Inflammation (Suite)

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Physiopathologie de la réaction inflammatoire : les médiateurs chimiques

Les étapes successives de la séquence morphologique qui viennent d’être décrites sont déclenchées les unes après les autres par des substances d’origine plasmatique ou cellulaire présentes au niveau du foyer inflammatoire.

L’étude de ces substances est en plein essor, on progresse sans cesse dans leur connaissance, celle de leur mode d’action et celle de leurs inter-actions mutuelles.

C’est l’étude de ces médiateurs chimiques qui est la base de toute la pharmacologie et de la thérapeutique du processus inflammatoire.

Il faut souligner que la plupart des médiateurs connus interviennent dans d’autres circonstances que l’inflammation.

Les médiateurs chimiques de l’inflammation sont multiples, on peut les regrouper en trois catégories:

• les médiateurs d’origine cellulaire locale,

• les médiateurs d’origine plasmatique,

• les médiateurs libérés par les cellules du granulome.

1 – LES MÉDIATEURS D’ORIGINE CELLULAIRE LOCALE :

A) AMINES BIOGÈNES :

Inflammation (Suite)

Il s’agit de l’histamine et de la sérotonine. Le rôle respectif de ces deux amines dans le processus inflammatoire est très variable selon les espèces animales.

Chez l’homme, le rôle de l’histamine est quasi exclusif et on n’a jamais prouvé que la sérotonine joue un rôle dans le processus inflammatoire.

1) Libération de l’histamine :

Elle est contenue dans les lysosomes de diverses cellules: mastocytes, polynucléaires basophiles et neutrophiles, plaquettes (la sérotonine n’est présente chez l’homme que dans les plaquettes).

L’histamine est libérée dans l’environnement du mastocyte par éclatement des lysosomes qui déversent leur contenu dans le milieu extra-cellulaire.

Cette dégranulation est un phénomène explosif, déclenché par de multiples facteurs: traumatisme, agression thermique (froid ou chaleur) ou par une réaction d’hypersensibilité immédiate ou par l’action d’autres médiateurs comme certaines fractions du complément.

2) L’action de l’histamine :

Est une action rapide et relativement brève qui s’effectue par l’intermédiaire des récepteurs H1.

Elle consiste en:

• Vasodilatation par diminution du tonus artériolaire.

• Augmentation de la perméabilité vasculaire par contraction des cellules endothéliales qui s’écartent les unes des autres, ce qui permet le passage de l’oedème.

B) DÉRIVÉS DE L’ACIDE ARACHIDONIQUE :

Il s’agit d’un système complexe constitué de multiples facteurs résultant de la dégradation de l’acide arachidonique.

Les métabolites intermédiaires et terminaux de ce système ont des effets variables et parfois antagonistes.

L’acide arachidonique est un acide gras à 20 atomes de carbone, c’est l’acide Eicosatétranoïque ou ETE.

Il se forme par dénaturation des phospholipides membranaires sous l’influence d’une phospholipase.

Celle-ci est activée par l’agression initiale et par divers médiateurs. L’effet anti-inflammatoire des corticoïdes s’explique par leurs effets inhibiteurs sur la phospholipase.

Au cours de la formation d’acide arachidonique se forment d’autres lipides ayant une activité chimiotactique.

L’acide arachidonique est lui-même dégradé par deux voies enzymatiques différentes.

1) Voie de la cyclo-oxygénase :

Elle donne naissance aux médiateurs suivants:

• Thromboxane,

• Prostacycline,

• Prostaglandines (A, B, C, D, E).

L’action de ce groupe de médiateurs se rapproche de celle de l’histamine, provoquant une vasodilatation avec un oedème et une hyperméabilité vasculaire.

Les effets sont moins rapides et plus prolongés que ceux de l’histamine.

Certains médiateurs de ce groupe ont en outre des effets chimiotactiques, certaines prostaglandines causent des douleurs, le thromboxane est un puissant agrégant plaquettaire.

L’aspirine et les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens sont des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase; ainsi s’explique leur action anti-inflammatoire.

2) Voie de la lipo-oxygénase :

Les médiateurs formés sont les leucotriènes, agents chimiotactiques extrêmement puissants, accessoirement vasodilatateurs.

L’ensemble des leucotriènes était autrefois désigné sous le nom de S.R.S.A. (slow reacting substance of anaphylaxy).

Au cours du métabolisme de l’acide arachidonique se forment de nombreux radicaux peroxydes qui ont des effets nécrosants.

