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Radiologie
Imagerie métabolique et fonctionnelle in vivo des tumeurs cérébrales
Cours de Radiologie
 

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Introduction :

Malgré leur rôle important en neuro-oncologie clinique, les méthodes d’imagerie anatomique (ou morphologique) par tomodensitométrie (TDM) ou imagerie par résonance magnétique (IRM) n’apportent souvent qu’une réponse incomplète à des questions pratiques aussi importantes que celles-ci :

quelle est la nature histologique de la tumeur ? son grade ? son pronostic ? quelle sera sa réponse au traitement institué ?

La biopsie stéréotaxique permet habituellement d’établir le diagnostic histologique et en particulier celui de la lignée cellulaire tumorale, parfois aussi le grade histopronostique.

Cette dernière information est cependant davantage sujette à caution, dans la mesure où le prélèvement n’a porté que sur une toute petite fraction du volume tumoral.

D’autre part, la biopsie est un geste invasif, qui ne peut être répété de nombreuses fois durant le suivi du patient.

Enfin, la prolifération tumorale a des caractéristiques biochimiques et métaboliques qui n’ont pas d’expression morphologique, mais dont la connaissance est susceptible de mieux cerner les réponses pratiques évoquées cidessus.

La tomographie par émission de positons (TEP) est la première et reste l’une des principales méthodes permettant de mesurer in vivo, de manière non invasive et itérative, certaines de ces caractéristiques.

Principes de la tomographie par émission de positons :

La TEP utilise l’injection (habituellement par voie intraveineuse) d’une molécule qui est intégrée dans un processus physiologique, une voie métabolique ou une liaison pharmacologique, dont elle est un « traceur ».

Ce traceur est radioactif (c’est donc un radiopharmaceutique, terme utilisé même si la molécule est dénuée de toute propriété pharmacologique).

Durant sa synthèse, un isotope émetteur de positons a été en effet substitué à l’un des atomes stables constitutifs de la molécule.

La concentration tissulaire du traceur au niveau cérébral est mesurée par un système de détection externe, la caméra à positons.

La caméra est constituée par un ensemble de détecteurs disposés en « couronne » (ou animés d’un mouvement circulaire) autour de l’organe exploré (la tête du patient dans le cas qui nous concerne, mais les mêmes mesures peuvent aussi être faites au niveau d’autres organes, voire du corps entier).

Le nombre de coupes tomographiques réalisées dépend du type de caméra utilisé, il est maintenant couramment supérieur à 30.

La résolution spatiale est également variable, se situant autour de 5 mm dans les caméras de dernière génération. Par rapport à la tomographie d’émission monophotonique (TEMP), la TEP a deux avantages principaux :

– l’énergie des photons émis par l’annihilation des positons : chaque désintégration donne naissance non pas à un seul mais à deux photons (se propageant à 180° environ l’un de l’autre), qui ont chacun une énergie élevée (511 keV), de sorte que leur absorption (ou atténuation) dans les tissus est faible ; la plus grande partie de l’émission photonique est ainsi détectée, d’où une sensibilité élevée de la méthode et la possibilité d’une quantification fiable de la concentration tissulaire du traceur, aussi bien en profondeur qu’à la surface de l’organe ;

– les propriétés des isotopes émetteurs de positons : les émetteurs de positons utilisés sont des isotopes des atomes constitutifs des molécules organiques ; leur substitution à ces derniers garde donc intactes les propriétés biologiques et pharmacologiques de ces molécules, ce qui n’est pas le cas habituellement lors du marquage par des émetteurs gamma.

Ces isotopes ont une période (ou demivie) radioactive courte : 2 minutes pour l’oxygène 15 (15O), 10 minutes pour l’azote 13 (13N), 20 minutes pour le carbone 11 (11C) et 2 heures pour le fluor 18 (18F).

La radioactivité reçue par le patient lors de chaque examen est donc faible (à titre de comparaison, la période du technétium 99, couramment utilisé en TEMP, est de 6 heures), ce qui autorise la répétition des examens.

En revanche, la molécule n’est plus détectable si elle est injectée trop longtemps après sa synthèse.

