Les sténoses chroniques de l’intestin grêle sont un mode fréquent
d’expression des pathologies de cet organe.
La présentation clinique
est variable, simple gêne postprandiale ou au contraire crises
douloureuses intenses, voire occlusion aiguë, brutale.
Les étiologies
sont nombreuses, et pratiquement toutes les affections du grêle,
qu’elles soient aiguës ou chroniques peuvent donner naissance à une
sténose chronique.
Le rôle de l’imagerie est essentiel, puisque c’est
pratiquement la seule modalité diagnostique en dehors de
l’exploration chirurgicale, l’endoscopie étant souvent inefficace dans
ce domaine.
Au transit du grêle, s’est adjointe ces dernières années
la riche contribution de l’imagerie en coupes : échographie,
tomodensitométrie (TDM) et imagerie par résonance magnétique
(IRM).
L’apport de l’angiographie est désormais des plus limité.
Généralités
:
Une sténose de l’intestin grêle se définit par une réduction constante
et fixe du calibre intestinal.
Le calibre normal varie
entre 25 mm et 35 mm, respectivement pour l’iléon et pour le
jéjunum.
Pour qu’une sténose soit opérante, il est nécessaire que le
calibre intestinal soit réduit de 25 à 50 %.
Dans ces conditions,
l’obstruction entraîne une dilatation du grêle d’amont plus ou moins
marquée.
La longueur de la sténose est variable, et dépend de
l’étiologie.
Une sténose étendue sur plusieurs centimètres est
habituellement dénommée rétrécissement.
Au cours des
dilatations aiguës, le calibre de l’intestin grêle dépasse rarement
50 mm, c’est habituellement le jéjunum qui se dilate le plus.
À
l’inverse, au cours des dilatations chroniques, le calibre du grêle
peut atteindre 80 à 90 mm, comparable à un segment colique.
Il n’y a pas la progressivité de la dilatation dans le sens oroanal des dilatations aiguës.
Le jéjunum est souvent de calibre
normal, et la dilatation iléale augmente rapidement jusqu’à la
sténose.
Ces dilatations importantes sont souvent segmentaires, et
sur l’imagerie en coupes la distinction entre intestin grêle et côlon
est loin d’être facile, d’autant que les aliments stagnent en amont
des sténoses et simulent des selles.
Sur le plan clinique, les sténoses chroniques du grêle ont une
expression extrêmement variable, dépendant de la localisation, de
l’importance de la sténose et surtout de l’étiologie.
Ces lésions
s’accompagnent souvent d’ulcérations hémorragiques, avec
possibilité d’anémie et de méléna ou de rectorragies.
En cas de
tumeurs malignes, l’état général est altéré.
Les troubles du transit
sont d’intensité variable : pesanteur postprandiale tardive, syndrome
de Koenig avec des douleurs périombilicales disparaissant lors de
l’émission de selles ou de gaz, crises à type de colique intestinale et
enfin syndromes subocclusifs ou occlusifs subaigus, voire aigus.
Paradoxalement, une sténose chronique peut se manifester par des
diarrhées causées par un syndrome de l’anse borgne en amont de la
sténose.
Pour le diagnostic positif de sténose chronique de l’intestin grêle,
l’imagerie médicale doit mettre en évidence un segment intestinal
dilaté (diamètre supérieur à 35 mm pour le jéjunum, et à 25 mm
pour l’iléon) et en aval un segment intestinal de calibre normal ou collabé.
Cette zone transitionnelle est habituellement bien
identifiée au transit du grêle.
Ceci est parfois plus difficile sur l’imagerie en coupes.
Entre ces deux
segments, la lésion sténosante est recherchée et identifiée pour en
préciser l’étiologie.
Pour le caractère chronique,
c’est bien sûr l’évolution clinique qui oriente le diagnostic, en
sachant que de nombreuses sténoses chroniques sont longtemps
silencieuses et peuvent se révéler par un épisode aigu.
Enfin, une cause fréquente de sténose chronique de l’intestin
grêle est en fait une lésion sténosante du caecum ou du côlon droit,
et notamment les cancers.
En effet, ces lésions malignes
fréquentes s’installent progressivement, en causant une dilatation de
l’iléon distal par reflux à travers la valve iléocaecale.
Les techniques d’imagerie de l’intestin grêle sont multiples car, aux
anciennes et classiques méthodes : abdomen sans préparation,
transit du grêle et angiographie, s’est ajoutée plus récemment
l’imagerie en coupes : échographie, scanner et IRM.
Méthodes d’imagerie
:
A - IMAGERIE CLASSIQUE
:
L’abdomen sans préparation (ASP) est peu spécifique, mais sa
simplicité et sa facilité en font un examen de première intention,
notamment lorsque des troubles du transit sont signalés.
Cet examen
permet de déceler des clartés anormales : corps étrangers, abcès,
voire masse cavitaire. L’air endoluminal peut également
silhouetter des anomalies comme des plis épaissis, une masse
tumorale voire un rétrécissement luminal.
Les calcifications
« banales » concernent les vaisseaux et les ganglions, mais il peut
également s’agir de tumeur : carcinoïde, léiomyome, métastases,
….
Des opacités anormales de densité hydrique peuvent
correspondre soit à une masse tumorale, soit à une cavité remplie
de liquide ou à une collection.
Dans les sténoses chroniques de
l’intestin grêle, ce sont surtout des niveaux hydroaériques que l’on
recherche.
Classiquement, les niveaux sur le grêle siègent dans la
partie médiane de l’abdomen, sont plus hauts que larges, et
possèdent des plis (valvules conniventes) qui traversent
complètement la lumière intestinale.
Le transit du grêle reste la méthode contrastée exclusive de l’intestin
grêle.
Il nécessite l’utilisation de grandes quantités de produit
de contraste, qui permet l’obtention d’une colonne continue duodénocaecale avec distension importante des anses intestinales,
couplée à une palpation avec dissociation une à une des anses
intestinales afin de faire disparaître les superpositions.
Certains
médecins ou chirurgiens prescrivent parfois une opacification de l’intestin grêle à l’aide de produits iodés hydrosolubles, craignant
de transformer avec le sulfate de baryum une subocclusion en
occlusion.
En fait, ce risque théorique n’a jamais été démontré et
ne pourrait éventuellement apparaître qu’en cas de sténoses coliques serrées du côlon droit.
Avec les produits iodés hypertoniques, le
produit de contraste se dilue de façon importante au-delà de la
quatrième anse jéjunale, rendant toute analyse sémiologique précise
impossible.
De plus, cette pratique peut entraîner des douleurs
abdominales intenses, des diarrhées massives avec déséquilibre
électrolytique et déshydratation.
Deux méthodes permettent d’obtenir une hyperréplétion intestinale :
absorption de grandes quantités de contraste (3 X 300 mL) et
injection d’antispasmodiques endoveineux, ou intubation duodénale
puis infusion d’environ 1 500 mL de contraste par l’intermédiaire de
la sonde duodénale à l’aide d’un infuseur ou à la seringue,
puis éventuellement double contraste : air, eau, ou méthylcellulose.