2 – LES MÉDIATEURS D’ORIGINE PLASMATIQUE :

Ils parviennent dans le foyer avec le liquide d’oedème et n’interviennent donc qu’après les précédents.

A) SYSTÈMES DES KININES :

Ce système comporte au moins 3 polypeptides dont le plus connu est la bradykinine, ainsi nommée parce qu’elle provoque une contraction lente du muscle lisse.

1) Formation des Kinines :

Le Kininogène plasmatique arrivé avec l’oedème inflammatoire est activé en Kinine par la Kallicréine.

Celle-ci se trouve dans certains tissus, le plus souvent elle dérive elle-même d’une prékallicréine plasmatique activée par le facteur XII.

La durée de vie des Kinines est très courte.

2) Action des Kinines :

• Elles ont une action vasomotrice plus intense et plus prolongée que celle de l’histamine.

• Elles provoquent des douleurs lorsqu’on les met au contact d’une plaie.

• Elles facilitent la diapédèse en augmentant l’adhérence des polynucléaires à l’endothélium des veinules post-capillaires.

• Elles peuvent activer la phosphorylase.

B) SYSTÈME DU COMPLEMENT :

C’est un système aussi complexe que celui des dérivés de l’acide arachidonique.

Le complément est un facteur sérique constitué de multiples fractions qui s’activent et s’inactivent successivement en interférant avec le facteur XII. Parmi les fractions qui interviennent dans l’inflammation:

• le C3B a des activités opsonisantes,

• le C3A et le C5A ont des activités chimiotactiques et peuvent provoquer la dégranulation des mastocytes,

• le C8 et le C9 provoquent des lésions cellulaires et une nouvelle agression.

C) FACTEURS DE LA COAGULATION :

1) Le facteur XII :

Enzyme activé par les complexes immuns est au carrefour de plusieurs systèmes: Kinines, complément, coagulation sanguine.

2) Les fibrinopeptides :

Et les produits de dégradation de la fibrine ont un effet chimiotactique sur les polynucléaires et une activité vasodilatatrice.

3 – MÉDIATEURS LIBÉRÉS PAR LES CELLULES DU GRANULOME :

A) ENZYMES ET MÉTABOLITES DES POLYNUCLÉAIRES :

1) Formation :

Ces facteurs se répandent autour du phagocyte au moment de la phagocytose ou sont libérés dans le foyer inflammatoire par la lyse des polynucléaires morts.

2) Nature et action :

Ces médiateurs sont:

a) Des radicaux peroxydes dont nous avons vu l’activité nécrosante et l’activité sur la phosphorylase.

b) Les protéases acides et neutres qui peuvent lyser la fibrine, les membranes basales, le collagène et les fibres élastiques.

Ces protéases peuvent également activer d’autres médiateurs.

c) Les polynucléaires et les médiateurs qui en proviennent ont un rôle essentiel dans le processus inflammatoire.

Ceci est bien démontré a contrario par les anomalies considérables de la réaction inflammatoire que l’on observe en cas d’agranulocytose.

• pas de phagocytose,

• pas d’afflux de monocytes ni de lymphocytes,

• pas de nécrose tissulaire.

B) LYMPHOKINES ET MONOKINES :

Ce sont des facteurs solubles libérés par les lymphocytes et les monocytes.

1) Lymphokines :

Elles sont très nombreuses. On distingue schématiquement deux profils : les lymphokines “Th1” (IL-2, IFNγ,…) induisant une réponse immune de type cellulaire et les lymphokines “Th2” (IL-4, IL-10,…) induisant une réponse immune de type humoral.

a) La plupart interviennent dans les phénomènes immunitaires telles les interférons et le facteur de transfert.

b) D’autres sont actives sur les cellules voisines et interviennent dans la composition et les variations du granulome:

• Facteurs chimiotactiques pour monocytes, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles.

• Modificateurs du comportement du macrophage (activateur, inhibiteur de la migration du macrophage).

2) Monokines :

Elles jouent un rôle important dans la réparation en stimulant la prolifération des capillaires et des fibroblastes.

4 – INTERACTIONS DES DIFFERENTS MÉDIATEURS :

A) On aura pu voir à la lecture de ce qui précède que la plupart des médiateurs ont à la fois une action directe sur les vaisseaux ou les cellules du foyer inflammatoire et une action indirecte d’activation d’autres médiateurs.

