Faire cohabiter harmonieusement, dans l’espace réduit qu’est le
pied, tous les éléments anatomiques nécessaires à une bonne
stabilité, une souplesse satisfaisante, une résistance à des contraintes
énormes et variées et, qui plus est, de jolie et durable façon,
constitue une gageure et y parvenir un exploit.
Des solutions biomécaniques plus ingénieuses les unes que les autres ont été
retenues : un squelette complexe, organisé en un double système
d’arches à rigidité variable, solidarisé par des articulations
particulièrement sophistiquées, adaptées à une fonction précise, mû
par un double système musculotendineux.
Le moteur est constitué par un ensemble de muscles extrinsèques
longs, dont les corps charnus se situent à distance, dans la jambe, et
dont les tendons, arrimés par de nombreux points de réflexion, se
comportent comme autant d’amortisseurs actifs, et d’un système
intrinsèque de muscles plantaires courts.
On conçoit facilement que les clichés simples ne peuvent fournir
qu’une image très partielle de cet ensemble, limitée au squelette,
cependant étudiée en charge, de façon globale et comparative.
Ne
serait-ce que pour cela, les clichés simples demeurent
indispensables.
Le scanner, puis l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont fait
progresser de manière extraordinaire l’imagerie du pied.
Le
scanner possède les avantages, mais aussi les inconvénients, de l’imagerie à rayons X : grâce à sa résolution spatiale excellente, il
étudie très bien le squelette, surtout depuis l’avènement des
reconstructions planes et tridimensionnelles rapides.
Sa médiocre
résolution en densité explique que pour être efficace, il lui faille
étudier des structures de densité très différente, comme la graisse,
très hypodense, ou les tissus fibreux (tendons, aponévrose...)
hyperdenses.
Il différencie mal les structures dont les densités sont
voisines de celle de l’eau : l’oedème, les épanchements, les tissus
inflammatoires, le cartilage..., d’où la fréquente nécessité d’utiliser
un produit de contraste iodé, injecté en intra-articulaire ou en
péritendineux, plus rarement en intraveineux, afin de renforcer
artificiellement un contraste naturel trop faible.
Après les inévitables
errements initiaux, les séquences IRM les plus efficaces commencent
à s’imposer : le T1 pour son excellent rendu de l’anatomie, le T2
écho de spin rapide avec suppression du signal de la graisse (ou le STIR) pour son potentiel de mise en évidence de l’eau, surtout
intraosseuse.
L’IRM est essentiellement l’imagerie de la moelle
osseuse (recherche d’un oedème, d’une inflammation...) et des tissus
mous (tumeurs, tendinopathies, infections...).
En ce sens, elle
constitue un complément presque parfait du scanner.
Cette
association, théoriquement idéale, est pratiquement irréaliste,
beaucoup trop onéreuse pour être utilisée dans les pathologies
courantes.
L’échographie superficielle en haute définition, pour un rapport coût-performance imbattable (une IRM coûte 2 000 à 3 000 francs,
soit deux à trois fois plus qu’un scanner et dix à 15 fois plus qu’une
échographie) et une innocuité complète, effectue actuellement une
percée remarquable, en particulier pour l’étude des muscles, des
tendons et des ligaments.
La rapidité de son développement s’explique par le fait que
l’échographie a bénéficié à plein des acquis anatomiques et
sémiologiques du scanner, puis de l’IRM.
L’échographie, en
complément des clichés simples, suffit de plus en plus, dans des mains compétentes maniant un appareillage performant, à résoudre
maints problèmes musculaires ou tendineux courants.
Toutes ces techniques ont en commun l’obligation sine qua non de
parfaitement connaître l’anatomie locale, assez complexe, et les
grandes pathologies régionales.
Quelques connaissances anatomiques
nécessaires :
Une connaissance minimale de l’anatomie locorégionale est le prérequis indispensable à toute imagerie des muscles et tendons du
pied.
Bien qu’un peu complexe à première vue, cette anatomie n’est
en rien inaccessible.
Il suffit de l’aborder simplement.
Nous utilisons
la nomenclature moderne, plus simple et plus logique que
l’ancienne.