La production des isotopes (par un cyclotron) et des radiopharmaceutiques (par un laboratoire de radiochimie) doit donc s’effectuer sur le site même où a lieu l’examen, ou à faible distance (la durée de transport ne doit pas excéder 2 heures) dans le cas d’une molécule marquée par du 18F.

Deux types d’images métaboliques quantifiées peuvent être générées.

Dans tous les cas, on obtient la concentration tissulaire du traceur, exprimée en nanocuries par millilitre (nCi/mL) de tissu, ou en nanomoles par millilitre (nmol/mL).

Dans certains cas, on peut déterminer, sur un modèle animal, la relation mathématique existant entre la fixation tissulaire du traceur et la concentration de la molécule endogène dont il est l’analogue.

On peut alors, en prenant en compte non seulement la concentration tissulaire du radiopharmaceutique (mesurée par la caméra à positons) mais aussi sa concentration plasmatique et celle de la molécule endogène, ainsi que les relations mathématiques précédemment définies, établir des « images modélisées ».

Ces images modélisées sont alors l’expression graphique (par référence à une gamme de gris ou une échelle de couleurs) non plus de la concentration locale du radiopharmaceutique, mais du paramètre physiologique exploré (consommation de glucose par exemple).

Les principaux objectifs de la TEP en neuro-oncologie, que cherchent à atteindre les programmes de recherche et les protocoles diagnostiques, sont les suivants : définir les relations existant entre paramètres métaboliques et nature histologique de la tumeur ; établir les corrélations existant entre paramètres métaboliques, évolutivité tumorale et pronostic (grading) au sein d’une même variété histopathologique ; évaluer les modifications métaboliques précoces induites par le traitement et les corréler avec la réponse clinique et anatomique tardive ; durant la surveillance d’un patient déjà traité, faire la part entre modifications cliniques ou radiologiques induites par une récidive et modifications postthérapeutiques non spécifiques ; clarifier les mécanismes soustendant la croissance tumorale et identifier les facteurs susceptibles de l’inhiber.

Nous verrons quelles réponses la TEP a déjà apporté dans le cadre des objectifs définis précédemment, et quel support elle peut apporter à la prise en charge pratique des tumeurs cérébrales.

Les cinq premiers paragraphes abordent les grands paramètres physiologiques que permet d’explorer la TEP.

Le dernier paragraphe est consacré à la contribution de cette méthode à la pratique clinique.

Perfusion et métabolisme oxydatif :

Plusieurs travaux expérimentaux ont montré que la croissance tumorale en général, et celle des gliomes en particulier, est associée à une prolifération endothéliale et capillaire, elle-même stimulée par des facteurs angiogéniques que produisent les cellules tumorales.

De plus, la nécrose centrotumorale, fréquemment observée dans les gliomes anaplasiques lorsqu’ils ont atteint un volume suffisant, a longtemps été attribuée à une ischémie tissulaire se développant en dépit de cette hypervascularisation.

Les données précédentes ont conduit à l’hypothèse d’une certaine corrélation entre la croissance d’un gliome et l’importance de sa perfusion.

D’autre part, on a supposé que les conditions d’apport et d’utilisation de l’oxygène par la tumeur interféraient avec sa croissance et la survenue de sa nécrose, que ce soit spontanément ou à la suite d’un traitement.

La TEP permet d’étudier les paramètres physiologiques impliqués dans les mécanismes précédents.

La perfusion tissulaire peut être explorée par la mesure du débit sanguin cérébral et tumoral régional (DSCr, exprimé en mL/100 g de tissu/min) en marquant l’eau plasmatique, qui est une molécule diffusible, par des traces de 15O.

L’eau marquée, H2 15O, est habituellement produite par inhalation continue d’air contenant des doses traceuses de C15O2 qui, au niveau des capillaires pulmonaires, transfère son 15O selon la réaction :

C15O + H2O ® H2 15O + CO2

Le volume sanguin cérébral et intratumoral régional (VSCr, exprimé en mL/100 g de tissu) peut être obtenu en marquant les hématies par inhalation de traces de C15O.