On aura remarqué aussi que la plupart des médiateurs peuvent apparaître successivement plusieurs fois dans le foyer inflammatoire.

Le processus inflammatoire pourrait donc être un véritable cercle vicieux s’il n’y avait pas dans le foyer à la fois des médiateurs actifs et leurs antagonistes.

B) Il est manifeste également que pour chacun des évènements de la séquence morphologique de l’inflammation, on a pu mettre en évidence plusieurs médiateurs actifs faisant partie de systèmes différents.

Il est probable que pour chacun des phénomènes du processus inflammatoire un ou plusieurs médiateurs sont prépondérants. Les hypothèses que l’on fait actuellement sont les suivantes:

1) La vasodilatation :

Est surtout le fait des prostaglandines.

2) L’hyper perméabilité vasculaire :

Est surtout due à l’histamine et aux C3A et C5A qui dégranulent les mastocytes.

La bradykinine, le PAF et certains leucotriènes interviennent également.

3) Pour le chimiotactisme :

L’agent le plus puissant actuellement connu est le leucotriène B4; les cytokines (Il-8 et TNF) et C5A interviennent également.

4) Les effets généraux :

De l’inflammation et notamment la fièvre sont provoqués par les l’Il-1 et l’interféron.

5) La douleur :

Des lésions inflammatoires est due aux prostaglandines (PGE2) et aux Kinines.

6) Les lésions tissulaires et cellulaires :

Secondaires à l’inflammation sont dues aux enzymes lysosomiaux des phagocytes et aux radicaux peroxydes.

Inflammation et immunité :

Les réactions inflammatoires et les phénomènes immunitaires sont étroitement liés.

Certaines des images observées au cours du processus inflammatoire sont l’expression de phénomène immunitaires et nous avons vu le rôle des complexes immuns et des lymphocytes T dans la physiopathologie de l’inflammation. Dans certains cas particuliers, les liens entre inflammation et immunité sont particulièrement étroits.

On peut envisager trois grands cadres:

• Les réactions d’hypersensibilité, autrefois appelées inflammations allergiques, dans lesquelles c’est un conflit immunitaire qui déclenche la réaction inflammatoire.

• Les rejets de greffe, qui sont un cas particulier de réaction d’hypersensibilité.

• Les rapports entre les défaillances immunitaires et l’inflammation.

1 – LES RÉACTIONS D’HYPERSENSIBILITÉ :

Les réactions d’hypersensibilité ont des caractères morphologiques qui permettent de les identifier.

Il y en a 5 types ( 4 types classiques d’après Gell et Coombs, et 1 type supplémentaire d’après Roitt).

A) TYPE I: HYPERSENSIBILITÉ ANAPHYLACTIQUE OU DE TYPE IMMÉDIAT

C’est une réaction d’apparition rapide liée à la combinaison d’un antigène et d’un anticorps, attaché aux mastocytes ou aux polynucléaires basophiles, chez un individu sensibilisé à cet antigène

Chez l’homme, les anticorps qui interviennent sont des IgE ou réagines qui se fixent de façon élective sur la membrane des mastocytes.

Lorsque l’antigène vient se fixer à cet anticorps, il se produit un phénomène de dégranulation active des mastocytes.

Ainsi sont libérés dans le milieu extra-cellulaire de l’histamine et divers facteurs chimiotactiques.

D’autres médiateurs secondaires sont libérés par les mastocytes: métabolites de l’acide arachidonique, PAF (platelet activating factor), cytokines synthétisées de novo.

Le tout se déroule en l’absence de complément.

L’expression de cette réaction d’hypersensibilité est de deux types:

1) Réaction systémique :

C’est le choc anaphylactique caractérisé par un oedème laryngé et pulmonaire, une bronchoconstriction et une vasodilatation généralisée.

Il peut entraîner un choc mortel en l’absence de traitement (injection d’adrénaline).

2) Réaction locale :

Il s’agit des lésions atopiques qui s’observent chez certains sujets ayant une propension anormale à produire des IgE spécifiques.

Ici encore, l’image clinique et histologique est dominée par les effets exsudatifs de l’histamine créant une congestion et un oedème parfois riche en éosinophiles (exemples: urticaire, rhinite vasomotrice); et éventuellement un spasme du muscle lisse (exemple: asthme).

B) TYPE II: HYPERSENSIBILITÉ CYTOTOXIQUE AVEC ANTICORPS CYTOPHILES

L’hypersensibilité de type II est déclenchée par des anticorps dirigés contre des antigènes présents à la surface des cellules ou de tout autre composant tissulaire.