A - MUSCLES INTRINSÈQUES
:
Ce sont les moins faciles.
Il est ensuite aisé de plaquer sur le
squelette les tendons des muscles longs et d’étudier leurs rapports
avec les muscles intrinsèques.
Un peu de bon sens suffit pour
deviner que la concavité de la plante est le seul espace du pied où
puisse loger une certaine quantité de muscles.
Cet espace est
divisé en quatre loges par des cloisons aponévrotiques.
1- Loge profonde
:
Comprise entre les métatarsiens, elle contient les muscles interosseux
dorsaux et plantaires.
Trois loges plus superficielles contiennent les muscles destinés aux
orteils en regard :
– une petite loge latérale héberge en toute logique les muscles
dédiés au cinquième orteil ;
– une loge médiale, un peu plus volumineuse, contient les muscles
dédiés à l’hallux ;
– entre les deux, une grande loge intermédiaire pour les muscles et
tendons fléchisseurs destinés aux orteils médians.
2- Loge médiale
:
Les deux muscles de l’hallux contenus dans la
loge médiale :
– le muscle abducteur de l’hallux est le plus médial (attention ! ce
muscle s’appelait auparavant adducteur, car il rapproche l’hallux de
l’axe du corps.
Dans la nouvelle terminologie anatomique, il
s’appelle abducteur, car il éloigne l’hallux de l’axe du pied, nouvelle
référence).
Il naît de la tubérosité postérieure du calcanéus et des
septa régionaux, et se termine sur l’os sésamoïde médial et la partie
médiale de la base de P1 de l’hallux.
Ce muscle volumineux, qui
longe le bord médial du premier métatarsien, est facilement
identifiable en imagerie ;
– le muscle court fléchisseur de l’hallux naît de la face plantaire du
médiotarse et se termine par deux tendons, l’un sur le sésamoïde
médial et la partie médiale de la base de P1 (exactement comme le
précédent), et l’autre, symétriquement, sur le sésamoïde latéral et la
partie latérale de la base de P1 (comme le suivant).
Ce muscle est
profond, plaqué contre le squelette.
Le troisième muscle est le muscle adducteur de l’hallux
(anciennement abducteur, pour la même raison que précédemment).
Original, il a deux chefs très distincts.
Le premier, le chef oblique,
naît de la face plantaire du médiotarse, un peu en dehors du
précédent.
Le second, le chef transverse, naît de la face profonde
des quatre articulations métatarsiennes latérales.
Tous deux ont la
même terminaison que le précédent.
On conçoit facilement que, vu
sa topographie, ce muscle ne puisse pas, comme les deux
précédents, siéger dans la loge médiale, mais qu’il constitue
l’élément profond, plaqué contre le squelette, de la loge
intermédiaire.
3- Loge latérale
:
La loge latérale est la plus petite car elle ne contient que les
petits muscles du petit cinquième orteil.
Le muscle abducteur du petit orteil (lui n’a pas changé de nom, car
s’il éloigne le cinquième orteil de l’axe du pied, il l’éloigne aussi de
l’axe du corps…) est le symétrique de l’abducteur de l’hallux, en
plus petit.
Il naît de la tubérosité du calcanéus et se termine sur la
partie latérale de la base de P1 du cinquième orteil.
Il est bien
individualisable en imagerie, surtout sur les coupes frontales.
Le court fléchisseur du petit orteil est un petit muscle tendu de la
face plantaire du cuboïde à la base de P1, comme le précédent.
Un muscle inconstant, peu important, l’opposant du cinquième orteil,
naît à peu près de la même région que le précédent et se termine
sur le bord latéral du cinquième métatarsien.
Ces deux derniers
muscles sont peu dissociables l’un de l’autre en imagerie.
4- Loge intermédiaire
:
La loge intermédiaire est la plus vaste et la plus importante.
Elle est occupée par les deux systèmes musculaires fléchisseurs des
orteils, superposés.
Le plus profond des deux est composé du tendon long
fléchisseur des orteils, qui se ramifie en quatre digitations destinées
aux quatre orteils latéraux, et auquel est annexé le muscle carré
plantaire (ex-chair carrée de Sylvius).
