Inflammation granulomateuse : Tuberculose

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L’inflammation tuberculeuse est un exemple d’inflammation granulomateuse.

La présence de Mycobacterium tuberculosis dans les tissus déclenche une réaction inflammatoire qui suit les temps successifs de l’inflammation : phase exsudative, phase cellulaire, phase de réparation avec fibrose.

Cette réaction inflammatoire est particulière pour deux raisons :

– Développement de lésions granulomateuses, épithélioïdes et gigantocellulaires lors de la phase cellulaire.

– Apparition d’une nécrose tissulaire spéciale : la nécrose caséeuse.

Ces deux aspects permettent, sur un prélèvement biopsique, de proposer le diagnostic de tuberculose.

Ce diagnostic devra être confirmé par l’identification de M. tuberculosis.

Lésions histopathologiques élémentaires :

M. tuberculosis est un bacille siégeant dans les histiocytes-macrophages.

Inflammation granulomateuse : Tuberculose

Il est ainsi partiellement abrité des effets de la chimiothérapie antituberculeuse.

Sa multiplication intracellulaire est lente.

Les histiocytes-macrophages ne possèdent pas d’enzymes capables de le détruire.

M. tuberculosis ne sécrète ni enzyme ni toxique et ne provoque qu’une réaction inflammatoire aiguë minime et transitoire.

Sa virulence est liée au fait que sa paroi est constituée de lipides (en particulier de glycolipides) et de sulfatides déclenchant l’immunité à médiation cellulaire.

La diffusion des bacilles dans l’organisme se fait :

• soit par contiguïté.

• soit par voie vasculaire (lymphatique et sanguine), soit par voie canalaire (bronches, tube digestif).

A – Granulome inflammatoire :

Ce granulome inflammatoire apparaît rapidement après la phase exsudative.

Il s’agit d’un granulome immunologique, témoin de la mise en jeu de l’immunité à médiation cellulaire.

Il est constitué de cellules épithélioïdes et géantes dérivées des histiomonocytes, entourées de lymphocytes et de fibroblastes.

Les cellules d’origine histiomonocytaire ont une vie brève avec un renouvellement rapide par des monocytes d’origine sanguine.

1- Les cellules d’origine histiomonocytaire :

a- Les cellules épithélioïdes :

Sont de grandes cellules de forme variée, arrondie, allongée ou presque fusiforme.

Leur noyau est ovoïde, allongé ou encoché.

Leur cytoplasme, abondant, est éosinophile, homogène avec parfois quelques vacuoles.

Leur nom provient de leur ressemblance avec les cellules épithéliales.

Les cellules épithélioïdes sont des histiocytes très activés sécrétant des cytokines et des enzymes.

En revanche, leur activité phagocytaire est réduite.

L’étude ultrastructurale montre, dans leur cytoplasme, un réticulum endoplasmique et un appareil de Golgi bien développés, des vésicules et des vacuoles denses aux électrons.

Cet aspect ultrastructural suggère que ces cellules sont plus adaptées pour la sécrétion extracellulaire que pour la phagocytose.

Les mécanismes de l’activation des histiocytes en cellules épithélioïdes sont peu connus.

Certaines composants de la paroi de M. tuberculosis induisent l’accumulation d’histiomonocytes et le recrutement de lymphocytes T.

La synthèse d’interféron gamma et d’IL4 par les lymphocytes T activés accentue la transformation des histiocytes en cellules épithélioïdes.

Les lymphocytes T contribuent également au maintien du granulome par la sécrétion de lymphokines permettant le recrutement et l’accumulation locale d’histiomonocytes.

b- Les cellules géantes :

Ce sont des plasmodes plurinucléés dont le cytoplasme présente un aspect identique à celui des cellules épithélioïdes.

Ces cellules dites de «Langhans» arrondies ou rameuses contiennent de nombreux noyaux se disposant en couronne ou en fer à cheval.

Ces cellules proviennent de la fusion d’histiomonocytes et de cellules épithélioïdes.

Les cellules géantes seraient un accident biologique et non une adaptation spécifique des cellules histiomonocytaires.