Enfin, l’inhalation continue de doses traceuses de 15O2 permet la mesure de la fraction d’oxygène extraite par les tissus (OEF) et de leur consommation d’oxygène (cerebral metabolic rate of oxygen [CMRO2]).

De nombreuses études ont permis d’établir les conclusions suivantes :

– le DSC est plus faible dans le tissu tumoral que dans le tissu cérébral sain, mais avec des variations individuelles qui ne sont pas corrélées avec la nature ni le grade histologiques ;

– le VSC est également variable, mais présente un certain degré de corrélation avec le grade histologique, étant plus élevé dans les gliomes anaplasiques que dans ceux de bas grade ;

– dans tous les cas, l’OEF (et la CMRO2) est plus faible dans la tumeur que dans le cerveau sain, et n’est pas corrélée avec le grade histologique.

Cette dernière observation est intéressante car, d’un point de vue physiologique, elle tend à montrer que les tumeurs cérébrales ne sont jamais en situation d’ischémie, puisque leur consommation d’O2 est très inférieure à sa biodisponibilité régionale, et qu’elles sont au contraire dans une situation de « perfusion de luxe ».

Consommation de glucose :

Des études déjà anciennes sur cultures cellulaires ont montré que les tumeurs malignes avaient une augmentation de la glycolyse conduisant à la voie du lactate et non à la voie aérobie du cycle de Krebs, en raison de leur faible utilisation d’O2.

La mesure de la consommation de glucose cérébrale (CMRGlu) et tumorale est faite habituellement en utilisant un analogue du glucose, le 18-fluorodéoxyglucose (18FDG), dont le transport entre plasma et tissu et le métabolisme ont, avec ceux du glucose endogène, des relations mathématiques bien établies, permettant de faire une mesure quantitative absolue du paramètre physiologique lui-même (exprimé alors en mg ou en mmol de glucose consommé par 100 g de tissu/min).

Toutefois, en oncologie, les informations obtenues par une mesure semi-quantitative et donc relative, établissant le ratio de concentration tissulaire du radiopharmaceutique entre la tumeur et le tissu cérébral présumé sain, sont souvent mieux corrélées aux paramètres pertinents (notamment grade histologique et médiane de survie) que celles obtenues à partir des valeurs absolues du paramètre.

De nombreuses études ont montré que, dans le cas des astrocytomes, il existait une corrélation entre la CMRGlu, absolue mais plus encore relative, et le grade histologique de la lésion : les astrocytomes de bas grade ont une CMRGlu plus faible que celle de la substance blanche normale (laquelle est elle-même trois fois plus faible que celle de la substance grise normale), alors que les glioblastomes ont une CMRGlu qui peut atteindre ou dépasser celle de la substance grise normale.

Au sein d’un même grade histologique, il a été montré que le pronostic était significativement corrélé au ratio de concentration de 18FDG entre tumeur et tissu sain (RT/S).

Avec la méthode d’analyse proposée par deux équipes différentes, les patients dont le ratio RT/S est supérieur à 1,4 ont une médiane de survie environ quatre fois plus courte que ceux dont le ratio est inférieur à ce seuil.

Comme nous le verrons, ce type de constatation ne signifie pas nécessairement que les informations histologiques soient erronées ou imprécises, mais parfois sans doute qu’elles sont trop parcellaires, notamment dans le cas de biopsies stéréotaxiques orientées uniquement sur des données anatomiques.

Dans le cas des oligodendrogliomes, des travaux récents ont montré qu’il existait aussi une corrélation entre captation relative du 18FDG et grade histologique : les tumeurs anaplasiques (grade III de l’Organisation mondiale de la santé [OMS]) ont une captation significativement plus élevée (p < 0,01) que les tumeurs de bas grade (grade II de l’OMS).

Nous discuterons des différences entre gliomes des deux lignées cellulaires, astrocytaire et oligodendrogliale.

Enfin, bien qu’il s’agisse là d’un chapitre plus sujet à controverse, on a rapporté une corrélation entre captation de 18FDG et présence de critères d’anaplasie également dans le cas des méningiomes.