L’entéroclyse est la méthode de choix lorsqu’on suspecte une sténose
du grêle, notamment lorsqu’elle est chronique ou de faible
importance.
La surdistension intestinale permet le franchissement
de la ou des sténoses et sensibilise la détection des
petites sténoses en révélant une dilatation anormale en amont.
L’angiographie coeliomésentérique est effectuée par des cathétérismes
sélectifs et complémentaires à partir d’une voie fémorale ou
humérale.
L’incidence habituelle est la face mais le profil, voire les
obliques, sont souvent nécessaires, notamment pour étudier l’origine
de l’artère mésentérique supérieure.
Sur les clichés numériques, les artères jéjunales, iléales et iléocoliques avec leurs arcades bordantes
et leurs vasa recta sont facilement analysées, et une étude du retour
veineux splénique est systématiquement effectuée.
B - IMAGERIE EN COUPES
:
L’échographie a largement bénéficié des innovations technologiques
et de l’accroissement de l’expérience des examinateurs.
L’étude
échographique de l’intestin grêle peut être effectuée au cours de
toute échographie abdominale.
Il est préférable d’utiliser
une sonde de haute fréquence (7,5 à 12 MHz) pour obtenir une
analyse précise de la paroi intestinale.
Il est possible
d’utiliser des sondes endocavitaires (rectales et/ou vaginales) pour
étudier les anses iléales pelviennes.
Comme le scanner,
l’échographie rend possible le guidage des biopsies de lésions
macroscopiques de l’intestin grêle.
Avec les appareils actuels, il est
possible d’effectuer une étude doppler en même temps que
l’exploration en échographie bidimensionnelle.
Les vaisseaux
analysables sont essentiellement les artères et les veines
mésentériques supérieure et inférieure.
Le doppler de puissance, en
plus du doppler couleur ou pulsé, rend possible l’exploration des
flux lents de la paroi intestinale et du mésentère, ce qui est
essentiel pour rechercher une souffrance ischémique associée à la
dilatation.
La tomodensitométrie (TDM) est devenue un examen essentiel de
l’exploration intestinale, car elle permet à la fois une étude de la
paroi intestinale et de son environnement mésentérique et
péritonéal ainsi que des organes abdominopelviens et des
vaisseaux.
Son emploi chez les enfants est efficace.
Pour bien analyser l’intestin grêle, il est nécessaire d’obtenir une
bonne distension des anses grêles.
Pour opacifier correctement
l’intestin grêle, le patient doit absorber près de 1 000 mL de liquide
en commençant plus de 30 minutes avant le début de l’examen.
Avec les scanners hélicoïdaux, la tendance est à
l’opacification par du simple liquide sans adjonction de contraste
positif dilué.
L’injection rapide de contraste iodé endoveineux
opacifie nettement la muqueuse et la musculeuse intestinale qui se
différencient parfaitement du contenu liquidien.
Le contraste endoluminal positif se confond avec le rehaussement de la
muqueuse lors de l’injection iodée.
L’injection d’un
antispasmodique endoveineux avant le début de l’examen permet
d’obtenir une bonne distension intestinale.
Afin d’opacifier
rapidement la totalité de l’intestin grêle et surtout l’iléon, il est
possible d’ajouter dans le liquide absorbé un laxatif doux (Calscan)
ou du métoclopramide.
L’entéroscanner permet une excellente
distension intestinale, car il intègre une entéroclyse à l’eau (2 000 mL
d’H2O à raison de 100 mL ou 200 mL/minute) suivie
immédiatement d’un scanner adbominopelvien sans contraste
intraveineux (IV), puis après contraste IV.
L’hypotonie intestinale
est favorisée par l’administration d’antispasmodiques en
intraveineuse.
L’analyse des anses grêles est de meilleure
qualité si elle est réalisée à la console de visualisation ou de
traitement en utilisant les reconstructions multiplanaires et
le défilement rapide des images (« ciné-loop »).
Sur le plan pratique, on réalise une première spirale sans contraste,
puis une seconde spirale après injection intraveineuse de contraste
iodé (2 mL/kg - 350 mg/mL d’iode - débit 2,5/3 mL/s).
Pour
obtenir une opacification satisfaisante de la paroi intestinale, la
spirale après injection doit visualiser l’intestin grêle 90 secondes
après le début de l’injection.
La recherche d’une lésion vasculaire
artérielle ou artérioveineuse impose une spirale plus précoce, autour
de 45 secondes après le début d’injection.
Il est possible de
réaliser, avec les scanners actuels (mono- ou multibarrettes), deux
spirales successives (« load and go »), la première 40 secondes après
le début de l’injection et la seconde à 120 secondes également après
le début d’injection.
Avec l’apparition des scanners multicoupes, mais déjà avec les
scanners volumiques monocoupes, le nombre de clichés à étudier s’accroît de manière exponentielle, en passant de plus de 100 images
à 400 voire 600 images.
L’analyse n’est désormais possible que sur
des consoles, en recourant régulièrement au « ciné-loop » et aux
reconstructions multiplanaires qui deviennent excellentes avec les
scanners multicoupes.
Les différents traitements 3D surfaciques
ou volumiques sont peu utiles au niveau du grêle, il en est de même
pour l’endoscopie virtuelle.
L’IRM prend de plus en plus de place dans l’imagerie abdominale
et notamment du tube digestif, depuis les progrès des années
1995.
Ce sont les séquences en apnée en écho de gradients ou en
écho de spin de type cholangio-IRM avec une pondération T2
intermédiaire qui fournissent les meilleures acquisitions pour
l’intestin grêle.
Il est possible de réaliser des coupes axiales,
coronales ou sagittales.
La suppression du signal de la graisse
réduit les artefacts « fantômes » causés par la graisse
mésentérique, et améliore la détermination des parois intestinales.
L’injection de gadolinium fournit une approche cinétique
vasculaire de la paroi intestinale.
Il est possible également d’effectuer des études vasculaires avec des acquisitions
volumiques, permettant des reconstructions de type angiographique (angio-IRM) pour les vaisseaux
mésentériques notamment.
Malgré de multiples essais de contrastes positifs et négatifs endoluminaux, la technique la plus souvent utilisée actuellement est
l’absorption de grandes quantités d’eau (avec ou sans laxatifs) avec
l’injection d’antispasmodiques endoveineux. Ainsi l’eau fournit un
contraste négatif en T1 et positif en T2.
Par analogie à
l’entéroscanner, certaines équipes recommandent l’entéro-IRM.
Il
s’agit d’effectuer une entéroclyse à l’eau à raison de 100 mL/s, 15 à
20 minutes avant le début de l’examen, et à injecter des
antispasmodiques endoveineux.
Les acquisitions coronales
fournissent alors des images de transit du grêle en dissociant le
mésentère.
Le contenu endoluminal liquidien apparaît
soit en négatif (T1) soit en positif (T2).
Ainsi l’IRM peut réaliser un
examen « tout en un » : étude pariétale, endoluminale et vasculaire
(angio-IRM).