Celui-ci, tendu de la tubérosité
du calcanéus au tendon long fléchisseur, tire dans l’axe des orteils et
corrige l’obliquité obligatoire (essayez d’imaginer une autre
solution...) du tendon long fléchisseur.
Sont également
annexés au long fléchisseur les quatre petits muscles lombricaux
, tendus des digitations du tendon long fléchisseur à la partie
médiale de la base de P1 des orteils.
Ils écartent les orteils, rôle
humble, mais somme toute pas désagréable.
Le plan superficiel est, Dieu merci, moins sophistiqué.
Il est
composé du seul volumineux muscle court fléchisseur des orteils (excourt
fléchisseur plantaire).
Celui-ci naît de la tubérosité du calcanéus, ainsi que de la face profonde de l’aponévrose plantaire,
détail important, car il explique l’atteinte du muscle dans les lésions
de l’aponévrose.
Il s’insère à la base de P2 des orteils par quatre
tendons perforés qui laissent passer les tendons longs fléchisseurs.
Le couvercle (ou plutôt le plancher) de la loge intermédiaire est
constitué par l’aponévrose plantaire (ex-aponévrose plantaire
superficielle), très puissante, élément fonctionnel passif majeur du
système extenseur du pied, tendue de la partie médiale de la
tubérosité du calcanéus à la peau du pli digitoplantaire.
À cet
endroit, les cinq bandelettes terminales de l’aponévrose sont reliées
par des trousseaux fibreux transversaux : le ligament métatarsien
transverse superficiel.
Tous ces éléments sont très bien visibles, quel que soit le mode
d’imagerie utilisé.
5- Muscles du dos du pied
:
On conçoit qu’il soit impossible, fût-ce pour des raisons d’esthétique,
de loger de volumineux muscles sur le dos du pied.
On n’en trouve
effectivement que deux, de petit volume : le muscle court extenseur
des orteils et le muscle court extenseur de l’hallux.
Tous deux
étaient autrefois regroupés sous l’appellation de « muscle pédieux ».
Ils naissent tous deux sur la face dorsale du rostre calcanéen.
Le
premier se termine par quatre languettes sur les digitations
correspondantes du tendon long extenseur des orteils, et le second
sur la face dorsale de la base de P1 de l’hallux.
Le plus difficile est fait.
Tous ces muscles intrinsèques, pour
de probables raisons d’encombrement, sont de taille modeste et donc
de puissance limitée.
L’essentiel des moteurs du pied siège à bonne
distance de leur point d’action, dans la jambe où il n’y a pas de
problème de place pour loger des muscles puissants, donc
volumineux.
Inconvénient : la nécessité de tendons particulièrement
longs pour véhiculer les forces jusqu’à leur point d’application.
Personne de sensé ne pourrait une seconde imaginer ces tendons
tendus en ligne droite, comme des cordes d’arc, de la jambe à leur
point d’action dans le pied !
D’où la seconde contrainte : des poulies
de réflexion, afin que les tendons restent bien plaqués contre le
squelette.
Il ne nous reste plus qu’à placer ces longs tendons des muscles
extrinsèques, et l’anatomie du pied n’aura pratiquement plus de
secret pour vous.
B - MUSCLES EXTRINSÈQUES
:
Les muscles extrinsèques du pied peuvent être divisés en quatre
groupes :
– groupe postérieur, constitué du seul très puissant triceps sural ;
– groupe médial, formé du tibial postérieur accompagné des deux
longs fléchisseurs, celui de l’hallux et celui des orteils ;
– groupe antérieur, symétrique du précédent : le tibial antérieur
accompagné des deux longs extenseurs, celui de l’hallux et celui des
orteils ;
– groupe latéral, celui des deux muscles fibulaires, le court et le
long.
Au total, une couronne de neuf tendons qui circonscrit la cheville.
1- Groupe postérieur
:
– Le tendon calcanéen (synonyme du tendon d’Achille), le plus
puissant des tendons du corps humain est le tendon distal unique
du triceps sural, dont le corps est formé du muscle gastrocnémien
(avec ses deux chefs médial et latéral, ex-jumeaux interne et externe),
et du muscle soléaire, plus profond.