Captation des acides aminés :

Les observations réalisées in vitro suggèrent qu’il existe une relation entre croissance tumorale d’une part, captation et utilisation des acides aminés (AA) d’autre part.

Ceci est particulièrement vrai pour les AA neutres, dont il n’existe pas de production endogène, et qui sont apportés au tissu cérébral par des mécanismes de transport consommateurs d’énergie.

On a ainsi montré que la croissance d’une culture de cellules tumorales était inhibée lorsque l’on supprimait la méthionine du milieu de culture.

Le choix de l’AA traceur repose sur deux exigences, qui ne sont pas nécessairement compatibles l’une avec l’autre : d’une part la facilité et la reproductibilité de sa synthèse radiochimique, permettant son utilisation en routine clinique ; d’autre part la bonne connaissance des voies métaboliques auxquelles s’intègre le traceur une fois dans les tissus, et la possibilité d’en modéliser l’utilisation.

La 11C-Lleucine et la 18F-fluorotyrosine satisfont probablement à la première exigence, au moins dans le tissu cérébral sain, mais la modélisation de leur métabolisme dans le tissu tumoral reste à ce jour difficile et controversée.

En pratique, on donne donc la primauté à la première exigence, à laquelle satisfait pleinement la 11C-Lméthyl- méthionine (11C-MET), dont la synthèse a été l’une des premières décrites.

La captation et l’utilisation locale de 11C-MET est définie par référence à la dose totale injectée, ou à l’utilisation par une zone tissulaire cérébrale (présumée saine) de référence.

La 11C-MET est cependant beaucoup moins couramment utilisée que le 18FDG, avant tout pour des raisons économiques : en raison de la courte période du 11C (20 min), on ne peut explorer qu’un ou deux patients avec la dose obtenue lors d’une radiosynthèse, tandis que le 18F (2 heures de période) utilisé pour le marquage du FDG permet d’explorer quatre à cinq patients avec une seule radiosynthèse, au besoin même dans un laboratoire situé à une certaine distance.

Comme nous le verrons, la 11C-MET est pourtant un traceur plus efficace que le 18FDG en neuro-oncologie.

Plusieurs travaux ont montré que de nombreuses tumeurs cérébrales ont une captation d’AA supérieure à celle du cerveau sain.

Dans le cas des astrocytomes, une corrélation a été montrée entre cette captation et le grade histopathologique. Des travaux plus récents ont montré des différences hautement significatives de captation de 11C-MET entre diverses variétés de tumeurs cérébrales, différences dont nous verrons l’incidence pratique potentielle.

Métabolisme des acides nucléiques :

L’intérêt pratique potentiel d’une mesure in vivo de l’incorporation des acides nucléiques à l’acide désoxyribonucléique (ADN) des cellules tumorales est indiscutable, puisqu’elle permettrait de connaître de façon itérative et non invasive (ce qui n’est pas le cas des prélèvements nécessaires à l’analyse par biologie moléculaire) un paramètre directement lié à la croissance tumorale.

Deux traceurs ont été particulièrement proposés : la 18F-fluorodéoxyuridine, qui pénètre dans la plupart des tumeurs gliales, paraît être un bon marqueur de la synthèse d’ADN dans les modèles expérimentaux et a une captation corrélée au grade histologique dans les gliomes humains ; la 11C-thymidine qui a été surtout utilisée dans des modèles expérimentaux et pour l’exploration de tumeurs extraneurales, alors que son utilisation préliminaire dans les gliomes humains ne semble pas montrer de corrélation entre la captation du traceur et le grade histologique.

Dans les tumeurs récidivantes, la captation de 11C-thymidine paraît mieux corrélée à la croissance tumorale que celle du 18FDG.

Autres paramètres :

De nombreux autres paramètres physiologiques ont été explorés par la TEP en neuro-oncologie, avec des résultats d’un intérêt scientifique ou pratique très variable.

Nous en faisons un parcours rapide, renvoyant le lecteur à une autre revue pour davantage de détails et les références bibliographiques appropriées.