Étiologie
:
Les sténoses chroniques de l’intestin grêle peuvent être classées en
six regroupements étiologiques :
– lésions inflammatoires ou infectieuses ;
– sténoses chroniques d’origine vasculaire ;
– sténoses chroniques tumorales ;
– sténoses chroniques post-thérapeutiques ;
– obstructions chroniques du grêle par coupe endoluminale ;
– lésions sténosantes chroniques d’origine extrinsèque ou
mésentérique.
A - LÉSIONS CHRONIQUES INFLAMMATOIRES
OU INFECTIEUSES :
Pour entraîner une sténose de l’intestin grêle, les lésions infectieuses
ou inflammatoires doivent avoir une extension transmurale
fibrosante.
Le nombre d’affections concernées est limité car les
atteintes infectieuses aiguës transmurales donnent rapidement des
abcès ou des péritonites par perforation (salmonelloses), avec
comme conséquence un geste chirurgical rapide.
Les autres atteintes
provoquent des ulcérations superficielles (yersinioses, parasitose,
iléite par reflux, gastroentérite à éosinophiles, etc).
De ce fait, les
lésions inflammatoires ayant une évolution sténosante sont
dominées par la maladie de Crohn et, de manière plus
exceptionnelle, la tuberculose intestinale, la maladie de Behçet et
l’entérite à cytomégalovirus.
1- Maladie de Crohn
:
C’est une affection inflammatoire, idiopathique, granulomateuse,
transmurale à évolution chronique, évoluant vers la sténose et les
fistules.
Il y a deux pics de fréquence, le jeune adulte
(15-35 ans) et le senior (après 60 ans).
Tous les segments du tractus
digestif peuvent être touchés, mais c’est l’intestin grêle avec l’iléon
terminal qui est le plus souvent atteint, c’est la forme intestinale
décrite par Crohn, Ginzburg et Offenheimer en 1932.
L’élément
histologique caractéristique est le granulome gigantocellulaire non
nécrosant qui est décelé surtout au début de la maladie.
Comme
l’intestin grêle, en dehors de la dernière anse iléale, est peu
accessible à l’endoscopie, le transit du grêle a longtemps été le seul
examen morphologique capable d’affirmer le diagnostic.
Désormais, le scanner, l’échographie et l’IRM peuvent visualiser des
anomalies pariétales et mésentériques évocatrices de la maladie.
Les sténoses granulomateuses peuvent apparaître à la phase initiale
de la maladie par oedème, ulcérations, épaississement muqueux et
sous-muqueux entraînant un rétrécissement luminal plus ou moins
étendu, souvent majoré par des phénomènes spastiques.
Ultérieurement, elles peuvent se constituer par des processus fibrosants, transmuraux avec ou sans fissures ou abcès intramuraux,
et enfin être causées par l’atteinte mésentérique avec ou sans abcès
ou fistules.
Le transit du grêle met facilement en évidence les sténoses
intestinales granulomateuses, surtout avec l’emploi de l’entéroclyse.
Les différents sténoses et rétrécissements granulomateux sont peu spécifiques, excepté lorsqu’ils apparaissent
asymétriques avec une prédominance mésentérique.
D’autres éléments peuvent orienter le diagnostic, ce sont surtout les
ulcères et les ulcérations : ulcères aphtoïdes et surtout les fissures
transmurales, les ulcérations longitudinales asymétriques,
dispersés sur une muqueuse normale avec une prédominance
mésentérique.
Ces lésions plus caractéristiques doivent être
recherchées à l’aide du palpateur externe en amont de la sténose.
L’existence de fistules communiquantes iléosigmoïdiennes ou iléoiléales
aide également au diagnostic, ainsi que les sacculations
antimésentériques.
À l’imagerie en coupes, l’épaississement pariétal circonférenciel iléal
n’est pas spécifique en échographie même s’il existe un
rehaussement en « halo » au scanner ou à l’IRM
et une hypervascularisation pariétale au doppler.
Ce qui est plus évocateur, c’est l’atteinte transmurale avec
extension sur le versant séreux de la paroi intestinale, voire dans le
mésentère.
Les autres signes qui peuvent orienter le diagnostic sont :
– la prédominance de l’atteinte sur la région iléocaecale ;
– des localisations multisegmentaires sur le grêle, voire sur le côlon ;
– la présence de petites adénopathies mésentériques, de fistules ou
d’abcès mésentérique ou péri-intestinale.
2- Autres sténoses chroniques inflammatoires
ou infectieuses
:
La tuberculose intestinale est le principal diagnostic différentiel de la
maladie de Crohn, puisqu’elle peut la simuler en tout point même sur le plan anatomopathologique.
Néanmoins, ce diagnostic
différentiel est très théorique, car dans les pays européens, la
fréquence des iléites terminales de Crohn est de 99 %, pour 1 %
d’iléite terminale tuberculeuse.
Sur le plan radiologique, la tuberculose du grêle se manifeste par
des sténoses ulcérées multiples, mais le plus souvent (90 %) la
localisation est limitée à la région iléocaecale.
Les
éléments d’orientation diagnostique sont représentés par des ulcérations larges disséminées et des phénomènes fibrosants très marqués, ainsi qu’une rétraction du caecum.
Le
diagnostic est souvent porté sur la pièce opératoire en l’absence de
tuberculose pulmonaire évolutive.
Au scanner ou à
l’échographie, c’est l’importance des adénopathies de type
inflammatoire autour de la dernière anse iléale qui
aide au diagnostic différentiel avec la maladie de Crohn.
La maladie de Behçet est une aphtose buccogénitale associée à des
manifestations systémiques diverses (hypersensibilité cutanée,
thromboses veineuses multiples…).
Les lésions du grêle sont
essentiellement d’origine vasculaire : vascularite et thrombose avec
des sténoses ulcérées segmentaires souvent multiples.
La
dernière anse iléale peut être atteinte. Au scanner, il est possible de
mettre en évidence des épaississements pariétaux circonférenciels
avec parfois un rehaussement en double « halo ».
Une perforation
d’origine ischémique peut donner naissance à un pneumopéritoine.
L’entérite à cytomégalovirus peut se manifester par des lésions sténosantes ulcéreuses secondaires à des phénomènes ischémiques
causés par les toxines urales.
L’aspect radiologique et scanographique présente peu de spécificité.
Il existe de vastes
ulcères à l’origine parfois de perforation, c’est le contexte
d’immunodépression acquise (syndrome de l’immunodéficience
acquise : sida) ou thérapeutique (transplantation) qui oriente le
diagnostic.
B - STÉNOSES CHRONIQUES D’ORIGINE VASCULAIRE
:
La pathologie vasculaire de l’intestin grêle a habituellement une
présentation clinique aiguë ou subaiguë, réalisant le tableau
d’ischémie mésentérique par lésion artérielle ou veineuse.
L’évolution plus chronique de l’ischémie mésentérique
est représentée par la cicatrisation des lésions intestinales, avec
apparition de lésions sténosantes plus ou moins étendues.
