytes B sont marqués par l’anticorps anti-CD20 (CD20+), et les lymphocytes T par l’anticorps anti-CD3 (CD3+).

3) Les fibroblastes :

Ce sont les éléments constitutifs du tissu conjonctif, capables d’assurer la synthèse de ses différents constituants.

Dès le début du processus inflammatoire, ils vont commercer à proliférer et à élaborer des éléments qui permettront la reconstitution des tissus conjonctifs détruits.

Au moment de la phase de réparation, ils vont subir une différenciation particulière et acquérir un aspect intermédiaire entre celui du fibroblaste normal et celui de la cellule musculaire lisse.

Ce fibroblaste transformé est appelé myofibroblaste, cellule ayant gardé les capacités de synthèse du fibroblaste et ayant acquis la contractilité de la cellule musculaire lisse.

Ces propriétés sont utiles dans la coaptation des plaies, par exemple.

C) RÉPARATION: LE BOURGEON CHARNU ET LA CICATRISATION :

Le remplacement des cellules lésées ou détruites et la réparation des tissus au décours d’une inflammation sont indispensables à la survie de l’organisme.

La réparation tissulaire met en jeu deux processus : (1) la régénération, remplacement des cellules parenchymateuses lésées par des cellules du même type, (2) le remplacement de la perte de substance par du tissu conjonctif (ou fibrogenèse).

Ces deux processus contribuent à la réparation tissulaire, dans des proportions variées suivant l’organe et le type de la lésion initiale.

La réparation par du tissu conjonctif est un processus très général succédant à une nécrose tissulaire.

Elle met en jeu les fibroblastes présents dans le foyer inflammatoire ou à son pourtour.

La formation de ce tissu ne peut se faire que s’il se constitue parallèlement une néo-vascularisation par bourgeonnement des anses capillaires des tissus sains avoisinants.

La réparation survient précocement au cours de l’inflammation.

Les fibroblastes et les cellules endothéliales prolifèrent pour former vers le 3ème jour un tissu caractéristique de la cicatrisation, jeune et hyper vascularisé, dénommé tissu de granulation ou bourgeon charnu.

C’est l’aspect rose, mou et granuleux qui est à l’origine de ces termes.

Ce processus comporte quatre étapes :

• l’angiogenèse (formation de nouveaux vaisseaux par bourgeonnement des vaisseaux préexistants)

• la migration et la prolifération des fibroblastes

• le dépôt de matrice extracellulaire

• la maturation du tissu fibreux (ou remodelage)

1) Morphologie du bourgeon charnu :

Il est constitué d’un tissu conjonctif jeune, relativement pauvre en structures fibrillaires et riche en liquide d’oedème interstitiel et en cellules.

On observe à partir du réseau vasculaire préexistant la formation de nouveaux vaisseaux capillaires, à l’endothélium turgescent dont les cellules sont souvent en mitoses.

Ces néovaisseaux ont d’abord l’aspect de bourgeons pleins , puis se creusent secondairement d’une lumière.

Leurs parois sont perméables et permettent le passage dans le tissu interstitiel d’un exsudat riche en protéines, responsable d’un oedème.

Les fibroblastes migrent et prolifèrent à la suite des vaisseaux néoformés.

Ils élaborent la matrice extracellulaire, et le bourgeon charnu s’enrichit progressivement en fibres collagènes et devient moins oedémateux.

Le remodelage de ce tissu conjonctif, dont les vaisseaux et les faisceaux collagènes vont lentement s’organiser de façon à reproduire l’architecture du tissu préexistant à la réaction inflammatoire, peut demander plusieurs mois.

Des cellules de l’inflammation (lymphocytes, macrophages, …) sont souvent abondantes dans le tissu néoformé, puisque la réaction inflammatoire et le processus de réparation tissulaire se chevauchent partiellement.

Les tissus épithéliaux de revêtement ou parenchymateux, les cellules conjonctives spécialisées (muscle, os) soit reprennent progressivement leur place, soit disparaissent définitivement remplacés par une cicatrice fibreuse.