La barrière hématotissulaire (BHT), concept plus général que celui de barrière hématoencéphalique, peut être explorée : par le gallium 68 (68Ga) qui se lie à la transferrine plasmatique, et marque donc la perméabilité aux protéines de poids moléculaires élevé, quelle que soit la viabilité du tissu sous-jacent ; par le 68Ga-EDTA (éthylènediamine-tétra-acétique) ; par le rubidium 82 qui, tout comme le potassium, ne pénètre dans les tissus que si la BHT est perméable aux petites molécules et que les cellules sont viables (permettant donc théoriquement la distinction entre nécrose et tumeur active).

L’équilibre acidobasique et le pH tumoral sont des paramètres dont plusieurs travaux expérimentaux ont souligné l’importance dans la croissance tumorale et la réponse aux agents thérapeutiques.

En TEP, le pH tissulaire est mesuré en administrant un acide faible tels le 11CO2 ou le 11C-DMO (diméthyloxazolidine dione), qui passe la BHT mais ne s’accumule dans les tissus que lorsque leur pH est supérieur à celui du plasma.

Quelques études ont ainsi montré que le pH tissulaire des gliomes était, en fait, plus alcalin que celui du tissu cérébral normal. L’expression des récepteurs par les tumeurs cérébrales n’a pas encore donné lieu à des publications autres que préliminaires, dans la mesure où l’on connaît encore mal les relations existant entre cette expression telle qu’elle a pu être déterminée in vitro sur des prélèvements chirurgicaux et le pronostic ou la réponse au traitement.

Les récepteurs périphériques aux benzodiazépines, dont la densité régionale peut être mesurée par le 11C-PK11186, sont absents du tissu cérébral normal, mais sont abondants au niveau des astrocytomes.

Ils sont cependant peu spécifiques des processus tumoraux, puisqu’ils sont aussi exprimés dans la gliose réactionnelle qui circonscrit des lésions inflammatoires ou ischémiques.

Dans le cas des tumeurs suprasellaires, la mesure de la fixation du 11C-L-deprenyl permet de différencier les adénomes hypophysaires non sécrétants, qui ont une forte captation de ce ligand de la monoamine oxydase B, des méningiomes dans lesquels il se fixe au contraire très faiblement.

L’étude du métabolisme des polyamines s’est révélée décevante, lorsque l’on a constaté que la 11C-putrescine ne franchissait pas la barrière hématoencéphalique et avait une fixation non spécifique sur les tissus cicatriciels comme les tissus tumoraux, et qu’en tout état de cause, la putrescine exogène n’était pas incorporée au métabolisme des polyamines endogènes.

La mesure de la concentration intratumorale des drogues antimitotiques et de leur pharmacocinétique a porté sur divers agents, tels que nitroso-urées et cisplatine.

Mais le petit nombre de patients explorés n’a pas permis de mettre en évidence une relation claire entre la concentration locale de la drogue et la réponse clinique et radiologique à son administration thérapeutique.

Au travers des paragraphes précédents, il apparaît clairement que, parmi tous les traceurs disponibles en TEP neuro-oncologique, seul un très petit nombre s’est à ce jour révélé adapté à des investigations cliniques d’envergure.

En pratique, ce sont le 18FDG et la 11C-MET qui sont utilisés et qui ont apporté des informations notablement complémentaires de celles qui peuvent être obtenues par l’imagerie anatomique.

Ce sont donc les résultats de ces investigations que nous allons aborder maintenant.

Contribution de la tomographie par émission de positons à la prise en charge clinique des tumeurs cérébrales :

La TEP peut, dans certaines situations cliniques, être un outil complémentaire des méthodes neuroradiologiques et histologiques, permettant de mieux établir le diagnostic de nature et le pronostic général de la tumeur, de prédire puis évaluer sa réponse au traitement, enfin de différencier la récidive d’autres processus durant l’évolution.

A - VALEURS DIAGNOSTIQUES ET PRONOSTIQUES :

La valeur d’un paramètre métabolique donné n’est pas spécifique d’un type tumoral donné.