La fusion cellulaire serait liée à l’action de lymphokines sur des cellules dont les molécules de surface ont été modifiées par des produits bactériens ou d’autres cytokines.

c- Groupement lésionnel :

Les cellules épithélioïdes et géantes ont la particularité de se grouper en formations arrondies, parfois visibles à l’examen macroscopique, expliquant leur appellation de granulome.

Ces granulomes sont également dénommés follicules (épithélioïdes et gigantocellulaires, simples, tuberculoïdes, sarcoïdosiques).

Lorsqu’il existe une nécrose, les cellules du granulome forment une couronne en périphérie de la nécrose.

2- Les lymphocytes :

Des lymphocytes sont présents dans tous les granulomes et en périphérie.

Ce sont des lymphocytes T, exprimant CD4 (facilitants) siégeant autour des granulomes et s’insinuant entre les cellules épithélioïdes.

3- Les fibroblastes :

Apparaissent précocement dans le granulome inflammatoire.

Les cellules histiomonocytaires sont à l’origine de la multiplication et de l’activation des fibroblastes (facteur chimiotactique des fibroblastes, facteur activateur des fibroblastes, IL1).

L’activation des fibroblastes est suivie d’une augmentation de la synthèse de collagène et de l’apparition d’une fibrose.

B – Nécrose caséeuse :

Il s’agit d’un foyer de destruction tissulaire d’aspect particulier.

La nécrose caséeuse est une lésion très évocatrice de la tuberculose et s’observe rarement dans les autres inflammations granulomateuses.

Son aspect macroscopique justifie le terme de «caséum» (fromage) : substance grumeleuse, molle, friable, blanche ou grise.

Son aspect histopathologique est caractéristique: plage de forme irrégulière, de dimension variée, éosinophile, souvent homogène et acellulaire, parfois finement grenue contenant des débris cellulaires.

Son évolution est variable :

• Elle peut persister, n’étant pas spontanément résorbable ;

• Elle peut se ramollir, se liquéfier et s’éliminer après fistulisation dans une cavité, un conduit ou à la surface d’un revêtement ;

• Elle peut se calcifier.

La nécrose caséeuse apparaît très précocement, lors de la phase exsudative, avant la constitution de granulome.

Le mécanisme de la caséification est incertain et sans doute plurifactoriel.

L’un des mécanisme évoqués est la libération de TNFa par les cellules histiomonocytaires sous l’influence de certains composants (glycolipides ?) de M. tuberculosis.

La production de TNFα induirait des lésions endothéliales vasculaires et des dépôts de fibrine, responsables de la nécrose.

C – Mise en Evidence de M. tuberculosis :

La méthode de Ziehl-Nielsen colore en rouge les mycobactéries acido-alcoolo-résistantes, en particulier M. tuberculosis.

Cependant, les bacilles sont en général très peu nombreux ou absents sur les coupes histopathologiques.

Souvent, seules des méthodes de culture permettent la confirmation du diagnostic et l’identification de l’agent pathogène.

Evolution des lésions histopathologiques :

L’inflammation tuberculeuse passe par les trois temps successifs de l’inflammation : phase exsudative, phase cellulaire, fibrose cicatricielle.

A – Phase exsudative :

Lesions initiales non specifiques

• Les lésions exsudatives correspondent à la phase aiguë de la tuberculose.

• Macroscopie : au niveau des poumons, infiltrats gélatiniformes translucides.

• Généralement peu importantes, elles sont constituées par de l’oedème, des polynucléaires neutrophiles et des histiomonocytes.

Ziehl +.

• Evolution : en l’absence de nécrose caséeuse, ces lésions n’ont aucune particularité et sont susceptibles de régresser.

• Mais, c’est à ce stade qu’apparaît la nécrose caséeuse, très évocatrice d’une tuberculose sous forme de lésions caséo-exsudatives habituellement très riches en M. tuberculosis.

B – Phase cellulairé :

Lésions granulomateuses.

Tuberculose productive. = Nodules ou amas de nodules bien limités et persistants dans les tissus.

• Macroscopie : granulation miliaires de Laennec, 1 à 2 mm.

Tubercules miliaires 2 à 3 mm, tubercules enkystés 1 à 3 cm.

• Histologie : l’arrivée de lymphocytes et de monocytes est suivie de l’apparition de cellules épithélioïdes et géantes.