Lorsque l’obstruction est peu importante comme les sténoses sont
souvent courtes et infundibulaires, le transit du grêle, notamment
par entéroclyse, est très efficace pour le diagnostic.
Il s’agit de
sténoses de type inflammatoire comprenant souvent des
ulcérations sur le bord antimésentérique, segment le plus fragile sur
le plan vasculaire.
Ceci explique également que la sténose est
parfois asymétrique, prédominant sur le bord antimésentérique.
Elle
entraîne une dilatation d’amont, minime au début, décelée
uniquement par le débit élevé de l’entéroclyse.
Progressivement, la sténose s’amplifie car les processus fibreux de
cicatrisation évoluent pour leur propre compte.
Une véritable
occlusion peut apparaître, aggravée ou révélée parfois par un
blocage alimentaire.
Les sténoses post-traumatiques intestinales ont
un aspect radiologique identique et un mécanisme
physiopathologique voisin.
Les sténoses d’origine ischémique
constituent 10 % des sténoses du grêle, et prédominent sur le
jéjunum.
Au site de la sténose, les anomalies pariétales sont minimes avec un
épaississement pariétal modéré, ce qui explique que l’imagerie en
coupes puisse méconnaître la lésion.
En revanche,
à la phase franchement obstructive, l’imagerie en coupes affirme
facilement l’obstruction, mais l’absence d’anomalies pariétales
vraiment importantes fait porter le diagnostic erroné d’obstruction
sur bride.
L’entéroscanner peut révéler plus facilement la lésion
sténosante.
C - STÉNOSES CHRONIQUES POST-THÉRAPEUTIQUES
:
Ce paragraphe regroupe l’entérite radique, les lésions
médicamenteuses et les hématomes intramuraux.
Cet ensemble de
lésions peut entraîner des sténoses chroniques du grêle.
1- Entérite radique
:
À la phase initiale d’une irradiation abdominopelvienne, le grêle
présente des lésions inflammatoires aiguës, mais le diagnostic
d’entérite radique n’est retenu que si ces anomalies persistent plus
de 6 mois après l’arrêt du traitement.
Sur le plan anatomopathologique, la muqueuse est ulcérée, il existe
des phénomènes fibrosants plus ou moins marqués dans la sousmuqueuse,
les musculeuses, la séreuse, ainsi qu’au niveau des structures vasculaires.
Une dose totale supérieure à 45 Gy est
nécessaire pour entraîner une entérite radique qui ne survient que
chez 10 % des malades irradiés.
Certains facteurs favorisent
l’apparition de ces lésions : recoupement des champs, associations
thérapeutiques, antécédents de chirurgie abdominale, terrains
vasculaires.
Cliniquement, en dehors des phénomènes subocclusifs
intermittents, l’entérite radique peut causer des troubles intestinaux
variés : diarrhées, malabsorptions, hémorragies digestives voire
perforations intestinales.
Au transit du grêle, les anomalies concernent les parois intestinales
et le mésentère avec fixité, angulation aiguë des anses et majoration
de l’espace interanse.
Le calibre des anses intestinales est
diminué de manière progressive, infundibulaire, circonférencielle et
centrée.
En amont, la dilatation est plus ou moins marquée,
l’entéroclyse aggrave les phénomènes obstructifs.
Sur
le plan muqueux, différentes altérations sont à noter : simple
épaississement des plis qui deviennent rectilignes avec
amincissement des interplis, effacement complet des plis avec ou
sans ulcérations superficielles et multiples, associé à des encoches
marginales arciformes mésentériques.
Des sténoses courtes
ulcérées, multiples sont possibles ainsi que des fistules.
La topographie segmentaire des lésions en regard des champs
d’irradiation facilite le diagnostic et la distinction avec une
éventuelle récidive maligne.
L’imagerie en coupes (scanner et
échographie) participe efficacement à ce diagnostic
différentiel : lésions radiques versus récidive maligne.
Le syndrome obstructif est facilement identifié si l’atteinte radique
est pure ; les anses grêles présentent un épaississement pariétal
circonférenciel hypoéchogène en échographie, et se rehaussent de
façon homogène au scanner.
En cas de carcinomatose, il existe un
épanchement intrapéritonéal, des masses mésentériques, un
écartement en éventail des anses et un aspect échogène des parois
intestinales à l’échographie.
En TDM, la graisse mésentérique
apparaît « sale » avec des densités linéaires mal limitées, floues et
les parois intestinales se rehaussent en « cible ».
Des masses ou des
nodules mésentériques à limites nettes, séparés de zones saines sont
identifiables au sein de la graisse mésentérique et péritonéale.
2- Lésions médicamenteuses du grêle
:
Les médications anti-inflammatoires non stéroïdiennes (AINS) sont
maintenant la principale cause de ces lésions du grêle, étant donné
leur diffusion.
Les dérivés potassiques et notamment le chlorure de potassium ne sont pratiquement plus employés.
Lors de leur
absorption, ils peuvent entraîner au niveau des veines
mésentériques un spasme vasculaire, avec infarcissement veineux et
nécrose ischémique.
L’action des AINS semble un
peu différente, ils diminuent les mécanismes de protection de
l’épithélium intestinal par le biais des prostaglandines, ce qui
modifie également la perméabilité entérocytaire.
Ainsi des germes
et des substances toxiques peuvent arriver dans la circulation
mésentérique, et causer des phénomènes ischémiques.
Ces lésions
ischémiques localisées provoquent des ulcérations avec nécrose
épithéliale et atrophie villositaire, puis une évolution fibrosante,
notamment dans la sous-muqueuse, est à l’origine des sténoses du
diaphragme.
Deux autres médications ont été reconnues comme
capables d’entraîner de manière exceptionnelle des lésions du grêle,
ce sont la fluoxuridine (FuD2), pyrimidine employée dans le
traitement des métastases de cancer colique, et la flucytosine (Fc),
médication antifongique.
Ces deux médications entraînent une
diarrhée aiguë dès le début du traitement, avec des signes
d’entéropathies diffuses.
L’arrêt du traitement permet une rapide
amélioration, mais une évolution sténosante est possible.
Une anémie ferriprive non expliquée par une lésion gastroduodénale
ou colique est le mode de révélation le plus fréquent.
Radiologiquement, la détection de ces lésions est difficile, ce qui
explique leur sous-estimation fréquente et leur méconnaissance,
parfois découverte lors d’une entéroscopie ou d’une laparotomie.
Le
caractère superficiel et très localisé de ces lésions explique ces
difficultés diagnostiques, et l’entéroclyse doit être fortement
recommandée lorsque l’on recherche une telle lésion.
Trois aspects radiologiques sont possibles : une sténose courte et fine
en « diaphragme », une sténose plus longue souvent ulcérée,
enfin un ulcère accompagné de phénomènes fibrosants et prenant
ainsi un aspect trifolié.