C’est le fléchisseur
plantaire par excellence, ou, en charge, le muscle de la propulsion.
Le tendon calcanéen naît d’une lame tendineuse intramusculaire
qu’il prolonge sans discontinuité.
Sa section est aplatie d’avant en
arrière, avec une face antérieure plate ou un peu concave, parfois
oblique en dedans et en avant, d’environ 7 mm d’épaisseur sur
15 mm de large.
Anatomiquement, ses fibres sont vrillées (les fibres
médiales deviennent postérieures en bas et les fibres latérales,
antérieures), mais cette torsion n’apparaît pas en imagerie.
Le
tendon est inclus dans un dédoublement du fascia superficiel.
Il
constitue donc une exception, car il ne possède pas de gaine séreuse
vraie, ni par conséquent de pathologie inhérente à cette gaine.
Il
s’insère sur la moitié caudale de la face postérieure du calcanéus.
Cette moitié peut donc être sujette aux enthésopathies.
La moitié crâniale, lisse, libre de toute insertion, répond à une bourse séreuse
prétendineuse virtuelle, vide ou ne contenant à l’état normal qu’une
infime quantité de liquide.
Cette bourse n’est visible en imagerie
que si elle est distendue par un épanchement, ou sujette à une synoviopathie (polyarthrite rhumatoïde).
Il peut exister également,
à la face dorsale du tendon, une ou plusieurs bourses entre peau et
tendon, dites bourses de Bovis, normalement vides et non visibles
en imagerie.
L’espace situé entre la face ventrale du tendon calcanéen et la face
dorsale des muscles du groupe médial est comblé par de la graisse
(triangle de Kager), qui contribue à très bien silhouetter le bord ventral du tendon calcanéen, toujours parfaitement net et
rectiligne, quel que soit le mode d’imagerie.
Les fibres du
soléaire peuvent s’insérer anormalement bas, parfois jusqu’au calcanéus, et combler l’espace de Kager.
Occasionnellement, il peut exister en avant du tendon calcanéen, un
muscle soléaire accessoire (parfois bilatéral) qui s’insère sur la face
supérieure ou le bord médial du calcanéus, en avant du tendon
calcanéen.
Ce muscle se présente comme une masse préachilléenne,
molle, qui durcit lors de la flexion plantaire du pied.
Chez certains
athlètes travaillant beaucoup l’extension du pied (danseurs),
l’entraînement hypertrophie ce muscle qui peut devenir
fonctionnellement gênant.
– Le muscle plantaire (ex-plantaire grêle) est un muscle vestigial inconstant situé entre les gastrocnémiens et le soléaire.
Son
tendon, mince, chemine en avant du bord médial du tendon
calcanéen et s’unit à lui, ou s’insère isolément sur le bord médial du calcanéus.
Ce muscle n’a pas de valeur fonctionnelle, mais son
tendon est utilisé comme matériel de suture pour réparer les lésions
tendineuses.
Il faut donc, dans cette optique, rechercher et signaler
sa présence.
2- Groupe médial
:
Il est constitué de trois tendons issus de corps musculaires qui
forment le groupe profond de la loge postérieure de la jambe, sous
le triceps.
Ces tendons, pour atteindre leur but, se dirigent
vers l’intérieur de la cheville et se réfléchissent sur les saillies osseuses médiales : la malléole médiale, le sustentaculum tali et le
processus postérieur du talus.
Ce sont, d’avant en arrière, le tendon
tibial postérieur, le plus puissant des trois, le tendon long fléchisseur
des orteils et le tendon long fléchisseur de l’hallux.
– Le muscle tibial postérieur (ex-jambier postérieur) a un tendon
fonctionnellement très important, souvent sujet à des pathologies.
Celui-ci descend en arrière de la malléole médiale dans une gouttière
osseuse verticale plus ou moins marquée.
Le tendon est
maintenu dans cette gouttière par un rétinaculum fibreux issu d’un
dédoublement du fascia superficiel.