Par exemple, des valeurs élevées de captation d’AA s’observent aussi bien dans un méningiome, un schwannome ou un oligodendrogliome de bas grade, que dans un astrocytome anaplasique, un glioblastome, une métastase, voire un abcès ou la périphérie d’un hématome subaigu.

De même a-t-on observé une forte consommation de glucose dans différents types de tumeurs cérébrales malignes, primaires ou secondaires, mais également dans des abcès ou des hématomes subaigus non tumoraux.

C’est seulement en confrontant les paramètres métaboliques d’un côté, avec les données cliniques, radiologiques et histopathologiques de l’autre, qu’un diagnostic fiable peut être établi.

Chaque paramètre, considéré indépendamment des autres, peut conduire à des conclusions erronées, tant sur le plan diagnostique que pronostique.

Ainsi, la biopsie stéréotaxique peutelle être en défaut, particulièrement pour établir le grade correct de lésions qui sont très hétérogènes.

Leur exploration radiologique n’apporte pas toujours les indications qui permettraient d’en prélever la zone la plus anaplasique.

Au contraire, on a montré que la TEP permettait de définir, avec une grande fiabilité, la zone la plus agressive de la tumeur, qui est celle dont le métabolisme est le plus élevé, même si elle ne fixe pas le contraste ou le gadolinium.

À l’inverse, il peut y avoir captation de contraste dans des zones lésionnelles qui ne sont pas tumorales.

Dans le cas d’une tumeur dont les caractères cliniques, et surtout radiologiques (lésion hypodense, hypo-intense en T1, hyperintense en T2, ne prenant pas le contraste ni le gadolinium, n’exerçant qu’un effet de masse discret, et présentant éventuellement des calcifications), sont évocateurs d’un gliome de bas grade, la TEP associant FDG et MET permet d’orienter le diagnostic avec une forte probabilité dans le sens d’un astrocytome ou d’un oligodendrogliome.

En effet, il existe dans les deux variétés tumorales, par rapport au tissu sain, un hypométabolisme glycolytique, mais qui est plus prononcé dans le cas des astrocytomes ; la captation de méthionine, elle, est voisine de la normale dans les astrocytomes, mais très franchement augmentée dans les oligodendrogliomes, dans un rapport aux valeurs du tissu sain qui excède toutefois rarement 1,4 en moyenne et 2,5 au maximum.

Si la biopsie stéréotaxique d’un gliome présumé de bas grade conclut à un astrocytome, la réalisation d’un examen par TEP et FDG peut en définir le pronostic.

En effet, plusieurs travaux déjà cités ont montré que, dans une mesure partiellement indépendante du grade établi par l’histologie, il existe un seuil de ratio de captation au-delà duquel la médiane de survie est significativement plus courte.

Dans le cas d’un oligodendrogliome, la réalisation d’un examen par TEP et 11C-MET permet semblablement d’établir le grade et le pronostic : la captation de méthionine des tumeurs anaplasiques est significativement plus élevée (p < 0,0001) et plus dispersée que celle des tumeurs de bas grade, avec un faible recouvrement interindividuel des valeurs tant moyennes (ratios de 1,82 et 1,26 pour chaque population tumorale respectivement) que maximales (ratios de 4,00 et 2,20), ces différences étant hautement corrélées au pronostic.

Dans le cas des tumeurs de la base, la mesure de captation de 11C-MET permet de différencier méningiome et schwannome : le rapport de captation entre tumeur et cervelet sain est en moyenne de 3,63 pour le premier groupe, de 1,48 pour le second, sans recouvrement des valeurs individuelles.

Dans le cas des méningiomes, une corrélation positive a pu être établie entre la captation de 11C-MET avec les marqueurs immunohistochimiques de prolifération, de même qu’entre la captation de 18FDG et le risque de récidive.

B - ÉVOLUTION DE LA RÉPONSE AU TRAITEMENT :

L’imagerie anatomique n’apporte parfois que des informations ambiguës ou excessivement différées sur l’efficacité d’une thérapeutique donnée.

Une estimation plus précise et précoce de ce paramètre permettrait sans doute des ajustements thérapeutiques plus efficaces que ce n’est souvent le cas actuellement.