Comme ces lésions siègent
souvent sur le grêle intermédiaire ou l’iléon, les superpositions
d’anses les masquent fréquemment, et seule une compression dosée
à l’aide d’un palpateur externe avec dissociation une à une de la
totalité des anses peut les révéler.
Malgré cette excellente technique,
les sténoses en diaphragme peuvent être méconnues et confondues
avec une simple valvule connivente, en raison de sa régularité et de
l’absence d’anomalie d’aval et d’amont.
Ces sténoses en
diaphragme peuvent être multiples. Parfois une ulcération
superficielle siège au centre du diaphragme.
Les autres sténoses sont
radiologiquement plus polymorphes : sténose circonférencielle,
abrupte ou infundibulaire, symétrique ou asymétrique, ulcérée ou non.
Les ulcères sont parfois multiples et superficiels, mais ils
peuvent être plus caractéristiques lorsqu’ils prennent l’aspect d’un
ulcère du bulbe chronique, avec un ulcère central assez profond vers
lequel convergent des plis épaissis et fixés donnant à la sténose
ulcérée une forme en « trèfle », ou avec des saccules.
Ces ulcères
signent une lésion récente et de ce fait des phénomènes spastiques
peuvent la modifier, voire la masquer.
Ces lésions médicamenteuses
du grêle entraînent un épaississement pariétal peu important et très
localisé, difficile à mettre en évidence par l’imagerie en coupes.
L’existence d’une dilatation modérée en amont de la sténose et un
net rehaussement de celle-ci peuvent faciliter leur détection.
3- Hématomes intramuraux du grêle
:
La sous-muqueuse de l’intestin grêle est très vascularisée, et de ce
fait les complications hémorragiques s’y localisent souvent. Une
réaction péritonéale est également fréquente.
Le tableau clinique est
dominé, quelle que soit la cause, par un syndrome occlusif aigu ou
subaigu.
Les causes d’hématomes intramuraux sont multiples, mais le
surdosage en anti-vitamine K est le plus fréquent, les troubles de la
crase sanguine (hémopathies), les traumatismes abdominaux, les
pancréatites et le purpura rhumatoïde sont d’autres causes
d’hématomes sous-muqueux du grêle.
Le diagnostic différentiel entre hématome intramural et lésion ischémique du grêle
est souvent difficile, puisque le terrain et la présentation clinique
sont identiques et que les ischémies non occlusives et les thromboses
veineuses peuvent, au niveau du grêle, donner naissance à des
hématomes pariétaux.
Pour les hématomes sous anticoagulants, on
note également un effondrement net du taux de prothrombine
(inférieur à 15 %).
Au transit du grêle, les hématomes sous-muqueux se manifestent
par un rétrécissement segmentaire.
La paroi est épaissie, les
plis deviennent rectilignes, parallèles, rapprochés par diminution de
l’interpli, et leur épaisseur s’accroît (supérieure à 2 mm).
Des
encoches marginales arciformes (« empreintes de pouce ») sont
parfois présentes au centre du rétrécissement.
Le rétrécissement est
progressif à ses deux extrémités.
Habituellement, il est unique, mais
les lésions peuvent être multifocales.
La restitution complète est
obtenue en 3 à 6 semaines.
L’imagerie en coupes peut mettre en évidence l’épaississement
pariétal intestinal, l’obstruction intestinale éventuelle ainsi que
l’épanchement intrapéritonéal.
À l’échographie, l’hématome cause
un épaississement pariétal important supérieur à 10 mm, très hypoéchogène, voire liquidien, associé souvent à un
épanchement intrapéritonéal.
Au scanner, le caractère hyperdense
avant contraste endoveineux (45-60 UH) de l’épaississement pariétal
est très en faveur d’une lésion hémorragique.
L’épaississement est soit circonférenciel, soit asymétrique, la graisse
mésentérique peut être également hyperdense ou simplement dense.
L’épanchement intrapéritonéal a plus souvent une densité
liquidienne (20 UH).
En IRM, l’hématome est également facilement identifié par son hyperdensité sur les séquences en écho de spin ou
en écho de gradient pondérées en T1.
D - STÉNOSES CHRONIQUES TUMORALES
:
Les tumeurs du grêle se révèlent souvent par des manifestations
obstructives chroniques, voire aiguës.
L’atteinte de l’état général,
avec amaigrissement et anémie, suggère un processus évolutif malin.
En dehors des lymphomes, les tumeurs malignes présentent plus
souvent une obstruction progressive qu’une occlusion aiguë.
Les
tumeurs bénignes peuvent se révéler par une obstruction aiguë par
invagination.
Pour les autres tumeurs, c’est l’épaississement pariétal
qui entraîne l’obstruction intestinale.
En raison de ces éléments, trois
groupes de tumeurs peuvent être étudiés : les tumeurs bénignes, les
lymphomes non hodgkiniens (LNH) et les tumeurs malignes.
1- Tumeurs bénignes
:
En l’absence d’invagination, les tumeurs bénignes sont rarement
obstructives.
L’aspect macroscopique d’une invagination intestinale
est très évocateur sur les différents types d’imagerie.
Les tumeurs de l’iléon peuvent se manifester par une invagination iléocolique.
Au transit du grêle, l’invagination apparaît sous la forme d’une anse
grêle dilatée, dont les plis muqueux transversaux sont rapprochés et
incomplètement opacifiés.
Au centre de cette anse dilatée, il existe
une lumière intestinale rétrécie avec des plis longitudinaux collabés.
À l’extrémité distale de l’obstruction, lorsque le contraste passe, il
est possible d’identifier une masse arrondie correspondant à la
tumeur.
À l’échographie, l’invagination apparaît de façon variable suivant le
plan de coupe : image en « double cible » correspondant aux deux
anses invaginée et invaginante, anse dilatée à contenu échogène
(méso) avec des vaisseaux, masse (tumeur) d’échogénécité variable
au centre d’une anse dilatée.
En incidence oblique, l’image
échographique peut prendre l’aspect d’un « huit » ou d’un
« champignon ».
Au scanner, les coupes perpendiculaires à l’axe intestinal visualisent
des images de doubles parois intestinales, séparées par du tissu
graisseux contenant des vaisseaux.
À l’extrémité, la
tumeur peut être identifiée : densité graisseuse (lipome),
rehaussement vasculaire précoce (angiome), un peu retardé
(léiomyome ou neurofibrome), et plus retardé (polype fibroinflammatoire).
Ces anomalies peuvent également être mises en
évidence en IRM.
2- Lymphomes malins non hodgkiniens (LNH)
:
Ils se manifestent par des phénomènes obstructifs intermittents en
cas de masse tumorale endoluminale s’invaginant.
La région iléocaecale est un site privilégié pour ces invaginations.
Les autres formes de LNH sont rarement obstructives : formes
multinodulaires, formes infiltrantes et formes mésentériques.
Ces anomalies sont identifiables au transit du grêle,
mais l’échographie et la TDM sont plus contributives, en permettant
une analyse pariétale et péri-intestinale.
3- Tumeurs malignes
:
Elles comprennent essentiellement les épithéliomas, les tumeurs stromales, les tumeurs carcinoïdes et les métastases.