Les déterminants antigéniques de surface cibles font partie de la membrane cellulaire ou sont des antigènes exogènes adsorbés à la surface de la cellule cible (métabolites médicamenteux).

On distingue trois grands types de mécanisme dans ces réactions anticorps-dépendantes.

1) Réactions complément-dépendantes :

Le dépôt de l’anticorps et du complément sur la cellule cible déclenche sa lyse directe ou son opsonisation suivie de sa phagocytose.

En pratique ces mécanismes sont en cause dans les réactions consécutives aux transfusions non appariées, dans la maladie hémolytique du nouveau-né, les anémies hémolytiques auto-immunes, le pemphigus cutané vulgaire, certaines réactions médicamenteuses.

2) Cytotoxicité à médiation cellulaire anticorps dépendante (ADCC – Antibody Dependant Cell-mediated Cytotoxicity) :

Des cellules cibles recouvertes d’anticorps IgG à faible concentration sont détruites par diverses cellules non sensibilisées qui portent le récepteur pour le fragment Fc.

Il y a lyse cellulaire sans phagocytose. L’ADCC peut s’adapter à la destruction des cellules tumorales et jouer un certain rôle dans le rejet de greffe.

3) Dysfonctionnements cellulaires dus aux anticorps antirécepteurs :

Dans le cours de nos collègues d’immunologie ce type de réaction est classée en hypersensibilité de type V.

Les anticorps anti-récepteurs modulent positivement ou négativement l’activité de ces récepteurs, avec des conséquences fonctionnelles au niveau des organes touchés (myasthénie par anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine, par exemple).

C) TYPE III: HYPERSENSIBILITÉ PAR IMMUNS COMPLEXES

Le complexe immun est constitué de la combinaison en proportions variables d’un antigène, exogène ou endogène, et d’un anticorps.

Dans certaines circonstances, ces complexes atteignent un certain volume, et peuvent se déposer au niveau des capillaires rénaux, de l’endothélium des petits vaisseaux ou du conjonctif interstitiel.

Il est classique d’en distinguer deux types: les maladies par complexes immuns avec excès d’anticorps, qui entraînent une lésion focale localisée à un organe, et celles avec excès d’antigènes, provoquant une atteinte systémique.

Nous décrirons, à titre d’exemple, la maladie sérique qui est un modèle d’expérimental de maladie à complexes immuns, avec excès d’antigènes.

Des processus physiopathologiques comparables sont observés au cours du lupus érythémateux disséminé, de certaines vascularites systémiques ou de certaines glomérulonéphrites.

La maladie sérique est due à l’injection d’un sérum exogène (sérum antitétanique de cheval, globulines antithymocytaires,…).

Le processus est généralisé, et les complexes se déposent (ou sont formés in situ) dans de nombreux territoires (glomérules, articulation, séreuse, peau, coeur, capillaires sanguins,…).

Morphologiquement, on observe une lésion de vasculite nécrosante avec présence dans la paroi des vaisseaux de dépôts d’aspects fibrinoïdes, constitués d’un mélange d’immuns complexes, de fibrine et de tissus nécrosés au cours de la réaction inflammatoire induite.

D) TYPE IV: HYPERSENSIBILITÉ RETARDÉE

C’est l’hypersensibilité à médiation cellulaire.

Elle résulte essentiellement de l’action locale des lymphocytes sensibilisés à un antigène présent au lieu de la réaction.

Ces lymphocytes peuvent détruire les cellules ou agir en sécrétant des lymphokines, qui vont induire un autre phénomène: la formation de granulomes histiocytaires d’aspect variable, souvent tuberculoïdes.

Il s’agit d’un processus lésionnel observé dans de multiples circonstances:

• granulomes infectieux (notamment les mycobactéries),

• certains accidents de sensibilisation à un antigène extrinsèque (par exemple la bérylliose est une maladie d’hypersensibilité vis-à-vis d’un métal: le béryllium)

• cuti-réaction à la tuberculine,

• dermatite de contact (il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité retardée mais il n’y pas de granulome tuberculoïde),…

E) TYPE V: HYPERSENSIBILITÉ PAR ANTICORPS ANTI-RECEPTEURS

Les anticorps anti-récepteurs modulent positivement ou négativement l’activité de ces récepteurs, avec des conséquences fonctionnelles au niveau des organes touchés (myasthénie par anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine, par exemple).