Cette situation, à
ras du bord médial du tibia, rend le tendon tibial postérieur exposé
aux luxations antéromédiales par arrachement ou décollement du
rétinaculum.
Puis, le tendon passe sous la malléole médiale
(il y subit de très fortes contraintes et est exposé aux ruptures
progressives), se dirige vers l’avant entre le plan superficiel du
ligament collatéral médial et le fascia superficiel, et va s’insérer, par
un bouquet de digitations terminales, sur le pôle médial de l’os
naviculaire et sur la face plantaire du médiotarse voisin.
Dans son trajet, le tendon est muni d’une gaine synoviale qui
remonte quelques centimètres au-dessus de la malléole et va jusqu’à
l’os naviculaire.
En principe, cette gaine ne communique pas avec l’articulation talocrurale, mais il n’est pas rare d’observer une communication
asymptomatique.
On peut observer également, à l’état normal, un
peu de liquide autour du tendon à sa partie distale.
Le tendon tibial
postérieur est un extenseur du pied, le plus puissant des inverseurs
(action de faire regarder la plante en dedans) et un excellent
suspenseur de l’arche médiale.
Sa rupture conduit au « pied plat »
acquis.
– Le muscle long fléchisseur des orteils se termine par un tendon
sage, sans histoires, presque deux fois plus mince que le précédent.
Il descend juste derrière le tibial postérieur, tout contre lui, contenu dans son rétinaculum propre, se coude sous la
malléole, longe le bord libre du sustentaculum tali, maintenu par
une coulisse fibreuse.
Il file ensuite sous la plante en sous-croisant le
tendon long fléchisseur de l’hallux avec lequel il échange
une anastomose, et partage la partie distale de sa gaine synoviale.
Cette gaine communique de façon physiologique avec l’articulation talocrurale dans 15 à 20 % des cas.
On a vu précédemment son trajet
dans la loge intermédiaire de la plante et les muscles accessoire qu’il
reçoit (carré plantaire et lombricaux).
Il se divise en quatre tendons
destinés à la troisième phalange des orteils latéraux, qu’il fléchit.
– Le muscle long fléchisseur de l’hallux (ex-long fléchisseur propre
du gros orteil) est muni d’un tendon compliqué.
Il ne se réfléchit
pas moins de trois fois pour atteindre la base de P2, qu’il fléchit.
De
taille intermédiaire, entre le gros tibial postérieur et le petit
fléchisseur commun, il descend en arrière et en dedans de ce dernier.
C’est donc le plus latéral et le plus postérieur des trois tendons
médiaux.
Il se réfléchit une première fois, à angle droit,
sur le bord postérieur du talus, dans une petite gouttière située entre
les processus postéromédial et postérolatéral.
Il y est exposé
aux lésions mécaniques (danseurs) et participe à la pathologie du
carrefour postérieur de la cheville.
De là, il longe le bord médial de
l’articulation sous-talienne postérieure et passe sous le
sustentaculum tali, où il se réfléchit une seconde fois, apparemment
sans trop de soucis.
Il continue sa route, surcroise le tendon long
fléchisseur des orteils, passe entre le muscle abducteur de l’hallux,
le carré plantaire et le court fléchisseur des orteils dans la loge
intermédiaire et, dernière épreuve, passe entre les deux sésamoïdes
où il peut être sujet à un conflit, pour atteindre P2.
3- Groupe antérieur
:
C’est le symétrique du précédent, à ceci près que son cahier des
charges est moins compliqué : les tendons de la loge antérieur n’ont
qu’à suivre tranquillement le dos du pied pour trouver leur point
d’application.
Ils n’ont pas besoin, comme leurs collègues médiaux,
de se livrer à des contorsions compliquées. Ils passent tous sous le rétinaculum des extenseurs, qui les sangle et les plaque
contre la face dorsale du cou-de-pied.
– Le muscle tibial antérieur (ex-jambier antérieur) est le plus
important de ce groupe.
Il naît de la partie supérieure de la face
latérale du tibia, se prolonge par un long tendon qui passe dans un
dédoublement médial du rétinaculum des extenseurs (risque
d’arrachement), longe le dos du pied (risque de rupture progressive,
de conflit avec le tarse sous-jacent) et se termine sur le bord
médial de l’os cunéiforme médial, et de la base du premier
métatarsien.