Les épithéliomas prédominent sur le jéjunum, où ils donnent
naissance à une sténose courte asymétrique, souvent ulcérée et très
obstructive.
L’échographie, le scanner et l’IRM mettent en évidence
l’épaississement pariétal tumoral abrupt en regard de la sténose.
Les tumeurs stromales regroupent les anciennes tumeurs à cellules
fusiformes (léiomyosarcomes, fibrosarcomes, schwannosarcomes,
etc).
Ce sont des tumeurs très vascularisées qui peuvent siéger au
sein des différentes tuniques de la paroi intestinale.
La forme endoluminale pure peut se compliquer d’invagination comme une
tumeur bénigne.
La forme pariétale peut réaliser une sténose
asymétrique hypervascularisée souvent ulcérée qui
progressivement va obstruer la lumière intestinale.
Le siège peut être
jéjunal ou iléal.
Enfin, la forme à développement exoluminal peut
causer une obstruction par compression extrinsèque de la lumière
intestinale.
Parfois, la masse tumorale contient une cavité
communiquant avec la lumière intestinale.
Les tumeurs carcinoïdes ont une expression clinique souvent
dominée par des phénomènes obstructifs intermittents avec
résolution spontanée réalisant un syndrome de Koenig.
Au transit
du grêle, ces tumeurs entérochromaffines sécrétant de multiples
composés (sérotonine, histamine, plasmakinine, bradykinine, etc)
apparaissent comme des tumeurs sous-muqueuses iléales arrondies.
L’obstruction intestinale intermittente est souvent
causée par la mésentérite rétractile, qui est magnifiquement
identifiée par le scanner.
La mésentérite entraîne de
plus des phénomènes ischémiques, et des ganglions mésentériques
tumoraux calcifiés sont souvent associés.
Lorsque la tumeur initiale,
rarement identifiée au scanner, a plus de 2,5 cm de diamètre, les
métastases hépatiques sont fréquentes.
Ce sont elles qui causent le
tableau endocrinien clinique de type carcinoïde : « flushs »
émotionnels, sueurs, tachycardie, dyspnée, etc.
Les cancers secondaires du grêle sont relativement rares, comparés à
la carcinomatose péritonéale.
Les tumeurs primitives en cause sont
les mélanomes malins, les tumeurs de l’ovaire, du pancréas, du sein,
du poumon et du testicule.
L’obstruction intestinale est causée par l’invagination des tumeurs endoluminales, par le rétrécissement circonférentiel des masses
secondaires pariétales, et enfin par les masses mésentéricointestinales
.
Le scanner est l’examen idéal, car il permet un bilan carcinologique complet, idientifiant facilement les
invaginations tumorales, les épaississements pariétaux et les masses
mésentérico-intestinales.
L’échographie et l’IRM décèlent
également ces lésions lorsque leur diamètre dépasse 2 cm.
E - OBSTRUCTIONS CHRONIQUES DU GRÊLE
PAR CORPS ENDOLUMINAL :
Un corps étranger volumineux présent dans la lumière intestinale
peut se déplacer avec le péristaltisme intestinal, mais souvent il se
bloque au niveau de la valve iléocaecale.
Au cours de ce transit
intestinal, ce corps étranger entraîne par intermittence des
phénomènes obstructifs prenant un caractère plus ou moins aigu.
L’existence de sténoses intestinales peut favoriser cette composante
obstructive.
Le caractère récidivant de l’obstruction doit orienter le
diagnostic.
Le corps étranger en cause peut être un bézoard, une
compresse, un calcul biliaire (iléus biliaire), un calcul d’origine diverticulaire (Meckel), un corps étranger dégluti
(pièce de monnaie, cure-dents, dentier…), ou des amas de parasites.
Les corps étrangers contondants peuvent entraîner une perforation.
Le diagnostic est parfois effectué à partir de l’abdomen sans
préparation : corps étranger radio-opaque, iléus biliaire associant le
calcul iléal et l’aérobilie, aspect granité festonné d’une compresse
avec ou sans calcification.
Au transit du grêle, la lacune endoluminale est facilement identifiée
avec la dilatation d’amont.
À l’échographie, le diagnostic
d’obstruction intestinale peut être porté, mais l’identification de
l’obstruction est souvent difficile, corps étranger versus tumeur endoluminale.
L’existence d’une aérobilie récente peut aider au
diagnostic.
Certains corps étrangers ont un aspect
typique en échographie, comme les compresses et le « cure-dents ».
Le scanner analyse bien les composantes calciques ou aériques du corps étranger avec la dilatation du grêle d’amont.
F - LÉSIONS STÉNOSANTES CHRONIQUES D’ORIGINE
MÉSENTÉRIQUE ET EXTRINSÈQUE
:
La pathologie du mésentère mésopéritonéal qui fixe l’intestin grêle à
la paroi abdominale postérieure peut retentir sur le calibre des anses
intestinales.
Pour différencier le bord mésentérique du bord antimésentérique d’une anse, il suffit de tracer une ligne virtuelle de
la racine du mésentère depuis l’angle de Treitz jusqu’à la valvule de
Bauhin.
Le bord intestinal le plus proche de cette ligne est le bord mésentérique.
Au scanner et sur l’imagerie en coupes, le mésentère
avec son contenu graisseux centré sur les vaisseaux mésentériques
supérieurs est facilement identifié, notamment chez les patients
pléthoriques ; l’analyse est plus difficile chez les patients maigres et
les enfants.
Le lien avec l’intestin grêle est donc bien visible.
On
rapproche des atteintes intestinales d’origine mésentérique, les
lésions causées par des pathologies extrinsèques de la cavité
péritonéale.
L’existence d’anomalies pariétales intestinales en rapport avec une
lésion extrinsèque définit le « syndrome pariétal extrinsèque ».
Au
transit du grêle, les segments intestinaux atteints sont fixés avec des
anomalies positionnelles, une angulation aiguë, une rétraction et une spiculation d’un bord intestinal.
Les plis sont épaissis, étirés,
parallèles, sans ulcérations, mais convergent vers le bord rétracté.
Si
la lésion primitive est intrapéritonéale, l’extension s’effectue vers la
séreuse intestinale puis vers la paroi intestinale, habituellement à
partir du bord antimésentérique.
À l’opposé, un processus
pathologique rétropéritonéal ou sous-péritonéal touche l’intestin
grêle par le mésentère, et les lésions prédominent sur le bord
mésentérique.
L’imagerie en coupes, en étudiant la paroi intestinale
et son environnement, est la modalité de choix pour analyser ces
pathologies.
Ainsi au scanner, la graisse péri-intestinale modifie son
aspect, elle devient hétérogène et plus dense, en échographie, elle
apparaît hypoéchogène.
L’étude concerne également les ganglions
et les vaisseaux mésentériques.
La paroi intestinale touchée se
modifie, elle s’épaissit de façon plus ou moins circonférencielle,
entraînant un rétrécissement luminal.