Le bourgeon charnu, appelé aussi tissu de granulation, est un exemple concret d’un processus très général: la capacité de régénération du tissu conjonctif suite à une nécrose tissulaire.

Il succède donc à une blessure, à une nécrose parenchymateuse, à une inflammation aiguë suffisamment nécrosante.

Il est constitué à partir du 3° jour; dans des circonstances défavorables il pourra persister très longtemps.

Il finira par s’éteindre, mais dans certains cas il pourra laisser une cicatrice fibreuse collagénique.

Les exemples choisis pour l’étudiant proviennent:

– soit de cicatrices de sutures digestives qui peuvent bourgeonner pendant plusieurs semaines. Dans ce cas il n’y a pas d’organe normal histologiquement reconnaissable sur ces fragments prélevés à la pince endoscopique;

– soit d’une berge d’une plaie cutanée restée béante ou secondairement désunie.

C’est la cicatrisation de deuxième intention.

On peut alors reconnaître sur la coupe des portions d’épiderme hyperplasique.

Ce tissu de réparation n’a pas de correspondance en histologie normale.

On y reconnaît d’abord la marque d’une angiogenèse capillaire par migration, mitoses et différenciation des cellules endothéliales venues de la berge restée vivante de la lésion.

On pourra saisir les bouquets de capillaires qui montent du fond de la blessure, mais le plus souvent on reconnaît seulement des sections capillaires dilatées, à endothélium globuleux, substratum de la néo-vascularisation.

Les fibroblastes migrent et prolifèrent à la suite de la prolifération capillaire.

Ils synthétisent activement les composants non figurés et figurés fibrillaires de la matrice extracellulaire.

Ces fibroblastes contrôlent le remodelage de cette matrice qui va progressivement devenir moins oedémateuse et s’enrichir en collagène.

Si le tissu de granulation est au contact d’un milieu septique, les cellules de l’inflammation seront abondantes dans cette matrice néoformée.

Ce sont les leucocytes mononucléés, lymphocytes T et lymphocytes B, éventuellement transformés en plasmocytes, les histiocytes macrophages. Parfois des polynucléaires éosinophiles sont présents.

Le pathologiste qualifie volontiers cet infiltrat du terme d’inflammation subaiguë.

Au fur et à mesure que la perte de substance va se combler les tissus épithéliaux de revêtement ou parenchymateux, les cellules conjonctives spécialisées (muscle, os) pourront soit reprendre leur place, soit rester manquants définitivement, remplacés alors par une cicatrice collagénique.

2) processus de fibrogenèse :

Au cours de la cicatrisation, les fibroblastes synthétisent et sécrètent du collagène dès le troisième jour.

Cette accumulation de collagène va durer plusieurs semaines, mais il faut savoir que la quantité de collagène accumulé est le résultat non seulement de la synthèse, mais également de la dégradation des molécules de la matrice extra-cellulaire.

La synthèse est stimulée par des facteurs de croissance (PDGF, FGF, TGF béta), et des cytokines fibrogéniques (IL-1 et TNF), sécrétés par diverses cellules, mais surtout par des macrophages activés. Ces mêmes facteurs ont également induit l’afflux et la multiplication des fibroblastes.

La dégradation du collagène est due à des métalloprotéases sécrétées par les macrophages, les polynucléaires et les fibroblastes; la mieux connue est la collagénase.

Au cours des inflammations chroniques, la fibrose est quasi constante, et sa responsabilité est parfois majeure dans la physiopathologie de la maladie.

C’est le cas des fibroses pulmonaires ou les cirrhoses.

Les mécanismes de synthèse et de dégradation de la fibrose dans ces affections chroniques sont en cours d’étude, mais semblent sous la dépendance de facteurs de croissance et de cytokines identiques à ceux qui viennent d’être étudiés dans l’inflammation aiguë.

3) Cicatrisation d’une plaie :

La cicatrisation d’une plaie est un exemple de réparation tissulaire mettant en jeu à la fois la régénération de cellules parenchymateuses (les cellules de l’épiderme) et le remplacement de la perte de substance par du tissu conjonctif néoformé (bourgeon charnu).