Il s’agit bien du bord médial, et non de la
face dorsale comme on le croit souvent (enthésopathies, à l’origine
d’une douleur du bord médial du médiotarse).
C’est le fléchisseur
dorsal du pied par excellence.
– Le muscle long extenseur de l’hallux naît de la partie supérieure
de la fibula.
Son long tendon passe sous le rétinaculum des
extenseurs et longe tout le dos du pied, pour se terminer sur la base
de P2 et celle de P1 par deux expansions latérales.
– Le muscle long extenseur des orteils est un muscle sans
histoire qui naît de la partie haute de la face antérieure des os de
jambe.
Son tendon passe sous le rétinaculum des extenseurs, et se
divise en quatre languettes, une pour chaque orteil latéral.
Chaque
languette se divise en trois : une partie médiane se fixe à la face
dorsale de la base de P2 et deux parties latérales s’insèrent à la face
dorsale de la base de P3.
– Ces deux muscles sont secondés par les petits muscles
intrinsèques que sont les courts extenseurs de l’hallux et des orteils.
– Un muscle inconstant, le muscle troisième fibulaire, peut naître de
la partie distale de la fibula et se terminer par un petit tendon qui
passe sous la partie latérale du rétinaculum, sur la base du
cinquième métatarsien.
4- Groupe latéral
:
Il est constitué des muscles long et court fibulaires (ex-péroniers
latéraux).
Tous deux naissent de la face latérale de la fibula.
Le long fibulaire
est plus étendu que le court par ses deux extrémités : son corps
charnu naît plus haut et son tendon s’insère plus loin.
Les deux
tendons descendent verticalement derrière la malléole latérale, le
court en avant du long (moyen mnémotechnique hilarant : « il est
en avant parce qu’il court »).
La face postérieure de la
malléole latérale est le plus souvent concave à ce niveau.
Sa
platitude, et a fortiori sa convexité, favoriseraient les luxations.
Les
tendons fibulaires passent tous deux dans une même gaine
synoviale, sous le rétinaculum supérieur des fibulaires.
Ils
sont exposés à ce niveau (comme le tendon tibial postérieur dont la
situation est analogue) à la luxation antérieure par déchirure du rétinaculum ou par avulsion de son insertion osseuse malléolaire.
Sous la malléole, les tendons fibulaires surcroisent le ligament
calcanéofibulaire (ex-faisceau moyen du ligament latéral externe) sur
lequel ils se réfléchissent.
Lors de l’extension dorsale du
pied, ce ligament se tend et éloigne les tendons fibulaires de la face
latérale du calcanéus : c’est un bon signe échographique de
l’intégrité de ce ligament.
À ce niveau, la synoviale de la
gaine des fibulaires n’est séparée de celle de l’articulation talocrurale
que par l’épaisseur du ligament calcanéofibulaire.
La rupture de
celui-ci met donc en communication ces deux cavités.
Les tendons se réfléchissent vers l’avant sous la malléole latérale (le
court prend la corde), puis longent la face latérale du calcanéus en
divergeant.
Le court fibulaire passe au-dessus de la trochlée fibulaire, retenu par
le rétinaculum distal des fibulaires, puis file tout droit vers la
styloïde du cinquième métatarsien sur laquelle il s’insère.
Le long fibulaire passe sous la trochlée fibulaire, lui aussi retenu
dans un rétinaculum, et descend obliquement vers la face latérale
du cuboïde.
Il pénètre dans un tunnel ostéofibreux formé par une
gouttière creusée à la face plantaire du cuboïde.
Il peut exister à ce
niveau un os sésamoïde dans le tendon fibulaire.
Le tendon traverse
obliquement la plante du pied pour aller s’insérer par un bouquet
de digitations sous la base du premier métatarsien, soit dans la zone
d’insertion du tibial postérieur.
Les fibulaires sont de puissants éverseurs du pied (action de faire
regarder la plante en dehors) et participent à l’extension du pied.
Avec le tibial postérieur, ils constituent des haubans actifs de la
stabilisation de la cheville.