2 – LES RÉACTIONS AUX GREFFES :

L’inflammation induite par les greffes est un exemple quasi-expérimental de processus inflammatoire induit par un conflit immunitaire.

Les seules réactions intéressantes en pratique en pathologie humaine, sont les réactions aux allogreffes.

On a pu les étudier en détail à propos des greffes du rein.

Ces réactions sont d’intensité variable selon le degré de compatibilité immunologique entre le donneur et le receveur.

L’aspect morphologique et la physiopathologie de la réaction de rejet sont différents selon le délai qui s’écoule entre la greffe et le rejet. On décrit ainsi un rejet suraigu, un rejet aigu et un rejet chronique.

A) REJET SURAIGU :

Il se manifeste dans les minutes ou les heures qui suivent la greffe.

Il est lié à la formation de complexes immuns entre les antigènes du rein greffé et des anticorps circulants préexistants chez le receveur.

La recherche d’anticorps (« cross match ») est d’ailleurs obligatoire avant la greffe et doit éviter ce type de réaction de rejet.

Les complexes immuns ainsi formés se déposent au niveau de l’endothélium vasculaire entraînant rapidement une thrombose et des lésions de vasculite qui sont un exemple de ce que nous avons décrit ci-dessus, comme lésions d’hypersensibilité du type III.

Ces lésions vasculaires ont pour conséquence une ischémie aiguë qui aboutit à la destruction très rapide du rein.

B) LE REJET AIGU :

Il se voit dans les jours ou semaines suivant la greffe mais peut être différé par un traitement immuno supresseur et n’apparaître que lorsque celui-ci est interrompu.

Il peut avoir deux formes différentes:

1) Infiltration lymphocytaire interstitielle :

Avec destruction éventuelle des cellules épithéliales tubulaires, par mise en jeu de l’immunité cellulaire.

2) Lésions de vasculite :

Avec infiltration des parois vasculaires par des éléments inflammatoires, et thromboses, par mise en jeu de l’immunité humorale.

Dans le cas de vasculite, il y a le plus souvent des infiltrats lymphoïdes interstitiels associés.

C) LE REJET CHRONIQUE :

C’est le plus souvent l’aboutissement d’un ou de plusieurs épisodes de rejet aigu ayant rétrocédé plus ou moins complètement sous traitement immunosuppresseur.

Les lésions les plus importantes sont des lésions d’endartérite proliférante qui aboutissent à une ischémie rénale chronique.

D) RÉACTION DU GREFFON CONTRE L’HÔTE (GVH) :

On l’observe dans les greffes de moelle hématopoïétique.

Dans ce cas, la population cellulaire greffée comporte nécessairement des cellules immunologiquement compétentes qui vont développer une réaction immunitaire contre les tissus du receveur, en particulier le foie, le tube digestif et la peau.

3 – DÉFAILLANCE IMMUNITAIRE ET INFLAMMATION :

C’est un très vaste sujet dont on ne peut dire ici que quelques mots.

A) LES RÉACTIONS INFLAMMATOIRES CHEZ LES IMMUNO-DEPRIMÉS :

Certains types d’immuno dépression, qu’elle soit innée, qu’elle résulte d’une maladie ou qu’elle soit provoquée par une thérapeutique, s’accompagnent d’une sensibilité accrue aux infections avec des réactions inflammatoires incomplètes dont les granulomes seront anormaux par l’absence de plasmocytes, de lymphocytes ou de macrophages, ou l’absence de polynucléaires.

B) D’AUTRES ANOMALIES IMMUNITAIRES :

Ont pour conséquence l’apparition de maladies auto-immunes dans lesquelles l’organisme dirige une réaction immunitaire contre ses propres constituants perçus comme étrangers.

Ces maladies peuvent se manifester par des dépôts de complexes immuns avec une image qui se rapproche de celle d’une hypersensibilité de type III ou par des granulomes lymphocytaires et plasmocytaires proches d’une hypersensibilité de type IV.

Variétés anatomo-cliniques et évolutives de l’inflammation :

La réaction inflammatoire schématique qui a été décrite présente des variations qui sont liées à trois ordres de facteurs:

• l’agent déclenchant de la réaction inflammatoire

• l’organe où elle se déroule,

• le terrain et particulièrement le statut immunitaire de l’hôte.

Ces variations sont si nombreuses qu’il existe de multiples formes anatomo-cliniques de l’inflammation, selon la prépondérance de l’une des phases décrites dans les pages précédentes.