Ainsi se trouvent constituées des lésions inflammatoires chroniques granulomateuses, correspondant à :

1- Des follicules simples :

Forme subaiguë de la maladie – lorsque ces granulomes font suite à des lésions exsudatives sans nécrose : amas arrondis de cellules épithélioïdes, parsemés de quelques cellules géantes, entourés d’une couronne de lymphocytes ; le BK est difficile à mettre en évidence s’il n’y a pas de nécrose caséeuse.

2- Des lésions caséo-folliculaires :

Lorsque les cellules épithélioïdes et géantes apparaissent au contact des lésion caséeuses exsudatives : foyers ou plages de nécrose caséeuse, bordés de cellules épithélioïdes avec quelques cellules géantes, entourées de lymphocytes.

3- Phase de réparation fibrose cicatricielle :

Un tissu conjonctif dans lequel persiste une quantité variable de cellules épithélioïdes et géantes peut se développer, réalisant :

• Des follicules fibreux secondaires aux lésions sans nécrose : foyers arrondis de fibrose contenant quelques cellules épithélioïdes ;

• Des lésions caséo-fibreuses : foyers de nécrose caséeuse bordés par de la fibrose contenant souvent quelques cellules épithélioïdes.

M. tuberculosis est présent dans les lésions exsudatives mais également, en petit nombre, dans les lésions granulomateuses et dans les lésions fibreuses.

La persistance de M. tuberculosis explique :

Le maintien d’une population de lymphocytes T à mémoire permettant de prévenir une réinfection exogène ;

La possibilité d’une réactivation des lésions (tuberculose post-primaire).

La réactivation est associée à l’âge, la malnutrition et l’immunodépression en particulier dans l’infection par le virus d’immunodéficience humaine (VIH).

Cette réactivation déclenche un nouveau processus inflammatoire suivant la séquence classique : phase exsudative, phase cellulaire, phase de réparation.

Ces poussées successives expliquent la juxtaposition, dans les tissus, de lésions d’âges différents.

Particularités de la tuberculose ganglionnaire :

La tuberculose ganglionnaire réalise un exemple d’inflammation ganglionnaire (lymphadénite) qui s’exprime le plus souvent par une augmentation de volume du ganglion.

L’adénopathie est liée à l’afflux d’éléments histiomonocytaires, à leur multiplication et à leur transformation en cellules épithélioïdes et géantes.

M. tuberculosis est l’agent pathogène de la majorité des tuberculoses ganglionnaires.

Actuellement les tuberculoses liées à M. bovis sont devenues exceptionnelles en Europe.

A – Circonstances d’apparition :

Les lymphadénites tuberculeuses peuvent apparaître à n’importe quel moment du cycle de la tuberculose.

1- Primo-infection :

L’adénopathie tuberculeuse fait partie du complexe primaire. Son siège (bronchique, médiastinal, mésentérique) dépendra du site du foyer d’infection primaire.

L’évolution se fait vers la guérison de la lésion épithéliale avec parfois des séquelles à type de calcification du ganglion satellite.

2- Tuberculose post-primaire :

La tuberculose post-primaire est liée le plus souvent à une réactivation de M. tuberculosis endogène, plus rarement à une nouvelle infection exogène.

Les adénopathies sont plus rares, habituellement cervicales.

3- Autres formes de tuberculose :

Plus rarement des polyadénopathies peuvent s’observer dans les disséminations tuberculeuses telles que les tuberculoses miliaires et les tuberculoses aréactives intéressant différents groupes de ganglions.

B – Particularites histopathologiques :

1- Lymphadénites tuberculeuses caséo-folliculaires et caséo-fibreuses :

Ce sont les aspects les plus caractéristiques de la tuberculose par la présence de nécrose caséeuse.

La nécrose caséeuse réalise des plages de taille variée, confluantes à contour polycyclique. Parfois, la nécrose caséeuse occupe la presque totalité du ganglion.

Cette nécrose est éosinophile, souvent acellulaire mais peut contenir des débris cytonucléaires dans les formes récentes ou des polynucléaires au cours du ramollissement.