Aspect normal des muscles et tendons
du pied en imagerie :
A - TENDONS ET APONÉVROSES
:
L’étude de la pathologie sortant du propos de cet article, certains
points ne sont indiqués ici qu’à titre d’exemples.
1- Clichés simples
:
Ils ne permettent d’étudier, indirectement, que le tendon calcanéen,
pris en sandwich entre la graisse sous-cutanée et celle du triangle
de Kager.
Néanmoins, ces clichés restent indispensables car,
dans le cadre des tendinopathies mécaniques, ils peuvent mettre en
évidence quatre types de signes exploitables :
– des calcifications intratendineuses, témoins d’une lésion chronique
sous-jacente ;
– l’avulsion d’une enthèse (court fibulaire) ou d’un rétinaculum
(rétinaculum des fléchisseurs ou celui des fibulaires) ;
– une enthésopathie de type mécanique, témoin de contraintes
biomécaniques anormales (enthésopathie calcanéenne dans les pieds
creux…) ;
– des troubles de la statique du pied, cause ou conséquence de la
lésion d’un tendon (pied plat valgus des lésions tibiales
postérieures…).
2- Tomodensitométrie
:
En TDM, un tendon normal apparaît comme une structure dense
(70 à 100 UH [unités Hounsfield]), homogène, bien limitée, à bords
nets, dont la forme est variable en fonction du degré d’obliquité du
tendon par rapport à la coupe (ou la reconstruction) TDM.
Cette
forme va d’un disque (coupe perpendiculaire au tendon),
à une bande (coupe parallèle au tendon), en passant par un
ovale plus ou moins allongé dans les cas intermédiaires.
Le scanner sans préparation est en général capable de mettre en
évidence le caractère pathologique d’un tendon : celui-ci apparaît hypodense, augmenté de volume, contenant ou non des
calcifications, souvent entouré d’un halo d’épanchement, parfois en
situation ectopique.
Handicapé par son péché originel, le manque
de sensibilité, le scanner sans préparation est en revanche incapable
de préciser le type et le degré de l’atteinte tendineuse.
Pour pallier à
ce défaut, il peut être nécessaire d’avoir recours à la ténographie.
La ténographie consiste à injecter un produit de contraste iodé dans
la gaine synoviale d’un tendon.
On obtient ainsi un moulage opaque
interne de la gaine et une vision en négatif, un silhouettage du
tendon.
On peut réaliser ensuite des coupes TDM (ténoscanner)
, ainsi que des reconstructions planes, voire 3D.
Le tendon
normal a des limites nettes et régulières et des bords parallèles.
Il se
présente sur les coupes TDM axiales comme une zone arrondie ou
ovalaire, de taille variable en fonction du tendon et du morphotype.
Il n’y a jamais, à l’état normal, de présence de contraste au sein du
tendon.
La gaine synoviale a des parois régulières, parfois
légèrement ondulées.
Cette technique est apte à mettre en évidence
une augmentation de volume du tendon, des fissures et ulcérations,
pour peu qu’elles soient en communication avec la surface du tendon, et bien entendu, des ruptures tendineuses.
Il s’agit d’une
méthode dite « agressive », qui nécessite une ponction (parfois
techniquement délicate) et une injection de contraste iodé, et qui
n’est donc pas totalement dénuée de risque (irradiation, sepsis,
allergie).
Son avantage est de fournir une image indiscutable, en
général préopératoire, d’une éventuelle pathologie tendineuse.
3- Imagerie par résonance magnétique
:
En IRM, tous les tendons sont noirs et homogènes (en hyposignal
franc), quel que soit le type de séquence utilisé.
Leur caractère fibrillaire, visible en échographie, n’apparaît pas en IRM.
Seul l’artefact dit « d’angle magique » (phénomène magnétique
qui se produit quand une structure fait un angle de 55° avec le
champ principal B0) peut provoquer, à l’état normal, la présence
d’un hypersignal artefactuel au sein d’un tendon (ce qui peut être le
cas au niveau de la réflexion des tendons dans les régions
malléolaires).