Elle est hypoéchogène en échographie et après injection intraveineuse de contraste, la paroi
intestinale se rehausse en TDM et en IRM.
Un épanchement intrapéritonéal est souvent associé, et la lésion primitive, sous forme
d’une masse ou d’un processus inflammatoire, peut être identifiée.
Lorsque l’atteinte intestinale est importante, il est parfois difficile de
déterminer l’origine exacte de la lésion primitive.
Il faut alors
essayer de déterminer le centre du processus pathologique, et voir
si toutes les anses intestinales à son contact sont touchées.
Cette pathologie comprend donc les hernies et les brides
péritonéales, les mésentérites, la carcinomatose péritonéale et les
lésions extrinsèques.
1- Hernies et brides péritonéales
:
Les brides péritonéales, le plus souvent postopératoires mais
également postinflammatoires, se manifestent soit par une occlusion
intestinale aiguë, soit par des épisodes subocclusifs résolutifs.
À la phase aiguë, le diagnostic est désormais réalisé essentiellement
par le scanner, qui révèle des anses grêles distendues, une zone
transitionnelle abrupte et sans anomalies pariétales, et un segment
intestinal d’aval collabé.
L’absence d’anomalie mésentérique ou
pariétale intestinale permet d’affirmer l’existence d’une bride ou
d’une adhérence péritonéale.
La zone transitionnelle siège
habituellement en regard d’une cicatrice chirurgicale.
Il est
possible également d’affirmer ce diagnostic à l’échographie et à
l’IRM avec les mêmes éléments sémiologiques.
L’avantage de l’échographie est de permettre une étude plus fine, et
dirigée sur le site de l’obstruction.
La fixité de l’anse atteinte est
aussi bien étudiée.
En dehors des phases aiguës, le transit du grêle peut fournir des
informations très démonstratives : changement brutal du calibre d’anses intestinales avec dilatation proximale et anses sous-jacentes collabées, mieux identifiées par l’entéroclyse.
Au niveau de cette
zone transitionnelle, l’anse intestinale est fixe, et présente une
angulation aiguë anormale, le relief muqueux présente un pli
supplémentaire épaissi et transversal, une indentation ou une spiculation latérale. Parfois, il s’agit d’une anse étirée,
fixe, avec un plissement plutôt longitudinal.
Les hernies sont des extériorisations de viscère abdominal,
éventuellement l’intestin grêle, au niveau d’un point
anatomiquement faible de la paroi abdominale.
Le collet du sac
péritonéal forme un véritable diaphragme rigide qui sténose l’anse
proximale et l’anse distale.
Les hernies sont caractérisées par leur
siège : elles sont inguinales, crurales, obturatrices, ischiatiques,
ombilicales, de Spiegel, lombaires et enfin de la ligne blanche.
Les éventrations et les hernies incisionnelles peuvent réaliser des
tableaux cliniques identiques.
Les hernies internes sont une forme particulière mais rare, par
incarcération intra-abdominale d’un viscère dans une fossette
péritonéale.
Il existe cinq types de hernies internes congénitales
définies par leur localisation : hiatus de Winslow, fossettes paraduodénales (53 %) droite et gauche (75 %), et enfin mésocaeco-
appendiculaire et -sigmoïdienne.
Classiquement, le transit du
grêle précisait ces différentes hernies internes : amas d’anses
agglutinées « comme dans un sac », fixées et accolées, avec dilatation
du grêle d’amont.
L’estomac refoulé à droite et le
côlon transverse abaissé dans la hernie paraduodénale gauche et les
déplacements sont inversés en cas de forme droite.
Le caecum est
repoussé et refoulé vers le haut dans la hernie mésoappendiculaire,
alors que le sigmoïde est déplacé et comprimé par la hernie paramésosigmoïdienne.
Il existe également des hernies internes acquises
secondaires à un acte chirurgical : hernie péristromale autour d’une
colostomie ou d’une iléostomie, hernie rétroanastomotique de
Petersen après gastrectomie de type Polya, et enfin hernie
transmésentérique.
Ces hernies sont bien mises en évidence avec le scanner
et notamment pour la hernie dans l’hiatus de Winslow, les anses
grêles se regroupant en arrière de l’estomac, ainsi que les hernies paraduodénales mésoappendiculaires et mésosigmoïdiennes.
2- Mésentérites et péritonites
:
Tout processus inflammatoire ou infectieux intestinal transmural
retentit sur l’état de la graisse mésentérique, mais il existe également
des atteintes mésentériques isolées ou pures mieux identifiées
depuis le recours facile au scanner.
Cette technique permet en effet
une excellente analyse de la graisse mésentérique, à condition que
celle-ci soit assez abondante.
L’atteinte péritonéale peut également
retentir sur la graisse mésentérique.
La mésentérite (lipodystrophie) peut être idiopathique ou
secondaire : tumeur carcinoïde, dialyse péritonéale, tuberculose,
lymphomes, médicamenteuse, maladie de Crohn, infections,
traumatismes, séquelles postopératoires…
Le mésentère est épaissi
de façon plus ou moins régulière, rétracté et nodulaire, voire pseudotumoral.
La graisse dégénère, avec des zones de nécrose et
de fibrose donnant une densité hétérogène et plus élevée à la graisse
mésentérique au scanner (« graisse sale »), mais aussi en échographie
et en IRM.
En IRM, l’emploi des séquences avec suppression du
signal de la graisse ou celles différenciant le signal de l’eau et de la
graisse (« in phase et out of phase ») facilite l’étude de la graisse
mésentérique.
Dans 43 % des cas, la mésentérite est idiopathique.
Très souvent,
elle est asymptomatique en général, découverte lors d’un examen TDM réalisé pour une autre cause.
Il existe parfois un syndrome inflammatoire ou des manifestations douloureuses.
Il faut
différencier la mésentérite d’une torsion d’épiploon qui se manifeste
de manière aiguë et douloureuse.
L’anomalie est dans ce cas
circonscrite à une plage limitée de la graisse péritonéale, avec un
aspect nodulaire.
Dans les atteintes mésentériques, le transit du grêle peut être normal,
mais parfois il existe des anomalies associant des signes d’ischémie et
d’atteinte mésentérique : les anses sont refoulées, fixées, présentant une
angulation aiguë, avec une disposition stellaire ou en éventail par
rapprochement du pied des anses.
La lumière intestinale peut être
rétrécie par simple compression extrinsèque, mais également par
épaississement pariétal.
Les anomalies de type ischémique
comprennent des plis épaissis, rectilignes, des interplis amincis avec
un rétrécissement centré de la lumière intestinale.
L’angiographie,
lorsqu’elle est réalisée, met en évidence un aspect rétracté et rétréci
des axes vasculaires, avec persistance du temps parenchymateux par
compression veineuse et lymphatique par la mésentérite.
Une
thrombose veineuse mésentérique supérieure est possible.
Les
anomalies pariétales et mésentériques sont bien identifiées par
l’imagerie en coupes.
Des adénopathies petites de type inflammatoire
peuvent être identifiées dans la mésentérite idiopathique.