1 – INFLAMMATIONS EXSUDATIVES :

Il s’agit d’inflammations dans lesquelles les lésions principales et parfois exclusives sont la congestion, l’oedème et l’afflux de polynucléaires dans le tissu conjonctif ou dans une cavité séreuse.

Ces lésions qui sont celles de la phase vasculo-sanguine de l’inflammation sont habituellement associées mais l’une d’entre-elles peut prédominer nettement.

A) INFLAMMATION CONGESTIVE ET OEDÉMATEUSE :

Le processus inflammatoire se résume pratiquement à la congestion et à l’oedème.

Exemples:

• congestion et tuméfaction de la muqueuse nasale dans le rhume,

• brûlure de premier degré,

• réaction d’hypersensibilité de type I.

B) INFLAMMATION HÉMORRAGIQUE :

Dans ce cas, l’accroissement de la perméabilité capillaire a pour conséquence un oedème et une importante fuite d’hématies hors des capillaires.

Exemples:

• purpura des maladies infectieuses,

• purpura rhumatoïde, vascularites,

• oedème pulmonaire hémorragique de la grippe.

C) INFLAMMATION FIBRINEUSE :

L’exsudat est ici particulièrement riche en fibrinogène qui va coaguler dans le foyer inflammatoire ou à sa périphérie, à la surface d’une ulcération ou d’une séreuse.

Exemple:

• angine à fausses membranes de la diphtérie

• alvéolite fibrineuse de la pneumonie à pneumocoques

• pleurésie fibrineuse: l’exsudat épanché dans la cavité pleurale peut contenir beaucoup de fibrine et peu de liquide: c’est une pleurésie fibrineuse cliniquement “sèche”, ou contenir beaucoup de liquide et relativement peu de fibrine: c’est alors une pleurésie séro-fibrineuse.

La détersion de la fibrine est nécessaire pour que la pleurésie puisse guérir sans séquelles.

La fibrine doit être lysée par les enzymes des polynucléaires.

Si elle n’est pas lysée, elle subit une organisation par une pousse conjonctive qui est l’analogue d’un bourgeon charnu et il peut en résulter une symphyse pleurale comme après un hémo-thorax.

Les brides et adhérences péritonéales se constituent par le même mécanisme.

D) INFLAMMATION PURULENTE OU SUPPURÉE :

Dans ce type d’inflammation, le foyer inflammatoire contient de très nombreux polynucléaires altérés (pyocytes) dont la masse, ajoutée au liquide d’oedème et aux débris provenant de la nécrose des tissus préexistants, constitue le pus.

Cette inflammation suppurée est le plus souvent d’origine microbienne et secondaire à une infection par des germes pyogènes; elle peut cependant être aseptique.

1) Abcès :

C’est l’accumulation de pus dans une cavité néoformée par la nécrose et la liquéfaction des tissus préexistants.

Cette nécrose survient sous l’influence des enzymes protéolytiques des polynucléaires, et surtout des élastases et des collagénases.

Lorsque la liquéfaction du tissu nécrosé est achevée, on dit que la suppuration est collectée.

En cas de détersion complète, les parois de la cavité résiduelle vont prendre l’aspect d’un bourgeon charnu qui va proliférer pour combler la perte de substance.

En cas de détersion absente ou incomplète, le tissu conjonctif péri lésionnel subit une évolution scléreuse et forme une coque épaisse autour de la cavité qui sera devenue un abcès chronique ou abcès enkysté.

2) Phlegmon :

C’est une variété rare et grave d’inflammation suppurée qui n’a aucune tendance à rester circonscrite mais diffuse au contraire dans les interstices qui séparent les faisceaux musculaires ou le long des coulées conjonctives des membres.

On l’observera lors des infections par certains germes possédant une hyaluronidase qui va dissoudre l’acide hyaluronique de la substance fondamentale et permettre la dispersion de l’infection.

C’est le cas pour les streptocoques.

Les polynucléaires altérés sont disséminés au sein des tissus, la nécrose tissulaire n’est que parcellaire, il n’y a pas de collection et on ne peut pas envisager un drainage par un acte chirurgical simple.

De ce fait, la détersion est difficile et l’évolution vers la sclérose et la chronicité fréquente.

3) Empyème :

Ce mot désigne les collections purulentes qui ne sont pas des abcès, c’est-à-dire celles qui s’accumulent dans les cavités naturelles.