Une pathologie se traduit habituellement par la présence d’un hypersignal au sein du tendon, surtout sur les séquences pondérées
en densité de protons ou en T2, ainsi que par l’existence d’une plage
péritendineuse en hypersignal en T2.
Il est difficile, à l’aide de ces
seules séquences, de savoir si cet hypersignal correspond à un
épanchement ou à une synovite, qui se traduisent tous deux par un
hypersignal.
Une injection de contraste intraveineux permet le
diagnostic : prise de contraste dans la synovite, pas de prise de
contraste dans l’épanchement, au prix cependant d’un surcoût non
négligeable et d’une perte du caractère complètement atraumatique
de l’examen.
4- Échographie
:
Elle a bénéficié en quelques années de progrès techniques
extraordinaires.
Tous les tendons du pied et de la cheville peuvent
être actuellement étudiés par cette méthode, le plus délicat étant le
tendon long fléchisseur de l’hallux, en raison de son caractère
profond et de son trajet anguleux.
Un tendon normal apparaît en coupe axiale comme une structure
arrondie ou ovalaire, bien limitée. Son contenu est
régulièrement semé de petits échos punctiformes qui lui donne un
aspect piqueté.
En coupe longitudinale, c’est une structure allongée, à bords nets et parallèles, soulignés par une fine ligne hyperéchogène.
Son contenu est strié de fins échos linéaires
parallèles au grand axe du tendon qui lui confèrent un aspect
fibrillaire et hyperéchogène si les ultrasons abordent parallèlement
le tendon.
Sinon (artefact d’anisotropie), le contenu du tendon
devient hypoéchogène et perd son caractère fibrillaire.
Cet
artefact peut être mis à profit pour repérer un tendon en
échographie : si on donne à la sonde des mouvements pendulaires,
le tendon apparaît alternativement hypo- et hyperéchogène.
C’est la
seule structure anatomique qui se comporte ainsi.
À l’état normal, il
n’y a pas d’épanchement autour des tendons, sauf quelques gouttes
autour de la partie distale du tendon tibial postérieur et des
fléchisseurs.
La sémiologie échographique est simple, comme la sémiologie
magnétique : augmentation de volume, hypoéchogénicité, présence
de fissures hypo- ou anéchogènes intratendineuses, épanchement
péritendineux.
L’aspect des aponévroses, notamment de l’aponévrose plantaire, est
identique à celui des tendons (même tissu fibreux) en TDM (bande
opaque) et en IRM (bande hypo-intense).
En échographie, une
aponévrose se présente comme une bande hyperéchogène,
homogène.
Elle n’a pas le caractère fibrillaire des tendons.
L’aponévrose plantaire est mince (inférieure à 3 mm d’épaisseur),
rectiligne quand elle est tendue lors de la flexion dorsale du pied, à
bords nets, dont l’épaisseur va décroissant d’arrière en avant, et dont
la face superficielle est silhouettée par la graisse sous-cutanée, hyperéchogène et la face profonde par le muscle court fléchisseur
des orteils, hypoéchogène.
Dans notre pratique, l’étude d’une tendinopathie mécanique, ou
d’une aponévropathie, se résume donc à des clichés simples et à
une soigneuse étude échographique.
Si cela ne suffit pas, on a le
choix, en fonction des possibilités locales, entre une IRM et, pour
une tendon, un ténoscanner.
B - MUSCLES
:
Tous les muscles du pied ont le même aspect, qui est d’ailleurs le
même que les autres muscles de l’organisme.
Ils se présentent
comme des structures de densité hydrique en TDM (gris), de signal
intermédiaire en IRM, variable selon la séquence, et
hypoéchogène, avec un aspect penné caractéristique en échographie.
Il sont toujours parfaitement limités par un fascia ou
une aponévrose, et se continuent par un tendon, qui fait en général
suite à une lame fibreuse intramusculaire.
Conclusion
:
Avec un
minimum de connaissances anatomiques, des notions sémiologiques
simples, un peu de bonne volonté, et, impératif malheureusement
incontournable, un appareillage de qualité, l’imagerie
quotidienne des muscles et tendons du pied est, somme toute,
assez facilement abordable.