L’exemple décrit ici est celui d’une plaie propre, non infectée, secondaire à une incision (plaies à bords rapprochés, siège d’une cicatrisation de première intention).

Cette incision entraîne la destruction de cellules épithéliales et conjonctives ainsi que l’interruption de la membrane basale.

Le trajet de l’incision est initialement comblé par de la fibrine et des cellules sanguines, formant rapidement une croûte.

Dans les premières 24 heures, les polynucléaires neutrophiles apparaissent sur les bords de l‘incision.

Les cellules basales de l’épiderme commencent à proliférer au niveau des berges de la plaie.

Elles vont migrer dans les 24 à 48 heures suivantes pour recouvrir progressivement la perte de substance, tout en élaborant une nouvelle membrane basale.

Entre 3 et 7 jours, les polynucléaires neutrophiles sont devenus minoritaires et les macrophages prédominent.

Le tissu de granulation (ou bourgeon charnu) comble progressivement la perte de substance.

La néovascularisation est maximale.

Les fibres de collagène élaborées sont initialement orientées verticalement, puis commencent à former des ponts au-dessus de l’incision.

L’épiderme s’épaissit et retrouve son épaisseur initiale et sa différentiation malpighienne kératinisée normale.

La deuxième semaine, l’infiltrat inflammatoire, l’oedème et les vaisseaux sanguins régressent. Les fibroblastes continuent à proliférer, et le collagène s’accumule.

A la fin du premier mois, la cicatrice est constitué par un tissu conjonctif cellulaire sans infiltrat inflammatoire, recouvert d’un épiderme intact.

Les annexes cutanées détruites (poils, glandes sébacées ou sudorales) ne sont pas remplacées.

Plusieurs mois sont nécessaires pour que le remodelage restaure une résistance pratiquement normale.

Si la perte tissulaire est plus importante, on parle de cicatrisation de deuxième intention (plaies à bords éloignés).

Comparés avec la cicatrisation de première intention,

• la réaction inflammatoire est plus intense,

• le tissu de granulation (bourgeon charnu) est plus important,

• la cicatrice se contracte,

• le délai de cicatrisation est plus long.

La cicatrisation dépend de régulations mal connues dont la mise en jeu fait que le tissu conjonctif prolifère juste assez pour combler la brèche, ni trop, ni trop peu.

Des anomalies sont cependant possibles :

• Le bourgeon charnu peut avoir une croissance excessive, dépasser le plan de la surface cutanée, ce qui rendra son épithélialisation plus difficile, d’autant qu’il subira des micro-traumatismes répétés. On parle dans ce cas de bourgeon charnu hyperplasique ou botryomycome.

• Dans d’autres cas, malgré une ré épithélialisation correcte, il y aura une production excessive de collagène au niveau de la cicatrice qui sera saillante et hypertrophique.

Lorsque la cicatrice devient pseudo-tumorale en raison de ce collagène excessif et anormal, on donne alors le nom de cicatrice chéloïdienne ou chéloïde.

Cette lésion est particulièrement fréquente chez les sujets africains ou antillais.

• On peut aussi observer une anomalie du fonctionnement des myofibroblastes qui provoqueront une rétraction anormale de la cicatrice.

La chéloïde est une cicatrice dermique anormale hypertrophique et pseudo tumorale qui ne disparaîtra pas spontanément.

Sa survenue dans les suites d’une incision correctement menée dépend de facteurs individuels dont le déterminisme reste largement inconnu.

On reconnaît une coupe histologique de tissu cutané, correctement réépithélialisé en surface avec un épiderme malpighien normal. Ici une annexe cutanée répond à un complexe pilo-sébacé, ce qui confirme le diagnostic d’organe.

Le derme apparaît pathologique dès le faible grossissement.

L’ordonnancement horizontal général des fibres du derme moyen est remplacé par des accumulations nodulaires collagéniques.

A un plus fort grossissement le collagène cicatriciel est constitué de trousseaux caractéristiques anormalement épais.

Des fibroblastes actifs sont visibles à son contact.

Quelques cellules inflammatoires et une hyper vascularisation sanguine témoignent de la phase précédente à type de bourgeon charnu.

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