Il est pratiquement tombé en désuétude, remplacé par le nom précis des divers épanchements de ce type. Exemples: les pleurésies, péritonites, arthrites, sinusites purulentes sont des empyèmes. De même les pyocholécystes, les pyosalpinx, etc.

4) Pustule :

C’est l’accumulation de pus dans l’épaisseur de l’épiderme ou sous l’épiderme décollé.

Exemple commun d’inflammation aiguë suppurative, c’est-à-dire productrice d’amas de polynucléaires neutrophiles souvent altérés, mêlés aux débris de nécrose tissulaire.

C’est la diffusion des amas purulents dans toutes les couches de la paroi appendiculaire qui signe la lésion et en fait toute la gravité évolutive.

Le faible grossissement montre une ou plusieurs sections d’un organe creux digestif, initialement entouré de la séreuse péritonéale.

On recherche dans les zones les moins pathologiques des portions de couche muqueuse qui bordent la lumière. Sous un épithélium cylindrique plan de surface, les glandes de Lieberkühn s’invaginent, tapissées principalement de cellules entérocytaires et caliciformes.

Le point cardinal est de reconnaître la présence pathologique d’un infiltrat inflammatoire constitué de polynucléaires neutrophiles, souvent altérés, mêlés à de la fibrine et à des débris tissulaires nécrotiques.

Il faut apprendre à différencier ces amas de pus des accumulations lymphocytaires.

Ces plages lymphocytaires sont le substrat des nodules lymphoïdes normalement présents dans la paroi appendiculaire à cheval entre la muqueuse et la sous-muqueuse.

Les amas de pus sont visibles dans la lumière en regard d’ulcérations de la couche muqueuse, réalisant des foyers d’endo-appendicite suppurée.

Le critère décisif du diagnostic d’appendicite aiguë est la reconnaissance de cette infiltration neutrophile loin dans la paroi, au sein de la musculeuse.

Il est important de reconnaître aussi l’extension de l’inflammation purulente dans l’adventice peri-appendiculaire, avec une destruction du mesothélium péritonéal, remplacé par un exsudat fibrinopurulent.

Laissée à elle-même cette lésion évoluera vers l’appendicite aiguë gangreneuse, rapidement suivie de rupture et de péritonite purulente.

E) INFLAMMATION NÉCROTIQUE OU GANGRÉNEUSE :

Il s’agit d’inflammations au cours desquelles on observe des zones de nécrose dues à la fois à l’action des germes anaérobies (Clostridium perfringens par exemple, qui possède une puissance collagénase) et à une ischémie.

Il peut être difficile de préciser quel est le phénomène initial: une infection bactérienne nécrosante avec thromboses vasculaires secondaires peut réaliser un aspect analogue à celui d’un foyer de nécrose ischémique surinfecté par des germes anaérobies. Les inflammations gangreneuses sont d’une extrême gravité.

On peut citer comme exemples: la gangrène gazeuse par surinfection d’une plaie par des germes anaérobies (elle est devenue rarissime), l’appendicite gangreneuse, la cholécystite gangreneuse.

F) ÉVOLUTION DES INFLAMMATIONS EXSUDATIVES :

En pratique, inflammation exsudative est synonyme d’inflammation aiguë.

La plupart d’entre-elles guérissent spontanément; d’autres, autrefois meurtrières (phlegmon, méningite purulente) sont maintenant curables.

Certaines, tout spécialement dans le cas de nécrose suppurée non détergée, peuvent évoluer vers la chronicité.

2 – INFLAMMATIONS CHRONIQUES DÉFINITION :

On donne ce nom à toute inflammation qui n’a aucune tendance à la guérison spontanée et qui persiste ou s’aggrave indéfiniment, souvent malgré la thérapeutique.

L’inflammation chronique peut se définir comme un processus de longue durée où évoluent simultanément:

* une inflammation active

* des destructions tissulaires

* une réparation avec fibrose.

A) L’INFLAMMATION CHRONIQUE SE CONSTITUE DE PLUSIEURS MANIÈRES DIFFERENTES :

1) Ce peut être la continuation sous une forme modifiée d’une inflammation aiguë dont le stimulus causal persiste.

L’absence de détersion est un cas particulier de cette éventualité.

2) Ce peut être la conséquence des récidives répétées d’une inflammation aiguë dont chaque épisode laissera des traces histologiquement visibles.