Ces territoires de nécrose caséeuses sont entourés :

• par une bande de cellules épithélioïdes parsemées de quelques cellules géantes : lésions caséo-folliculaires ;

• par une bande de fibrose contenant quelques cellules épithélioïdes et géantes : lésions caséo-fibreuses.

La couronne lymphocytaire périphérique ne peut être individualisée dans le tissu lymphoïde ganglionnaire.

Des granulomes sans nécrose sont souvent observés dans le tissu lymphoïde persistant qui présente par ailleurs une importante plasmocytose.

Quelques bacilles peuvent être mis en évidence par la méthode de Ziehl- Nielsen dans la nécrose et/ou dans les cellules épithélioïdes et géantes.

Autrefois l’évolution pouvait se faire vers le ramollissement et la fistulisation (écrouelles).

2- Lymphadénites tuberculeuses folliculaires pures :

Les lésions sont constituées par des granulomes simples épithélioïdes et gigantocellulaires, confluents, plus ou moins nombreux sur la section ganglionnaire, sans nécrose caséeuse.

Ces lésions ne sont pas spécifiques d’une tuberculose et doivent faire rechercher diverses étiologies, en particulier une sarcoïdose.

La mise en évidence, très inconstante, de bacilles acido-alcoolo-résistants oriente vers une mycobactériose et, en particulier, en raison de sa fréquence, vers une tuberculose.

3- Lymphadénites tuberculeuses aréactives :

Ce type de lésion tuberculeuse, rare, s’observe chez des sujets immunodéprimés, et est caractérisée par l’absence des réactions cellulaires du phénomène inflammatoire.

Le ganglion est occupé par de larges territoires de nécrose extensive, entourés de plasmocytes, sans réaction épithélioïde ni gigantocellulaire.

Cette nécrose isolée pose des problèmes diagnostiques.

Cependant, lorsque le diagnostic d’étiologie tuberculeuse est évoqué, la méthode de Ziehl-Nielsen permet de mettre en évidence de nombreux

bacilles acido-alcoolo-résistants.

Diagnostic différentiel :

Si les lésions tuberculeuses sont le prototype de l’inflammation granulomateuse épithélioïde et gigantocellulaire, d’autres maladies peuvent réaliser des lésions identiques et le diagnostic différentiel varie selon le type des lésions observées.

A – sans necrose caseeuse :

De nombreuses maladies infectieuses ou non infectieuses peuvent s’accompagner de lésions granulomateuses épithélioïdes et gigantocellulaires sans nécrose caséeuse.

Parmi ces maladies, les plus fréquentes sont :

• infectieuses : mycobactérie autre que M. tuberculosis (ex. lèpre) ; mycose (histoplasmose) ; bactérie (brucellose) ; parasite (schistosomiase) ;

• non infectieuses : bérylliose, stroma de certains cancers ;

• de cause inconnue : sarcoïdose.

B – Avec Necrose caseeuse (lésions granulomateuses épithélioïdes et gigantocellulaires caséo-folliculaires et caséo-fibreuses) :

La nécrose caséeuse est très caractéristique, pratiquement «spécifique» de la tuberculose en Europe.

Cependant une nécrose de type caséeux peut s’observer avec d’autres agents pathogènes :

• mycose, en particulier l’histoplasmose fréquente sur le continent américain dont les lésions sont similaires à celles de la tuberculose ;

• autre mycobactérie : BCG, M. avium…;

• syphilis tertiaire aujourd’hui exceptionnelle.

C – bacilles acido-alcoolorésistants :

Cette découverte témoigne de la présence d’une mycobactérie.

Il s’agit le plus souvent, en Europe, de M. tuberculosis.

Seule la mise en culture permet d’identifier la mycobactérie et d’affirmer une tuberculose.

1 COMMENTAIRE

  1. BONJOUR?
    Je cherche des renseignements sur la tuberculose du foie, par exemple faut-il etre porteur ou porteuse de la tuberculose pulmonaire pour avoir celle du foie, est-elle contagieuse? et si le cas sous combien de temps se declare t elle (symptômes)???? Est elle dangereuse et comment la soigne t on ?? est elle mortelle et est elle plus difficile a soigner qu’une tuberculose pulmonaire
    Merci de bien vouloir me repondre
    CORDIALEMENT

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