Pour identifier un résidu tumoral après exérèse chirurgicale, on a souligné l’intérêt de réaliser un scanner ou une IRM avec injection, dans les 48 heures qui suivent l’intervention.

Outre le fait que cette méthode n’a d’intérêt que pour les tumeurs qui prenaient le contraste en préopératoire, ce qui n’est pas le cas de la plupart des gliomes de bas grade, une étude a montré que, après lobectomie pour résection d’un foyer épileptogène non tumoral, on observait parfois une prise de contraste le long des berges de la cavité, démontrant la médiocre spécificité de ce paramètre.

Au contraire, on n’observe pas d’hypercaptation de 18FDG le long des berges de la cavité d’exérèse d’une lésion non tumorale.

Dans le cas de tumeurs ayant, avant l’intervention, une hypercaptation de 11C-MET, la persistance d’une zone de fixation anormale du traceur au décours de l’exérèse signe pratiquement l’existence d’un résidu tumoral.

L’étude des modifications métaboliques précoces induites par la radiothérapie et la chimiothérapie est justifiée par plusieurs modèles expérimentaux qui montrent que les modifications du volume tumoral sont précédées par des modifications métaboliques très précoces.

Ces modifications concernent la perfusion, le métabolisme glycolytique, la captation d’AA, et la synthèse d’ADN, mais elles ne se produisent pas simultanément, dépendant notamment du protocole utilisé.

Les travaux cliniques cherchant à corréler de telles modifications avec la réponse clinique tardive sont encore peu nombreux, contrairement à ce qui a été fait en oncologie générale.

Citons toutefois l’utilisation du 18FDG, dont tantôt la diminution de captation et tantôt son augmentation paradoxale après traitement par nitroso-urées a été corrélée à une bonne réponse clinique.

Récemment, une étude prospective a étudié la consommation de glucose tumorale (MRGlu) avant puis 14 jours après cure de temozolomide chez neuf patients ayant un gliome anaplasique récidivant, en confrontant les modifications métaboliques à la réponse objective à 8 semaines.

Les bonnes réponses ont été observées chez les patients qui avaient les valeurs préthérapeutiques de MRGlu les plus élevées, et chez qui la MRGlu a baissé de plus de 25 % dans les zones tumorales les plus actives métaboliquement.

Ces résultats sont encore très fragmentaires, et ne permettent pas de considérer que la valeur de la TEP comme marqueur prédictif de la réponse à la radiochimiothérapie soit pleinement établie, ni son utilisation systématique recommandée dans cette indication.

De nouvelles études, portant sur des populations tumorales beaucoup mieux circonscrites et définies, sont nécessaires avant que des propositions pratiques claires ne puissent être énoncées.

C - DIFFÉRENCIATION DE LA RÉCIDIVE TUMORALE ET DE LA RADIONÉCROSE OU AUTRE PROCESSUS NON TUMORAL :

Chez un patient ayant reçu de la radiothérapie pour une tumeur gliale, la survenue d’une aggravation clinique (par exemple, une fréquence accrue de crises comitiales), associée à des modifications des images en TDM ou IRM, pose parfois un délicat problème de diagnostic différentiel entre récidive tumorale et radionécrose ou cicatrice gliale non spécifique.

Ce diagnostic ne peut être établi de façon fiable par l’imagerie morphologique.

Dans les astrocytomes anaplasiques et les glioblastomes, la mesure de la consommation de glucose permet souvent de poser le diagnostic correct : la présence d’un foyer hypermétabolique au sein de la lésion est en faveur d’une récidive, tandis qu’un hypométabolisme est vraisemblablement l’expression d’une lésion principalement ou exclusivement nécrotique.

Lors du suivi d’oligodendrogliomes ou de gliomes mixtes, de bas grade ou anaplasiques, la 11C-MET est un traceur plus performant que le 18FDG : la présence d’un foyer d’hypercaptation de ce radiopharmaceutique est pratiquement toujours associée à une récidive, tandis qu’une captation normale ou basse exclut cette hypothèse.