Exemples:

• Pyélonéphrite chronique par accès répétés de pyélonéphrite aiguë.

• Otite chronique.

La réaction inflammatoire se modifie progressivement au cours des récidives car elle se déroule dans un tissu de plus en plus scléreux et cicatriciel où les réactions exsudatives s’atténuent progressivement.

3) Ce peut être enfin une inflammation chronique d’emblée: dans ce cas, le stade exsudatif initial est absent ou au moins tout à fait transitoire et complètement méconnu.

C’est souvent le cas dans les maladies auto-immunes.

B) LES INFLAMMATIONS CHRONIQUES ONT EN COMMUN UN CERTAIN NOMBRE DE CARACTÈRES :

• Les phénomènes exsudatifs sont absents ou modérés.

• Le granulome inflammatoire comporte rarement des polynucléaires neutrophiles et plutôt des lymphocytes et des plasmocytes.

Il y a également très souvent des éléments de la lignée monocytaire sous forme de macrophages.

On y rencontrera aussi les polynucléaires éosinophiles, les polynucléaires basophiles et les mastocytes.

Ces cellules sont recrutées au niveau du foyer inflammatoire selon des processus comparables à ceux décrits pour les polynucléaires neutrophiles (diapédèse, chimiotactisme,…)

• Ce granulome s’accompagne de lésions de sclérose dont l’importance varie selon l’étiologie et selon les individus.

Cette sclérose caractéristique de la chronicité est liée au moins partiellement à l’action des monokines secrétées par les macrophages qui stimulent l’angiogenèse et la synthèse de collagène par les fibroblastes.

L’inflammation chronique peut se définir comme un processus de longue durée où évoluent simultanément:

* une inflammation active

* des destructions tissulaires

* une réparation avec fibrose.

On est en présence d’un vaste fragment tissulaire.

Le foie n’est bien reconnaissable qu’à l’échelon cytologique par l’aspect caractéristique de ces cellules jointives, donc épithéliales, à forme quadrangulaire ou polygonale, au noyau arrondi central.

Le cytoplasme est éosinophile, plus ou moins grumeleux. Un réseau de capillaires sanguins sinusoïdes tapisse chaque face des travées hépatocytaires.

Ce foie pathologique a perdu l’organisation normale de ses espaces portes distaux.

Ici un espace porte primaire persiste, avec le canal biliaire, le rameau de la veine porte et le rameau de l’artère hépatique.

• Une inflammation active

Ce foie est le siège d’une inflammation active diffuse où dominent les infiltrats lymphocytaires, volontiers groupés en nodules.

• Une destruction parenchymateuse

La mort cellulaire des hépatocytes visible sous la forme de corps apoptotiques se rencontre beaucoup plus fréquemment que dans un foie normal, malgré la rapidité d’élimination en quelques heures de ces corps.

Les cellules deviennent intensément éosinophiles avec un noyau condensé et parfois fragmenté.

On les voit s’éliminer vers l’espace de Disse.

Plus facile à voir, mais moins facile à comprendre, sont les lésions d’hépatite d’interface.

A la limite entre le tissu conjonctif et les plages hépatocytaires, les cellules épithéliales sont détruites et remplacées par un bourgeon charnu inflammatoire.

Une stéatose hépatocytaire évidente signale une souffrance cellulaire ou l’aggrave.

Des hépatocytes mitotiques ou binucléés hypertrophiques peuvent être compris comme une réponse adaptative à ces pertes cellulaires.

• Une réparation fibroblastique qui conduit à la fibrose mutilante

Les destructions cellulaires sont suffisamment importantes pour conduire à des tentatives de réparation conjonctive qui à la longue lardent le parenchyme de lames collagènes inappropriées.

Les travées conjonctives enserrent les zones hépatocytaires, isolent des hépatocytes survivants, éloignent les lobules des espaces portes.

C’est alors que se créent des ponts fibreux qui hachent les lobules, qui prennent en conséquence le nom de nodule.

Les connexions vasculaires entre le système porte, les capillaires sinusoïdes et les veines centro-lobulaires sont alors interrompues.

Ce tableau de fibrose se complique de l’apparition de multiples structures canalaires épithéliales biliaires d’allure proliférante.

Cette fibrose hépatique mutilante prend le nom de cirrhose.

Dans les cas d’infection hépatique aiguë à virus C repérés cliniquement on a constaté par le suivi des patients que 17% des sujets développaient une cirrhose inflammatoire, porteuse elle-même de ses propres complications.

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