La forme
tumorale représentée par la mésentérite rétractile induite par la tumeur
carcinoïde iléale présente des masses mésentériques ganglionnaires
souvent volumineuses avec des calcifications.
La fibromatose mésentérique est un processus tumoral bénin qui peut
causer des manifestations extrinsèques sur le grêle en raison de son
caractère inflammatoire et infiltrant.
La TDM permet une bonne
étude de ce processus idiopathique avec notamment un
rehaussement très intense et retardé de la graisse mésentérique.
Cette pathologie se rencontre essentiellement au
cours du syndrome de Gartner après colectomie.
L’endométriose
peut causer également une atteinte localisée de l’intestin grêle de
façon extrinsèque.
Il s’agit d’une femme en période d’activité
génitale qui présente des manifestations douloureuses, avec
phénomènes occlusifs suivant le rythme des menstruations.
L’extension au grêle est exceptionnelle, 1 % des endométrioses gynécologiques.
C’est l’iléon qui est habituellement concerné, le
transit du grêle révèle des encoches arciformes marginales avec une spiculation du bord mésentérique sur une anse fixée qui ne présente
pas d’ulcération.
L’imagerie en coupes n’est pas toujours
contributive pour la lésion iléale, en revanche elle décèle souvent les
localisations gynécologiques fréquemment associées.
Les péritonites ont une présentation aiguë au cours des perforations
d’un organe creux, les signes sont moins intenses dans les péritonites
purement infectieuses, tuberculeuses et encapsulantes.
Les péritonites subaiguës associent des signes mésentériques et des
anomalies des parois intestinales.
Il existe généralement un
épanchement intrapéritonéal, qui peut prendre un aspect visqueux
(échogène ou dense) en se répartissant de manière loculée ou
cloisonnée.
Sur l’intestin grêle, les parois sont épaissies
et au transit du grêle, les plis sont rectilignes et épaissis, avec des
nodules et des encoches marginales mésentériques et des
rétrécissements infundibulaires.
Dans la tuberculose péritonéale, il y a de plus des ganglions
mésentériques inflammatoires, et après contraste endoveineux au
scanner le péritoine pariétal se rehausse nettement.
De plus, les
replis péritonéaux ont des densités hétérogènes et élevées.
La
péritonite encapsculante se manifeste par des signes d’atteinte
mésentérique associés à une hypotonie importante des anses
simulant une obstruction intestinale.
En plus de l’épanchement intrapéritonéal, il existe des calcifications fines.
Le pronostic est
sombre, avec une mortalité de 60 % à 6 mois.
La cause la plus
fréquente est la dialyse péritonéale, surtout en cas d’infections
récidivantes.
La péritonite sclérosante est une sclérose pure de la graisse mésentérique, sans rétraction et sans encapsulation des
anses intestinales.
Il s’agit habituellement d’une complication
médicamenteuse (bêtabloquant du type practolol).
3- Carcinomatose péritonéale
:
C’est le mode d’extension tumorale le plus fréquent au niveau de
l’intestin grêle.
Sur le plan clinique, la carcinomatose péritonéale peut être un mode de révélation de la maladie cancéreuse, mais cette
atteinte peut également survenir au cours de l’évolution d’un cancer
traité.
Les cancers en cause sont d’origine colique ou
gynécologique, mais également vésiculaire, pancréatique, vésicale ou
gastrique.
Le tableau occlusif évolue par poussée, avec des
rémissions incomplètes.
Il est important, d’une part d’affirmer le
diagnostic, et d’autre part d’apprécier l’extension tumorale, afin de
déterminer si un geste chirurgical palliatif de dérivation est possible.
L’échographie et le scanner démontrent facilement le syndrome
mésentérique : ascite, épaississement et masses des feuillets
péritonéaux ainsi que l’obstruction intestinale.
Les
plis intestinaux sont également épaissis.
Néanmoins,
pour apprécier exactement l’importance de l’extension intestinale et
de ses localisations, un transit du grêle par entéroclyse est souvent
nécessaire.
Celui-ci confirme l’atteinte multisegmentaire,
avec des masses mésentériques qui écartent et fixent les
anses intestinales, c’est le classique FATMA : fixité, angulation,
traction et masses, des Anglo-Saxons.
Les segments distendus
entre les zones rétrécies ou comprimées sont bien visibles, et il est
possible de déterminer si une dérivation, notamment iléotransverse,
est réalisable.
Conclusion
:
Au cours des dernières années, la plupart des travaux ont porté sur les
obstructions intestinales aiguës, avec notamment l’apport et la
contribution des nouvelles méthodes d’imagerie : scanner et
échographie.
Les sténoses chroniques du grêle possèdent quelques particularités
cliniques et évolutives par rapport à la présentation aiguë.
Les sténoses chroniques de l’intestin grêle présentent rarement le tableau clinique
d’arrêt des matières et des gaz, souvent les patients sont peu ou pas
symptomatiques.
La première question est donc de penser à une sténose
chronique de l’intestin grêle devant des manifestations cliniques peu
spécifiques.
À l’opposé, devant un tableau apparemment aigu, il faut
s’assurer que ce n’est pas une acutisation d’une pathologie chronique.
Dans cette situation, la démarche diagnostique étiologique est
essentielle pour l’attitude thérapeutique, et les modalités d’imagerie
sont donc orientées et choisies en conséquence.
La chirurgie des anses
grêles distendues de manière chronique est toujours très difficile au moment de l’acte chirurgical et surtout en postopératoire, car la reprise
du transit est souvent longue et retardée.
En raison de cette présentation clinique variable, l’échographie
abdominale est la procédure que l’on doit privilégier, car elle peut
orienter d’emblée vers une sténose chronique de l’intestin grêle devant
une clinique peu spécifique ; à l’inverse, en cas de tableau aigu, elle
permet une appréciation de l’importance de la dilatation et de l’état de
réactivité du grêle d’amont.
Après l’échographie, deux procédures peuvent être discutées : la
tomodensitométrie et l’entéroclyse.
Si la présentation est aiguë avec
risque de souffrance vasculaire, il est préférable de réaliser un scanner abdominopelvien avec injection intraveineuse de contraste.
En
l’absence de risque ischémique, il est possible de réaliser une entéroclyse, qui confirme le diagnostic en surdistendant l’intestin
grêle en amont de la sténose et qui permet une excellente analyse
sémiologique de la sténose, rendant souvent possible la distinction
entre sténose bénigne et sténose maligne.
Dans une optique plus
moderne, la tendance est de réaliser un entéroscanner voire une
entéro-IRM, qui a l’avantage d’apprécier simultanément la paroi
intestinale et son environnement.
Néanmoins, ces nouvelles
procédures sont encore en cours d’évaluation, alors que l’entéroclyse a
fait ses preuves depuis plus de 30 ans.
Quoiqu’il en soit, la démarche diagnostique doit s’intégrer dans une
approche globale clinique et radiologique, en appliquant les procédures
que l’on possède le mieux et en tenant compte de leurs limites et de
leurs insuffisances respectives.