Spécificité de la tomographie par émission de positons, méthodes alternatives et futurs développements :

Deux méthodes sont susceptibles, tout comme la TEP, de compléter en neuro-oncologie les informations obtenues par les méthodes d’imagerie anatomique : la TEMP et la spectroscopie par résonance magnétique (SRM) in vivo.

La TEMP, aisément accessible dans la plupart des établissements hospitaliers, permet de différencier tumeur et nécrose par l’utilisation de traceurs tels que le thallium 201 et le sestamibi, qui ne s’accumulent que dans les tissus dont les cellules sont viables, à condition que la BHT soit perméable, ce qui en limite l’intérêt pratique aux gliomes anaplasiques ou tout au moins la majorité d’entre eux mais exclut la quasi-totalité des gliomes de bas grade.

La SRM, en revanche, est une technique qui a considérablement progressé ces dernières années, définissant une sémiologie métabolique très discriminante des tumeurs intracrâniennes.

Le recul est cependant insuffisant pour savoir si elle est susceptible de se substituer à la TEP, là où celle-ci apparaît actuellement très performante, par exemple pour le diagnostic différentiel des gliomes de bas grade ou l’identification d’une progression vers un grade anaplasique, ni si elle a une résolution comparable pour la mise en évidence d’un processus pathologique très localisé.

Il est également trop tôt pour définir les complémentarités potentielles entre les deux méthodes.

La TEP elle-même est susceptible de développements, par la mise au point de nouveaux traceurs spécifiques de divers paramètres impliqués dans la croissance tumorale (angiogenèse, récepteurs, oncogènes), et par de nouvelles utilisations.

Parmi celles-ci, les techniques de neuronavigation 3D peropératoire, en fusionnant les images métaboliques avec les images anatomiques, permettent d’ores et déjà de centrer la résection tumorale sur la partie la plus agressive de la lésion, et donc probablement d’en augmenter la sélectivité et l’efficacité.

En résumé, nous recommandons les indications suivantes de la TEP en neuro-oncologie, qui nous paraissent les plus fondées au regard des travaux publiés et de l’expérience des centres qui ont un accès large à cette technique.

Pour les tumeurs extracérébrales (méningiomes, schwannomes) ou les tumeurs manifestement malignes (glioblastomes, métastases, lymphomes…), l’intérêt de la TEP dans le bilan initial et le suivi de la lésion n’est pas évident.

En particulier, puisque ce sont des lésions dont la BHT est habituellement largement perméable, une TEMP au thallium 201 peut orienter avec une assez bonne fiabilité le diagnostic différentiel entre nécrose postradique ou récidive.

Pour les gliomes présumés de bas grade, l’intérêt de la TEP nous semble majeur à toutes les étapes de la prise en charge : lors du bilan initial, avant ou après biopsie stéréotaxique, afin d’orienter le diagnostic de lignée cellulaire (astrocytome ou oligodendrogliome) et le grade (bas grade ou anaplasique), la TEP étant complémentaire des autres investigations ; lors de la surveillance, qu’il y ait eu ou non un traitement « agressif », pour déceler la récidive ou la progression vers un grade anaplasique d’une lésion initialement de bas grade.

À cet égard, une question souvent posée est celle de la fréquence avec laquelle on doit répéter les examens par TEP.

La réponse que nous proposons est la suivante : la TEP ne doit pas être programmée à date fixe, mais demandée lorsqu’il est nécessaire de comprendre les mécanismes d’une modification de la symptomatologie clinique (souvent, il s’agit d’une augmentation de fréquence des crises alors que le traitement anticomitial est inchangé) ou de l’imagerie anatomique (augmentation de volume, apparition d’une prise de contraste) et, ainsi que cela est illustré , dans la recherche d’un résidu tumoral après exérèse chirurgicale, la TEP étant infiniment plus sensible et spécifique que toutes les méthodes d’imagerie morphologique, voire que la biopsie stéréotaxique. Un dernier point doit être souligné : le choix du radiopharmaceutique.

En effet, il apparaît clairement que dans les gliomes, la 11C-méthionine apporte des informations plus discriminantes que le 18FDG dans pratiquement toutes les situations concrètes évoquées précédemment.

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